CA Paris, 13e ch. A, 10 mars 1998, n° 97-04981
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
Union fédérale des consommateurs de la Seine Saint-Denis
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guilbaud
Avocat général :
M. Blanc
Conseillers :
Mme Petit, M. Paris
Avocats :
Me Fourgoux, SCP Soulie-Coste Fleuret.
Rappel de la procédure :
La prévention :
F Marcel est poursuivi pour avoir, à Montreuil-Sous-Bois et à Aulnay-Sous-Bois, le 26 mai 1994, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur les prix et conditions de vente de produits objets de ladite publicité en annonçant des remises sur les prix de moins 30 % à l'occasion de la Fête des Mères, Fête des Pères du 2 mai au 30 juin 1994 alors que pour 16 articles, les prix étaient les mêmes que ceux pratiqués au mois d'avril et pour 4, existait un écart en plus ou en moins de - 1 % ; + 0,4 % ; - 12 % ; - 2,02 % ;
Le jugement :
Le tribunal, par jugement contradictoire :
A rejeté l'exception de nullité soulevée,
A déclaré F Marcel
Coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, faits commis le 26 mai 1994, à Montreuil, Aulnay-Sous-Bois, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 alinéa 1 Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 213-1 Code de la consommation
Et, en application de ces articles,
L'a condamné à une amende sous forme de jours amende au nombre de 100 et d'un montant unitaire de 800 F.
A dit que cette décision est assujettie au droit fixe de procédure de 600 F dont est redevable le condamné.
A ordonné la publication du jugement aux frais du condamné dans un journal au choix de la partie civile sans que le coût d'insertion n'excède la somme de 10 000 F.
L'a condamné à payer à l'Union Fédérale des Consommateurs de la Seine-Saint-Denis, partie civile, la somme de 4 000 F à titre de dommages-intérêts et en outre la somme de 1 000 F au titre de l'article 475-1 du CPP.
Les appels :
Appel a été interjeté par :
M. F Marcel, le 24 avril 1997 contre L'Union fédérale des consommateurs de la Seine Saint-Denis ;
X, le 24 avril 1997, contre L'Union fédérale des consommateurs de la Seine-Saint-Denis ;
L'Union fédérale des consommateurs de la Seine-Saint-Denis, le 8 mai 1997 contre M. F Marcel ;
M. le Procureur de la République près le TGI de Bobigny le 24 avril 1997.
Décision :
Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant sur les appels relevés par le prévenu, la société civilement responsable, le Ministère Public et la partie civile à l'encontre du jugement précité auquel il convient de se référer pour l'exposé de la prévention ;
Par voie de conclusions, Marcel F et la SARL X, civilement responsable, sollicitent, par infirmation, la relaxe du prévenu et la mise hors de cause du civilement responsable ; à titre subsidiaire, ils demandent la confusion des peines ; en tout état de cause, ils font plaider l'irrecevabilité pour tardiveté de l'appel et le mal fondé des prétentions de la partie civile ;
Ils font valoir, essentiellement, que le prix de référence résultant d'un coefficient de 1,96 sur les prix des tarifs de gros HT des fournisseurs était applicable à l'espèce et que l'UFC 93 s'est trouvée dans l'impossibilité de démontrer l'existence d'un préjudice réel causé par les annonces du concluant ;
Monsieur l'Avocat général requiert la confirmation du jugement dont appel sur la déclaration de culpabilité ; il s'en rapporte à la sagesse de la cour sur la peine à infliger et s'oppose à la demande de confusion des peines ; il soutient qu'il résulte du procès-verbal établi par la DGCCRF qu'il y eu, à la fois, violation de la réglementation applicable et faux rabais sur les soldes annoncés ;
Par voie de conclusions, l'Union fédérale des consommateurs de la Seine-Saint-Denis sollicite la confirmation du jugement dont appel sur la déclaration de culpabilité et par infirmation sur les dispositions civiles, la condamnation de Marcel F à lui verser la somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 20 000 F au titre de l'article 475-1 du CPP en cause d'appel ;
