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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 25 février 1998, n° 96-00851

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Massart (ès qual.), Espace Net (Sté)

Défendeur :

Office d'Annonces (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Jaubert (faisant fonction)

Conseillers :

Mme Percheron, M. Breillat

Avoués :

SCP Cossec, Me Huyghe

Avocats :

Mes Massart, Quenet.

T. com. Paris, 16e ch., du 24 oct. 1995

24 octobre 1995

La société Espace Net a conclu en 1992-1993 et 1994 des contrats avec la société Office d'Annonces (la société ODA) en vue de l'insertion dans l'annuaire France Télécom de la Mayenne et d'Ille-et-Vilaine d'encarts publicitaires pour les éditions respectivement de 1992 - 1993 et 1994. Une erreur s'est glissée dans l'édition 1992 - le numéro de téléphone y figurant était celui du concurrent direct de la Société Espace Net et la Société ODA a été condamnée à rembourser à sa co-contractante le coût de l'insertion et à lui payer une indemnité ; par ailleurs la société Espace Net a payé à la commande pour l'édition 1993 la somme de 6 997,40 F et pour le règlement du solde d'un montant de 13 994,80 F a envoyé postérieurement dix traites d'un montant chacune de 1 399,48 F payables du 20 mars au 20 décembre 1994, enfin elle a pour l'édition 1994 envoyé un chèque d'un montant de 5 307,35 F correspondant à la totalité du coût de la prestation. Le dernier encart publicitaire n'a toutefois pas été publié, la société ODA se prévalant des conditions générales ayant imputé le montant du chèque de 5 307,35 F sur le solde de l'édition 1993 demeuré impayé, ce, après en avoir informé la société Espace Net qui a maintenu sa commande pour l'édition 1994 et a adressé un chèque de 2 798,80 F et une traite d'un montant de 1 399,48 F (la société ODA avait préalablement retourné l'ensemble des traites) ne couvrant pas le montant les sommes restant dues. C'est dans ces conditions que la société Espace Net a assigné la société ODA devant le Tribunal de commerce de Rennes qui s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de Paris et que cette juridiction par jugement du 24 octobre 1995 a débouté de ses demandes Maître Massart ès-qualités de liquidateur de la société Espace Net et l'a condamné à payer ès-qualités à la société ODA la somme de 7 500 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Au soutien de l'appel qu'il a interjeté de cette décision, Maître Massart, reprenant les moyens soutenus en première instance par la société Espace Net, fait valoir que :

- les contrats de 1993 et 1994 étant distincts, la société ODA était tenue de publier l'encart publicitaire de 1994 dont elle avait reçu le paiement et a commis une faute lourde en ne remplissant pas cette obligation ; en tout état de cause, l'inexécution alléguée à l'encontre de la société Espace Net à savoir le non paiement du solde de la facture relative aux prestations exécutées pour l'année 1993 était de faible gravité voire d'aucune gravité puisque d'accord avec le gérant de la société ODA, la société Espace Net avait fait une proposition de paiement et ne justifiait donc pas la non exécution par la société ODA de ses obligations ;

- la clause résolutoire insérée au contrat conclu en 1994 ne dispensait pas la société ODA de saisir la juridiction compétente pour être libérée de son obligation conformément à l'article 1184 du Code civil faute de quoi elle ne pouvait suspendre l'exécution du contrat conclu en 1994 ;

- la société Espace Net a souscrit un contrat d'adhésion dans un domaine ne ressortant pas à sa spécialité et la clause résolutoire invoquée par la société ODA à l'appui de son refus de publier l'encart publicitaire de 1994 est manifestement abusive comme conférant à cette dernière qui a abusé de sa position de puissance économique un avantage excessif - ne pas exécuter un contrat en cours et affecter les règlements y afférents au paiement du solde débiteur de son client au titre de contrats antérieurs ;

- la carence de la société ODA à respecter ses obligations a fait perdre à la société Espace Net une chance de se redresser et de poursuivre son activité professionnelle.

Il prie la cour réformant le jugement déféré de condamner la société ODA à lui payer ès-qualités les sommes de 200 000 F à titre de dommages et intérêts et de 30 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société ODA oppose que :

- l'ordre d'insertion du 9 février 1994 prévoyait le complet paiement le jour même des sommes dues pour les éditions 1993 et 1994, or la société Espace Net a expédié tardivement (le 4 mars 1994) un chèque d'un montant de 5 307,35 F et dix lettres de change alors que le contrat passé pour l'édition 1993 restait impayé depuis le 10 août 1993 et que l'envoi des dix lettres de change était contraire aux engagements du 9 février 1994 et ne garantissait nullement la solvabilité de sa co-contractante qui avait des difficultés de trésorerie ;

