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Décisions

CCE, 18 novembre 1997, n° M.980

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Arbed/Aceralia

CCE n° M.980

18 novembre 1997

LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES?

1. Le 23 octobre 1997, l'entreprise Arbed SA a notifié à la Commission un projet d'opération par lequel elle acquiert le contrôle de l'entreprise Aceralia Corporación Siderúrgica SA (Aceralia).

2. Après examen de cette notification, la Commission a abouti à la conclusion que l'opération notifiée entre dans le champ d'application du règlement du Conseil n° 4064-89 sur le contrôle des concentrations et ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun et le fonctionnement de l'Accord EEE.

I. LES PARTIES

3. Arbed SA a pour principaux actionnaires l'État luxembourgeois, la Société Générale de Belgique et la Banque Générale du Luxembourg. Elle est la société mère d'un certain nombre d'entreprises qui forment le groupe luxembourgeois Arbed. Arbed exerce ses activités essentiellement dans la production et la distribution d'acier (produits plats, produits longs, acier inoxydable), le négoce de ferraille, la distribution de minerai de fer et de charbon. Ces activités relèvent du traité CECA. Le groupe est également actif dans la production de tubes soudés, de produits tréfilés, de feuilles de cuivre, ainsi que dans l'ingénierie. Ces dernières activités entrent dans le champ d'application du règlement du Conseil sur le contrôle des concentrations.

4. Aceralia est une entreprise qui est actuellement détenue entièrement par l'État espagnol via l'entreprise publique espagnole Sociedad Estatal de Participationes Industriales (Sepi), chargée de la privatisation d'un certain nombre de secteurs nationalisés en Espagne. Aceralia est le plus important producteur d'acier dans cet État membre, et est actif essentiellement dans des produits qui relèvent du traité CECA. Aceralia est également un producteur et distributeur de produits tréfilés et de tubes, produits qui entrent, comme indiqué au point ci-dessus, dans le champ d'application du règlement du Conseil sur le contrôle des concentrations.

II. L'OPÉRATION DE CONCENTRATION

5. Arbed a conclu un accord avec Sepi, qui prévoit l'acquisition de 35 % du capital d'Aceralia et l'achat, pour un montant nominal, de bons de souscription lui permettant, dans certaines conditions, de porter sa participation dans Aceralia à un peu plus de 50 %. Il s'agit de la première étape dans le processus de privatisation d'Aceralia. Lors des deux prochaines étapes, environ 52,7 % des parts seront cédés à des organismes financiers et aux particuliers par le biais d'une introduction à la Bourse de Madrid et 11,8 % seront vendus par Sepi à des entreprises espagnoles du secteur sidérurgique.

6. Ceralia fera l'acquisition de 9,5 % du capital d'Arbed et prendra des participations minoritaires dans un certain nombre de filiales d'Arbed.

7. Au cours de la période précédant la cession des actions à la Bourse de Madrid, Arbed et Sepi sont liées par un accord d'actionnaires par lequel Sepi convient d'apporter son soutien aux décisions d'Arbed, dès lors que ce dernier applique le Plan Industriel qu'il a lui-même proposé. Sepi approuvera notamment les nominations de l'ensemble des directeurs de la société, décidées par Arbed. Ces directeurs sont nommés pour une période de cinq ans.

8. Une fois que Sepi aura vendu les parts restantes, Arbed sera à la tête de l'entreprise Aceralia et en constituera de loin le principal actionnaire. Une grande partie des actions seront détenues par des particuliers (entre 15 % et 30 %) pour lesquels il y aura une limite quant au nombre maximum d'actions pouvant être achetées (< 0,03 %), et par des institutions financières (entre 20 % et 35 %). Il est peu probable que l'un d'entre eux (à l'exception du groupe Aristrain, voir ci-dessous) possède des participations supérieures à 5 %. La participation d'Aceralia dans Arbed aura de même pour effet de renforcer la communauté d'intérêts entre les deux entreprises.

9. Le groupe Aristrain, Aceralia et Sepi ont conclu un accord en vertu duquel, sous réserve de l'autorisation de l'opération de concentration Arbed/Aceralia, le groupe Aristrain achètera 10,8 % du capital d'Aceralia à Sepi et Aceralia fera l'acquisition des activités sidérurgiques du groupe Aristrain. Selon les dispositions prévues par le processus de privatisation, Aristrain devra apporter son soutien à Arbed pour l'exécution du Plan Industriel. Cette opération devra être achevée dans un délai de six mois et marquera le retrait du groupe Aristrain du secteur de la production sidérurgique. Si, pour une raison, quelle qu'elle soit, cette opération n'était pas terminée, les actions réservées par Sepi pour le groupe Aristrain seront mises en vente à la Bourse de Madrid.

10. Arbed a le droit, après cinq ans, d'exercer les droits afférents à ses bons de souscription et d'obtenir ainsi une participation supérieure à 50 %. Ces droits peuvent, dans certaines conditions, être exercés d'une manière anticipée, notamment si Aceralia fait l'objet d'une offre publique d'achat ou dans une autre situation juridiquement assimilable. Durant la période de cinq ans précédant le moment où Arbed aura le pouvoir inconditionnel d'exercer les droits afférents à ses bons de souscription, tous les directeurs de l'entreprise auront été nommés par Arbed.

11. La participation importante d'Arbed au capital d'Aceralia, le fait que les personnes nommées par Arbed composeront la totalité du Conseil d'Administration de l'entreprise pendant cinq ans, la capacité de bloquer toute tentative d'offre publique d'achat, la possibilité, après cinq ans, d'acquérir plus de la moitié des actions, la structure dispersée des autres actionnaires et, enfin, le fait qu'une partie importante des actions seront détenues par des institutions financières, constituent un ensemble d'éléments suffisants pour assurer qu'Arbed aura le contrôle d'Aceralia, et qui permettent donc de considérer l'opération constitue une concentration au sens de l'article 3 du règlement du Conseil sur le contrôle des concentrations.

III. DIMENSION COMMUNAUTAIRE

12. Le chiffre d'affaires cumulé de l'ensemble des entreprises concernées est supérieur à 5 milliards d'écus (Arbed, plus de 5,8 milliards d'écus; Aceralia, 2 milliards d'écus). Arbed et Aceralia réalisent chacun un chiffre d'affaires communautaire supérieur à 250 millions d'écus (Arbed, près de 4 milliards d'écus; Aceralia, plus de 1,8 milliard d'écus). Ces deux groupes ne réalisent pas plus des deux tiers de leur chiffre d'affaires communautaire dans un seul et même État membre.

13. En conséquence, l'opération revêt une dimension communautaire au sens de l'article 1 du règlement du Conseil sur le contrôle des concentrations.

IV. COMPATIBILITÉ AVEC LE MARCHÉ COMMUN

14. Les ventes réalisées par les parties, en 1995 et 1996, en produits ou services relevant de l'application du règlement du Conseil (dénommés produits CEE ci-après) ont représenté seulement entre 8,5 % et 12 % de leurs chiffres d'affaires combinés. En 1996, Arbed a réalisé en Europe un chiffre d'affaires de 335 millions d'écus (dont 317 millions dans l'UE) en produits CEE, essentiellement dans les produits tréfilés, les feuilles de cuivre, les tubes, les feuillards à froid, ainsi que dans l'ingénierie. Le chiffre d'affaires réalisé en produits CEE par Aceralia a été en 1996 de 166 millions d'écus dans l'UE, principalement dans les produits tréfilés et les tubes. En conséquence, les produits CEE pour lesquels l'opération conduit à un recoupement des activités des deux entreprises sont les produits tréfilés et les tubes.

A) Le marché de produits en cause.

a) Les produits tréfilés

15. Les produits tréfilés sont fabriqués à partir de fils machine, qui sont des produits relevant du traité CECA, par étirage et par transformation et traitement divers qui aboutissent à un nombre très important de produits et applications différents. Il y a plus de 1 500 000 applications possibles pour des produits aussi divers que par exemple des clôtures, des grillages, des fils barbelés, des vis, des clous, des ressorts grillages, des câbles, etc. Les gammes de produits des parties ne se recouvrent quasiment pas. Arbed fabrique des torons et des câbles d'acier pour le renforcement des pneus et des tuyaux pression, ainsi que des fils galavanisés et des produits d'acier à basse teneur de carbone comme les pointes ou les clôtures. De son côté, Aceralia se concentre sur des produits à haute teneur de carbone incluant les cordons et les ressorts grillages. Comme l'opération envisagée n'aura pas d'effets sur le marché en termes de concurrence, la question de la délimitation précise du marché, au niveau des produits tréfilés pris dans leur ensemble, par produit ou par grande catégorie de produits, peut rester ouverte.

b) Les tubes

16. Compte tenu des activités des parties, l'opération concerne les tubes de précision et les tubes normaux à l'exclusion des tubes pour chaudières et centrales, des tubes pour chantiers pétrolifères. Dans de précédentes décisions (voir les affaires IV/M.222 - Mannesmann/Hoesch, IV/M.886 - MRW/MHP, IV/M.906 - Mannesmann/Vallourec), la Commission a déjà eu l'occasion de considérer que les tubes de précision constituent un marché de produits distinct des autres catégories de tubes, compte tenu de leurs caractéristiques physiques et techniques, de leurs prix et de leurs utilisations. En tout état de cause, si Aceralia produit des tubes de précision, Arbed n'est pas présent dans cette activité.

17. S'agissant des tubes normaux, les activités d'Arbed et d'Aceralia se recouvrent dans le domaine de la production des tubes commerciaux et des tubes de structure. Dans de précédentes décisions, et notamment dans sa décision relative à l'affaire IV/M.906 - Mannesmann/Vallourec (voir en particulier les points 39 à 42), la Commission a considéré que la catégorie des tubes normaux comprend divers types de tubes, tels que les tubes commerciaux, les tubes de mécanique, et les tubes de structure, qui présentent de nombreuses différences en matière de caractéristiques de produits, de prix, d'applications, d'utilisateurs finaux, de canaux de distribution ou de normes techniques. La Commission en a déduit que chaque type de tubes est susceptible de constituer un marché distinct. Au cas d'espèce, la question de savoir si les tubes, tels que les tubes commerciaux, les tubes de mécanique, et les tubes de structure, forment ensemble un seul et même marché de produits pertinent ou constituent chacun un marché distinct, peut rester ouverte dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, l'opération envisagée ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun.

18. Par ailleurs, la question pourrait se poser de savoir si, pour ces diverses catégories de tubes normaux, il convient de faire une distinction entre les tubes soudés et les tubes sans soudure. Étant donné que les parties ne produisent que des tubes soudés et que même à ce niveau l'opération envisagée ne soulève pas de doutes sérieux, la question peut être laissée ouverte.

B) Le marché géographique de référence

a) Les produits tréfilés

19. Les informations en possession de la Commission révèlent que le commerce des tréfilés fait l'objet de flux importants d'importations et d'exportations vers et hors de l'Union européenne, ainsi que d'activités intra-communautaires significatives. En outre, si un grand nombre de petits et moyens producteurs concentrent leurs ventes à l'intérieur de leurs marchés domestiques d'origine, la plupart des grands producteurs vendent leurs produits dans tous ou plusieurs pays de l'Union. Tous les opérateurs qui ont répondu à l'enquête de la Commission considèrent par ailleurs que la dimension géographique du marché est communautaire, ouest-européenne ou plus large que l'Europe selon les produits tréfilés. Ces éléments laissent donc supposer que le marché géographique pourrait correspondre au moins à l'Union européenne. En tout état de cause, pour la présente opération, la définition exacte des marchés géographiques peut rester ouverte dans la mesure où, quelque soit la configuration du marché, l'opération envisagée ne crée pas ou ne renforce pas une position dominante.

b) Les tubes

20. S'agissant des tubes de précision, dans de précédentes décisions (voir les affaires IV/M.222 - Mannesmann/Hoesch, IV/M.886 - MRW/MHP, IV/M.906 - Mannesmann/Vallourec), la Commission a déjà eu l'occasion de considérer que le marché géographique de cette catégorie distincte de tubes revêt une dimension correspondant au moins à l'Espace économique européen. Les réponses à l'enquête de la Commission, dans le cadre de la présente affaire, viennent confirmer ce point de vue.

