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Décisions

CA Versailles, 9e ch., 8 juillet 1993, n° 629

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Union fédérale des consommateurs, Union féminine civique et sociale, ORGECO, Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, Procureur général

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Benmakhlouf

Conseillers :

M. Teboul, Mme Delafollie

Avocat :

Me Greffe.

TGI Nanterre, 15e ch., du 1er déc. 1992

1 décembre 1992

LA COUR,

Statuant sur l'appel de Patrick C et la Banque X, civilement responsable, appel portant sur l'ensemble des dispositions du jugement entrepris, et sur l'appel incident du Ministère opublic ;

Considérant que C a été cité sous la prévention d'avoir, courant 1992, à Neuilly-sur-Seine, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur le rendement réel d'un placement financier dit " X performance 1 " ; faits prévus et réprimés par l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973 et l'article 1er de la loi du 1er août 1905 ;

Considérant que le prévenu, présent et assisté, conclut à sa relaxe et, subsidiairement à l'application des dispositions de l'article 55-1 du Code pénal ;

Considérant que le Ministère public requiert la confirmation ;

Considérant que l'Union des consommateurs des Hauts de Seine, l'Union féminine civique et sociale et l'Organisation générale des consommateurs, représentées par le même avocat, concluent à la confirmation du jugement ainsi qu'au paiement à chacune d'entre elles de la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

Considérant que la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes fait défaut ;

Considérant que les appels, régulièrement interjetés dans les délais légaux, sont recevables en la forme;

Considérant que les premiers juges ont exactement relaté les faits ; qu'il en résulte notamment que, selon le procès-verbal de délit établi par les services de la répression des fraudes d'Orléans, une affiche, apposée en un certain nombre d'exemplaires, comportait des mentions présentées de façon très diverse : la mention " placement à " en lettres rouges et en caractères de 13 cm, la mention " 27% ", également en lettres rouges et en caractères de 50 cm, la mention " gagnez 27 % sans risque ", en mention " en 3 ans " à laquelle renvoyait la précédente mention au moyen d'un astérisque, était, quant à elle, inscrite en caractères de 4 cm et demi, dans le caractère inférieur gauche et dans une couleur blanche striée de lignes noires lui donnant l'apparence du gris ;

Considérant que l'examen de l'affiche fait apparaître que ces mentions sont surmontées d'une mention en lettres blanches " du 20 janvier au 6 février " ; que la place centrale est réservée à la mention " placement à 27 % " ; qu'il y a lieu d'observer que ladite mention n'est pas assortie du renvoi à la durée de 3 ans, seule la mention " gagnez 27 % sans risque " comportant ce renvoi ;

Considérant que le prévenu fait valoir que, pour promouvoir du 20 janvier au 6 février 1992 le " fond commun de placement " dont s'agit, à taux minimum garanti, la Banque X avait sélectionné les réseaux de panneaux disponibles de manière à privilégier les zones piétonnières ; que, ce faisant, les affiches n'étaient pas prévues pour être vues par des automobilistes ; que, toutefois, s'il résulte des pièces versées aux débats que de fait, les secteurs piétonniers étaient la " cible " de la banque, il n'en reste pas moins qu'elle avait accepté un réseau de diffusion plus étendu d'où il n'est nullement démontré que la circulation automobile ait été absente ;qu'à cet égard, il est manifeste que la mention de renvoi à la durée de 3 ans, exprimée, par rapport aux autres mentions, en très petits caractères, à un endroit et selon une couleur qui la rendait peu remarquable et même, pour un automobiliste, illisible, faisait courir aux lecteurs - et en conséquence aux consommateurs - le risque d'être induit en erreur ;

Considérant que le prévenu fait également valoir que le produit financier offert ne pouvait concerner qu'un consommateur d'un certain niveau ; que, toutefois, la publicité litigieuse, qui était faite non pas, par exemple, dans des revues spécialisées dans l'investissement mais en bordure de rues, s'adressait à un large public, ainsi que le montre également le fait qu'elle ne comportait aucune mention destinée à un public plus averti ;qu'en réalité, elle s'adressait à un consommateur moyen qui, n'étant pas nécessairement au fait des questions de placement de capitaux, pouvait penser que le pourcentage d'intérêt annoncé lui serait annuellement servi ;qu'il importe eu à cet égard qu'ainsi que l'affirme le prévenu, le fond commun de placement dont s'agit ait été " le meilleur produit ", ni que un taux de 27 % sur un an soit " inconcevable ", ni qu'aucun consommateur se soit plaint ou que la compagne incriminée ait représenté un investissement dérisoire ; qu'il suffit en effet de constater que par son caractère équivoque et ambigu ladite publicité pouvait induire en erreur le large public auquel elle s'adressait et qui, en tant que tel, n'était pas nécessairement averti des règles, même élémentaires, relatives aux placements financiers ;que, de même, il importe peu que ladite publicité ait recueilli l'avis favorable du BVP ou l'aval de la COB, ces avis concernant un film publicitaire ainsi qu'une fiche de souscription et une note d'information, tous éléments qui même s'ils reprenaient à l'identique les éléments de l'affiche ne peuvent être appréciés de la même façon que celle dont cette dernière pouvait être perçue par le public ;

Considérant, d'ailleurs, que dès le 12 février 1992, la COB appelait l'attention sur la nécessité de mentionner dans les messages publicitaires le taux de rendement actuariel annuel brut garanti et précisait que toute autre information relative à la rémunération garantie devrait figurer en caractères moins apparents sur les supports écrits et être exprimée en termes plus discrets sur tout autre support ;

Considérant, enfin, que le prévenu observe que la Direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes des Hauts-de-Seine a versé aux débats une note du 22 octobre 1992 dans laquelle elle est estimait qu'aucun investisseur ne pouvait croire à l'existence d'une rentabilité annuelle de 27 % sans risque ; que, toutefois, il importe d'observer qu'en l'espèce, c'est le consommateur qui, selon le service compétent du Loiret, pouvait courir le risque d'être induit en erreur ; qu'au demeurant, le service administratif des Hauts-de-Seine n'avait pas manqué de conseiller à la Banque X, qui avait modifié sa publicité, de se référer de préférence à des taux annuels ;

Considérant, en définitive, que les premiers juges ont a juste titre estimé que la publicité dont s'agit n'était pas mensongère mais qu'en revanche elle était de nature à induire en erreur le consommateur ;qu'ils ont donc à bon droit retenu la culpabilité du prévenu au titre de l'affiche publicitaire critiquée et qu'ils lui ont infligé une amende qui apparaît adaptée à l'infraction commise ;

Considérant, de même, que les mesures de publication prononcées sont justifiées par les circonstances de l'espèce ; qu'il y a lieu, dès lors, de rejeter la demande présentée à titre subsidiaire par le prévenu sur le fondement de l'article 55-1 du Code pénal ;

Considérant, enfin, que les dispositions civiles, qui n'ont pas été contestées, doivent être confirmées ; qu'en revanche, l'équité ne commande pas de faire droit à la demande de la partie civile sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

Par ces motifs : Statuant publiquement, contradictoirement à l'égard de Patrick C, de la Banque X, de l'UFC, de l'UFCS, et de ORGECO et par défaut à l'égard de la DGCCRF ; En la forme : Reçoit les appels ; Au fond : Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires.