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Décisions

CA Lyon, 7e ch., 1 décembre 1993, n° 587

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Procureur général, Chambre Syndicale de l'Industrie du Cuir de Mazamet, Union de la Mégisserie Française

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dulin

Conseillers :

MM. Fayol-Noiretter, Gouverneur

Avocats :

Mes Delsart, Soulier, Bouyssou, Lafarge.

TGI Lyon, 5e ch., du 21 févr. 1992

21 février 1992

Par jugement en date du 21 février 1992, le Tribunal de grande instance de Lyon,

Statuant sur les poursuites diligentées à l'encontre des deux prévenus des chefs d'avoir:

- S Elisabeth épouse F en qualité de PDG de la SA Z,

1) courant 1988 et notamment le 6 février 1988, réalisé et diffusé dans la revue " Fourrure et Cuir " une publicité comportant des allégations fausses ou de nature à induire en erreur sur la nature, la composition, les qualités substantielles et propriétés de vêtements, en l'espèce sous une photographie présentant une ligne de lingerie les mentions " Z ": lingerie en cuir ", alors que cette matière n'entrait pas dans la composition du textile;

2) en 1987, 1988 et 1989, réalisé et diffusé une publicité par voie d'étiquetage comportant des allégations fausses ou de nature à induire en erreur sur la nature, la composition, les qualités substantielles et propriétés de vêtements, en l'espèce en utilisant le terme " cuir " pour désigner la composition d'articles de lingerie imitant cette matière, alors que le produit textile servant à la fabrication de ces articles n'en contenait pas;

3) dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, trompé ou tenté de tromper le cocontractant sur la nature, la composition, les qualités substantielles et propriétés de vêtements, en l'espèce en mettant en vente des articles de lingerie fabriqués sous licence par la SA X et portant la marque Z, accompagnés d'un étiquetage indiquant le terme " cuir ", alors que le produit textile servant à la fabrication de ces articles ne contenait pas cette matière;

- C Guy en qualité de PDG de la SA X,

En 1987, 1988 et 1989, réalisé et diffusé par voie d'étiquetage comportant des allégations fausses ou de nature à induire en erreur sur la nature, la composition, les qualités substantielles et propriétés de vêtements, en l'espèce en utilisant le terme " cuir " pour désigner la composition d'articles de lingerie imitant cette matière, alors que le produit textile servant à la fabrication de ces articles n'en contenait pas;

Dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, trompé ou tenté de tromper le cocontractant sur la nature, la composition, les qualités substantielles et propriétés de vêtements, en l'espèce en mettant en vente des articles de lingerie fabriqués sous licence par la SA X et portant la marque Z, accompagnés d'un étiquetage indiquant le terme " cuir ", alors que le produit textile servant à la fabrication de ces articles ne contenait pas cette matière:

A:

Renvoyé Guy C des fins de la poursuite sans peine ni dépens,

Mis hors de cause la SA X en sa qualité de civilement responsable de C,

Relaxé Elisabeth S épouse F du chef de la poursuite relative à la parution et à la diffusion dans la revue " Fourrure et cuir " d'une publicité de nature à induire en erreur sur la nature et la composition de vêtements mentionnés Z,

L'a déclaré coupable des autres délits qui lui sont reprochés pour les années 1987 et 1988.

Et par application des articles 44 de la loi du 27 décembre 1973, 1er de la loi du 1er août 1905, 463 du Code pénal, 749, 750 du Code de procédure pénale, a condamné:

Elisabeth S épouse F à:

Cent mille francs d'amende,

A mis hors de cause la SA Z en sa qualité de civilement responsable,

A ordonné la publication par extraits du jugement, aux frais de la condamnée dans " Le Figaro ", " Le Monde ", " Ouest-France " et " La Dépêche du Midi ", le coût de chaque insertion ne devant pas excéder 5 000 F hors taxe.

Le même jugement a condamné la prévenue aux dépens et a fixé la durée de la contrainte par corps conformément à la loi.

Sur appels réguliers du Ministère public et de la prévenue Elisabeth S épouse F, la cour de céans, statuant par défaut à l'encontre de la prévenue par arrêt en date du 2 décembre 1992 a:

Ordonné la disjonction des poursuites à l'encontre de Guy C et de la société X SA, prise en qualité de civilement responsable de ce prévenu, et renvoyé contradictoirement l'affaire pour qu'il soit débattu et statué sur les poursuites diligentées à leur encontre à l'audience du mercredi 10 février 1993 à 13 heures 30 de cette même chambre correctionnelle,

Confirmé en leur intégralité les dispositions pénales et civiles du jugement du 21 février 1992 du Tribunal correctionnel de Lyon concernant Elisabeth S épouse F, sauf à constater qu'elle s'est rendue coupable des infractions poursuivies en ses qualités de dirigeant des sociétés Z SA et X SA, et à porter à 140 000 F le montant de l'indemnité allouée aux parties civiles en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

Réformant ledit jugement en son surplus,

Déclaré la société Z SA civilement responsable d'Elisabeth S épouse F,

Mis hors de cause la société X SA en ce qui concerne la responsabilité civile du fait de cette prévenue,

Condamné in solidum Elisabeth S épouse F et la société Z SA aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'aux frais des actions civiles,

Fixé en tant que de besoin la contrainte par corps conformément à la loi,

Le tout par application des articles 44 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973, 1er de la loi du 1er août 1905, 1er de la loi du 25 juin 1936 et 187 du décret du 14 mars 1973, 463 du Code pénal, 410, 412, 473, 475-1, 485, 487, 509, 512, 513, 514, 749 et 750 du Code de procédure pénale.

Sur quoi, LA COUR

Attendu qu'Elisabeth S épouse F a régulièrement fait opposition par lettre en date du 15 janvier 1993, reçue le 19 janvier 1993 au parquet général, aux dispositions de l'arrêt du 2 décembre 1992 de la Cour d'appel de Lyon, qui ne lui avait pas encore été signifié; qu'elle comparait aux débats, que son opposition met à néant ledit arrêt rendu par défaut en ce qui la concerne, et qu'il convient de statuer à nouveau sur le mérite de son appel et sur celui du Ministère public, à son encontre et à l'encontre de son co-prévenu Guy C, dont le cas avait été disjoint par l'arrêté précité, régulièrement relevés dans les formes et délais légaux;

Attendu qu'il résulte de l'information et des débats les faits suivants:

Le 4 février 1988, François Martin, agissant ès qualité de président de la Chambre Syndicale de l'Industrie du Cuir de Mazamet, adressait à la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DCCRF) du département du Tarn un slip féminin de marque Z, modèle brésilien, qu'il avait acheté avec une étiquette comportant la mention " 48 % Cuir, 43 % Polyuréthanne, 9 % Polyamide " et qui, d'après une analyse réalisée par le Centre Technique du Cuir de Lyon, ne comportait aucune trace de cuir, de quelque type que ce soit, mais était réalisé à partir d'un polyuréthanne coagulé sur jersey.

A la même époque, était publié dans le revue " Fourrure et Cuir " datée du 6 février 1988 un article rendant compte d'une exposition de fourrures et de cuirs au Grand Palais à Paris, accompagné d'une photographie de mannequin portant un bustier et un slip, avec la légende " Z - Lingerie en Cuir ".

Les fonctionnaires de la DCCRF achetaient pour les besoins de leur enquête:

- le 18 février 1988, dans un commerce d'Albi, trois exemplaires d'un soutien-gorge modèle Fièvre Z, de marque Z, portant sur l'étiquette la mention " 48 % CU, 43 % polyuréthanne et 9 % polyamide " qui après analyse ne s'avérait pas correspondre à la réalité, par suite d'une insuffisance de cupro (cellulose régénérée) et d'un excédent de polyamide,

- le 14 juin 1988, dans une boutique de Mazamet, trois exemplaires d'un slip modèle Fiévreux, de marque Z, portant une étiquette annonçant la composition " 48% cuir skin, 43 % polyuréthanne et 9 % polyamide nylon " non conforme à la texture réelle du produit, en l'absence de toute matière protéinique, et donc de cuir.

Les factures présentées par les commerçants, sur papier à en-tête " Lingerie Z Paris ", révélaient que ces six articles avaient été achetés auprès de la société SA X, sise <adresse>à Lyon, et comportaient également, dans la colonne composition, les mêmes indications que celles, erronées, figurant sur les étiquettes.

Guy C était entendu le 1er décembre 1988 en sa qualité de président directeur général de la SA X. Il déclarait que cette société élaborait les références " Fièvre " et " Fiévreux " à partir des produits fabriqués à Saint-Gall (Suisse) par la société M sous les appellations A jusqu'à la fin de l'année 1987, puis E depuis le début de l'année 1988 et il présentait les factures d'achats correspondantes, comportant les annotations 48 % CU et " imitation cuir ". Il ajoutait qu'il était l'importateur de ces références A et E et qu'il n'avait jamais réalisé le moindre contrôle de composition sur ces produits; enfin, il reconnaissait que, lors du lancement de la fabrication, un millier de pièces environ avaient été livrées pour être commercialisées avec des étiquettes imprimées comportant le terme cuir-skin; il soutenait toutefois avoir modifié l'étiquetage lorsqu'il s'était aperçu de son erreur provenant, selon lui, d'une mauvaise lecture de la mention " imitation cuir " sur les factures de la société M.

Les fonctionnaires constataient cependant qu'un modèle de démonstration détenu en salle d'exposition de la société X comportait encore cet étiquetage " Cuir-Skin " le 1er décembre 1988. Entendu ultérieurement par les services de police, C prenait connaissance des analyses réalisées par la DCCRF du Tarn, ne sollicitait pas d'expertise contradictoire et reconnaissait les infractions de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue, d'usage illicite du terme cuir et de publicité mensongère par voie d'étiquetage, mais non celle constituée par la présentation de l'article paru dans la revue Fourrure et Cuir.

L'enquête se poursuivait à Paris, au siège de la société Z SA, Laurence T, responsable du service juridique de cette société, déclarait que la fabrication des produits de prêt-à-porter vendus sous cette marque était confiée à des entreprises liées par des accords de licence leur concédant l'utilisation de la marque pour des produits et sur des territoires déterminés, et que la société X était la seule licenciée en France pour la lingerie griffée " Z ". Elle affirmait que la société X, qui achetait le tissu et fabriquait les articles, n'avait jamais réalisé de lingerie en véritable cuir, mais qu'elle lui avait cependant soumis le tissu imitant le cuir pour approbation stylistique. Elle prétendait enfin que, dans le cadre du contrat de licence, la société Z ne donnait aux entreprises que des indications de tendance et de style, mais elle ne pouvait remettre aux enquêteurs une copie du contrat de licence prétextant l'absence d'accord de la présidente de la société, Elisabeth F. Les enquêteurs pouvaient cependant en obtenir un exemplaire ultérieurement.

Pour sa part, la gérante de la SARL Le Courrier de la Fourrure, éditrice de la revue Fourrure et Cuir, précisait que l'article paru le 6 février 1988 avait été rédigé à partir des dossiers de presse fournis par les sociétés citées dans ledit article et que la légende accompagnant la photographie avait été recopiée d'après les mentions figurant au dos de celle-ci.

Etait également entendu Alain C, président directeur général de la SA Z depuis le 15 décembre 1989, qui précisait que la directrice précédente était Elisabeth F, laquelle était également actionnaire majoritaire de la société Y SA et propriétaire de la société X SA, et qui indiquait en outre:

- qu'à l'époque des faits, la signature d'un contrat de licence entre les sociétés X et Z était purement formelle, puisque toutes deux étaient dirigées par Elisabeth F, et que la seconde ne servait qu'à donner son nom aux produits fabriqués par l'autre,

- que la publicité de la société B était confiée au service de presse de la société Y pour la lingerie féminine, mais qu'en réalité, en ce domaine, toutes les directives émanaient de la société X et donc d'Elisabeth F,

- que l'ensemble des infractions relevées semblait incomber à cette dernière, compte tenu du mode de gestion particulier utilisé pour les trois sociétés.

C remettait aux enquêteurs une photocopie de la photographie parue le 6 février 1988 et de son verso comportant les mentions:

Lingerie Z

Bustier avec bretelles en cuir: Félin

Slip brésilien en cuir: Fiévreux

Ainsi que les copies de trois factures adressées à la société X par des photographes et stylistes, pour le compte des sociétés Y et Z.

Elisabeth S épouse F, qui réside habituellement à Montréal (Canada), n'a jamais été entendu sur ces infractions, tant au cours de l'enquête que devant le tribunal.

Lors des débats devant la cour, cette prévenue soulève par conclusions, à titre principal, la prescription de l'action publique, en ce qui concerne les poursuites diligentées à son encontre en sa qualité de PDG de la société X, et sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il l'a relaxée en sa qualité de PDG de la société Z, mais sa réformation en ses dispositions l'ayant reconnue coupable des infractions concernant l'étiquetage aux motifs qu'à cette époque, elle n'assurait pas la présidence de la société X.

A titre subsidiaire, elle fait plaider sa relaxe, faute de preuve d'une quelconque faute qu'elle aurait commise en sa qualité de PDG de la société X entre le 7 mars 1988 et le 30 juin 1988.

Guy C demande également à la cour de confirmer le jugement du 21 février 1992 du Tribunal correctionnel de Lyon qui l'a relaxé de l'ensemble des infractions dont il était poursuivi; il soutient qu'à compter du 17 juin 1985, Elisabeth F l'avait remplacé dans ses fonctions de PDG de la société X, et que, s'il était devenu à cette date directeur général non administrateur, ses pouvoirs réels étaient très limités, qu'il n'avait plus la responsabilité du choix des matériaux, des dessins, ni même des approvisionnements. Il rappelle en outre qu'Elisabeth F, PDG de la société, n'a jamais rapporté la preuve, ni même allégué l'existence d'une délégation de pouvoirs qu'elle lui aurait consentie à l'époque des faits incriminés.

La société X SA sollicite pour sa part qu'il soit constaté qu'en l'absence d'appel interjeté à son encontre, le jugement déféré est devenu définitif en ce qu'il l'a mise hors de cause en sa qualité de civilement responsable de Guy C, et qu'elle n'a jamais été citée comme civilement responsable d'Elisabeth F.

Les parties civiles concluent à la confirmation de la décision entreprise, sauf à voir porter à 10 000 F le montant de l'indemnité qui leur a été allouée en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Discussion et motifs de la décision:

A- Sur la procédure:

Attendu qu'il a été contradictoirement statué à l'encontre de la société Z SA, prise en qualité de civilement responsable d'Elisabeth F, par l'arrêt du 2 décembre 1992, contre lequel cette société a formé un pourvoi en cassation; que cette partie n'est donc plus concernée par l'actuel litige devant la cour;

Attendu que le seul appel du Ministère public à l'encontre des deux prévenus ne saurait remettre en instance les dispositions du jugement du 21 février 1992 ayant mis hors de cause la société X prise en sa qualité de civilement responsable de Guy C, par suite de la relaxe prononcée au profit de ce dernier; qu'en ce qui concerne cette même société, prise en qualité de civilement responsable d'Elisabeth F, la cour ne peut que constater qu'elle n'a pas été citée en cette qualité en première instance, qu'elle ne saurait se voir imputer une telle qualité en cause d'appel, et qu'elle doit en conséquence être déclarée hors de cause;

Attendu, sur l'exception des prescriptions soulevée par Elisabeth F, que cette dernière soutient que plus de trois années se sont écoulées enter la date de commission des faits en 1987 et 1988, et la citation qui lui a été délivrée le 4 octobre 1991 pour comparaître en première instance; qu'elle précise que le procès-verbal du 3 octobre 1989 de la DCCRF du département du Tarn ne saurait avoir interrompu la prescription triennale, en raison de son caractère irrégulier pour ne pas avoir été établi dans les " court délais " prescrits par l'article 31 du décret n° 86-1309 pris en application de l'ordonnance du 1er décembre 1986; qu'elle considère qu'il a été gravement porté atteinte à ses intérêts de ce fait;

Mais attendu qu'il résulte de l'examen du procès-verbal n° 1989 SC/46 et 47 dressé le 3 octobre 1989 par le service de la DCCRF du département du Tarn que les fonctionnaires de cette administration ont commencé leur enquête le 18 février 1988 par un prélèvement d'échantillons, opération renouvelée le 14 juin 1988, puis ont procédé à diverses auditions les 1er décembre 1988, 3 juillet 1989 et 6 juillet 1989 avant de clore le 3 octobre 1989 leur procès-verbal transmis le 24 octobre 1989 au Procureur de la république de Lyon, qui l'a reçu le 30 octobre 1989; que le dossier a ensuite été adressé le 3 novembre 1989 au commissariat de Lyon pour continuation de l'enquête;

Attendu qu'il est ainsi démontré que l'enquête des fonctionnaires de la DCCRF a été poursuivie avec diligence, compte tenu de la complexité de l'affaire, mettant en cause deux sociétés liées par un contrat de licence, dont les dirigeants avaient des intérêts dans l'une et l'autre, et qui ont connu des mutations successives et rapides de PDG, retardant ainsi l'identification des éventuels responsables;

Attendu, encore, que ne sauraient être utilement invoquées en l'espèce les dispositions de l'article 31 du décret n° 86-1039 du 29 décembre 1986, applicables aux procès-verbaux visés à l'article 46 de l'ordonnance n° 86-1243 relative à la liberté des prix et de la concurrence, alors que les infractions soumises à l'appréciation de la cour relèvent de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d'Orientation du Commerce et de l'Artisanat, laquelle en son article 44 ne prévoit aucun délai pour la rédaction des procès-verbaux et leur transmission au Procureur de la république;

Attendu, enfin, qu'Elisabeth F, qui ne justifie nullement de la moindre atteinte portée à ses intérêts au sens de l'article 802 du Code de procédure pénale, ne saurait disconvenir que son éloignement du territoire français lors de l'enquête, n'a pas permis de raccourcir les délais de celles-ci, et que la prescription triennale ne lui a jamais été acquise, comme l'attestent les actes de poursuite et d'instruction figurant à la procédure;

Attendu en conséquence qu'il y a lieu de rejeter l'exception de prescription soulevée;

B- Sur le fond et l'action publique:

Attendu qu'il convient de constater que la matérialité des délits de fraude et de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, tels que visés à la prévention, n'a jamais été discutée par les parties ni en cours d'enquête, ni lors des débats;

Attendu, concernant Guy C, que celui-ci verse aux débats un compte-rendu d'une réunion du 17 juin 1985 du conseil d'administration de la société X SA, au terme duquel est constatée sa démission de PDG au profit d'Elisabeth F, et sa nomination aux fonctions de directeur général, investi des mêmes pouvoirs que le président;

Attendu, cependant, que ce dernier, pour tenter d'échapper à une déclaration de culpabilité, soutient qu'en l'absence de délégation de pouvoirs qui lui aurait été consentie à cet effet, Elisabeth F peut seule être poursuivie, en qualité de PDG de la société X, pour les éventuelles infractions commises par des membres du personnel de celui-ci; qu'il ajoute encore qu'il n'exerçait alors aucune fonction technique lors des faits litigieux;

Mais attendu que l'article 1er de la loi du 1er août 1905 n'exige nullement que l'auteur de la fraude ait été personnellement partie du contrat, de même que l'article 44-2 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 impute la responsabilité d'une infraction de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur commise par une personne morale, aux dirigeants de celle-ci, et donc notamment à son directeur général, et non pas exclusivement, dans le cas d'une société anonyme, au PDG;

