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Décisions

CA Paris, 1re ch. G, 22 janvier 2003, n° 2001-16087

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Glock France (SA)

Défendeur :

Bécheret (ès qual.), Neral (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault

Conseillers :

Mmes Jaubet, Pénichon, MM. Le Daupin, Savatier

Avoués :

SCP Bommart-Forster, SCP Roblin-Chaix de Lavarène

Avocats :

Mes Mazeyrat, Chouamier

T. com. Nanterre, 9e ch., du 5 nov. 1996

5 novembre 1996

Par déclaration du 10 septembre 2001, la société Glock France a saisi la cour d'un jugement contradictoire rendu le 5 novembre 1996 par le Tribunal de commerce de Nanterre qui, faisant partiellement droit à l'action engagée par la société Neral représentée par son liquidateur Maître Bécheret à l'encontre de la société Glock et d'Anne Girard pour débauchage, dénigrement et parasitisme, les a condamnées pour débauchage et concurrence déloyale à payer 1 000 000 F de dommages intérêts, a ordonné la publication de sa décision dans trois journaux professionnels au choix de la requérante et aux frais des défenderesses dans la limite de 10 000 F par insertion, déboutant pour le surplus, et les a condamnées à lui payer 10 000 F pour ses frais irrépétibles, l'arrêt contradictoire rendu le 5 novembre 1998 par la Cour d' appel de Versailles, qui confirmait partiellement cette décision en retenant uniquement les faits de parasitisme imputés à la société Glock et la condamnait au paiement de 1 500 000 F de dommages intérêts outre 15.000 F pour ses frais irrépétibles, ordonnant la publication de sa décision et faisant interdiction à la société GLOCK de diffuser et utiliser un catalogue en l'état du catalogue 1995, ayant été cassé et annulé par arrêt du 30 janvier 2001 de la Cour de cassation mais seulement en ce qu'il a prononcé à l'encontre de la société Glock différentes condamnations, les parties étant renvoyées devant la Cour d'appel de Paris.

Par ordonnance du 19 novembre 2001 rectifiée par ordonnance du 19 décembre 2001, le conseiller de la mise en état, vu le désistement d'appel de la société Glock à l'égard de Anne Girard, a constaté le dessaisissement de la cour à l'égard de cette dernière, l'instance se poursuivant entre la société Glock et Maître Bécheret ès qualités de liquidateur de la société Neral;

Par conclusions déposées le 22 novembre 2002 auxquelles il est renvoyée la société Glock France, demanderesse, demande à la cour de constater qu'il n'existe pas de lien de causalité entre le préjudice allégué et les actes de parasitisme qui lui sont reprochés, la société Neral n'ayant pins d'activité commerciale et vivant d'expédients depuis 1991, d'infirmer en conséquence la décision entreprise en ce qu'elle l'a condamnée à payer 1 000 000 F de dommages intérêts, de débouter Maître Bécheret ès qualités de toutes ses demandes et de la condamner ès qualités à lui payer 22 867,35 euros de dommages intérêts pour procédure abusive et 7 622,45 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions déposées le 22 novembre 2002 et auxquelles il est renvoyé, Maître Véronique Bécheret ès qualités, défenderesse, poursuit la confirmation de la décision attaquée en ce qu'elle a condamné la société Glock à réparer son préjudice et a ordonné la publication de sa décision. Sollicitant son infirmation sur les quantum des dommages intérêts, elle demande fa condamnation de la société Glock à lui payer 381 122,54 euros à ce titre ainsi que 7 623 euros pour ses frais irrépétibles.

Sur ce,

Considérant qu'il est constant que la société Neral, déclarée en redressement judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de Nanterre le 15 décembre 1994, était confrontée depuis plusieurs années à des difficultés financières, qui l'avaient conduite à convoquer Anne Girard le 25 juin 1994 pour le 16 août 1994, peu de temps avant la démission de cette dernière, pour un entretien préalable à un éventuel licenciement au cours duquel il lui avait été précisé que la société connaissait une importante baisse d'activité ; que son chiffre d'affaires accusait en effet depuis 1991 une baisse importante (41 %) relevée par son gérant dans son rapport de gestion, qui mentionnait le caractère "inquiétant" de ces chiffres, révélant sans doute "l'apparition d'une concurrence nationale" ; que le rapport de gestion annexé aux comptes de l'exercice 1992 fait à nouveau état d'une chute du chiffre d'affaires de la société, chiffrée à 32 % ; que le chiffre d'affaires de la société Neral, qui s'élevait en 1991 à 9 624 800 F, était tombé en 1994 à 4 116 385 F, les pertes de la société qui étaient de 99 895 F en 1991, étant passées à 606 816 F en 1994 ; que ces difficultés ne pouvaient incomber à la société Glock, dont les activités n'ont commencé qu'en 1995;

Qu'il n'en demeure pas moins que la société Neral a fait l'objet d'une période d'observation ordonnée par jugement du 13 avril 1995 du tribunal de commerce pour une période de quatre mois prorogée pour deux mois par jugement du 27 juillet 1995, avant d'être déclarée en liquidation par jugement du 21 septembre 1995;

Qu'en effet la prolongation de l'activité de la société Neral n'a pas permis son redressement, le chiffre d'affaires de la société constitué par la vente des matériels reproduits sur son catalogue, ayant accusé pour le premier semestre 1995, par rapport aux premiers semestres des trois exercices précédents, une baisse de 78 %, soit 2 757 000 F sur une moyenne de référence de 3 544 000 F, le montant des ventes réalisées par la société Neral à partir de juin 1995 n'étant cependant pas précisé ; que cet effondrement du chiffre d'affaires est incontestablement dû au moins pour partie aux actes de parasitisme perpétrés par la société Glock à l'encontre de la société Neral, la confusion entretenue entre les deux catalogues étant établie par les télécopies de confirmation de commandes, versées aux débats, adressées dès juin et juillet 1995 à la société Neral par certains clients alors que ces commandes concernaient en réalité le catalogue édité par la société Glock et que cette dernière avait été nommée le 7 mars 1995 co-distributeur des 3 produits Sirchie, également diffusés par la société Neral; que c'est ainsi à juste titre que les premiers juges ont estimé que les agissements de la société Glock avaient sinon provoqué la cessation des paiements de la société Neral, du moins obéré ses chances de redressement en la privant d'une partie de son chiffre d'affaires, le lien de causalité entre ces agissements et le préjudice causé à la société ainsi qu'à ses créanciers étant établi;

Considérant dès lors que la cour dispose d'éléments suffisants pour chiffrer à 30 000 euros le préjudice subi par la société Neral du fait des agissements parasitaires de la société Glock;

Considérant qu'il y a lieu, vu la nature des faits de parasitisme imputables à la société Glock, de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a ordonné la publication de la décision à intervenir dans trois journaux professionnels au choix de Maître Bécheret ès qualités, aux frais de la société Glock, dans la limite de 1 524,49 euros par insertion, et interdit à la société Glock sous astreinte de 152,45 euros (1 000 F) par infraction constatée, de diffuser et utiliser un catalogue en l'état du catalogue 1995;

Considérant que la société Glock qui succombe partiellement dans ses demandes, est mal fondée dans sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive; qu'il y a lieu de l'en, débouter; qu'il est pas inéquitable que chaque partie conserve la charge de ses frais irrépétibles d'appel;

Par ces motifs : Vu l'arrêt rendu le 30 janvier 2001 par la Cour de cassation, cassant et annulant partiellement l'arrêt rendu le 5 novembre 1998 par la Cour d'appel de Versailles ; Infirme partiellement la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la société Glock à payer 152 449 euros (1 000 000 F) de dommages intérêts ; Condamne la société Glock à payer à Maître Véronique Bécheret ès qualités 30 000 euros de dommages intérêts, ainsi qu'aux dépens d'appel ; Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ; Admet la SCP Roblin Chaix de Lavarène, avoué, à bénéficier des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.