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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 27 janvier 1998, n° 97-02811

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Institut d'Etudes Supérieures des Arts (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guilbaud

Conseillers :

Mme Petit, M. Paris

Avocats :

Mes Baulieu, Berkovits.

TGI Paris, 31e ch., du 20 déc. 1996

20 décembre 1996

Rappel de la procédure:

La prévention:

G Claude est poursuivie pour avoir à Paris depuis 1995 et jusqu'en février 1996 effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur l'existence d'une prestation de services, ses qualités substantielles et la portée des engagements pris par l'annonceur, en annonçant pour l'Ecole X "titres homologués" alors que cette école ne bénéficient pas d'une homologation.

Le jugement:

Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré G Claude:

Coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, faits commis de 1995 à février 1996, à Paris, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 alinéa 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6 et L. 213-1 du Code de la consommation,

Et, en application de ces articles,

L'a condamnée à une amende de 30 000 F,

A ordonné aux frais de la condamnée la publication par extraits de la décision dans le périodique " Connaissance des Arts " sans que le coût de l'insertion n'excède 10 000 F,

L'a condamnée à payer à la partie civile la somme de 1 F à titre de dommages et intérêts et celle de 3 000 F au titre de l'article 475-1 du CPP,

A débouté la partie civile du surplus de ses demandes,

A dit que cette décision est assujettie au droit fixe de procédure de 600 F dont est redevable la condamnée.

Les appels:

Appel a été interjeté par:

- M. le Procureur de la République, le 26 décembre 1996 contre Mme G Claude,

- Mme G Claude, le 26 décembre 1996 contre Institut d'Etudes Supérieures des Arts (IESA),

Décision:

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels relevés par la prévenue et le Ministère public à l'encontre du jugement précité, auquel il convient de se référer pour l'exposé de la prévention;

Par voie de conclusions, Claude G, à qui il a été donné acte de la comparution volontaire à l'audience du 7 octobre 1997, sollicite, par infirmation, sa relaxe, et à titre subsidiaire, l'indulgence de la cour, par le prononcé d'une dispense de peine;

Sur le plan civil, elle demande à la cour de déclarer irrecevable la IESA (SARL) en sa constitution;

Elle fait valoir essentiellement:

I- In limine litis: sur l'irrecevabilité de la partie civile:

Qu'aux termes de l'article 2 du Code de procédure pénale, l'action civile appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction;

Qu'en l'espèce, la SARL IESA, partie civile, fonde son préjudice sur la prétendue concurrence déloyale que lui aurait causé l'Ecole X en se prévalant d'une homologation;

Qu'elle écrit dans ses conclusions de première instance:

" ... Le cursus de formation étant de trois ans, un étudiant détourné représente une perte de recettes potentielles de 105 000 F. L'école ayant environ 140 étudiants sur les trois années de cursus de formation initiale, cela peut se traduire par un préjudice extrêmement important ";

Que pourtant, la IESA (SARL), créée en 1985 ne s'adresse pas à ce public: qu'il s'agit d'un organisme dispensant de la formation professionnelle comme en atteste son K bis qui d'adresse comme cela ressort de sa propre documentation aux adultes et animateurs désireux de se perfectionner ou d'acquérir un diplôme confortant leur pratique professionnelle;

Que l'organisme dispensateur de cours destinés au public étudiant est l'association loi de 1901 IESA Campus dont le numéro de Siret est le 38045579000010, créée en 1990 qui n'est bénéficiaire d'aucune homologation;

Qu'en effet:

- la IESA (SARL ) organise des formations destinées aux adultes,

- l'Ecole X dispense deux cycles de formation d'une durée de quatre années s'adressant aux étudiants de moins de 26 ans,

- IESA Campus propose une formation sur deux ou trois ans à des étudiants de moins de 26 ans ayant un niveau bac + 2;

Qu'en conséquence, la seule personne susceptible d'arguer éventuellement d'un préjudice est l'IESA Campus;

Que l'IESA Campus ne s'est pas constituée partie civile; que d'ailleurs l'IESA Campus n'est pas bénéficiaire de l'homologation;

Que celle-ci en effet a été octroyée en 1991 à l'IESA (SARL) pour deux de ses enseignements " mobilier et objets d'art " et " peinture et arts graphiques ";

Que les étudiants d'IESA Campus qui voudraient donc obtenir l'un de ces deux titres homologués devraient donc s'inscrire auprès de l'IESA (SARL) pour les passer à la condition de répondre aux critères d'admission, et donc d'être déjà des professionnels du marché de l'art;

Que dès lors, il n'existe aucune concurrence ni même principe de concurrence entre l'Ecole X et l'IESA (SARL), ces deux entités ne s'adressant pas au même public et n'offrant pas les mêmes formations; qu'il est de jurisprudence constance que ce principe de concurrence doit exister en matière de publicité trompeuse pour autoriser la constitution de partie civile;

Que l'IESA (SARL) ne faisait état d'aucun préjudice direct et personnel, sa constitution de partie civile doit être déclarée irrecevable;

II- Au fond, sur la bonne foi de Mme G:

Qu'il est reproché à Mme G d'avoir effectué une publicité mensongère à partir de septembre 1995 en annonçant que l'Ecole X bénéficiait d'une homologation alors qu'aucun décret ministériel n'était paru;

Qu'ainsi que le souligne le jugement entrepris, l'enquête préliminaire a révélé que Mme G avait bien engagé une procédure d'homologation qui avait reçu un premier avis favorable le 15 septembre 1995 confirmé le 26 février 1996 par la Commission technique d'homologation des titres de l'enseignement technologique;

Que c'est avec la plus entière bonne foi que Mme G a, dans un premier temps, pu faire état de cette homologation, celle-ci, dès lors que l'avis favorable avait été donné, ne relevant que de la prise d'un arrêté que seules les manœuvres commises par la partie civile a différée;

Que dans son jugement du 20 décembre 1996, le tribunal fonde sa décision d'infliger à Mme G une amende de 30 000 F et de faire publier la décision à intervenir sur le fait qu'elle n'aurait pas " pris toutes les mesures pour faire cesser l'infraction " puisque de nouvelles parutions sont intervenues en septembre et décembre 1996 dans Connaissance des Arts.

Qu'il est demandé à la cour de réformer le jugement sur ce point;

Qu'en effet, contrairement à ce qui est prétendu, Mme G a bien pris les mesures imposées par les circonstances.

Qu'il est versé aux débats une lettre du directeur commercial de la SARL Connaissance des Arts confirmant que la société Ecole X lui avait, en 1996, donné pour instruction de supprimer la mention relative à l'homologation dans tous les nouveaux documents publicitaires et promotionnels de ladite école.

Qu'il est également attesté " qu'en raison d'une surcharge de travail et de problèmes techniques, les nouveaux documents n'ont pu être réalisés finalement que fin 1996. Les parutions actuelles en attestent ".

Qu'ainsi, si formellement des parutions ont eu lieu à une certaine époque, il n'en demeure pas mois qu'aucun élément intentionnel délictueux n'est constitué; que Mme G en raison de l'avis rendu dès septembre 95 croyait pouvoir agir ainsi, et par la suite, a fait le nécessaire pour faire cesser ces parutions.

Que, bien plus depuis lors, non seulement, l'infraction a cessé, mais un certain nombre d'attestations ont été fournies aux débats montrant le haut niveau de l'école et le fait qu'aucun des étudiants n'a été trompé par les publicités incriminées.

Que, par contre, le plaignant en la personne de l'IESA et de ses dirigeants n'ont eu de cesse d'instrumentaliser la présente procédure, allant jusqu'à diffamer l'Ecole X devant les étudiants; que de grossières contrefaçons des documents publicitaires de l'Ecole X ont eu lieu lors d'un salon sans que l'on en connaisse l'auteur, en se servant de la décision rendue par le tribunal pour mener à bien leur tentative de faire purement et simplement disparaître l'Ecole X;

Que ces agissements ont d'ailleurs conduit cette dernière à déposer plainte entre les mains de la Direction de la Répression des Fraudes.

Que l'ensemble de ces éléments devra mener la cour à réformer le jugement entrepris et à défaut d'une relaxe à prononcer une dispense de peine.

Monsieur l'Avocat général requiert la confirmation du jugement dont appel; après avoir relevé le fait que l'élément matériel de l'infraction n'est pas contesté, il soutient que la bonne foi de Claude G ne saurait être retenue, en raison du niveau de compréhension élevé des divers protagonistes; il fait valoir, à cet égard, que si Claude G connaissait la nécessité d'un avis favorable de la Commission Technique Régionale, elle ne pouvait ignorer, qu'outre l'avis confirmatif de la Commission Nationale, il lui fallait attendre l'arrêté ministériel d'homologation;

Représentée par sa gérante, Françoise Ackermman-Schmitt, la IESA (SARL), assistée de son conseil, sollicite la confirmation du jugement dont appel, et la condamnation de Claude G à lui verser la somme supplémentaire de 5 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale en cause d'appel; elle fait valoir, essentiellement, que ses diplômes sont homologués par arrêté ministériel, et qu'elle a tout intérêt à agir en justice puisqu'elle enseigne dans un domaine concurrent; elle fait observer qu'il importe peu de savoir à qui ses diplômes sont délivrés, et reprend l'argumentaire de M. l'Avocat général quant à la bonne foi invoquée par la prévenue.

A- Sur l'action publique:

Considérant que la cour constate que l'action publique n'a pas été mise en mouvement par une plainte avec constitution de partie civile, suivie d'une consignation; que, par voie de conséquence, Claude G a été citée devant les premiers juges à la seule requête de M. le Procureur de la République près le TGI de Paris; que dès lors la cour considère qu'il échet de statuer en premier lieu sur l'action publique, et non, in limine litis, sur l'action civile;

Considérant qu'il convient de rappeler que depuis septembre 1995, la société "Ecole X", dont Claude G est le président du Conseil d'Administration, a fait paraître dans diverses publicitaires mentionnant qu'elle délivrait des diplômes homologués par l'Etat;

Qu'il résulte de l'enquête diligentée sur plainte de la SARL " Institut d'Etudes Supérieures des Arts " (IESA), que l'Ecole X avait obtenu, début 1996, un avis favorable de la commission régionale technique d'homologation des titres et diplômes de l'enseignement technologique, mais que, nonobstant, aucun arrêté ministériel n'était paru au JO;

Que, toutefois, les annonces incriminées ont continué de paraître jusqu'en février 1996, et même au-delà;

Considérant que la cour relève que Claude G ne conteste pas la matérialité des faits qui lui sont reprochés;

Considérant, en revanche, que la prévenue ne saurait se prévaloir du défaut d'intention frauduleuse; qu'elle argue vainement du fait que la commission nationale technologique d'homologation a confirmé l'avis favorable rendu par la commission régionale; qu'elle soutient à tort, d'une part, que seule la qualité de l'enseignement pratiqué était réellement attractive pour les étudiants et, d'autre part, que la publicité par laquelle l'Ecole consacrait un budget modeste n'avait aucune influence sur le nombre d'étudiants inscrits, puisque les places étaient quantitativement limitées;

Que la cour considère, en réalité, que l'Ecole X ne pouvait se prévaloir d'une homologation des diplômes qu'elle délivrait, dès lors qu'aucun arrêté ministériel n'avait entériné les avis favorables émis par les commissions précitées; qu'elle note qu'en l'état actuel de la procédure, ledit arrêté n'est toujours pas publié au JO; que la cour estime, comme les premiers juges, qu'en anticipant sur une décision administrative qui n'était nullement automatique aux termes de la procédure d'homologation, Claude G, vu sa qualité d'annonceur, a pu induire en erreur les étudiants sur la nature des diplômes préparés à l'Ecole X;

Que la cour, dès lors, confirmera le jugement dont appel sur la déclaration de culpabilité, la peine d'amende et la mesure de publication de la décision ordonnée, les premiers juges ayant fait à Claude G une juste application de la loi pénale;

B- Sur l'action civile:

Considérant que Claude G fait valoir que la IESA (SARL) exerce son activité dans un domaine distinct de celui de l'Ecole X et qu'elle n'avait de ce fait aucun intérêt à se porter partie civile; qu'en effet la IESA (SARL) ne s'adressait qu'aux adultes désireux de se perfectionner ou d'acquérir un diplôme confortant leur pratique professionnelle; que l'organisme dispensateur des cours destinés aux étudiants ne serait pas la SARL mais l'association IESA Campus, qui serait seule susceptible de se constituer partie civile si elle bénéficiait de l'homologation; qu'en définitive, la IESA (SARL) n'a subi aucun préjudice direct ou personnel;

Considérant toutefois que la cour estime qu'au regard des pièces versées aux débats, la IESA (SARL) exerce une activité d'enseignement dans le même domaine que l'Ecole X; que ce point résulte notamment d'un courrier adressé par l'Ecole X à la DGCCRF le 16-10-97, dans lequel elle reconnaît que l'IESA est une " école concurrente de l'Ecole X "; qu'il s'avère, également, que les documents d'information du " Centre d'Information et de Documentation Jeunesse " relatifs aux métiers de l'art, classent l'Ecole X et l'IESA dans la même catégorie;

Considérant, dès lors, que la cour estime que la IESA (SARL) est recevable à se constituer partie civile pour demander réparation du préjudice à elle causé par la publicité trompeuse;

Considérant que la cour ne trouve pas motif à modifier la décision critiquée qui a fait une équitable appréciation du préjudice subi par la partie civile, et découlant directement des faits visés à la prévention; qu'en conséquence, la cour confirmera le jugement dont appel sur les dispositions civiles; qu'elle condamnera, en outre, Claude G à verser à la IESA (SARL) la somme supplémentaire de 5 000 F au titre de l'article 475-1 du CPP en cause d'appel;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Donne acte à Claude G de ce qu'elle a comparu volontairement à l'audience du 7 octobre 1997, Rejette les conclusions de Claude G, Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Condamne Claude G à verser à la société IESA la somme supplémentaire de 5 000 F au titre de l'article 475-1 du CPP en cause d'appel. Dit que cette décision est assujettie au droit fixe de procédure de 800 F dont est redevable la condamnée.