Or, attendu en l'espèce qu'Elisabeth F, qui s'explique pour la première fois depuis le début de la procédure, affirme lors des débats devant la cour, qu'elle ne s'occupait pas de la gestion de la société X, dans laquelle elle et son mari avaient investi d'importantes sommes, qu'elle n'y exerçait aucune fonction réelle, à l'inverse de son co-prévenu qui en assumait la direction entière, et que, du reste, elle n'était venue que deux fois au siège social de Lyon lors de réunions du conseil d'administration;

Attendu que, lors de l'instruction à l'audience, C admet qu'il était chargé de l'organisation administrative de la société, de superviser ses services juridiques et comptables, et également d'animer son service commercial et encadrer l'équipe commerciale, comme en atteste son contrat de travail du 17 juin 1985 qu'il produit lui-même aux débats;

Attendu encore qu'il reconnaît avoir plus souvent rencontré M. F que l'épouse de celui-ci, co-prévenue, et qu'il a lui-même signé les documents commerciaux, bons de commande et factures, avec la société suisse M, fournisseur des produits A et E incriminés; qu'il se contente d'affirmer qu'il a suivi les indications de composition de ce fournisseur, sans faire procéder à aucun contrôle ou analyse, de tels tests n'étant effectués par aucune société aux activités similaires, précise-t-il;

Attendu que ces déclarations confirment la teneur de celle qu'il avait faite le 1er décembre 1988 auprès des fonctionnaires de la DCCRF, dans laquelle il déclarait être l'importateur des tissus A et E, n'avoir jamais effectué de contrôle de composition, et avoir commis une erreur d'étiquetage par une mauvaise lecture des indications portées sur les factures, déclaration confirmée le 14 décembre 1989 devant les services de police;

Attendu que les faits de publicité trompeuse constitués par la parution d'un article dans la revue Fourrure et Cuir, ne sont pas reprochés à Guy C;

Attendu que la cour dispose ainsi d'éléments nécessaires et suffisants pour considérer que C s'est rendu coupable, en qualité de directeur général, des délits de publicité trompeuse, commis par voie d'étiquetages, et de tromperie sur la nature, la composition et les qualités substantielle des vêtements qu'il commercialisait; que le jugement sera en conséquence réformé en ce qui le concerne;

Attendu, en répression qu'une amende de 50 000 F apparaît devoir justement sanctionner les infractions commises;

Attendu, concernant Elisabeth S épouse F, que celle-ci conteste avoir commis les infractions poursuivies, en sa qualité [de dririgeante de la société] Z SA, seule visée à la prévention, en exposant qu'à la date des faits litigieux, elle n'assumait pas la présidence de cette société, fonction qu'elle n'a exercée que du 16 février 1989 au 15 décembre 1989;

Mais attendu qu'il résulte de la lecture des documents qu'elle verse aux débats et de ses propres déclarations à l'audience que l'intéressée a été constamment, et sans aucune discontinuité, administrateur permanent de la société Z SA, (dont elle-même et son mari étaient actionnaires majoritaires), notamment par le biais de la société T et H, holding financière dont elle était également président directeur général et qu'elle représentait en permanence au conseil d'administration de la société Z SA, au moins entre le 30 juin 1986 et 16 février 1989 selon les documents produits, soit à l'époque des faits visés aux poursuites;

Or, attendu qu'il ne saurait être contesté que les produits litigieux ont été proposés à la vente, les 18 février 1988 et 14 juin 1988, dates de leur achat par les services de la DCCRF, ou ont fait l'objet d'une publicité dans la presse le 6 février 1988, sous l'appellation Z, et au profit, pour partie, de la société Z, dont Elisabeth F était à l'époque l'un des dirigeants; que la même société donnait toutes directives à la société X sur le style et les matériaux de composition des articles que cette dernière fabriquait pour être vendus sous sa griffe, comme le révèlent les contrats de licence;

Attendu encore qu'il résulte des déclarations d'Alain C, qui a succédé le 15 décembre 1989 à la prévenue dans les fonctions de PDG de la société Z, qu'à l'époque des faits poursuivis, cette dernière était propriétaire, avec son époux des sociétés X, Z et Y, gérées toutes trois en coordination et que les contrats de licence étaient purement formels, la société Z ne servant qu'à donner sa griffe aux produits de la société X, pour leur procurer une plus grande notoriété; que toutes les directives, selon ce témoin, émanaient de Madame F, en raison du mode de gestion particulier utilisé par les trois sociétés;

Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments, ainsi que des motifs susvisés concernant l'application des lois du 1er août 1905 et 27 décembre 1973 aux dirigeants des personnes morales, qu'Elisabeth S épouse F s'est rendue coupable, comme dirigeant de la société Z SA, des infractions visées à la préventionet que, sous réserve de rectifier l'erreur commise par les premiers juges sur sa qualité, la décision de ceux-ci mérite d'être confirmée sur ce point;

Attendu qu'il en sera de même quant à la peine de 100 000 F d'amende prononcée, qui apparaît juste sans être excessive, eu égard à la gravité des infractions commises et à la renommée internationale de la marque du produit concerné;

Attendu que seront également maintenues les mesures complémentaires de publication ordonnées, mais aux frais conjoints des deux prévenus;

C- Sur l'action civile:

Attendu que le tribunal a fait une exacte appréciation du préjudice subi par la Chambre Syndicale de l'Industrie du Cuir de Mazamet et par l'Union de la Mégisserie Française; que les dispositions civiles seront également confirmées, sauf à élever à 10 000 F le montant de l'indemnité allouée aux parties civiles en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

Attendu toutefois qu'il y a lieu de constater qu'en raison de la mise en hors de cause des sociétés Z SA et X SA, pour les motifs exposés au paragraphe " procédure ", et de l'absence d'appel des parties civiles à l'encontre de Guy C, seule Elisabeth S épouse F peut être tenue au paiement de ces indemnités;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, en matière correctionnelle, après en avoir délibéré conformément à la loi, Reçoit l'opposition formée par Elisabeth S épouse F aux dispositions de l'arrêt du 2 décembre 1992 rendu par défaut à son encontre, et met cet arrêt à néant en ce qui la concerne, Reçoit les appels d'Elisabeth S épouse F et du Ministère public à son encontre et à l'encontre de Guy C, Constate que ne sont plus en cause la société Z SA, compte tenu de caractère contradictoire de l'arrêt rendu le 2 décembre 1992 à son égard, ni la société X SA définitivement mise hors de cause par le jugement du 21 février 1992, en l'absence d'appel la concernant, Rejette l'exception de prescription soulevée par Elisabeth S épouse F, Confirme en leur intégralité les dispositions pénales et civiles du jugement du 21 février 1992 du Tribunal correctionnel de Lyon concernant Elisabeth S épouse F, sauf à constater qu'elle s'est rendue coupable des infractions poursuivies en sa qualité de dirigeant de la société Z SA, et à porter à 10 000 F le montant de l'indemnité allouée aux parties civiles en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, Réformant ledit jugement en son surplus, Déclare Guy C, en qualité de dirigeant de la société X SA, coupable des délits de publicité mensongère et de tromperie sur les qualités substantielle de la marchandise vendue ou offerte à la vente, En répression, le condamne à une amende de cinquante mille francs, Confirme le principe et le coût des mesures complémentaires de publication ordonnées par le jugement, en application de l'article 44-2 alinéa 6 de la loi du 27 décembre 1973, mais dit que les deux prévenus en supporteront solidairement la charge, et que ces mesures s'appliqueront à la publication du présent arrêt, par extraits, Condamne solidairement Elisabeth S épouse F et Guy C aux dépens de première instance et, les mêmes, chacun pour sa part, au droit fixe de procédure d'appel, Condamne Elisabeth S épouse F aux frais des actions civiles, Fixe en tant que besoin la contrainte par corps conformément à la loi, Le tout par application des articles 44 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973, 1er de la loi du 1er août 1905, 1er de la loi du 25 juin 1936 et 18 du décret du 14 mars 1973, 463 du Code pénal, 473, 475-1, 485, 489 et suivants, 509, 512, 513, 514, 515, 749 et 750 du Code de procédure pénale.