CA Angers, ch. corr., 14 janvier 1993, n° 424-92
ANGERS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Ministère public
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gauthier (faisant fonction)
Conseillers :
MM. Jegouic, Lemaire
Avocat :
Me Duneigne.
LA COUR :
Le prévenu Ghislain V et le Ministère public ont interjeté appel d'un jugement du Tribunal correctionnel de Saumur du 27 juin 1991, qui, pour publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, a condamné Ghislain V à la peine d'amende de 50 000 F et ordonné aux frais du condamné la publication par extraits de la décision dans les journaux La Nouvelle République et le Courrier de l'Ouest.
Régulièrement cité, le prévenu est présent, assisté d'un conseil qui dépose des conclusions. Il sollicite sa relaxe en raison des éléments suivants :
1) les superficies des parties non construites affectées au parc et aux terrasses dépassent 5 000 m2,
2) le prévenu est promoteur et non hôtelier. Il n'avait donc pas à meubler la salle de télévision et la bibliothèque. La même observation est valable pour la salle de kinésithérapie et la salle d'examen du médecin,
3) les locaux permettent un service d'infirmerie 24 h sur 24, et, si ce problème n'a pas été résolu, c'est parce que l'assemblée générale de l'association de gestion s'y est opposée,
4) les prix de journées annoncés étaient ceux pratiqués en 1987 et ne pouvaient donc être appliqués en 1990.
Le Ministère public requiert la confirmation, avec une réserve, éventuelle, pour ce qui concerne la superficie du parc.
Ghislain V est prévenu d'avoir à Saumur et en tous cas dans la circonscription judiciaire de Saumur, au cours du premier semestre 1990, et notamment en janvier 1990, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur l'existence, la nature, la composition, les qualités substantielles et le prix d'un bien ou d'un service en l'espèce :
- sur l'étendue et la nature d'un parc boisé de 5 000 m2,
- sur l'étendue d'une salle de télévision, d'une bibliothèque, d'un complexe médical avec chambre d'hospitalisation,
- sur l'existence d'un service d'infirmières 24 heures sur 24 en liaison rapide avec des médecins et sur le prix du séjour à la Résidence X.
Il résulte de la procédure et des débats les faits suivants :
Le 20 février 1990 et le 27 juin 1990, la résidence " X " est visitée par des fonctionnaires de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes qui constatent que certaines prestations annoncées dans la revue " Notre temps " de janvier 1990 et dans les dépliants distribués au bureau des ventes ne sont pas réalisées.
Le parc de 5 000 m2 ne fait que 4 529,06 m 2 et les photos jointes aux procès-verbaux montrent qu'il est impropre à la destination annoncée.
La salle de télévision ne comportait pas de téléviseur le 20 février 1990, la bibliothèque ne possédait aucun volume fourni par le gestionnaire.
Le complexe médical ne comprenait que deux chambres aménagées au lieu de quatre prévues sur le plan.
La salle de kinésithérapie et la salle d'examen du médecin étaient vides d'équipement.
Le service d'infirmières 24 h sur 24 h n'est assuré, en réalité, que le matin.
Enfin, les frais de fonctionnement annoncés le 20 février 1990 dans le dépliant n'étaient pas de 1 700 F et de 1 800 F par mois mais de 2 000 et 2 100 F.
Le 27 juin 1990, les charges mensuelles annoncées au bureau de ventes étaient de 2 100 F pour une personne et de 4 000 F pour deux personnes alors qu'en réalité elles étaient de 2 131,50 F et de 4 060 F.
En ce qui concerne le parc :
Le prévenu soutient que la superficie du parc n'est pas de 4 529,06 m2 comme l'indique le procès-verbal de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes mais largement supérieure à 5 000 m2 si l'on tient compte du jardin suspendu qui doit être inclus dans le parc.
Outre que l'argument ne lui paraît pas probant, la cour observe que dans la brochure jointe au dossier de la procédure il est fait mention d'un parc " de près d'un hectare ", ce qui laisse à penser que les données fournies au client par le promoteur étaient plus qu'approximatives.
Sur ce premier point, la cour considère que la fausseté de l'information est établie.
En ce qui concerne les services offerts :
L'argumentation du prévenu qui soutient qu'étant promoteur et non hôtelier, il n'avait pas à meubler la salle de télévision, le complexe médical et la bibliothèque est particulièrement spécieuse dans la mesure où le client, au vu de la publicité qui lui était faite, ne pouvait qu'être persuadé que ces services effectifs lui étaient offerts.
Sur le deuxième point, la cour considère que la fausseté de l'information est établie.
En ce qui concerne les tarifs :
S'il est exact, comme le soutient le prévenu, que les prix indiqués étaient référencés par rapport à des prix appliqués en 1987 dans la résidence Y, il n'en demeure pas moins que le libellé de la brochure pouvait laisser croire au client éventuel qui n'était pas encore censé réactualiser lui-même les prix, que ces prix étaient encore en vigueur en 1990.
Sur ce troisième point la cour considère que la fausseté de l'information est établie.
Dès lors, en raison de ce qui précède, la cour confirmera le jugement entrepris sur la déclaration de culpabilité.
Sera confirmée également la mesure de publication ordonnée qui est expressément prévue par la loi.
En revanche, compte tenu du fait que le prévenu n'a jamais été condamné, la cour réformera le jugement entrepris sur la peine principale en réduisant l'amende à 30 000 F.
Par ces motifs : Statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité et sur la mesure de publication, Réformant sur la peine d'amende, Condamne le prévenu à une amende de trente mille francs (30 000 F), Le condamne aux dépens, Ainsi jugé et prononcé par application des articles 44-I, 44-II alinéas 7, 8, 9, 10 de la loi 73-1193 du 27 décembre 1973 et 1er de la loi du 1er août 1905, 473 du Code de procédure pénale.