CA Bordeaux, 3e ch. corr., 30 juin 1998, n° 97000819
BORDEAUX
Arrêt
Infirmation partielle
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Castagnède
Conseillers :
Mme Robert, M. Minvielle
Avocat :
Me Dufranc.
Faits :
Par actes en date du 17 septembre 1997 reçus au secrétariat-greffe du Tribunal de grande instance de Bordeaux, le prévenu et le Ministère public ont relevé appel d'un jugement contradictoire rendu par ledit tribunal le 15 septembre 1997 à l'encontre de B Cédric poursuivi comme prévenu :
- d'avoir en Gironde au cours de l'année 1996, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur dans Hebdo Gironde en juin 1996 portant les logos " Intel Inside " et " Pentium Processor " alors que le matériel figurant sur la publicité en photographie n'est pas équipé d'un processus Pentium de Intel.
Faits prévus par les articles : L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 alinéa 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 213-1 du Code de la consommation et l'article L. 121-4 du Code de la consommation.
- d'avoir en Gironde au cours de l'année 1996, usurpé la marque Pentium d'Intel.
Faits prévus par les articles : L. 716-9 § A, L. 711-1, L. 712-1, L. 713-1, L. 716-1, L. 713-2 § A du Code de la propriété intellectuelle et réprimés par les articles L. 716-9, L. 716-11-1 alinéa 1, L. 716-13, L. 716-14 du Code de la propriété intellectuelle.
Le tribunal :
A déclaré B Cédric coupable des faits visés à la prévention et par application des dispositions des textes précités, l'a condamné à 10 000 F d'amende ;
Sur quoi,
Monsieur le Président a informé les parties présentes que l'affaire était mise en délibéré à l'audience publique du 30 juin 1988,
Et, à l'audience de ce jour, Monsieur le Président a donné lecture de la décision suivante :
Attendu que les appels interjetés par le prévenu et le Ministère public sont recevables pour avoir été déclarés dans les forme et délai légaux.
Attendu que M. B sollicite sa relaxe ; que le Ministère public conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré Cédric B coupable des deux infractions qui lui sont reprochées et l'a condamné à la peine de 10 000 F d'amende ; qu'il demande en outre que soit également ordonné la publication de la décision à intervenir ;
Motivation :
Sur la culpabilité :
Sur le délit de publicité mensongère :
Attendu qu'il ressort d'un procès-verbal dressé le 9 juillet 1996 par les agents de la Direction de la Concurrence et de la Répression des Fraudes que M. B, gérant de la SARL X, intégrateur et distributeur de matériel informatique, a fait paraître dans le journal d'annonces " Hebdo Gironde " du 3 juin 1996 une offre publicitaire présentant la photographie d'un micro-ordinateur comprenant un moniteur de marque Goldstar, un clavier, une souris, deux enceintes, un boîtier tour et un lecteur CD-ROM ; que figurait sur le boîtier tour le logo " Intel Inside Pentium Processor " ; qu'à droite de cette photographie, étaient représentés les logos " Microsoft Windows 95 " et " Intel Inside Pentium Processor " et qu'était adjoint le descriptif " 6890 TTC PC-133 Mhz Multimédia (gamme Pégase - 1 - nous consulter) " suivi de la liste des éléments composant l'ensemble proposé ;
Attendu que les vérifications effectuées ont fait ressortir que l'ordinateur présenté n'était pas équipé d'un processeur Intel Pentium mais d'un processeur AMD 586 x 133 Mhz, qu'il est ainsi apparu que la présentation publicitaire de ce produit pouvait induire en erreur le consommateur porté à croire que ce matériel était équipé d'un processeur Pentium ;
Attendu que M. B conteste le délit de publicité mensongère qui lui est reproché en faisant valoir que l'annonce incriminée indiquait également sur deux colonnes situées au bas à gauche de la photographie :
" Pour vous une gamme de PC haute performance élaborée et construite par X. Des gages de qualité et preuve de notre volonté d'intégrer en permanence les toutes dernières technologies ; tous les PC Pégase sont équipés de processeurs Intel Cirix ou AMD... " ;
Qu'au surplus, aucune confusion n'était possible dans l'esprit du public, les éléments caractéristiques de la configuration vendue à 6 890 F figurant en caractères très apparents sous le prix et le public susceptible d'être concerné étant composé de lecteurs avisés ou de professionnels ; que M. B précise enfin qu'il remettait aux personnes qui le questionnaient une documentation précise faisant apparaître que le processeur litigieux était un 586 x 533 de marque AMD ;
Mais attendu que la publicité incriminée fait apparaître le logo " Intel Inside Pentium Processor " directement accolé au matériel présenté en photographie et créé manifestement une confusion importante dans l'esprit du consommateur ;que cette publicité, diffusée dans un journal d'annonces générales et gratuites, est loin de viser uniquement un public averti ou professionnel ;que M. B a lui-même admis pendant l'enquête les risques de confusion ainsi créés en expliquant " qu'il ne faisait pas apparaître sur sa publicité les logos de AMD ou de Cirix car ce ne sont pas les plus porteurs sur le marché de l'informatique ... " et qu'il était " exact que lors de la parution de la publicité, un certain nombre de clients avaient appelé le magasin afin d'obtenir quelques compléments d'information au sujet du Pentium 133 " et qu'il leur avait expliqué qu'il ne s'agissait pas d'un Pentium 133 mais d'un processeur AMD 586 x 533 ;
Attendu qu'il ressort ainsi de l'ensemble des éléments du dossier que M. B a fait paraître une publicité tendant à faire croire au consommateur que l'ordinateur proposé au prix annoncé bénéficiait d'une technologie renommée et largement médiatisée par l'utilisation du logo " Intel Inside Pentium Processor " alors que le modèle présenté n'était pas équipé d'un tel processeur ;qu'il s'ensuit que le délit de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur est en l'espèce constituéet que c'est à juste titre que le tribunal est entré en voie de condamnation de ce chef ;
Sur le délit de contrefaçon :
Attendu que M. B est poursuivi pour avoir " en Gironde dans le courant de l'année 1996, usurpé la marque Pentium d'Intel " ; que ces poursuites visent les dispositions de l'article L. 716-9 § A du Code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que le délit défini par cet article incrimine quiconque aura " reproduit, imité, utilisé, apposé, supprimé ou modifié une marque (...) en violation des droits conférés par un enregistrement et des interdictions qui découlent de celui-ci ;
Attendu que, s'il est constant que la marque Pentium a été enregistrée en 1992 comme marque de la société Intel Corporation pour les ordinateurs et micro processeurs, les pièces versées aux débats démontrent que M. B est habilité par la société Intel à utiliser et à commercialiser les ordinateurs équipés d'un processeur Pentium ; qu'il ne saurait donc être reproché au prévenu d'avoir reproduit ou utilisé une marque dont il est à la fois l'intégrateur et le distributeur ; qu'il s'ensuit que le jugement doit être réformé sur ce point et que M. B doit être renvoyé de ce chef de poursuite.
Sur la peine :
Attendu que la peine de 10 000 F d'amende prononcée par le tribunal apparaît au vu des éléments de la cause comme une sanction tout à fait appropriée au délit retenu à l'encontre du prévenu ; qu'il convient par ailleurs en application des dispositions de l'article L. 121-4 du Code de la consommation d'ordonner la publication de l'arrêt.
Par ces motifs : LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant en audience publique par arrêt contradictoire. Déclare recevables les appels interjetés par le prévenu et le Ministère public, Confirme le jugement rendu par le Tribunal correctionnel de Bordeaux le 15 septembre 1997 en ce qu'il a condamné Cédric B du chef de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur ; Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné Cédric B du chef de contrefaçon ; Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné Cédric B à la peine de 10 000 F d'amende ; Et ajoutant au jugement, Ordonne la publication du présent arrêt aux frais du condamné dans le journal " Sud Ouest ". Dit que la contrainte par corps s'appliquera dans les conditions prévues aux articles 749 et 750 du Code de procédure pénale. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable chaque condamné en application de l'article 1018 A du CGI.