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Décisions

CA Lyon, 7e ch. B, 5 mai 1999, n° 272

LYON

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Fournier

Conseillers :

M. Gouverneur, Mme Theoleyre

Avocats :

Me Piquet-Gauthier, Me Prudon, Me Berger

TGI Lyon, du 6 mars 1998

6 mars 1998

Par jugement en date du 6 mars 1998, le Tribunal de grande instance de Lyon a retenu dans les liens de la prévention Maurice B. et la société X, cette dernière représentée par son mandataire ad hoc, pour avoir, à Lyon, le 5 février 1997 :

- effectué une publicité en faveur d'une opération commerciale soumise à autorisation au titre de la loi du 5 juillet 1996, en l'espèce une vente de marchandises, sous la forme de liquidation, n'ayant pas fait l'objet d'une autorisation préfectorale, (art. 121-15 du Code de consommation, 1, 2, 3, de la loi du 30 décembre 1906 abrogée, 1, 2, 3, 4 et 5 du décret n° 62-1463 du 26 novembre 1962, modifié, 26, 27, 28, 29, 30, 33 de la loi 69-603 du 5 juillet 1996) ;

- vendu des marchandises sous la forme de liquidation sans autorisation préfectorale ou en méconnaissance de cette autorisation,

(art. 31 § 1 1°, 26 de la loi 96-603 du 5 juillet 1996, 1 à 4 du décret 96-1097 du 16 décembre 1996, 31 § 1 al. 1, al. 2 de la loi 96-603 du 5 juillet 1996) ;

Et par application des articles susvisés, a condamné :

Maurice B. à huit mille francs d'amende,

A fixé la contrainte par corps fixée conformément à la loi.

(A déclaré la SARL X civilement responsable de Maurice B.),

La SARL X (représentée par son mandataire ad hoc) à trente mille francs d'amende et à la diffusion du dispositif du jugement dans le journal " Le Progrès " aux frais du condamné,

Chacun des condamnées étant redevable du droit fixe de procédure.

Attendu que la société X, dite X, prévenue, et le Ministère public à son encontre et à l'encontre de Maurice B., ont relevé appel dans les forme et délai légaux ;

Attendu qu'il résulte de la procédure et des débats les faits suivants :

Maurice B. est gérant de la société à responsabilité limitée X, exploitant, 23, rue Victor Hugo à Lyon (2e), un commerce de vente de vêtements et d'accessoires de mode à l'enseigne de Casual.

Lors d'un contrôle effectué le 5 février 1997, des fonctionnaires de la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de Répression des Fraudes du département du Rhône constataient que sur la vitrine de ce magasin était apposée une affiche, de dimensions 3m x 1m, ainsi libellée : " Réalisation totale avant travaux ", alors qu'aucune autorisation préfectorale n'avait été accordée à cet effet, ni même sollicitée. Les fonctionnaires qui relevaient encore dans leur procès-verbal que le prévenu s'était violemment emporté lors de ce contrôle, projetant en l'air un lourd parapluie en métal et obstruant la porte d'entrée avec un meuble avant d'arracher l'affiche litigieuse, précisaient qu'en décembre 1995, ils avaient déjà attiré son attention sur le caractère illicite d'une telle opération.

Lors de son audition, Maurice B. ne contestait pas la matérialité des infractions constatées, indiquant avoir voulu accélérer la vente de son stock avant de procéder à des travaux d'agrandissement de son fonds de commerce sur le magasin attenant, ensuite d'un bail qu'il venait d'obtenir (en réalité signé le 14 février 1997, soit neuf jours après), et précisait qu'il avait placé l'affiche litigieuse le jour même, une heure avant d'être contrôlé, alors qu'aucune vente n'avait été réalisée.

Désigné par ordonnance du 24 avril 1997 du Président du Tribunal de grande instance de Lyon en application de l'article 706-43 du Code de procédure pénale, en qualité de mandataire de justice pour représenter la société X, Maître Berger ne formulait pas d'observation particulière sur ces infractions.

Discussion et motifs de la décision :

a) Sur la prévention concernant Maurice B. :

Attendu que lors des débats ce prévenu, au demeurant non appelant, ne conteste pas les infractions qui lui sont reprochées, mais sollicite l'indulgence de la cour en indiquant avoir apposé la banderole litigieuse, qu'il avait lui-même confectionnée, le jour même du contrôle des fonctionnaires de la Direction de la Concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, deux heures à peine avant leur venue, et qu'aucune vente n'avait été réalisée avant leur intervention ; qu'il reconnaît avoir voulu précipiter le commencement des travaux d'extension de son commerce sur le fonds voisin, et dans ce but, accélérer la vente de son stock en cette période de soldes ;

