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Décisions

CA Paris, 13e ch. B, 24 juin 1998, n° 97-08290

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Marie (faisant fonction)

Conseillers :

Mme Mastracci, M. Fallet

Avocat :

Me Mauriac.

TGI Paris, 31e ch., du 17 sept. 1997

17 septembre 1997

Rappel de la procédure :

La prévention :

D Charles est poursuivi pour avoir à Paris depuis février 1996 et jusqu'en septembre 1996, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur les prix et conditions de vente en affichant un tarif informant le consommateur que l'entreprise facturait ses prestations de dépannage selon un prix forfaitaire par zone kilométrique sans mentionner qu'elle ajouterait à ce forfait le temps passé à réaliser le dépannage et en affichant un tarif forfaitaire qui comprend déjà la main d'œuvre alors que celle-ci est facturée séparément.

Le jugement :

Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré D Charles coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, fait commis de février 1996 à septembre 1996, à Paris, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 213-1 Code de la consommation.

et, en application de ces articles,

l'a condamné à 4 000 F d'amende

a ordonné aux frais de Charles D la publication du jugement par extraits dans la revue l'Auto Journal sans que le coût de l'insertion ne dépasse pas 25 000 F

a dit que cette décision est assujettie au droit fixe de procédure de 600 F dont est redevable le condamné.

Les appels :

Appel a été interjeté par :

- M. D Charles, le 18 septembre 1997

- M. le Procureur de la République, le 18 septembre 1997 contre M. D Charles

Décision :

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

LA COUR statue sur les appels relevés par M. Charles D et le Ministère Public d'un jugement contradictoire rendu le 17 septembre 1997 par le Tribunal de grande instance de Paris auquel il est fait expressément référence pour l'exposé de la prévention ;

Rappel des faits :

Il résulte des éléments du dossier que la société X dont M. Charles D est directeur commercial, est titulaire d'un agrément préfectoral pour le dépannage et le remorquage de véhicules à Paris ;

En juillet 1996, la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes a été saisie des réclamations de deux consommateurs, M. Hauguel et M. Antonicelli qui indiquaient que les prestations facturées par la société X ne correspondaient pas aux tarifs affichés ;

Aux termes de son enquête, la Direction de la Concurrence a conclu dans son procès-verbal du 8 novembre 1996 "qu'en affichant un tarif informant le consommateur que l'entreprise facturait ses prestations de dépannage selon un prix forfaitaire par zone kilométrique, sans mentionner qu'elle ajouterait à ce forfait le temps passé à réaliser le dépannage, Messieurs D, professionnels avertis, ont agi avec la volonté d'induire le consommateur en erreur" ;

Par voie de conclusions, M. Charles D sollicite la relaxe. Il fait valoir que les éléments constitutifs de l'infraction de publicité mensongère ne seraient pas réunis au motif :

- que la société X aurait affiché ses tarifs à l'intérieur de ses locaux et des véhicules de remorquage dans le seul but de respecter la réglementation en vigueur ; que cet affichage n'aurait en conséquence aucun caractère incitatif ou promotionnel de sorte qu'il n'entrerait pas dans le champ d'application de l'article L. 121-1 du Code de la consommation ;

- que l'agrément a été accordé par la Préfecture de Police de Paris le 22 février 1995 après examen du dossier et notamment des tarifs pratiqués ; qu'il en résulterait que ceux-ci doivent être considérés comme suffisamment explicites et modérés ;

- que la tarification des opérations de dépannage remorquage sur les autres voies que les routes ou voies expresses, est libre ; que la société X aurait clairement explicité ses modalités de facturation qui seraient en outre conformes aux usages de la profession ; que le forfait correspondrait au déplacement et à un temps d'intervention de 30 minutes de sorte qu'il serait normal que toute prestation supplémentaire soit facturée à l'heure ;

- que la facturation des frais de parking à M. Antonicelli serait justifiée par le fait que celui-ci aurait laissé son véhicule 19 jours avant de donner des instructions ; que le temps d'intervention facturé à M. Hauguel s'expliquerait par le temps passé à rechercher un distributeur automatique de billets, celui-ci ne disposant d'aucun moyen de paiement ;

Le Ministère Public a demandé la confirmation du jugement entrepris ;

Sur ce, LA COUR,

Considérant que le caractère obligatoire de l'affichage des tarifs n'a pas pour effet de retirer à celui-ci sa nature publicitaire dès lors qu'il conduit à guider le choix du consommateur ;

Qu'il en résulte que l'affichage des tarifs d'intervention d'une société de remorquage-dépannage dans ses locaux et dans ses camions de remorquage entre dans le champ d'application de l'article L. 121-1 du Code de la consommation ;

Considérant que la délivrance de l'agrément préfectoral, même s'il suppose l'examen préalable des tarifs fournis par la société de remorquage-dépannage ne fait pas obstacle à des poursuites pénales postérieures sur le fondement de l'article L. 121-1 du Code de la consommation ;

Considérant que les tarifs fournis par la société X mentionnent des forfaits par zone géographique en fonction de la distance kilométrique ; que l'affirmation du prévenu selon laquelle ce forfait correspond à un temps d'intervention de 30 minutes ne résulte d'aucune indication écrite ; que les prix de l'heure de main-d'œuvre, du kilométrage et du parking sont ajoutés en bas de page sans que les conditions de leur facturation soient précisées ;

Que la lecture de ce tarif est de nature à induire en erreur le consommateur normalement averti qui peut légitimement croire qu'il n'aura à payer que le prix forfaitaire affiché ;

Que les factures produites aux débats ne sont pas conformes à l'information donnée au consommateur par voie d'affichage puisqu'elles ajoutent au prix forfaitaire le temps passé à réaliser le dépannage ;

Considérant que le prévenu invoque vainement les usages de la profession dès lors que le cahier des charges élaboré par la Préfecture de Police pour le dépannage en zone urbaine se réfère explicitement au décret du 11 juillet 1989 applicable pour les dépannages de véhicule sur route et voies expresses qui prévoit que " le prix forfaitaire couvre le déplacement du véhicule d'intervention, et, selon le cas, soit la réparation sur place, soit le remorquage ou le transport du véhicule immobilisé au garage du véhicule d'intervention ou, à la demande de l'usager, en un lieu situé à moins de 5 kilomètres de la sortie. Dans le cas de la réparation sur place, le prix des fournitures est en sus " ;

Qu'il en résulte que l'infraction est établie à l'encontre de M. Charles Dde sorte que le jugement entrepris sera confirmé sur la déclaration de culpabilité ;

Considérant toutefois qu'il convient de faire au prévenu une application différente de la loi pénale ;

Que l'infraction sera équitablement sanctionnée par une peine de 20 000 F d'amende ;

Qu'il y a lieu d'ordonner la publication de l'arrêt non seulement dans l'Auto Journal mais également dans Le Parisien ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement entrepris sur la déclaration de culpabilité ; L'infirmant sur la peine ; Condamne Charles D à une amende de 20 000 F ; A titre de peine complémentaire, ordonne aux frais de Charles D la publication du présent arrêt par extraits dans la revue l'Auto Journal et dans le quotidien Le Parisien ; Dit que cette décision est assujettie au droit fixe de procédure de 800 F dont est redevable le condamné.