CA Paris, 3e ch. A, 28 mai 2002, n° 1999-20433
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Bion
Défendeur :
Pleyel & Co (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Perie
Conseillers :
Mmes Deurbergue, Feydeau
Avoués :
SCP Hardouin-Herscovici, SCP Fanet-Serra
Avocats :
Mes Atlan, Pellegrain
Vu l'appel formé par M. Bion du jugement du Tribunal de commerce de Créteil (1re chambre) du 6 juillet 1999, qui a rejeté sa demande en dommages-intérêts pour refus de vente et l'a condamné à payer à la SA Pleyel 6 000 F en application de l'article 700 du NCPC ;
Vu les conclusions de l'appelant, du 11 mars 2002, qui demande à la cour :
- d'infirmer le jugement ;
- de condamner la SA Eurege, anciennement société Pleyel & Co, venant aux droits de la SA Piano Rameau, à lui payer 76 224,50 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par un refus de vente caractérisé et un refus d'agrément injustifié et discriminatoire et 1 524,50 euros en application de l'article 700 du NCPC ;
Vu les conclusions de la société Eurege, du 18 février 2002,qui soulève l'irrecevabilité de la demande en dommages-intérêts pour refus d'agrément, sollicite la confirmation du jugement, le rejet de toutes les demandes et la condamnation de l'appelant à lui payer 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du NCPC ;
LA COUR,
Sur la recevabilité,
Considérant que M. Bion qui invoque, pour la première fois en cause d'appel, un refus d'agrément injustifié et discriminatoire, n'émet, à ce titre, aucune prétention nouvelle au sens de l'article 565 du NCPC ;
Que, dès lors, le moyen d'irrecevabilité soulevé par la SA Eurege dans ses dernières conclusions doit être écarté, la demande formée devant la cour tendant aux mêmes fins que celle soumise au premier juge ;
Sur le fond,
Considérant que l'appelant, qui exerce l'activité d'importation et de distribution de pianos neufs et d'occasion, se plaint d'avoir été victime d'un refus de vente de la part de la société Piano Rameau à qui il a passé, le 9 avril 1996, une commande dont il n'a pas reçu livraison ;
Qu'il demande à la société Eurege (anciennement dénommée SA Pleyel & Co), laquelle vient aux droits et obligations de la société Piano Rameau suite à la fusion absorption intervenue à son profit en juin 1997, réparation du préjudice qu'il prétend avoir subi ;
Qu'il invoque, tout d'abord, le caractère discriminatoire du refus de vente qui serait fondé, selon lui, sur des considérations liées à sa pratique commerciale et à sa politique de prix, en violation des dispositions des articles 36 1° et 34 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 (articles L. 442-5 et 442-6-I-1 du Code de commerce);
Qu'il prétend ensuite que ce refus de vente s'analyse eu une pratique anticoncurrentielle et un abus de position dominante, prohibés par les articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce ;
Mais considérant que le litige ne met pas en cause les conditions d'achat et de revente des produits commercialisés par la société Eurege, ni une pratique de prix imposés, prohibés par les articles L. 442-5 et L. 442-6-I-1 du Code de commerce;
Qu'il porte en réalité sur la licéité du refus par la société Eurege d'admettre M. Bion dans le réseau de distribution qu'elle a mis en place;
Qu'à cet égard, il résulte du contrat de distribution sélective et de partenariat versé aux débats que l'objet de ce réseau est de renforcer la notoriété et l'image des marques françaises et d'offrir un meilleur service aux consommateurs;
Que dans ce but, la Manufacture Pleyel, producteur des marques Pleyel, Rameau, Gaveau, exige de ses distributeurs qu'ils assurent la vente par l'intermédiaire de personnes particulièrement qualifiées et susceptibles de conseiller les clients, dans un espace de vente spécialement adapté et qu'ils travaillent en collaboration étroite avec le fabricant et les distributeurs;
Que ces exigences correspondent au questionnaire adressé à M. Bion par courrier du 13 novembre 1996, dans lequel la société Piano Rameau lui indiquait que les pianos des marques françaises Pleyel, Rameau et Gaveau n'étaient distribués qu'aux points de vente ayant signé avec elle un contrat de distribution spécifique ;
Qu'un tel réseau est licite dès lors qu'il a pour but de préserver la haute qualité et la technicité des produits concernés, dont la nature "haut de gamme" n'est pas discutée, et que le choix des revendeurs s'opère d'après des critères qualitatifs précis, correspondant aux objectifs poursuivis;
Que M. Bion ne démontre pas qu'en ce qui le concerne, ces critères ont été appliqués de manière discriminatoire ;
Qu'en effet, il résulte des pièces versées aux débats que la diversité des produits qu'il commercialise (pianos de toutes marques qualités et prix, aussi bien neufs que d'occasion), et la présentation des produits (alignement de nombreux pianos dans un vaste espace impersonnel) ne correspondent pas aux exigences de la société Eurege, pour la mise en valeur de pianos de luxe destinés à une clientèle spécifique;
Que, dès lors, en ne l'admettant pas dans son réseau et en refusant de lui vendre des pianos des marques concernées, la société Eurege n'a pas commis de faute;
Qu'il y a lieu, en conséquence de confirmer le jugement;
Considérant que l'équité conduit à allouer à la société Eurege, en cause d'appel, une indemnité en application de l'article 700 du NCPC ;
Par ces motifs, Déclare recevable la demande de dommages-intérêts pour refus d'agrément, La rejette ; Confirme le jugement ; Condamne M. Bion à payer à la SA Eurege 2 000 euros en application de l'article 700 du NCPC ; Le condamne aux dépens d'appel ; Admet les avoués au bénéfice de l'article 699 du NCPC.