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Décisions

TA Montpellier, 1re ch., 15 décembre 1993, n° 923367

MONTPELLIER

Jugement

PARTIES

Demandeur :

Comareg Midi (SA)

Défendeur :

Lattes (Commune)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Tatessian

Commissaire du gouvernement :

M. Canovas

Conseillers :

MM. Demarquet, Alfonsi

Avocats :

Me Granjon, SCP Coulombie-Gras.

TA Montpellier n° 923367

15 décembre 1993

LE TRIBUNAL: - Vu la requête enregistrée au greffe le 11 septembre 1992, sous le n° 923367, présentée pour la société Comareg Midi SA dont le siège est sis "Les Portes Forum", rue de l'Hostellerie - 30900 Nîmes tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Lattes en date du 27 janvier 1992 qui interdit sur le territoire communal la publicité relative aux messageries télématiques érotiques par voie d'affichage, et la distribution gratuite des journaux comportant une telle publicité, et à l'annulation de la décision implicite de rejet opposée par le maire de ladite commune à la demande d'abrogation de cet arrêté qui lui a été adressée le 22 avril 1992, ainsi qu'à la condamnation de la commune de Lattes à lui payer la somme de 10 000 F en application de l'article L. 8-1 du Code des Tribunaux Administratifs et des cours administratives d'appel. Vu l'acte attaqué et la demande d'abrogation de cet arrêté datée du 22 avril 1992. Vu enregistré le 29 avril 1993, le mémoire présenté pour la commune de Lattes qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société requérante à lui payer la somme de 10 000 F, TVA en sus, au titre de l'article L. 8-1 du Code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel. Vu les autres pièces du dossier, notamment la pétition et les autres documents produits le 25 novembre 1993; Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987; Vu le Code pénal; Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983; Vu le Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté municipal du 27 janvier 1992: - Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de la déclaration certifiée du maire de la commune de Lattes, établie conformément aux dispositions de l'article R. 122-11 du Code des communes, que l'arrêté dont s'agit a été affiché en mairie de Lattes à compter du 31 janvier 1992; qu'il s'ensuit que les conclusions susvisées enregistrées au greffe du tribunal le 11 septembre 1992, sont tardives et ne peuvent, dès lors, être accueillies;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet opposée par le maire de Lattes à la demande d'abrogation de l'arrêté du 27 janvier 1992: - Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête: - Considérant que l'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, est tenue d'y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l'illégalité résulte de circonstances de fait ou de droit postérieures à cette date; qu'en se fondant sur les dispositions de l'article 3 du décret du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers qui s'inspirent de ce principe, la société Comareg Midi a demandé le 22 avril 1992 au maire de la commune de Lattes d'abroger l'arrêté municipal du 27 janvier 1992 aux motifs que les pouvoirs de police générale du maire de l'autorisent pas à interdire la diffusion d'une publication sur le territoire de sa commune dès lors qu'il n'est pas établi que cette diffusion serait de nature à provoquer des troubles matériels sérieux à l'ordre public; que le maire de Lattes n'ayant pas répondu à cette demande dans le délai de quatre mois, il en est résulté une décision implicite de rejet que la société Comareg Midi a contestée dans le délai de recours contentieux;

Considérant qu'eu égard aux dispositions législatives qui organisent la liberté de la presse et répriment les atteintes aux bonnes moeurs qui seraient commises par voie de presse, il n'appartient au maire d'une commune de faire usage des pouvoirs généraux de police qu'il tient de l'article L. 131-2 du Code des communes que dans la mesure où la diffusion d'une publication sur le territoire communal est susceptible de provoquer des troubles matériels gravement préjudiciables à l'ordre public;

Considérant que pour établir que la distribution gratuite à Lattes de journaux ou de toute feuille d'information comportant de la publicité relative aux messageries télématiques érotiques serait susceptible de provoquer de tels troubles à l'ordre public, le maire de Lattes invoque une pétition qui aurait été signée par des personnes résidant sur le territoire de la commune au mois de juin 1992, soit à une date postérieure à l'arrêté dont l'abrogation a été demandée, ainsi que les réactions violentes de la part des signataires de cette pétition que serait susceptible de provoquer la diffusion de telles publications sur le territoire de sa commune; que l'existence des troubles allégués ne ressort pas des pièces produites par le maire de Lattes, ni d'aucune autre pièce du dossier; qu'il s'ensuit que l'arrêté du 27 janvier 1992 qui porte interdiction de la diffusion de telles publications sur le territoire de la commune de Lattes et qui ne saurait être regardé comme ayant trait au sens de l'article 283 et R. 38-10 du Code pénal, était illégal dès sa signature; qu'il y a lieu, en conséquence, d'annuler la décision implicite de rejet opposée par le maire de Lattes à la demande tendant à l'abrogation de cet arrêté;

Sur les conclusions présentées par la société Comareg Midi tendant à l'application des dispositions de l'article L. 8-1 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune de Lattes à payer à la société requérante une somme de 3 000 F au titre de l'article L. 8-1 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel;

Sur les conclusions présentées par la commune de Lattes tendant à l'application des dispositions de l'article L. 8-1 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel:

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 8-1 du code précité, le Tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge; que les conclusions présentées à ce titre par la commune de Lattes doivent dès lors être rejetées;

Décide:

Article 1er: La décision implicite par laquelle le maire de Lattes a rejeté la demande présentée par la société Comareg Midi tendant à l'abrogation de l'arrêté municipal du 27 janvier 1992 est annulée.

Article 2: La commune de Lattes est condamnée à payer une somme de 3 000 F à la société Comareg Midi SA au titre de l'article L. 8-1 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.

Article 3: Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4: Le présent jugement sera notifié à la société Comareg Midi SA et à la commune de Lattes.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Lu en audience publique le 15 décembre 1993.