CA Paris, 5e ch. B, 24 septembre 1998, n° 1995-22020
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Deho Systems (SA)
Défendeur :
Mobis Vilmob (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Leclercq
Conseillers :
M. Bouche, Mme Cabat
Avoués :
SCP Varin-Petit, Me Kieffer-Joly
Avocats :
Mes Noual, Maier.
Par contrat du 15 novembre 1979 la société Deho Systems, ci-après appelée Deho, a fourni en " location entretien " un appareillage de pointage Dehomat 231 A pour l'année en cours à la mise en fonctionnement du matériel et les dix années suivantes soit une période s'achevant le 31 décembre 1989 mais renouvelable par tacite reconduction pour une période identique de dix années sauf dénonciation six mois avec l'expiration du contrat.
Ce contrat s'est trouvé tacitement reconduit pour dix ans à compter du 31 décembre 1989. Il a été dénoncé par la société Mobis Vilmob le 19 janvier 1990 à effet du 31 décembre 1990.
Des tentatives de rapprochement entre les parties ont échoué et la société Mobis Vilmob a payé la redevance de l'année 1990 le 11 septembre 1992, après avoir acquitté le 20 février 1992 celle de l'année 1991 mais a refusé de payer les redevances ultérieures.
La société Deho a fait assigner le 23 mars 1995 sa locataire en paiement de 11 683,94 F correspondant aux redevances échues et de 10 022,03 F d'indemnité contractuelle de résiliation.
Un procès-verbal de recherches infructueuses a été dressé.
Par jugement qualifié de réputé contradictoire du 19 juin 1995, le Tribunal de commerce de Paris a limité la dette de la société Mobis Vilmob à la seule redevance de 1990, a constaté la résiliation du contrat au 15 novembre 1989 (sic), et a condamné la société Deho à restituer à sa locataire, sans que les premiers juges aient été saisis d'une demande, la somme encaissée au titre de la location de 1991 avec intérêts au taux légal à compter du 23 mars 1995 et à supporter la charge des dépens.
La société Deho Systems a fait appel de cette décision.
Après en avoir souligné les incohérences, elle conclut à son infirmation et à la condamnation de la société Mobis Vilmob à lui payer 11 683,94 F de redevances échues impayées avec intérêts au taux légal à compter du 23 mars 1995, date de la sommation-assignation, 10 022,03 F d'indemnité de résiliation avec mêmes intérêts et 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
La société appelante soutient en effet que les premiers juges ont dénaturé l'article 6 du contrat pourtant fort précis quant à la durée de la location et les modalités de résiliation.
La société Mobis Vilmob conclut à la confirmation du jugement déféré et au rejet des demandes de l'appelante, elle soutient que toute clause qui aboutit à ce que les obligations contractées aient une durée indéfinie, est nulle et en déduit que la location a pris fin au 31 décembre 1990 du fait de la résiliation dont elle a pris l'initiative le 19 janvier 1990 ;
Motifs de la cour :
Considérant qu'il n'est pas sérieusement contestable que la pointeuse électronique louée était un appareil susceptible d'être technologiquement dépassé dans un délai inférieur à la durée irrévocable exceptionnelle de dix années de la première période incompressible de location ;
Que la clause qui oblige le locataire désirant prolonger néanmoins la location, de devoir conserver l'appareil et en régler les loyers pendant une nouvelle durée de dix ans crée un déséquilibre significatif entre le bailleur dont l'investissement est depuis longtemps amorti, et le locataire qui ne peut plus se dégager dans un délai raisonnable ;
Qu'elle demeure abusive même si le bailleur offre d'améliorer l'installation existante ou de remplacer l'appareil dès lors qu'il le fait à condition que le locataire s'engage par nouveau contrat pour une nouvelle durée de dix ans tacitement renouvelable, ce qui prive son co-contractant de la liberté de résilier dans des délais raisonnables et le transforme en locataire "captif" ;
Qu'une telle clause conduisant à une position dominante illégitime est nulle comme contraire au principe de liberté contractuelle ;
Considérant que les premiers juges ont eu raison de limiter la reconduction tacite du contrat litigieux qui avait été exécuté durant dix ans, à une année en dépit des termes dépourvus d'ambiguïté de l'article 6 de la convention ;
Considérant qu'en acceptant de payer les redevances des années 1990 et 1991 la société Mobis Vilmob a considéré que le contrat s'était tout de même reconduit pour ces deux années ; qu'au-delà de cette date, aucun loyer n'est dû ; qu'il est de même de l'indemnité de résiliation puisqu'elle est stipulée égale à la moitié des annuités restant à courir et que la nullité de l'article 6 du contrat a pour conséquence qu'il n'en reste aucune à courir au-delà des deux que la société Mobis a accepté de payer ;
Par ces motifs, Réformant le jugement du 19 juin 1995, Déboute la société Deho Systems de toutes ses demandes ; Dit que cette société est autorisée cependant à conserver les redevances de location-entretien des années 1990 et 1991 payées par la société Mobis Vilmob ; Condamne la société Deho Systems aux dépens de première instance et d'appel ; Admet Maître Kieffer Joly, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.