CE, 4e et 1re sous-sect. réunies, 28 septembre 1998, n° 161268
CONSEIL D'ÉTAT
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Afficaen (Sté)
Défendeur :
Hérouville-Saint-Clair (Commune)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Rapporteur :
M. Pignerol
LE CONSEIL : - Vu la requête, enregistrée le 30 août 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'État, présentée par la SARL Afficaen, dont le siège est à "Péricentre", 3-26 avenue Thiès à Caen (14000), représentée par son gérant ; la société Afficaen demande au Conseil d'État : 1°) d'annuler le jugement du 8 juin 1994 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 juin 1992 par lequel le maire d'Hérouville-Saint-Clair l'a mise en demeure de supprimer les dispositifs publicitaires implantés sur la portion de la route départementale 515 traversant le territoire de cette commune en direction d'Ouistreham ; 2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté ; (...) ; Vu le Code de la route ; Vu la loi n° 79-1150 du 29 décembre 1979 ; Vu le décret n° 76-148 du 11 février 1976 ; Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; Vu le Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 6 de la loi du 29 décembre 1979 : "En dehors des lieux qualifiés "agglomération" par les règlements relatifs à la sécurité routière, toute publicité est interdite, sauf dans les zones dénommées "zones de publicité autorisée" ; qu'aux termes de l'article R. 1er du Code de la route, dans sa rédaction issue du décret du 30 juin 1972 : "Le terme "agglomération" désigne un espace sur lequel sont groupés des immeubles bâtis rapprochés et dont l'entrée et la sortie sont signalées par des panneaux placés à cet effet le long de la route qui le traverse ou qui le borde" et qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 44 du même Code : "Les limites des agglomérations sont fixées par arrêté du maire" ;
Considérant que, par l'arrêté attaqué, le maire d'Hérouville-Saint-Clair a mis en demeure la société Afficaen de supprimer les dispositifs publicitaires implantés sur des parcelles construites en bordure d'une portion de la route départementale 515 traversant le territoire de la commune ; qu'il ressort des pièces du dossier que plusieurs ensembles de constructions, notamment à usage d'habitations, sont implantés à distance rapprochée le long de cette portion de voie ; que, dans ces conditions et alors même que le maire d'Hérouville-Saint-Clair n'aurait pas pris d'arrêté délimitant l'agglomération et qu'aucun panneau ne signalait l'entrée et la sortie de l'agglomération, les parcelles sur lesquelles étaient implantés les panneaux de la société Afficaen étaient incluses dans un espace sur lequel étaient groupés des immeubles bâtis rapprochés, devant donc être inclus dans l'agglomération de la commune d'Hérouville-Saint-Clair ; qu'ainsi le maire ne pouvait, sur le fondement des articles 23-1 et suivants de la loi du 29 décembre 1979, ordonner la suppression des panneaux publicitaires implantés sur les trois parcelles en cause;
Considérant que si le ministre de l'Environnement soutient que les mesures prescrites par l'arrêté attaqué auraient pu trouver également un fondement dans les dispositions de l'article 9 du décret du 11 février 1976 susvisé, les dispositions de ce décret qui ne confèrent pas aux autorités compétentes les mêmes pouvoirs que celles de la loi du 29 décembre 1979, n'auraient pu servir de base légale à l'arrêté attaqué ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Afficaen est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 juin 1992 par lequel le maire d'Hérouville-Saint-Clair l'a mise en demeure de supprimer les dispositifs publicitaires implantés en bordure de la route départementale 515 ;
Sur les conclusions du ministre de l'Environnement tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 : - Considérant qu'aux termes du I de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens" ; que ces dispositions font obstacle à ce que la société Afficaen, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à l'Etat la somme de 10 000 F qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Caen en date du 8 juin 1994 et l'arrêté du maire d'Hérouville-Saint-Clair en date du 10 juin 1992 sont annulés.
Article 2 : Les conclusions du ministre de l'Environnement tendant à ce que la société Afficaen soit condamnée à verser à l'Etat la somme de 10 000 F en application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Afficaen et au ministre de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement.