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Décisions

CA Besançon, ch. corr., 21 décembre 1993, n° 897

BESANÇON

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rognon

Conseillers :

Mme Badinand, M. Boutte

Avocat :

Me Geoffroy.

TGI Lure, ch. corr., du 17 sept. 1993

17 septembre 1993

LA COUR

Faits et procédure antérieure

Monique X épouse Y gère de nombreuses sociétés, dont le holding " Z ", créés à l'instigation de son époux, Camille Y, majoritaire dans leur capital social.

La SNC " W ", ayant son siège à <adresse>, commercialise, par démarchage à domicile et même téléphonique, dans le Grand Est Français, un appareil d'électrostimulation neuromusculaire dit A, fabriqué par la société " C " de Saint-Malo, et conditionné par la SNC W.

Sur procès-verbal de délit dressé régulièrement par un commissaire de la Direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, il est reproché à Monique X épouse Y d'avoir diffusé une notice technique d'utilisation présentant l'appareil comme permettant de soigner un certain nombre d'affections :

- traitement général pour l'anxiété, l'insomnie, la migraine, la tension, par amélioration de la circulation du sang et la sédation de la douleur (page 9) ;

- effet antalgique et récupération musculaire pour le traitement de l'arthrose (pages 10 et 11);

- effets anti-inflammatoire et antalgique pour l'arthrite (pages 12 et 13);

- rééducation des muscles atrophiés et rétablissement de la circulation sanguine pour traiter les séquelles de paralysies (pages 14 et 15);

- effet antalgique pour les douleurs lombo-sciatiques (page 16);

- stimulation musculaire, amélioration de la circulation et effets analgésiques pour les insuffisances respiratoires chroniques comme l'asthme, l'emphysème, la pneumonie, la pleurésie ... (page 19) ;

- effets circulatoire et anti-inflammatoire pour le traitement de la bronchite chronique (page 20) ;

- antalgie, rééducation musculaire, effet circulatoire pour les entorses et autres douleurs traumatiques (page 17);

- lutte contre la douleur, la déminéralisation et les troubles circulatoires pour les séquelles d'ostéoporose (page 18) ;

- traitement des bourdonnements d'oreilles (page 23) ;

- stimulation de la musculature abdominale contre la constipation (page 24) ;

- traitement des insuffisances circulatoires chroniques (hypertension artérielle, artérite ...) par effet vasodilatateur (page 21) ;

- traitement des phlébites, paraphlébites (page 22), hémorroïdes (page 25), des paresses vésiculaires et hépatiques (page 26), de l'incontinence urinaire (page 27),

sans pouvoir apporter la moindre démonstration médicale ou scientifique.

Procédure antérieure

Monique X épouse Y a ainsi été directement citée à comparaître devant le Tribunal correctionnel de Lure sous la prévention d'avoir à Froideconche et en Haute-Saône, courant 1991, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur l'efficacité clinique d'un appareil d'électro-stimulation neuro musculaire présenté comme étant un appareil médical aux vertus thérapeutiques alors qu'il s'agit d'un appareil para-médical dont l'efficacité est reconnue uniquement sur le plan technique ;

Infraction prévue et réprimée par les articles 44-1, 44-2 alinéas 7, 8, 44-2 alinéas 9 et 10, 44-2 alinéa 6 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 et 1 de la loi du 1er août 1905 ;

Par jugement de la juridiction saisie du 17 septembre 1993, elle a été reconnue coupable des faits ainsi qualifiés et condamnée aux peines de trois mois d'emprisonnement avec sursis et 100 000 F d'amende.

Procédure d'appel

Acte d'appel :

Selon déclaration du 24 septembre 1993, Monique X épouse Y est régulièrement appelante de ce jugement.

Le Procureur de la République de Lure en a relevé appel incident le même jour.

Moyens et prétentions des parties

Régulièrement citée à domicile ayant signé l'accusé de réception de l'envoi recommandé l'avisant de cette signification, Monique X épouse Y est présente et assistée de son conseil. Elle conteste les faits et sollicite sa relaxe.

Elle fait valoir et plaider :

- premièrement, que la notice d'utilisation n'est distribuée, avec la mallette, qui la contient avec l'appareil, qu'après conclusion du contrat de vente : elle ne saurait ainsi constituer un support publicitaire ;

- deuxièmement, qu'aucune indication n'y est mensongère ou de nature à induire en erreur, alors que l'efficacité de l'appareil est attestée par plusieurs centaines d'utilisateurs, alors enfin qu'il ne peut y avoir mensonge lorsqu'une controverse doctrinale et les données actuelles de la science ne permettent pas de confirmer ou d'infirmer les résultats allégués.

Le Ministère public requiert la confirmation de la décision sauf à en ordonner la publication et l'affichage.

Sur quoi, LA COUR,

1°) Sur l'application de la loi pénale

Attendu que l'article 44 de la loi 73-1193 du 27 décembre 1973 et la loi du 1er août 1905 ont été, en application de la loi 93-947 du 26 juillet 1993, codifié dans le Code de la consommation dont les dispositions, rigoureusement équivalentes, sont immédiatement applicables par application des articles 4 du Code pénal et 6 du Code de procédure pénale ;

Qu'ainsi les textes visés à la prévention doivent être remplacés dans les conditions suivantes :

Loi du 27 décembre 1973 -> Code de la consommation

Article 44-1 -> L. 121-1

Article 44-22 alinéas 7 et 8 -> L. 121-5

Article 44-2 alinéas 9 et 10 -> L. 121-6

Article 44-2 alinéa 6 -> L. 121-4

Loi du 1er août 1905, article 1 -> L. 213-1

2°) sur les éléments de l'infraction

Attendu que l'article L. 121-1 susvisé concerne toute publicité, c'est-à-dire tout message, diffusé en nombre suffisant et destiné à toute personne physique ou morale pour vanter les mérites d'un produits, d'un bien ou d'un service ;

Attendu que la brochure incriminée a été massivement distribuée aux clients de la SNC " W " ; qu'il n'est pas discuté, et au contraire revendiqué, qu'elle a pour objet de stimuler les conditions de mise sur le marché de l'appareil (homologation, essais par un laboratoire officiel ...) son mode d'emploi et les résultats thérapeutiques que le client devenu patient peut en attendre ;

Attendu qu'il importe peu que ce document ait été remis avant, au temps, ou après la conclusions de la vente, parfaite dès accord sur la chose et le prix ;

Qu'en effet, aucun texte n'exige que, pour être incriminée, la publicité ait déterminé l'accord de volonté dans la conclusion d'une convention ;

Qu'au surplus, il n'est pas sans intérêt de noter que la notice était remise, voire commentée, avant l'expiration du délai de réflexion dont bénéficiaient les personnes physiques démarchées à leur domicile, et, ainsi, de nature à influer sur l'exercice de la faculté de résiliation du contrat ;

Attendu que le document publicitaire ainsi défini contient des allégations de nature à induire en erreur un utilisateur normalement diligent et attentif en présentant l'appareil comme doté de vertus cliniques et thérapeutiques, dont certaines sont manifestement et médicalement inexactes comme l'a relevé un médecin plaignant ;

Qu'il importe peu que certains clients, dont les attestations produites établissent d'ailleurs qu'il s'agit souvent de personnes âgées et/ou vulnérables, aient pu être satisfaits d'un appareil revendu 11 900 F alors qu'après conditionnement, il revenait à 1 300 F, le préjudice n'étant pas un élément du délit ;

Qu'il importe encore moins que des articles d'une presse, non spécialisée, ou que des hommes de l'art médical aient loué les vertu de l'électrostimulation dès lors que les techniques et appareillages fondant leurs appréciations n'ont rien à voir à l'appareil dit A ;

Que son sans incidence les essais et la conformité aux normes européennes et nationales dès lors qu'il ne concernent que les fonctions et spécifications techniques de l'engin et non pas son efficacité clinique ou ses vertus antalgiques, analgésiques, anti-inflammatoires, vasodilatatrices ... indications thérapeutiques fallacieuses ;

Qu'il est sans intérêt que le A n'ait jamais été présenté comme ayant reçu l'agrément du Ministère chargé de la santé publique, aucune infraction au Code de la santé publique n'étant d'ailleurs imputée à la prévenue ;

3°) sur la répression :

Attendu que la publication de la décision est obligatoire selon l'article L. 121-4 du Code de la consommation ; qu'il appartenait aux premiers juges de prononcer cette peine accessoire à moins d'appliquer l'article 55-1 du Code pénal ;

Que, par contre, aucun texte ne prévoit l'affichage ;

Attendu que les peines principale seront aggravées ; qu'en effet, la cour retiendra l'esprit de lucre, l'abus des faiblesses de personnes âgées, handicapées et peu aptes à apprécier la portée des engagements qu'on leur demandait de souscrire ; l'importance de chiffre d'affaire réalisé ;

Qu'il faut également stigmatiser l'absence totale de compétence scientifique et même tout simplement technique des dirigeants et démarcheurs des sociétés du groupe " Z " dont la seule formation a été celle dispensée par un ancien professeur d'histoire ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant contradictoirement à l'égard de Monique X épouse Y ; Déclare les appels recevables ; Sur l'action publique : Confirme le jugement sur la déclaration de culpabilité, Mais l'infirmant sur l'application de la loi, condamne Monique X épouse Y aux peines de treize mois d'emprisonnement et deux cent mille (200 000) F d'amende. Dit qu'il sera sursis à l'exécution de la peine d'emprisonnement pour douze mois dans les conditions rappelées à l'article 737 du Code de procédure pénale dont lecture faite. Constate que Monique X épouse Y est redevable d'un droit fixe de procédure de 800 F auquel est assujetti le présent arrêt. Ordonne la publication d'un extrait de l'arrêt ainsi conçu " Par arrêt du 21 décembre 1993 Chambre des appels correctionnels de la Cour d'appel de Besançon statuant sur appel d'un jugement du Tribunal correctionnel de Lure du 17 septembre 1993 a déclaré Monique X épouse Y, gérante de la SNC W, commercialisant des appareils d'électrostimulation, coupable du délit de publicité mensongère et l'a condamnée aux peines des treize mois d'emprisonnement dont douze mois avec sursis et deux cent mille (200 000) F d'amende et a ordonné la publication d'un extrait de l'arrêt " dans les journaux : l'Est Républicain ; Le Républicain Lorrain ; L'Alsace, En toutes leurs éditions, Le tout par application des articles L. 121-1, L. 121-4, L. 121-5, L. 121-6 et L. 213-1 du Code de la consommation.