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Décisions

Cass. crim., 18 mars 2003, n° 02-83.740

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Angostini

Avocat général :

M. Chemithe

Avocats :

Me Cossa, SCP Waquet, Farge, Hazan.

Cass. crim. n° 02-83.740

18 mars 2003

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par le Comité National contre le Tabagisme, partie civile, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 3 mai 2002, qui l'a débouté de ses demandes, après relaxe d'Arnaud R., du chef de publicité illicite en faveur du tabac; - Vu les mémoires produits en demande et en défense;

- Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 355-24, L. 355-25 et L. 355-26 du Code de la santé publique et 591 et 593 du Code de procédure pénale;

" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé Arnaud R. des fins de la poursuite, mis hors de cause la société E. et débouté le Comité national contre le tabagisme, partie civile, de l'ensemble de ses demandes ;

" aux motifs que le prévenu fait valoir que le magazine " l'Auto-journal " édité par la société E., qui paraît une semaine sur deux, traite exclusivement de l'automobile et publie fréquemment des articles sur les comportements de Formule 1, qu'elle est dès lors amenée à publier, en illustration de ses articles rédactionnels, des photographies des véhicules ou des pilotes, et que toutes les vues où l'on voit apparaître des marques de cigarettes sur les voitures ou sur les combinaisons des pilotes ont été prises dans des pays où la publicité est autorisée ; qu'il indique également que la publication de ces photographies n'a donné lieu à aucun achat d'espace de la part des sociétés exploitant les marques de tabac et n'a donc procuré aucune rémunération à la société E. ; qu'il est constant, au vu des publications visées par la citation, que les photographies incriminées illustrent des reportages sur les compétitions de Formule 1, sur les écuries de course, sur les pilotes ou sur les voitures, que les marques de tabac qui sponsorisent ou parrainent les compétitions (en particulier Marlboro et West) apparaissent soit sur les voitures soit sur les combinaisons des pilotes; qu'ils est également établi qu'aucun article rédactionnel ne mentionne une marque de tabac ; qu'il n'est par ailleurs nullement établi, ni même allégué par la partie poursuivante, que la société E. ait un lien commercial avec les fabricants ou les diffuseurs de produits du tabac et qu'elle ait reçu la moindre contrepartie de leur part; que les photographies incriminées ne constituent donc pas des publicités directes en faveur du tabac ; que l'article L. 355-26 (devenu L. 3511-4) du Code de la santé publique définit la propagande ou la publicité indirecte de la façon suivante : " Est considéré comme propagande ou publicité indirecte la propagande ou la publicité en faveur d'un organisme, d'un service, d'une activité, d'un produit ou d'un article autre que le tabac ou un produit du tabac lorsque, par son graphisme, sa présentation, l'utilisation de la marque, d'un emblème publicitaire ou un autre signe distinctif, elle rappelle le tabac ou un produit du tabac " ; qu'au surplus, il résulte des débats parlementaires préliminaires à l'adoption de la loi Evin que le terme de propagande concerne " un produit dans sa globalité " (comme : "buvez du vin") tandis que la publicité recouvre une activité ayant pour objet de faire connaître une marque ; qu'en l'espèce, l'illustration par des photographies de reportages a pour objet l'information des lecteurs sur des événements sportifs, des pilotes ou des " écuries " de Formule 1 et non de faire connaître ou de promouvoir des marques de tabac dans une perspective commerciale d'incitation à l'achat; que les photographies incriminées ne sauraient donc être considérées ni comme une propagande ni comme une publicité indirecte en faveur du tabac ou des produits du tabac ; qu'en conséquence, l'élément matériel du délit visé à la prévention n'étant pas établi, il convient, en réformant le jugement déféré, de renvoyer le prévenu des fins de la poursuite exercée à son encontre ;

" alors que l'interdiction, par l'article L. 355-25 du Code de la santé publique, de toute propagande ou publicité, directe ou indirecte, en faveur du tabac, rendant illicite la publication de photographies d'objets portant la marque d'un fabricant de tabac ou de produit du tabac, la cour d'appel ne pouvait relaxer le prévenu des fins de la poursuite tout en constatant que la revue dont il était directeur de la publication avait publié différents articles illustrés de photographies qui faisaient apparaître à plusieurs dizaines de reprises la marque de fabricants de tabac";

Vu les articles L. 355-25 et L. 355-26, devenus L. 3511-3 et L. 3511-4, du Code de la santé publique; - Attendu qu'est interdite la propagande ou publicité en faveur d'un organisme, d'un service ou d'une activité lorsque, par l'utilisation d'une marque, d'un emblème publicitaire ou de tout autre signe distinctif, elle rappelle le tabac ou un produit du tabac

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la revue " l'Auto-journal " a, dans quatre numéros, publié des reportages sur des compétitions de sport mécanique illustrés par les photographies des véhicules et de leurs pilotes sur lesquelles apparaissent les noms des marques de cigarettes sponsorisant les différentes écuries ;que dénonçant, à cette occasion, une publicité illicite en faveur du tabac, le Comité national contre le tabagisme a fait citer devant le tribunal correctionnel, pour infraction à l'article L. 355-25, devenu L. 3511-3, du Code de la santé publique, le président de la société qui publie la revue;

Attendu que, pour relaxer le prévenu, les juges d'appel retiennent que l'élément matériel du délit n'est pas établi, lorsque, comme en l'espèce, l'illustration par des photographies a pour objet l'information des lecteurs et non de faire connaître ou de promouvoir des marques de tabac dans une perspective commerciale d'incitation à l'achat;

Mais attendu qu'en se prononçant ainsi, alors que l'article L. 3511-3 du Code de la santé publique n'incrimine pas seulement la propagande, mais aussi la publicité directe ou indirecte en faveur du tabac ou des produits du tabac et qu'on entend par publicité, au sens de ce texte, tout acte, quelle qu'en soit la finalité, ayant pour effet de rappeler ces produits ou leurs marques, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et du principe sus rappelé;D'où il suit que la cassation est encourue;

Par ces motifs : Casse et Annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Paris, en date du 3 mai 2002, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi; Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Versailles, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.