CE, 2e et 6e sous-sect. réunies, 12 mars 1999, n° 167449
CONSEIL D'ÉTAT
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Ecco (Sté), Colmar (commune)
Défendeur :
Fleck
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Rapporteur :
Mme Jodeau-Grymberg
LE CONSEIL : - Vu le jugement en date du 9 février 1995, enregistré au secrétariat du Contentieux du Conseil d'État le 27 février 1995, par lequel la Cour administrative d'appel de Nancy a transmis au Conseil d'État les demandes présentées à cette cour par la société Ecco et par la commune de Colmar ; Vu 1°), la demande enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy, le 12 mai 1993, présentée par la société Ecco, représentée par son directeur des affaires juridiques et sociales régulièrement mandaté et tendant à ce que cette cour : 1°) annule le jugement du 13 avril 1993 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé, à la demande de M. Fleck, les arrêtés en date des 7 juillet et 18 décembre 1992 par lesquels le maire de Colmar l'a autorisée à installer une enseigne sur un immeuble appartenant à M. Fleck ; 2°) rejette la demande présentée par M. Fleck devant le Tribunal administratif de Strasbourg ; 3°) condamne M. Fleck à lui verser la somme de 5 000 F au titre de l'article L. 8-1 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;Vu 2°), la demande enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy, le 14 juin 1993, présentée par la commune de Colmar, représentée par son maire en exercice et tendant à ce que cette cour : 1°) annule le jugement du 13 avril 1993 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé, à la demande de M. Fleck, les arrêtés en date des 7 juillet et 18 décembre 1992 par lesquels le maire de Colmar a autorisé la société Ecco à installer une enseigne sur un immeuble appartenant à M. Fleck ; 2°) rejette la demande présentée par M. Fleck devant le tribunal administratif de Strasbourg ; 3°) condamne M. Fleck à lui verser la somme de 5 000 F au titre de l'article L. 8-1 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; (...) ; Vu la loi n° 79-1150 du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et préenseignes ; Vu le décret n° 82-211 du 24 février 1982 portant règlement national des enseignes et fixant certaines dispositions relatives aux préenseignes ; Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; Vu le Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Considérant que M. Fleck a déféré au Tribunal administratif de Strasbourg, par la voie du recours pour excès de pouvoir, deux arrêtés du maire de Colmar en date du 7 juillet 1992 et du 18 décembre 1992 autorisant la société Ecco à installer une enseigne sur la façade de l'immeuble situé 12 route de Neuf-Brisach ; que la commune de Colmar et la société Ecco font appel du jugement dudit tribunal, en date du 13 avril 1993, en tant qu'il a annulé ces arrêtés ;
Sur la requête de la commune de Colmar : - Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la loi du 29 décembre 1979 relative à la publicité, au enseignes et préenseignes : "Sur les immeubles et dans les lieux mentionnés aux articles 4 et 7, ainsi que dans les zones de publicité restreinte, l'installation d'une enseigne est soumise à autorisation" ; qu'aux termes de l'article 20 de ladite loi "les autorisations prévues aux chapitres 1er et II ci-dessus sont délivrées au nom de l'Etat" ; qu'ainsi la commune de Colmar, alors même qu'elle avait été appelée par les premiers juges à produire des observations sur la demande susanalysée de M. Fleck, n'avait pas la qualité de partie à l'instance ; que, dès lors, ses conclusions d'appel dirigées contre le jugement par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé les arrêtés du maire de Colmar en date des 7 juillet et 18 décembre 1992 ne sont pas recevables ;
