Cass. crim., 17 décembre 1997, n° 96-85.329
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Aldebert (faisant fonction)
Rapporteur :
Mme Ferrari
Avocat général :
M. Cotte
Avocats :
SCP Coutard, Mayer.
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par L, contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 3e chambre, du 31 octobre 1996, qui, pour publicité trompeuse, soldes sans autorisation spéciale du maire et publicité sur une vente en soldes effectuée sans autorisation, l'a condamné à 30 000 francs d'amende, a ordonné une mesure de publication et a prononcé sur les intérêts civils. - Vu le mémoire produit ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er et 2 de la loi du 30 décembre 1906, 1er, 2 et 5 du décret du 26 novembre 1962, L. 121-15 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que L. a été condamné, premièrement, pour avoir procédé à une opération de soldes sans autorisation préalable et, deuxièmement, pour avoir effectué une publicité portant sur cette opération non autorisée ;
" aux motifs que " l'enquête a établi que les articles concernés par l'opération du 2 au 5 septembre 1992 sont des articles saisonniers de la collection hiver 92 qui ne seront pas renouvelés ; que L a déclaré lors de l'enquête qu'il s'agissait d'un stock de marchandises existant, portant, comme le dit la publicité, sur des textiles et de la chaussure, ajoutant qu'il s'agissait d'une dynamique sur des articles présents en rayon et non renouvelables ; que cette définition correspond au double critère jurisprudentiel de " stock de marchandises prédéterminé et non renouvelable " ; que, s'agissant, en outre, de marchandises neuves, d'une vente à caractère occasionnel ou exceptionnel annoncée comme telle, accompagnée de publicité de presse portant sur des centaines d'articles, l'opération commerciale est bien une opération de soldes au sens du décret du 26 novembre 1962 " ;
" alors que, selon l'article 2 du décret du 26 novembre 1962, sont considérés comme soldes, soumis à autorisation, les ventes occasionnelles, accompagnées ou précédées de publicité, " présentées comme tendant à l'écoulement accéléré de tout ou partie d'un stock de marchandises " (cf. aussi Com. 19 janvier 1993 B. 27, p 16) ; qu'en entrant en voie de condamnation contre L sans avoir relevé que les ventes litigieuses avaient été présentées comme tendant à l'écoulement accéléré de tout ou partie d'un stock de marchandises, l'arrêt attaqué n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1 et 121-3 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que L. a été reconnu coupable des trois délits visés à la prévention ;
" aux motifs que " l'enquête a établi que les articles concernés par l'opération du 2 au 5 septembre 1992 sont des articles saisonniers de la collection hiver 92 qui ne seront pas renouvelés ; que L a déclaré lors de l'enquête qu'il s'agissait d'un stock de marchandises existant, portant, comme le dit la publicité, sur des textiles et de la chaussure, ajoutant qu'il s'agissait d'une dynamique sur des articles présents en rayon et non renouvelables ; que cette définition correspond au double critère jurisprudentiel de " stock de marchandises prédéterminé et non renouvelable " ; que, s'agissant, en outre, de marchandises neuves, d'une vente à caractère occasionnel ou exceptionnel annoncée comme telle, accompagnée de publicité de presse portant sur des centaines d'articles, l'opération commerciale est bien une opération de soldes au sens du décret du 26 novembre 1962 ; qu'en ce qui concerne la publicité mensongère, L. conteste avoir commis ce délit aux motifs que, d'une part, l'opération portait bien sur un grand nombre d'articles et que, d'autre part, le prix coûtant tel que calculé par la DGCCRF ne correspond pas au prix d'achat effectif présumé être porté sur la facture d'achat, majoré des taxes spécifiques afférentes à la revente et, le cas échéant, du prix du transport ; mais qu'en ce qui concerne le nombre d'articles, il s'agissait uniquement des articles munis d'un point rouge du rayon textile et chaussures, lequel représente 1 800 m² sur un total de 9 400 m² et que Mme S, acheteuse, et Mme L, directrice d'achats, ont estimé qu'ils représentaient une part minime des produits distribués dans le magasin ; qu'en ce qui concerne le prix des blousons, leur prix coûtant a été calculé par les agents verbalisateurs à partir de l'examen des factures d'achat et, par conséquent, du prix d'achat hors taxe auquel a été ajoutée la TVA ; que ce mode de calcul est parfaitement légal et permet d'établir que, pour cinq au moins d'entre eux, les blousons ont été revendus au-delà du prix coûtant ; qu'il est ainsi établi que la publicité était mensongère, dès lors qu'elle faisait faussement état de remises exceptionnelles sur des centaines d'articles et d'une vente de blousons enfant à prix coûtant ; qu'en conséquence, L sera déclaré coupable de la totalité des faits qui lui sont reprochés " ;
" alors que l'arrêt attaqué n'a pas constaté que les trois délits poursuivis, tant dans leur matérialité que dans leur élément intentionnel, étaient personnellement imputables à L " ;
Et sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2 de la loi du 30 décembre 1906, L. 121-15 du Code de la consommation, 131-10, 591 du Code de procédure pénale :
" en ce que la cour d'appel a " ordonné la publication du présent arrêt ;
" alors que les délits de soldes sans autorisation spéciale, et de publicité d'une telle opération non autorisée, ne sont pas punis de la peine de publication ; que la cour d'appel ne pouvait ordonner la publication de l'intégralité de son arrêt qui portait pour partie sur de tels délits, cette peine n'étant pas prévue par la loi " ;
Les moyens étant réunis ; - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que L., directeur d'un hypermarché, a fait diffuser, au mois de décembre 1992, à l'occasion d'une opération commerciale intitulée " 4 jours fous ", une publicité annonçant des remises exceptionnelles sur des centaines d'articles en citant comme exemple " tous les blousons enfant à prix coûtant " ; qu'il est poursuivi pour publicité fausse ou de nature à induire en erreur ;
Que, pour le déclarer coupable de ce délit, les juges relèvent, par les motifs reproduits aux moyens, que les articles concernés par la promotion, limitée au rayon vêtements et chaussures, ne se dénombraient pas par centaines et que certains blousons pour enfant étaient vendus à un tarif excédant le prix coûtant ;
Qu'en l'état de ces motifs, procédant de l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstance de la cause, et qui caractérisent à tout le moins la négligence du prévenu, la cour d'appel, a justifié sa décision sans encourir le grief allégué au deuxième moyen ;
Que, par ailleurs, l'arrêt attaqué, en ordonnant la publication par extraits de l'arrêt portant condamnation du prévenu pour publicité trompeuse, a fait l'exacte application de l'article L. 121-4 du Code de la consommation ;
Attendu que le prévenu est encore poursuivi, à l'occasion de la même opération commerciale, pour avoir procédé à une vente de marchandises sous forme de soldes sans autorisation spéciale du maire de la ville, délit prévu et réprimé par les articles 1 et 2 de la loi du 30 décembre 1906 sur les ventes au déballage, et effectué une publicité sur cette vente illicite, infraction punie par l'article 8 de la loi du 31 décembre 1989, devenu l'article L. 121-15 du Code de la consommation ; qu'il a été déclaré coupable de ces délits ;
Mais attendu que la loi du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat, qui, en son article 33, a abrogé celle du 30 décembre 1906 sur les ventes au déballage et modifié l'article L. 121-15 du Code de la consommation, ne soumet plus les ventes en soldes à autorisation spéciale du maire ;
Que la loi nouvelle, qui ne réprime plus en conséquence la méconnaissance de cette prescription, est applicable aux poursuites en cours et non définitivement jugées ; que, cependant, si c'est à tort que les juges ont ainsi statué en matière de soldes, l'arrêt n'encourt pas la censure, la peine prononcée et les réparations civiles allouées aux associations de consommateurs étant justifiées par la déclaration de culpabilité du chef de publicité de nature à induire en erreur ; d'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.