- le seul fait pour la société Espace Net de n'avoir pas réglé le 9 février 1993 le contrat de l'édition 1994 justifiait l'application du principe de l'exception d'inexécution ainsi de plus d'une part le fait que les parties avaient lié l'exécution de l'ordre d'insertion 1994 au paiement des sommes dues au titre de l'édition 1993 et que la société Espace Net ne s'est pas même acquittée de cette obligation, d'autre part le principe que cette exception peut jouer pour des dettes et créances successives lorsque les parties entretiennent comme en l'espèce des relations d'affaires régulières ;

- elle a agi dans le strict respect des relations contractuelles (à savoir le dernier alinéa de la clause intitulée paiement) en se contentant de constater l'inexécution par la société Espace Net de ses obligations et en cessant de remplir les siennes sans décider de la résolution du contrat ce dont elle aurait pu se prévaloir dans la mesure où celle-ci était prévue au contrat ;

- la société Espace Net ne saurait bénéficier des dispositions de la loi du 1er février 1995 dès lors qu'elle n'était nullement placée dans un était d'ignorance assimilable à celui du simple consommateur ;

- Maître Massart ne saurait prétendre que la clause litigieuse invoquée a été imposée de façon abusive par un abus de position économique dès lors que le fait des suspendre l'exécution d'une obligation en raison du défaut de paiement du débiteur ne peut constituer un quelconque abus et qu'il ne caractérise ni le prétendu caractère abusif de la clause critiquée ni un prétendu abus de puissance économique de surcroît il ne communique pas la moindre pièce à l'appui de ses affirmations selon lesquelles la violation par elle de ses obligations aurait précipité la liquidation de la société Espace Net dont les difficultés sont antérieures et sans rapport avec le présent litige.

Elle conclut en conséquence à la confirmation du jugement déféré et à l'allocation de la somme de 15 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Cela étant exposé :

Considérant qu'il est acquis aux débats que le 9 février 1994, date à laquelle elle a signé le bon d'insertion pour l'édition 1994, la société Espace Net restait devoir à la société ODA la somme de 13 994,80 F au titre de l'édition 1993 qu'elle était contractuellement tenue de régler le 10 août 1993 et qu'elle devait payer le 28 février 1994 la somme de 5 307,35 F, montant du coût de l'insertion pour l'édition 1994 ;

Que Maître Massart ne rapporte pas la preuve que les parties avaient postérieurement au 5 avril 1993 convenu de modifier les conditions de paiement du solde d'un montant de 13 994,80 F de sorte que celles-ci sont celles qui viennent d'être rappelées ;

Considérant que le 4 mars 1994 la société Espace Net a adressé à la société ODA un chèque d'un montant de 5 307,33 F en règlement de l'insertion pour l'édition 1994 ainsi que dix lettres de change pour couvrir le solde du début de l'édition 1993 ;

Que par courrier en réponse du 4 mai 1994 la société ODA a rappelé à la société Espace Net que la facture de 13 994,80 F aurait dû être payée en août 1993, qu'elle avait signé le 9 février 1994 une commande avec la mention inexacte suivante "déclare avoir réglé le montant total de la commande souscrite" comprenant l'insertion litigieuse, que les conditions générales stipulaient par ailleurs "que tout retard ou défaut de paiement d'un contrat antérieur peut entraîner la résolution immédiate de tous contrats conclus entre l'ODA et son" client et que "tout solde débiteur d'un client relatif à un ordre d'insertion régulièrement exécuté pourra conduire l'ODA à suspendre toute relation commerciale avec ce client" et lui a en conséquence confirmé qu'elle ne "validait pas" le contrat de publicité édition 1994 de 5 307,35 F dès lors que la facture antérieure n'était pas encaissée, qu'elle retournait les effets et demandait de bien vouloir faire parvenir un chèque de 8 687,45 F par retour ;

Qu'en n'exécutant pas le contrat conclu le 9 février 1994 tant qu'elle n'obtiendrait pas le règlement immédiat par chèque du solde d'une facture antérieure, la société ODA n'a fait qu'appliquer la dernière des dispositions contractuelles susvisées ;

Considérant que Maître Massart soutient que les dites conditions constituent des clauses abusives ;

Que les parties dans le respect de la liberté contractuelle peuvent valablement convenir d'une connexité entre plusieurs contrats ;

Que la clause d'un contrat d'adhésion qui prévoit la suspension de l'exécution d'une obligation en raison du non paiement par le cocontractant du solde d'un contrat précédent ayant de plus pour objet la même nature de prestation ne caractérise donc ni un abus de puissance économique ni le caractère abusif de cette clause;

Que le jugement sera en conséquence confirmé ;

Considérant qu'il est équitable d'allouer à la société ODA la somme de 7 500 F au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Que Maître Massart qui succombe en ses prétentions sera débouté de sa demande formée à ce titre.

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement déféré, Y ajoutant, Dit que la somme de 7 500 F est allouée à la société Office d'Annonces au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ; Déboute Maître Massart ès-qualités de liquidateur de la société Espace Net de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Le condamne ès-qualités aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.