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Décisions

Cass. crim., 24 novembre 1993, n° 92-85.411

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Souppe

Rapporteur :

M. Carlioz

Avocat général :

M. Perfetti

Avocat :

Me Ryziger

TGI Chaumont, ch. corr., du 25 févr. 199…

25 février 1992

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par M. Patrick, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Dijon, chambre correctionnelle, du 18 septembre 1992, qui, pour infraction à la loi du 30 décembre 1906 sur les ventes au déballage, l'a condamné à une amende de 20 000 francs assortie du sursis simple et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 459 et 512 du Code de procédure pénale ;

"en ce qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Patrick M., régulièrement cité n'a pas comparu, mais s'est fait valablement représenter par son avocat, qui a déposé des conclusions en son nom ; qu'il résulte cependant de l'examen du dossier soumis à la Cour de cassation que ces conclusions ne figurent pas au dossier ;

"alors qu'en matière correctionnelle, le prévenu et son conseil peuvent déposer des conclusions aussi bien en première instance qu'en appel ; que les juges sont tenus de statuer sur tous les chefs péremptoires des conclusions dont ils sont saisis ; que l'absence au dossier des conclusions de M. ne met pas la Cour de cassation à même de s'assurer que les juges du fond ont répondu aux moyens des conclusions du prévenu ; que l'impossibilité pour la Cour de cassation d'exercer le contrôle qui est le sien doit entraîner la censure de l'arrêt attaqué" ;

Attendu que le demandeur ne saurait se faire un grief de ce que les conclusions déposées en sa qualité de prévenu devant la cour d'appel ne figurent pas dans le dossier soumis à l'examen de la Cour de cassation dès lors que cette lacune n'affecte pas par elle-même la légalité de la décision attaquée et qu'il n'est nullement allégué qu'un chef péremptoire que ces conclusions pourraient contenir ait été délaissé ; d'où il suit que le moyen -inopérant- ne saurait être admis ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1 et 2 de la loi du 30 décembre 1906, de l'article R. 26-15 du Code pénal et de l'article 34 de la constitution du 4 octobre 1958 ;

"en ce que la décision attaquée a décidé que l'infraction de vente au déballage, reprochée au prévenu, aurait été justement retenue par les premiers juges, car des ventes auraient été faites par l'employé du camion, de la société X, qu'il ne s'agit donc pas d'une simple livraison ; que les autres éléments constitutifs de l'infraction, l'absence d'autorisation du maire, le fait que la vente porte sur des marchandises neuves, aient un caractère occasionnel, et soient accompagnés de publicité n'étant pas discuté ;

"alors qu'il résulte de l'article 34 de la constitution que la détermination des éléments constitutifs des délits est réservée à la loi ; la loi du 30 décembre 1906 prohibe les ventes de marchandises neuves, non comprises dans les prohibitions de la loi du 25 juin 1841, sur les ventes aux enchères, faites sous forme de soldes, liquidations, ventes forcées ou déballages, sans une autorisation spéciale du maire de la ville, où la vente doit avoir lieu ; que la loi n'a prévu aucun décret d'application ; que dès lors, le décret du 26 novembre 1962 est nécessairement illégal en tant qu'il prétend préciser les éléments constitutifs de l'infraction en définissant, ce qui doit être considéré comme vente au déballage, au sens de la loi du 30 décembre 1906 ; que ce n'est qua dans le décret que se trouve l'affirmation que les ventes sont considérées comme ventes au déballage, si elles présentent un caractère réellement ou apparemment occasionnel ou exceptionnel et qu'elles soient précédées de publicité, (éléments que l'arrêt a considéré comme constitués en l'espèce actuelle) que ces précisions sont illégales en tant que définissant l'étendue de la prohibition, elles définissent par là même, les éléments constitutifs de l'infraction" ;

Attendu que le moyen, pris de l'illégalité prétendue du décret du 26 novembre 1962 précisant les modalités d'application de la loi précitée du 30 décembre 1906, est nouveau, mélangé de fait et, comme tel, irrecevable ; que, dès lors, il doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1 et 2 de la loi du 30 décembre 1906, des articles 1 et 4 du décret n° 62-1463 du 26 novembre 1962, des articles 485, 593 du Code de procédure pénale ; "en ce que la décision attaquée après avoir déclaré que le camion de la société X aurait procédé à des ventes a énoncé que, dès lors, l'infraction de ventes aux déballages reprochée au prévenu a été justement retenue par les premiers juges, les autres éléments constitutifs de l'infraction, l'absence de l'autorisation du maire, le fait que la vente porte sur des marchandises neuves, ait un caractère occasionnel et soit accompagnée de publicité, n'étant pas discuté ; "alors que les juges du fond doivent caractériser tous les éléments constitutifs de l'infraction, alors même qu'ils ne seraient pas discutés ; qu'en l'espèce actuelle, la décision attaquée n'indique pas d'où résulterait que la vente ait eu un caractère occasionnel, qu'ainsi, elle est pour le moins insuffisamment motivée" ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1 et 2 de la loi du 30 décembre 1906, des articles 485, 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que la décision attaquée, après avoir décrit le système de commercialisation employé par la société demanderesse, consistant à adresser aux habitants d'une commune, un catalogue comportant un bon de commande, sur lequel était porté la mention que les marchandises ne seraient livrées que sur présentation du bon de commande préalablement rempli, et après avoir rappelé que la Cour de Nîmes, dans un arrêt du 4 novembre 1986 versé aux débats a considéré à juste titre que la rédaction du bon de commande constituait l'acceptation de l'offre contenue dans le catalogue, et rendait à ce moment la vente parfaite, l'opération réalisée au niveau du camion étant seulement la livraison, est cependant, entré en condamnation au motif que tel ne serait pas le cas en l'espèce ; que les constatations du brigadier de police, qui font foi, jusqu'à preuve contraire, démontrent que la vente est réalisée au moment de l'acceptation de l'offre formulée verbalement sur le lieu de stationnement du camion ; que Patrick M. a d'ailleurs admis, qu'il était possible que quelques clients n'aient pas rempli le bon de commande ; que la difficulté n'a d'ailleurs pas échappé au responsable de la société, qui a porté la mention suivante dans le catalogue "Attention ! les marchandises ne seront livrées que sur présentation de ce bon de commande préalablement rempli" ; "alors que le délit de ventes au déballage est une infraction intentionnelle ; que la décision attaquée qui a admis le raisonnement de la Cour de Nîmes et qui constate que le prévenu poursuivi comme chef d'entreprise et non comme auteur personnel des ventes, avait fait porter sur le catalogue une mention selon laquelle les marchandises ne seraient livrées que sur présentation de ce bon de commande préalablement rempli, ce qui supposait une volonté de se conformer aux indications contenues dans l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, n'a pu entrer en condamnation sans constater l'intention de Patrick M. qu'il soit passé outre aux indications portées sur le catalogue et reproduites ci-dessus ; que faute de constatation d'instructions données par le demandeur à l'employé du camion de passer outre aux indications du catalogue, la cour n'a pas caractérisé l'élément intentionnel de l'infraction" ;

Et sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 1er de la loi n° 88-14 du 5 janvier 1988, de l'article 2 du Code de procédure pénale, des articles 485 et 593 du même Code ; "en ce que la décision attaquée a déclaré recevable la constitution de partie civile de l'union fédérale des consommateurs, et lui a accordé 1 franc à titre de dommages intérêts et 500 francs au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; "alors que si les associations régulièrement déclarées ayant pour objet statutaire explicite la défense des consommateurs, peuvent, si elles ont été agréées à cette fin, exercer les droits reconnus à la partie civile ce n'est que relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs ; qu'en l'espèce actuelle, la décision attaquée ne précise pas en quoi, le prétendu délit reproché à M. aurait porté atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs, ce qu'elle devait d'autant plus faire, que la loi du 30 décembre 1906 a été édictée dans l'intérêt de la protection du commerce ;

"alors, d'autre part, qu'à supposer que l'union fédérale des consommateurs n'ait pas été déclarée recevable, en vertu de l'article 1er de la loi n 88-14 du 5 janvier 1988, elle ne pouvait être déclarée recevable et fondée en sa constitution de partie civile, qu'à condition qu'elle démontre avoir subi un préjudice prenant directement sa source dans l'infraction ; qu'il ne résulte de la décision attaquée qu'il en soit ainsi" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué, et du jugement qu'il confirme, mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, abstraction faite d'un motif surabondant, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, notamment intentionnel - lequel se déduit en l'espèce du caractère volontaire de l'omission constatée - l'infraction de vente au déballage sans autorisation spéciale du maire de la ville concernée dont elle a déclaré Patrick M. coupable, et ainsi justifié l'allocation à l'Union fédérale des consommateurs, régulièrement habilitée à exercer les droits reconnus à la partie civile par l'article 1er de la loi du 5 janvier 1988, de l'indemnité propre à réparer le préjudice découlant de cette infraction ;

Que les moyens, qui, sous le couvert de défaut de motifs et de manque de base légale, se bornent à remettre en discussion l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve contradictoirement débattus, doivent être écartés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.