21. S'agissant des tubes normaux concernés par la présente opération, comme la Commission l'a indiqué dans sa récente décision relative à l'affaire Mannesmann/Vallourec (Affaire n° IV/M.906 - décision du 03.06.1997, point 60), les coûts de transport des produits en cause ne sont pas élevés et les flux intra-communautaire sont très importants. Les marchés de chaque État membre et à l'intérieur de l'AELE sont caractérisés par un haut degré de pénétration mutuelle ainsi que par l'absence de différences de prix substantielles. La plupart des opérateurs interrogés ont fait savoir que selon leur expérience le marché géographique en cause correspond au moins à l'Union européenne. Au cas d'espèce, la Commission constate qu'Aceralia concentre la plupart de ses ventes en Espagne et dans une moindre mesure en France, tandis qu'au contraire Arbed vend ses produits principalement en Allemagne, au Bénélux, en France et dans une moindre mesure au Royaume-Uni. En tout état de cause, pour la présente opération, la définition exacte des marchés géographiques concernant les tubes dits commerciaux, les tubes de structure et les tubes de mécanique peut rester ouverte dans la mesure où, quelque soit la configuration du marché, l'opération envisagée ne crée pas ou ne renforce pas une position dominante.

C) Impact de la concentration

a) Les produits tréfilés

22. La production combinée des entreprises concernées ne dépasse pas 4 % de la production européenne de produits tréfilés ou de la consommation apparente. Elles ont à faire face à la concurrence d'importants producteursdont certains sont en volume des ventes 3 à 5 fois plus importants que la nouvelle entité. En outre, le recoupement des activités est nul en termes de produits, tandis que sur le plan géographique il est limité à la péninsule ibérique. Aceralia est actif essentiellement dans cet espace régional, mais le groupe Arbed est y peu présent: il exporte principalement en Espagne des fils galvanisés, en des quantités inférieures à celles d'importants producteurs européens et, en tout état de cause, ce produit n'est pas fabriqué par Aceralia.

b) Les tubes

23. S'agissant des tubes de précision et des tubes de mécanique, Arbed ne fabrique pas et ne vend pas de tels produits.La production et les ventes réalisées par Aceralia restent limitées en comparaison de celles effectuées par les concurrents européens tels que MRW-Vallourec, Tubeurop, Benteler, ou Rautaruukki.

24. S'agissant des tubes commerciaux et des tubes de structure, les ventes combinées des parties se sont élevées en 1996 à 40 millions d'écus et 47 millions d'écus respectivement. Ces ventes ont représenté moins de 8 % des ventes totales de ces catégories de tubes soudés réalisées dans l'Espace économique européen.Si les tubes sans soudure étaient englobés dans les ventes totales, les parts de marché combinées des parties seraient encore moins élevées. Les principaux concurrents sont MRW-Vallourec, Dalmine, ESW Rohrenwerke, Benteler, British Steel, Tubeurop ou Rautaruukki.

25. Au niveau de chaque État membre pris individuellement, il y a un recoupement d'activités seulement en Espagne et en France pour les tubes commerciaux.Selon les résultats des questionnaires, les parties ont une part de marché combinée d'environ [Secret d'affaire: moins de 5 %] en France. En Espagne, la part de marché apportée par Arbed à Aceralia est [Secret d'affaire: moins de 5 %] et le total de la part de marché combinée des deux entreprises s'élève à [Secret d'affaire: entre 25 et 35 %].

26. S'agissant des tubes de structure, le recoupement des activités des entreprises parties à l'opération concerne seulement l'Allemagne et la France,où les parts de marchés, selon les estimations, s'élèvent à moins de [Secret d'affaire: entre 25 et 35 %] et moins de [Secret d'affaire: moins de 5 %] respectivement.

27. Il ressort des indications données ci-dessus que, quelque soit la configuration du marché retenue, toutes les catégories de produits prises ensemble ou chaque catégorie prise séparément d'une part, au niveau européen ou au niveau que chaque État membre d'autre part, l'opération envisagée conduira les parties à détenir des parts de marché combinées ne dépassant pas [Secret d'affaire: entre 25 et 35 %]

V. CONCLUSION

28. Il résulte de l'analyse de la Commission que le projet de concentration ne conduira pas à la création ou au renforcement d'une position dominante ayant pour conséquence une entrave significative à la concurrence effective sur le Marché commun ou une partie substantielle de celui-ci.En conséquence, la Commission décide que l'opération notifiée est compatible avec le Marché commun et le fonctionnement de l'accord EEE. La présente décision est adoptée en application de l'article 6 paragraphe 1 lettre b du règlement du Conseil n° 4064-89.

Pour la Commission