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Décisions

CA Paris, 13e ch. B, 23 septembre 1998, n° 97-03990

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Union Fédérale des Consommateurs

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Sauret

Conseillers :

Mmes Marie, Farina Gérard

Avocats :

Mes Fourgoux, Brault.

TGI Bobigny, 15e ch. corr., du 23 avr. 1…

23 avril 1997

Rappel de la procédure :

La prévention :

F Marcel est poursuivi pour avoir à Montreuil, courant juin 1995,

- effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur les prix et conditions de vente des parfums vendus

- étant prestataire de services,

* omis d'informer le consommateur selon les modalités fixées par arrêté, par voie de marquage, étiquetage, affichage ou tout autre procédé approprié, sur les prix, les limitations éventuelles de responsabilité contractuelle ou les conditions particulières de la vente, en l'espèce omis d'étiqueter les prix de vente de 40 produits de façon à ce qu'ils soient visibles par le consommateur (40 contraventions de 5e classe),

* omis d'indiquer sur des affiches visibles de l'extérieur du magasin l'application de la réduction (une contravention de 5e classe),

* omis de procéder au double marquage sur les produits de l'ancien prix pratiqué et du nouveau prix de vente réduit concernant 21 produits de l'ancien prix pratiqué et du nouveau prix de vente pratiqué et du nouveau prix de vente réduit concernant 21 produits (21 contraventions de 5e classe).

Le jugement :

Le tribunal, par jugement contradictoire,

- a rejeté l'exception de nullité soulevée,

- a déclaré F Marcel :

* coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, faits commis courant juin 1995, à Montreuil (93), infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 213-1 du Code de la consommation,

* coupable de non respect des règles relatives à l'information du consommateur - marquage de produit, service, faits commis courant juin 1995, à Montreuil, infraction prévue par l'article 33 al. 2,1 décret 86-1309 du 29 décembre 1986, L. 113-3 du Code de la consommation, ordonnance 45-1483 du 30 juin 1945 et réprimée par l'article 33 al. 21 décret 86-1309 du 29 décembre 1986

et, en application de ces articles,

l'a condamné :

- à 100 jours-amendes d'un montant unitaire de 800 F

- à 67 amendes contraventionnelles de 500 F

a dit que cette décision est assujettie au droit fixe de procédure de 600 F dont est redevable le condamné.

a ordonné la publication du jugement aux frais du condamné dans un journal au choix de la partie civile sans que le coût n'excède la somme de 10.000 F

l'a condamné à payer à l'Union Fédérale des Consommateurs de la Seine-Saint-Denis, partie civile, la somme de 4 000 F à titre de dommages et intérêts et en outre la somme de 10 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Les appels :

Appel a été interjeté par :

- EURL X, le 24 avril 1997

- Monsieur F Marcel, le 24 avril 1997 contre UFC Union Fédérale des Consommateurs

- Y, le 24 avril 1997

- M. Le Procureur de la République, le 24 avril 1997 contre Monsieur F Marcel

- UFC Union Fédérale des Consommateurs, le 9 mai 1997 contre Monsieur F Marcel.

Décision :

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

F Marcel, responsable de la société EURL X et de la société Y, a interjeté appel le 24 avril 1997, le Ministère public a interjeté appel incident le 24 avril 1997, l'Union Fédérale des Consommateurs, partie civile a interjeté appel le 9 mai 1997, des dispositions d'un jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Bobigny en date du 23 avril 1997, ayant condamné contradictoirement F Marcel à 100 jours-amendes de 800 F, à 67 amendes de 500 F, ordonné la publication du jugement et ayant accordé 4 000 F de dommages et intérêts à l'Union Fédérale des Consommateurs, ainsi que 1 000 F en application des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

F Marcel demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de le relaxer sans peine ni dépens, de mettre hors de cause les parfumeries condamnées et subsidiairement de réformer la décision en ce qu'elle a prononcé des jours-amendes en répression d'une publicité trompeuse, de prononcer la confusion des peines, de déclarer irrecevable et mal fondée l'Union Fédérale des Consommateurs et de rejeter toutes ses demandes ;

Il expose à cet effet que la publicité diffusée insistait sur le prix net payé par le consommateur dont il n'a jamais été utilisé dans le but de tromper le consommateur ;

Il fait observer que les exigences de marquage, selon l'arrêté du 2 septembre 1977, sont parfaitement respectées ; qu'en tout état de cause, la clientèle dans ce type de magasin a toujours recours à l'aide et aux conseils des vendeuses et est ainsi parfaitement informée sur les produits et sur leurs prix, le double marquage ne s'avérant pas nécessaire dès lors que la remise est uniforme et que la durée de la validité de l'offre est mentionnée, conformément aux dispositions de l'arrêté ;

Il présente une demande de confusion des peines et demande à la cour de réformer la décision en ce qui concerne la condamnation à des jours-amendes, peine non prévue en matière de publicité trompeuse et fait valoir que l'article L. 213-1 du Code de la consommation punit d'une peine d'amende toute infraction relative à la publicité trompeuse et de nature à induire en erreur ;

Il met en relief que l'UFC 93 est incapable de démontrer l'existence d'un préjudice réel causé par les annonces de réduction de prix des parfumeries qu'il exploite, que les consommateurs connaissent parfaitement le prix des parfums qu'ils achètent et ne sont en aucun cas trompés par les annonces litigieuses ; dès lors, la partie civile ne saurait réclamer la somme de 50 000 F exorbitante, sans justifier de la réalité d'un préjudice ; il demande en conséquence à la cour de la débouter de l'ensemble de ses demandes ;

Le Ministère public fait valoir qu'une nouvelle fois, Marcel F est poursuivi pour publicité trompeuse, qu'il ne s'oppose pas à l'application des dispositions de l'article 132-4 du Code pénal sur la confusion des peines qui lui paraît obligatoire ; il réclame néanmoins l'application des dispositions concernant la publication de l'arrêt nécessaire pour mettre en garde le consommateur et le dissuader d'acheter des produits au-delà de leur valeur réelle ;

L'Union Fédérale des Consommateurs demande la confirmation du jugement entrepris, de la déclarer recevable et bien fondée en son appel, de lui allouer la somme de 50 000 F à titre de dommages et intérêts et celle de 20 000 F en application des dispositions de l'article 475-1 du CPP, de l'autoriser à faire publier à la charge de Marcel F l'arrêt à intervenir dans un journal de son choix sans que cette insertion ne dépasse la somme de 10 000 F et de le condamner aux dépens ;

Elle fait valoir que les agents de la DGCCRF ont relevé le 21 juin 1995, outre le texte de la publicité comportant des allégations fausses ou de nature à induire en erreur sur les conditions de vente et la portée des engagements pris, le fait que la vente n'était pas en libre-service et que les produits disposés sur des présentoirs derrière le comptoir, n'étaient pas directement accessibles aux clients et que par ailleurs, le prix des produits n'était visible qu'en prenant ceux-ci en mains, sans comporter de deuxième marquage, indiquant un ancien prix barré ;

Ils ont par ailleurs constaté qu'il n'existait dans les magasins aucune information indiquant les modalités d'application de la réduction et que celle-ci était indiquée à la caisse ;

La promotion visée ne consistait qu'en une remise de 6,7 % accordée aux clients lors du passage en caisse, sur les prix étiquetés ; en réalité, les prix tenaient déjà compte d'une remise de 25 % par rapport aux prix de référence indiqués dans la publicité, les clients étant informés oralement de la réduction appliquée sur les prix étiquetés pour arriver à la soi-disante réduction de 30 % annoncée dans l'opération promotionnelle ;

Exposé des faits :

Marcel F dirige plusieurs sociétés exploitant des fonds de commerce de parfumerie en France et plus particulièrement en Seine-Saint-Denis ;

A l'occasion de la fête des Mères et des Pères, la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes effectuait un contrôle de la régularité de la publicité diffusée à l'initiative du prévenu par voies d'affiches et de prospectus promettant aux consommateurs une réduction de 30 % appliquée aux prix déterminés par l'application d'un coefficient de 1,96 aux prix HT des fournisseurs ;

La Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes vérifiait les prix pratiqués dans les trente jours précédant l'opération pour plusieurs dizaines d'articles et constatait, pour l'essentiel, la stabilité des prix pratiqués pendant cette période de fêtes particulièrement propice à la vente de produits de parfumerie ;

Marcel F prétend pouvoir se référer à un quatrième prix de référence s'ajoutant aux trois prévus par la législation en vigueur en matière de soldes : à savoir le prix le plus avantageux pratiqué dans les trente jours avant l'opération, le prix réglementé fixé par l'Etat ou le prix conseillé par le fabricant ;

Le coefficient multiplicateur invoqué par Marcel F ne peut s'analyser ni en un prix réglementé, à défaut de son édiction par une autorité publique, ni en prix indicatif émanant des fournisseurs, en l'absence d'intervention de leur part pour son usage dans le calcul du prix pratiqué par les détaillants ;

