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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 18 décembre 1998, n° 1996-00600

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Directoire Noël France (SA)

Défendeur :

Publicat (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Leclercq

Conseillers :

M. Faucher, Mme Riffault

Avoués :

Me Cordeau, SCP Baskal

Avocats :

Mes Stoeber, Ortolland.

T. com. Paris, 10e ch., du 29 sept. 1995

29 septembre 1995

La société Directoire Noël France a interjeté appel d'un jugement contradictoire rendu le 29 septembre 1995 par le Tribunal de commerce de Paris qui a déclaré recevable l'action directe engagée contre elle par la société Publicat et l'a condamnée à payer à cette dernière la somme de 86 822,61 F avec intérêts au taux légal à compter du 4 février 1994 ainsi que 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elle expose qu'elle a confié directement et exclusivement à l'agence de publicité Médiata la diffusion d'une publicité de chaussures de la marque " Sledgers ", qu'à son tour l'agence Médiata a fait insérer l'encart publicitaire dans le magazine Télérama en contractant personnellement et directement avec l'agence Publicat et qu'à la suite de cette parution l'appelante a réglé à la société Médiata la totalité de sa facture, sans jamais avoir eu connaissance ni de la facture de la société Publicat, ni des conditions générales d'intervention de l'agence ni même de son existence.

Elle ajoute que l'agence Médiata a été son seul interlocuteur, que la société Publicat a adressé sa facture du 30 septembre 1992 à cette dernière après déduction d'une commission fixée à 15 % du prix de la prestation et que la société Médiata a établi sa propre facture qu'elle lui adressée directement et que l'appelante a immédiatement réglée.

Elle reproche à la décision entreprise de l'avoir condamnée à payer une deuxième fois en considérant que le contrat conclu avec l'agence Médiata s'analysait en un mandat alors qu'il s'agissait d'un contrat d'entreprise pour lequel la société Publicat ne disposait pas d'une action directe à son encontre, que le donneur d'ordre, en l'occurrence la société Médiata, ne pouvait pas agir à la fois en son nom propre et en qualité de mandataire de l'annonceur, et que la société Médiata a été réglée directement de sa prestation en qualité de commissionnaire ducroire de l'appelant.

Elle ajoute que les relations contractuelles des parties doivent être régies par les règles du Code des usages de la publicité qui stipule dans son article 36 que le rôle de l'agent de publicité se différencie du courtier par le fait qu'il facture lui-même au client et pour les supports auxquels il est ducroire, et en déduit que l'agence Publicat ne peut agir que contre l'agence Médiata, commissionnaire ducroire.

Elle demande à la cour d'infirmer dans toutes ses dispositions le jugement dont appel, de déclarer irrecevables et en tous cas mal fondée l'action de la société Publicat à son encontre, de la débouter de ses demandes, de la condamner à lui verser la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

La société Publicat, intimée, réplique que les premiers juges ont justement qualifié de mandat le contrat liant les parties, que la société Directoire Noël France ne rapporte aucun élément de nature à caractériser un contrat d'entreprise, qu'elle-même ne peut être considérée comme commissionnaire ducroire puisque l'appelante est citée dans tous les documents comme cliente et notamment dans le bon de commande adressé par l'agence Médiata à la société Publicat ainsi que dans la facture adressée par cette dernière à l'agence Médiata le 30 septembre 1992.

Elle ajoute qu'en la chargeant de l'insertion, l'agence Médiata l'a substituée dans son mandat et qu'elle bénéficie en conséquence d'une action directe contre l'annonceur.

Elle demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner la société Directoire Noël France.

Considérant que la société Directoire Noël France a chargé en 1992 l'agence de publicité Médiata d'assurer la publication d'une insertion publicitaire concernant ses produits, les chaussures de marques " Sledgers " ; que l'agence Médiata, agissant en qualité de mandataire de l'annonceur, a elle-même confié à l'agence Publicat le 23 juillet 1992 le soin de faire procéder à cette insertion dans le magazine Télérama ;

Considérant que cette insertion publicitaire ayant été effectuée dans le numéro du 23 septembre 1992 de ce magazine, la société Publicat a facturé le 30 septembre 1992 une somme de 86 822,61 F à l'agence Médiata,déduction faite d'une commission de 15 % ; que cette facture mentionne que le " client " concerné est " Chaussures Noël J. Sledgers " ;que la société Directoire Noël France a réglé à l'agence Médiata le 14 octobre 1992 la facture d'un montant TTC de 96 572,42 F que lui a adressée cette société, comprenant le paiement des 86 822,61 F susvisés ;

Considérant que l'agence Médiata ayant été mise en liquidation judiciaire le 24 décembre 1992, la société Publicat a procédé à la déclaration de la créance et adressé le 17 novembre 1993 une demande de paiement direct de ses prestations à la société Directoire Noël France, faisant valoir que les supports seraient en droit d'exiger le paiement direct de leurs prestations par les annonceurs ;

Considérant toutefoisqu'en facturant l'agence Médiata et non pas la société Directoire Noël dont elle savait qu'elle était le mandant donneur d'ordre, et en adressant la facture à l'agence Médiata en vue de son recouvrement sur la société Directoire Noël, la société Publicat lui a donné mandat d'en encaisser le montant pour son propre compte et a renoncé implicitement ce faisant à exercer son action directe contre le donneur d'ordrepour peu que celui-ci ait payé sa dette à l'agence Médiata ; que toute autre analyse impliquerait que la société Publicat soit autorisée à poursuivre un double paiement injustifiable de sa facture simultanément contre le donneur d'ordre et contre l'agence de publicité ;

Que la société Directoire Noël France s'est valablement libérée de sa dette par le paiement qu'elle a adressé à l'agence Médiata mandatée pour le recevoir ; que ce paiement a éteint sa dette ;

Qu'il convient d'infirmer le jugement entrepris ;

Considérant enfin que l'équité commande de condamner la société Publicat à payer la somme de 10 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions, Dit la société Directoire Noël France valablement libérée par le paiement qu'elle a adressée à la société Médiata, mandataire de la société Publicat créancière ; Condamne la société Publicat à payer à la société Directoire Noël France la somme de 10 000 F au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, La condamne aux dépens de première instance et d'appel, Admet Maître Cordeau, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.