Sur la requête de la société Ecco : - Considérant que par son arrêté du 18 décembre 1992 le maire de Colmar s'est borné à confirmer son arrêté du 7 juillet 1992 accordant à la société Ecco une autorisation d'installer une enseigne ; qu'ainsi cette société qui avait d'ailleurs reçu notification de ce deuxième arrêté dont elle était bénéficiaire, n'est pas fondée à soutenir que, faute d'avoir communiqué ce second arrêté aux parties avant l'audience fixée au 7 janvier 1993, le tribunal administratif aurait méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 du décret du 24 février 1982, l'autorisation délivrée par le maire est accordée "après avis conforme de l'architecte des bâtiments de France lorsqu'elle concerne l'installation d'une enseigne sur un immeuble ou dans un lieu mentionné à l'article 4 de la loi du 29 décembre 1979 ainsi que dans un secteur sauvegardé ; après l'avis de l'architecte des bâtiments de France lorsqu'elle concerne l'installation d'une enseigne sur un immeuble ou dans un lieu mentionné à l'article 7 de la loi du 29 décembre 1979 , à l'exception des secteurs sauvegardés" ; qu'aux termes de l'article 7 de la loi du 29 décembre 1979 la publicité est interdite notamment "à moins de 100 mètres et dans le champ de visibilité des immeubles classés parmi les monuments historiques ou inscrits à l'inventaire supplémentaire" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier d'une part que l'immeuble situé 12 route de Neuf-Brisach n'est pas compris dans le secteur sauvegardé de la commune, d'autre part que, si cet immeuble est situé dans le champ de visibilité d'un monument historique, il est distant de 275 mètres environ du plus proche immeuble classé monument historique ou inscrit à l'inventaire supplémentaire; que, dès lors, les autorisations contestées n'étaient pas subordonnées à l'avis conforme de l'architecte des bâtiments de France;
Considérant, en second lieu, que les légères inexactitudes entachant les plans produits par la société Ecco, relatives à la dimension des fenêtres du premier étage de l'immeuble, étaient, dans les circonstances de l'espèce, sans incidence sur l'appréciation portée sur le projet par l'autorité administrative ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé, pour annuler les arrêtés des 7 juillet et 18 décembre 1992, sur la circonstance que, s'agissant d'un avis conforme, l'inexactitude des plans joints au dossier de la demande était de nature à fausser l'appréciation d'ordre esthétique qui devait être portée par l'architecte des bâtiments de France sur le projet d'enseigne ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'État, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Fleck tant devant le tribunal administratif de Strasbourg que devant le Conseil d'État ;
Considérant que si l'article 11-3 du règlement du plan d'occupation des sols dispose que les aménagements commerciaux "ne doivent être établis que dans la hauteur du rez-de-chaussée des immeubles", ces dispositions ne s'appliquent pas aux enseignes, dont l'installation est réglementée par le décret précité du 24 février 1982 et, à Colmar, par les prescriptions complémentaires contenues dans l'arrêté du maire en date du 31 août 1990 ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le règlement du plan d'occupation des sols aurait été méconnu, au motif que la partie supérieure de l'enseigne litigieuse est apposée contre la façade du premier étage, est inopérant ;
Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret du 24 février 1982 : "les enseignes apposées à plat sur un mur ou parallèlement à un mur ne doivent pas dépasser les limites de ce mur ni constituer par rapport à lui une saillie de plus de 0,25 mètre" ; qu'eu égard à la configuration de la façade de l'immeuble, les dispositions précitées de l'article 2 n'ont pas été méconnues ;
Considérant enfin qu'il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire qu'une autorisation d'installer une enseigne devrait faire l'objet d'un affichage en mairie ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Ecco est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé les arrêtés du 7 juillet 1992 et du 18 décembre 1992 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 : - Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que M. Fleck soit condamné à payer à la commune de Colmar, dont la requête n'est pas recevable, la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner M. Fleck à payer à la société Ecco la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Décide :
Article 1er : La requête de la commune de Colmar est rejetée.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 13 avril 1993 est annulé en tant qu'il a annulé les arrêtés du maire de Colmar en date des 7 juillet et 18 décembre 1992.
Article 3 : La demande présentée par M. Fleck devant le Tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Ecco est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Colmar, à la société Ecco, à M. Fleck et au ministre de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement.