Livv
Décisions

CE, sect. du contentieux, 28 février 1997, n° 157354

CONSEIL D'ÉTAT

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Télévision Française 1 (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Commissaire du gouvernement :

Mme Pécresse

Rapporteur :

M. Lambron

Avocats :

SCP Boré, Xavier

CE n° 157354

28 février 1997

LE CONSEIL : - Vu 1°), sous le n° 157 354, la requête, enregistrée le 28 mars 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SA "Télévision Française 1", dont le siège social est 176/180 rue de l'Université à Paris (75007), représentée par son président-directeur général en exercice ; la SA "Télévision Française 1" demande au Conseil d'Etat : - d'annuler la décision par laquelle le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel a autorisé la société France 3 à pratiquer une coupure publicitaire lors de la diffusion du film "Autant en emporte le vent" le 14 février 1994 ; - de condamner la partie adverse au versement d'une somme de 15 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ; - Vu 2°), sous le n° 157 355, la requête, enregistrée le 28 mars 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SA "Télévision Française 1", représentée par son président-directeur général en exercice ; la SA "Télévision Française 1" demande au Conseil d'Etat : - d'annuler une décision contenue dans une lettre du 9 mars 1994 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel a refusé de mettre en œuvre son pouvoir de sanction à l'endroit de la société nationale de télévision France 3 à raison de la méconnaissance par cette dernière de ses obligations légales relatives à la prohibition des coupures publicitaires au cours de la diffusion des œuvres cinématographiques ; - d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ; - de condamner la partie adverse à payer une somme de 15 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ; Vu les autres pièces des dossiers ; Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée ; Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; Vu le décret n° 92-280 du 27 mars 1992 ; Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Lambron, Maître des Requêtes, - les observations de la SCP Boré, Xavier, avocat de la SA "Télévision Française 1", - les conclusions de Mme Pécresse, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées de la SA "Télévision Française 1" présentent à juger des questions connexes ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

En ce qui concerne la requête n° 137 354 : - Considérant que si la société requérante demande l'annulation de la "décision" par laquelle le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel aurait autorisé la société France 3 à pratiquer une coupure publicitaire lors de la diffusion du film "Autant en emporte le vent" le 14 février 1994, il ressort des pièces du dossier que ledit Conseil n'a pris aucune décision d'autorisation mais s'est borné à donner à la société France 3 une interprétation des dispositions de l'article 73 de la loi susvisée du 30 septembre 1986 ; que, dès lors, les conclusions de la requête, qui ne sont pas dirigées contre une décision susceptible d'un recours pour excès de pouvoir doivent être rejetées comme irrecevables ;

En ce qui concerne la requête n° 157 355 : - Considérant qu'aux termes de l'article 73 de la loi du 30 septembre 1986 : "La diffusion d'une œuvre cinématographique par les sociétés nationales de programme visées à l'article 44 de la présente loi et par les services de télévision dont le financement fait appel à une rémunération de la part des usagers ne peut faire l'objet d'aucune interruption publicitaire" ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, que le film "Autant en emporte le vent" a été conçu comme une œuvre de fiction comportant deux parties distinctes, conçues comme correspondant à deux époques, et séparées par une pause qui lors de la diffusion du film en salle correspond à un entracte ; que, par suite, la présentation de messages publicitaires entre les deux parties de ladite œuvre lors de la diffusion effectuée le 14 février 1994 par la société France 3, qui ne marquait pas une rupture soudaine dans le déroulement de la projection d'un film, n'était pas constitutive d'une "interruption publicitaire" au sens des dispositions précitées de l'article 73 de la loi du 30 septembre 1986, mais avait le caractère d'un message publicitaire diffusé lors d'une interruption normale du programme, en conformité avec les dispositions de l'article 60 du cahier des charges de la société France 3 alors en vigueur ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la diffusion à cette occasion de messages publicitaires ainsi que d'une bande-annonce d'un film programmé sur la chaîne aurait méconnu les dispositions de l'article 73 susmentionné de la loi du 30 septembre 1986 doit être écarté ;

Considérant qu'aux termes de l'article 18 du décret du 27 mars 1992, fixant les principes généraux concernant le régime applicable à la publicité et au parrainage : "Les émissions télévisées parrainées ... III ... doivent être clairement identifiées en tant que telles au début ou à la fin de l'émission parrainée. Cette identification peut se faire par le nom du parrain, sa dénomination, sa raison sociale, son secteur d'activités, ses marques, ou par les facteurs d'image et les signes distinctifs qui lui sont habituellement associés tels que sigle, logotype et indicatif sonore, à l'exclusion de tout slogan publicitaire et de la présentation du produit lui-même ou de son conditionnement" ; que ces dispositions n'interdisent pas, lors de la mention à l'écran de l'identité du parrain, d'utiliser à cette fin des images empruntées à un message promotionnel filmé concernant le parrain, dès lors que n'y figurent ni slogan publicitaire ni présentation du produit lui-même ou de son conditionnement ; qu'il ressort des pièces du dossier que la séquence identifiant la société parrainant la diffusion du film "Autant en emporte le vent" ne comportait elle-même ni slogan publicitaire ni présentation d'un produit ou de son conditionnement ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA "Télévision Française 1" n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision en date du 9 mars 1994 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel n'a pas donné suite à la demande qu'elle lui avait adressée et qui tendait au prononcé d'une sanction à l'encontre de la société France 3 ;

Sur les conclusions de la SA "Télévision Française 1" tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que le Conseil supérieur de l'audiovisuel qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la SA "Télévision Française 1" la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Décide :

Article 1er : Les requêtes de la SA "Télévision Française 1" sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SA "Télévision Française 1", à la société France 3, au Conseil supérieur de l'audiovisuel et au ministre de la Culture.