De surcroît, les prix des fournisseurs sont des données confidentielles connues de ses seuls commerçants clients dont Marcel F n'avait pas organisé la libre et facile consultation par ses consommateurs attirés par ses publicités ;

Il ressort du dossier et des débats que ledit coefficient de 1,96 n'a jamais été pratiqué par le prévenu et n'est pas davantage utilisé par ses concurrents pour le calcul des prix habituellement demandés aux consommateurs ;

Il n'est pas contestable que le prévenu mettait à profit cette période de l'année favorable à son commerce, pour drainer à son profit la plus large clientèle en utilisant un libellé sans sa publicité destiné à accréditer, au terme d'une lecture rapide habituellement réservée à la publicité, l'espérance fallacieuse d'un gain de 30 % par rapport aux prix pratiqués pendant les autres périodes de l'année ;

En l'espèce, le seul prix de référence envisageable était celui pratiqué dans le mois écoulé avant les soldes ;

Marcel F ne pratiquant pas, pendant cette période de fêtes, des prix inférieurs à cause de cette période de référence, il y a lieu de le retenir dans les liens de la prévention ;

La Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes a relevé à l'encontre de Marcel F plusieurs contravention résultant de plusieurs omissions d'information des consommateurs prescrites par le Code de la consommation ;

Marcel F ne conteste pas ses lacunes ;

Sur ce, LA COUR,

Il convient de rejeter l'argumentation du prévenu, gérant de deux parfumeries, qui prétend que le rabais était fixé à partir d'un prix de référence, calculé par application aux prix d'achat HT, d'un coefficient multiplicateur de 1,96 supposé correspondre, faute de prix de vente conseillé par les fabricants, à la marge couramment pratiquée par la profession ; ce coefficient, inconnu du public et qui n'est pas d'usage courant, ne permet pas de déterminer un prix de référence assurant le consommateur de la véracité des rabais proposés, en l'absence du prix conseillé par les fabricants ;

Il y a donc lieu de retenir Marcel F dans les liens de la prévention concernant les 67 contraventions relevées par les agents de la DGCCRF ;

Sur le délit de publicité mensongère, les mêmes agents ont relevé que les prix promotionnels de 22 des 23 produits vendus à la fois avant et pendant la publicité, devant se terminer le 30 juin 1995, étaient exactement les mêmes que ceux pratiqués un mois et demi auparavant en avril 1995 ;

Bien que la publicité annonçait une réduction de 30 % sur la parfumerie et les produits de beauté à l'occasion de la " Fête des Mères - Fête des Pères ", l'opération était confirmée au 21 juin 1995, pour la seule " Fête des Pères " et ce par l'apposition sur la vitrine de lettres adhésives, ainsi que la diffusion de prospectus laissés à la disposition de la clientèle ; les prix de référence mentionnés dans la publicité ne pouvaient être appliqués, s'agissant d'un non-respect de la réglementation en vigueur ;

Les prix et les conditions de vente sont des éléments déterminants, incitant les consommateurs à se rendre sur les lieux de vente et à accorder leur préférence à un établissement plutôt qu'à un autre ; les consommateurs ont été abusés par l'annonce de réductions de prix mensongères, le prix de référence sur lequel portait le rabais étant artificiel, de plus, aucune réduction de prix n'ayant été effectivement accordée aux consommateurs pendant la période promotionnelle du mois de juin 1995 ;

En conséquence, Marcel F sera sanctionné par 67 amendes concernant les 67 contraventions relevées à son encontre et par l'application de la loi pénale concernant la publicité mensongère dont il a fait usage dans le courant du mois de juin 1995 par l'apposition sur ses vitrines de lettres adhésives et par l'exercice d'un prix de vente non conforme à la législation prévue par l'article 121-1 du Code de la consommation ;

En raison des nombreuses condamnations antérieures de Marcel F, il sera dispensé de publication ;

Il sera accordé à l'UFC le maintien de dommages et intérêts qu'elle a obtenus devant le Tribunal de grande instance de Bobigny.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement. Confirme le jugement déféré sur la culpabilité de F Marcel, Infirmant en répression, Le condamne à 67 amendes de 200 F pour les 67 contraventions relevées à son encontre, Le condamne à une peine d'amende de 20 000 F du chef de publicité mensongère, Dit n'y avoir lieu à publication. Confirme le jugement déféré sur les intérêts civils. Dit que cette décision est assujettie au droit fixe de procédure de 800 F dont est redevable le condamné.