Attendu encore que la matérialité des deux infractions est établie par le procès-verbal circonstancié de l'administration, et que concernant l'élément moral, le prévenu admet avoir agi délibérément pour liquider au plus vite la totalité des marchandises qu'il détenait en stock ;

Attendu que le tribunal a ainsi fait une analyse exacte des faits de la cause en le déclarant coupable des délits visés aux poursuites, et qu'il y a lieu de confirmer sur ce point sa décision ;

Attendu, en répression, que la brièveté de la durée pendant laquelle ces infractions ont été commises, l'absence de vente de marchandises durant cette période et les éléments de la personnalité de l'intéressé justifient que soit assortie en sa totalité du sursis simple l'amende de 8 000 F prononcée à son encontre ;

b) Sur les poursuites concernant la société X:

Attendu que Maître Berger, en sa qualité de mandataire de la société, comparant en personne aux débats, sollicite en tout état de cause la réduction du montant de l'amende prononcée à l'encontre de celle-ci, ainsi que la suppression de la mesure de publication ordonnée par le tribunal, en faisant connaître qu'il considère ces sanctions excessives eu égard à la légèreté des infractions commises, et disproportionnées par rapport à la trésorerie de cette personne morale ;

Attendu que par conclusions déposées par son avocat, la société X, qui indique renoncer à soulever la nullité de la citation délivrée, en ce qui la concerne, à son gérant et non au mandataire de justice désigné en application de l'article 706-43 du Code de procédure pénale, conclut à titre principal à sa relaxe, et subsidiairement, à la réduction de l'amende et à la suppression de la mesure de publicité ;

Attendu qu'elle soutient à cet effet que les poursuites diligentées à son encontre et celui de son gérant, personne physique, concernent les mêmes faits, et que ce cumul ne serait possible que si la preuve était rapportée de l'existence de deux infractions commises de façon distincte par l'un et par l'autre des prévenus ;

Attendu en l'espèce, qu'il n'est pas contesté que l'article 31-II de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement du commerce et de l'artisanat, et abrogeant la loi du 30 décembre 1906, prévoit que les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables des infractions commises en matière de liquidations accompagnées de publicité et tendant à l'écoulement accéléré de la totalité des marchandises lorsque ces opérations ne sont pas autorisées par l'autorité préfectorale ;

Attendu encore qu'aux termes de l'article 121-2 du Code pénal, les personnes morales sont responsables pénalement des infractions commises pour leur compte par leurs organes ou leurs représentants, et que l'alinéa 3 du même article précise expressément qu'une telle responsabilité n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits ; qu'ainsi contrairement aux prétentions de la société prévenue, il n'est pas exigé que la personne morale ait commis des faits distincts de ceux constitutifs des infractions reprochées à son organe ou représentant ;

Or attendu qu'il ne saurait être contesté en l'espèce que les faits de vente en liquidation non autorisée reprochés à Maurice B., gérant de la société X, ont été commis au profit et pour le compte de cette société, dans le but d'écouler la totalité de son stock, de permettre l'extension de son fonds de commerce et d'assurer son développement économique ;

Attendu en conséquence qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a, à juste titre, également déclaré la société à responsabilité limitée X coupable des infractions poursuivies à son encontre ;

Attendu qu'au vu des pièces versées aux débats, et des mêmes éléments tirés de la brièveté de la durée pendant laquelle ces faits ont été commis, une amende de 10 000 F suffira à assurer une juste sanction de ces infractions ;

Attendu que la mesure de diffusion de la décision, prévue par les articles 31-II de la loi du 5 juillet 1996 et 131-39-9° du Code pénal, mais non obligatoire, n'apparaît pas opportune en l'espèce ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, en matière correctionnelle, après en avoir délibéré conformément à la loi, En la forme, reçoit les appels, Au fond, confirme le jugement déféré sur la culpabilité de Maurice B. et de la société à responsabilité limitée X , représentée par son mandataire de justice, L'infirmant sur les peines, condamne : - Maurice B. à une amende de huit mille francs avec sursis, - la société à responsabilité limitée X, à une amende de dix mille francs, Dit n'y avoir lieu à diffusion de la présente décision, Constate que l'avertissement prévu par l'article 132-29 du Code pénal a été donné à Maurice B. dans la mesure de sa présence effective à l'audience où le présent arrêt est prononcé, Dit que chacun des condamnés sera tenu au droit fixe de procédure, Fixe la contrainte par corps conformément à la loi à l'égard de Maurice B., Le tout par application des articles 121-2, 131-38, 131-39, 132-29 à 132-39 du Code pénal, 26 et suivants et 31 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996, 1 à 6 du décret n° 96-1097 du 16 décembre 1996, 473, 485, 509, 512, 513, 514, 706-41 et suivants, 749 et 750 du Code procédure pénale.