Elle demande en outre la publication de l'arrêt à intervenir dans un journal de son choix, sans que le coût de l'insertion puisse dépasser la somme de 10 000 F ; elle fait valoir essentiellement que le seul prix de référence applicable était le prix le plus bas effectivement pratiqué par le magasin au cours des trente derniers jours précédant le début de l'opération et que faute de l'avoir mis en œuvre, sur 20 articles contrôlés dans les parfumeries Y, les prix, pour 16 articles, étaient les mêmes que ceux pratiqués le mois précédent et, pour 4 articles, il existait un écart en plus ou en moins de - 1 %, + 0,4 % ; - 12 % et - 2,02 % ;
Sur les dommages-intérêts sollicités, elle fait observer que ses ressources sont limitées aux subventions accordées par l'Etat ou les collectivités locales, aux cotisations des adhérents et aux dommages-intérêts alloués par les juridictions ;
Sur l'action publique :
Considérant qu'il convient de rappeler que le 26 mai 1994, les services de la DGCCRF se rendaient au magasin " Y " situé [adresse] à Montreuil, où ils étaient reçus par Marcel F, gérant de la SARL " P ", exploitante de plusieurs magasins situés en Seine Saint-Denis ; que cette intervention faisait suite à la plainte d'un concurrent, lequel faisait état d'une publicité trompeuse pratiquée dans les magasins " Y " d'Aulnay-Sous-Bois et de Sevran ;
Considérant que cette publicité était ainsi libellée :
" Fête des Mères - Fête des Pères - du 2 mai au 30 juin 1994 - Prix nets inférieurs de 30 % sur Parfumerie et Beauté
Par rapport aux prix publics indicatifs et au prix résultant d'un coefficient multiplicateur 1,96 sur les prix des tarifs et gros HT de nos fournisseurs " ;
Considérant que vainement, Marcel F fait plaider sa relaxe ;
Considérant que la cour relève que la réglementation en vigueur prévoit trois prix de référence possibles, à savoir :
- le prix résultant d'une disposition de la réglementation économique ;
- le prix conseillé par le fabricant ou le fournisseur, c'est-à-dire le prix public indicatif ;
- le prix le plus bas pratiqué au cours des trente derniers jours précédant le début de l'opération.
Considérant que dans le secteur de la parfumerie, les prix ne font l'objet d'aucun encadrement de la part des pouvoirs publics, ce qui exclut la possibilité de se référer à un prix résultant d'une disposition de la réglementation économique ;
Considérant qu'en l'espèce, les annonces de réduction étaient fondées sur deux prix de référence :
- les prix publics indicatifs, c'est-à-dire les prix conseillés ;
- les prix résultant d'un coefficient de 1,96 sur les prix des tarifs de gros HT des fournisseurs.
Que ce dernier point constitue un quatrième prix de référence, s'ajoutant aux trois déjà prévus par la législation en vigueur en matière de solde ;
Considérant que la DGCCRF a relevé un échantillon des prix de vente pratiqués pour 20 articles au cours des mois d'avril et de mai 1994 ; qu'elle a constaté pour les " prix conseillés " que sur les 20 articles précités, Marcel F justifiait de cette référence pour 2 articles seulement, à savoir la crème de beauté Sisley et l'eau de toilette Azzaro ;
Que, nonobstant, le prix pratiqué par Marcel F pour la crème Sisley était supérieur de 2 F au prix de vente conseillé - 30 % et, qu'en tout état de cause, il était proposé, en mai 1994, au même prix qu'en avril de la même année, soit pour un montant de 338 F ;
Que cette absence de rabais s'appliquait également à l'eau de toilette Azzaro, proposée au prix de 250 F, tant en avril qu'en mai 1994 ;
Considérant, par ailleurs, qu'en l'absence de prix conseillés pour les 18 autres produits, Marcel F a fait application de son nouveau prix de référence fondé sur le coefficient multiplicateur de 1,96 ;
Considérant toutefois que la cour estime, ainsi qu'elle l'a déjà jugé par arrêts du 21 mars 1995, que ce prix de référence ne saurait être utilisé en la matière ;
Qu'en effet, si la Cour de cassation a admis que dans le cadre d'une offre de rabais, l'annonce pouvait viser un prix de référence autre que ceux prévus par des textes, c'est sous la condition expresse que le consommateur soit en mesure de contrôler facilement la véracité des promesses formulées ;qu'en l'espèce, le consommateur ne pouvait se procurer les tarifs de gros des fournisseurs, s'agissant de documents commerciaux échangés entre professionnels, auxquels il n'avait pas accès ;
Considérant dès lors, ainsi que l'a relevé le tribunal, que le seul prix de référence à retenir par Marcel F était celui pratiqué dans le mois écoulé avant les soldes ;
Qu'il fait l'objet de l'article 3 de l'arrêté ministériel n° 77 105-P qui édicte que " le prix de référence visé par le présent arrêté ne peut excéder le prix le plus bas effectivement pratiqué par l'annonceur pour un article ou une prestation similaire, dans le même établissement de vente au détail, au cours des trente derniers jours précédant le début de la publicité " ;
Considérant que faute par Marcel F d'avoir appliqué ce texte, la DGCCRF a constaté que pour 16 des 20 articles relevés, les prix étaient exactement les mêmes que ceux pratiqués au mois d'avril 1994 et que, pour les 4 autres, l'écart en plus ou en moins n'était que de - 1% ; + 0,4 % ; - 12 % et - 2,07 % ;qu'il s'en déduit que les consommateurs ont été soumis à une publicité comportant des allégations de nature à les induire en erreur sur la réalité des rabais annoncés ;
Considérant en conséquence que la cour confirmera le jugement dont appel sur la déclaration de culpabilité ; qu'au regard des circonstances de la cause, elle infirmera toutefois la sanction prononcée et infligera à Marcel F la peine de 50 000 F d'amende ;
Considérant que la cour ordonnera la publication de l'arrêt aux frais avancés de Marcel F dans " France Soir " et " Elle " sans que le coût de chaque insertion puisse dépasser la somme de 25 000 F ;
Considérant que la cour n'estime pas devoir ordonner la confusion des peines ;
Sur l'action civile :
Considérant que la cour constate que l'appel de l'UFC a été interjeté, en fait, le 9 mai 1997 ; qu'il est recevable au regard des dispositions des articles 498 et 500 du CPP, étant observé que le 8 mai est un jour férié ;
Considérant que la cour possède les éléments nécessaires et suffisants pour apprécier le préjudice certain subi par la partie civile, et découlant directement des faits visés à la prévention ;
Considérant, dès lors, qu'il convient, par infirmation, de fixer à la somme de 10 000 F le montant de dommages-intérêts qui seront alloués à l'UFC ;
Considérant que la cour condamnera, en outre, Marcel F à verser à la partie civile la somme supplémentaire de 5 000 F au titre de l'article 475-1 du CPP en cause d'appel ;
Qu'elle confirmera la somme allouée par les premiers juges au titre des frais irrépétibles ;
Considérant que la publication du présent arrêt a déjà été ordonnée dans le cadre des dispositions pénales ;
Considérant que la SARL P sera déclarée civilement responsable de Marcel F ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Sur l'action publique : Rejette les conclusions de Marcel F et de la SARL P ; Confirme le jugement dont appel sur la déclaration de culpabilité ; L'infirme en répression ; Condamne Marcel F à la peine de 50 000 F d'amende ; Ordonne la publication du présent arrêt aux frais avancés de Marcel F dans France Soir et Elle sans que le coût de chaque insertion ne dépasse la somme de 25 000 F ; Dit n'y avoir lieu à ordonner la confusion des peines. Sur l'action civile : Rejette les conclusions de Marcel F et de la SARL P ; Accueillant pour partie, rejetant pour partie les conclusions de l'UFC de la Seine-Saint-Denis, partie civile ; Déclare recevable l'appel interjeté par l'UFC de la Seine-Saint-Denis ; Infirme la décision critiquée sur le montant des dommages-intérêts ; Condamne Marcel F à verser à l'UFC de la Seine-Saint-Denis la somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts et la somme supplémentaire de 5 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du CPP en cause d'appel ; Confirme le jugement entrepris sur la somme allouée par les premiers juges au titre des frais irrépétibles ; Constate que la mesure de publication du présent arrêt a été ordonnée dans le cadre des dispositions pénales ; Déclare la SARL P civilement responsable de Marcel F ; Dit que cette décision est assujettie au droit fixe de procédure de 800 F dont est redevable le condamné.