CA Paris, 13e ch. B, 24 mars 1999, n° 98-06549
PARIS
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Chambre régionale des huissiers de justice
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Sauret
Conseillers :
Mme Marie, M. Seltensberger
Avocats :
Mes Bouhot, Durif.
Rappel de la procédure :
La prévention :
V Olivier est poursuivi pour avoir à Moneteau, le 8 octobre 1997, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur les conditions de vente, les motifs ou procédés de la vente ou de la prestation, la portée des engagements de l'annonceur, d'un bien ou d'un service, en l'espèce sur la totalité des biens et services fournis par le magasin et ce en faisant croire que la loterie organisée de manière quotidienne était effectuée sous le contrôle d'un huissier de justice.
Le jugement :
Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré V Olivier :
coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, faits commis le 8 octobre 1997, à Moneteau (89), infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 alinéa 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4 et L. 213-1 du Code de la consommation,
et, en application de ces articles,
l'a condamné à 1 000 F d'amende avec sursis,
a déclaré la Chambre régionale des huissiers de justice irrecevable en sa constitution de partie civile,
a dit que cette décision est assujettie au droit fixe de procédure de 600 F dont est redevable le condamné.
Les appels :
Appel a été interjeté par :
- la Chambre régionale des huissiers de justice, le 14 mai 1998 contre M. V Olivier,
Décision :
Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant sur le seul appel de la partie civile à l'encontre du jugement déféré auquel il est fait référence pour l'exposé des faits et de la prévention ;
La Chambre régionale des huissiers de justice, appelante, demande à la cour, par voie de conclusions, de la déclarer recevable en sa constitution de partie civile et de condamner Olivier V à lui payer les sommes de 10 000 F à titre de dommages et intérêts et de 5 000 F en application de l'article 475-1 du CPP. Elle lui demande également d'ordonner la publication du présent arrêt dans le quotidien l'Yonne Républicaine ;
Olivier V sollicite la confirmation du jugement entrepris en ses dispositions civiles, faisant valoir que ses propos n'étaient qu'une plaisanterie qui ne pouvait entraîner aucune confusion dans l'esprit des consommateurs ; que le préjudice invoqué par la Chambre régionale des huissiers de justice n'est qu'un préjudice indirect et qu'il n'a pas porté atteinte aux officiers ministériels que sont les huissiers de justice ;
Rappel des faits :
Le 8 octobre 1997, entre 18 h 15 et 18 h 30, dans le magasin X à Moneteau, un animateur qui participait à la célébration d'un anniversaire dudit magasin durant la quinzaine commerciale allant du 29 septembre au 10 octobre 1997, indiquait à la clientèle, par haut-parleurs, qu'il allait être procédé à 18 h 30 à un tirage au sort " en présence de M. Y, huissier délégué ", lequel " devait se préparer et enfiler son costume d'huissier de justice ". Il s'est avéré que la personne présentée comme " huissier délégué " ou " huissier de justice " était un employé des établissements X.
Ces faits ont été dénoncés au Procureur de la République près le Tribunal de grande instance d'Auxerre par M. Thierry Total, huissier de justice, qui en a été le témoin direct pour s'être présenté à titre privé avec son épouse aux établissements X afin d'y effectuer des achats ;
La personne qui avait prononcé ces propos, Olivier V, était employé par la société Z à laquelle la société X avait fait appel pour animer la quinzaine commerciale ;
Aux termes du jugement déféré, devenu définitif en ses dispositions pénales, Olivier V a été déclaré coupable d'avoir à Moneteau (89), dans le magasin X effectué une publicité mensongère, en faisant croire à la clientèle que la loterie qui y était organisée de manière quotidienne était effectuée sous le contrôle d'un huissier de justice ;
La Chambre régionale des huissiers de justice, qui s'était constituée partie civile, a été déclarée irrecevable, les premiers juges ayant en effet estimé que les articles du Code de la consommation visés à la prévention n'ayant pas d'autre intérêt que la protection du consommateur, que la partie civile ne subissait qu'un préjudice indirect et qu'elle n'était pas recevable à se constituer partie civile sur le fondement de poursuites exercées pour publicité mensongère ;
Sur ce,
Considérant que selon les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945, relative à leur statut, la Chambre Régionale des Huissiers de Justice représente l'ensemble des huissiers de justice du ressort de la cour d'appel en ce qui touche leurs droits et intérêts communs ;
Que dès lors, la Chambre régionale des huissiers de justice, appelante, a qualité pour se constituer partie civile pour défendre les droits et intérêts de l'ensemble de ses membres ;
Que si les articles L. 121-1 et L. 121-5 et suivants du Code de la consommation tendent à la protection des consommateurs, ils n'excluent pas la possibilité, pour une Chambre régionale des huissiers de justice, de se constituer partie civile quel que soit le caractère, direct ou indirect, du préjudice qu'elle invoque ;
Que dès lors, il y a lieu de déclarer recevable l'appelante en sa constitution de partie civile ;
Considérant qu'Olivier V a été condamné pour avoir commis le délit de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur ;
Que les propos de celui-ci étaient en effet de nature à induire la clientèle des établissements X, celle-ci pouvant légitimement croire que la loterie qui y était organisée allait être effectuée sous le contrôle d'un huissier de justice, moyennant quoi l'image de cette profession ne pouvait qu'être faussée ;
Que l'ensemble des huissiers de justice, représentés par la Chambre régionale appelante subit donc un préjudice direct né des propos qui ont valu à leur auteur d'être condamné pour publicité mensongère ;
Considérant que la cour accueillera en conséquence le principe de la demande de réparation dudit préjudice mais limitera celle-ci, à la lumière des éléments suffisants dont elle dispose, à la somme de 2 000 F ;
Que la mesure de publication du présent arrêt sollicité par la partie civile n'apparaît pas nécessaire ;
Que la demande de la Chambre régionale des huissiers de justice formée sur le fondement de l'article 475-1 du CPP sera accueillie dans son principe mais limitée dans son montant ainsi qu'il sera dit au dispositif du présent arrêt ;
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Statuant sur les seules dispositions civiles, Infirme le jugement déféré, Déclare recevable la Chambre Régionale des Huissiers de Justice en sa constitution de partie civile, Condamne Olivier V à lui payer la somme de 2 000 F à titre de dommages et intérêts et celle de 10 000 F en application de l'article 475-1 du CPP. Rejette toute autre demande.