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Décisions

CCE, 26 mars 1999, n° M.1464

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Total/Petrofina

CCE n° M.1464

26 mars 1999

LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,

1. Le 11 février 1999, la Commission européenne a reçu notification d'un projet de concentration par lequel l'entreprise Total acquiert, au sens de l'article 3 paragraphe 1 point b du règlement du Conseil (CEE) n° 4064-89, le contrôle de l'ensemble de l'entreprise PetroFina SA ("Fina"). La notification initiale du 18.12.1998 avait été retirée par les parties notifiantes le 29.01.1999.

I. LES PARTIES ET L'OPERATION

2. Total est une société anonyme de droit français qui exerce ses activités dans les domaines de la production d'hydrocarbures, le raffinage, la distribution de produits pétroliers, et la chimie de spécialités, y compris les peintures. Fina est une société anonyme de droit belge qui exerce ses activités dans les domaines de l'industrie pétrolière et pétrochimique.

II. LA CONCENTRATION

3. L'opération de concentration sera réalisée à travers l'apport à Total d'actions représentant 40,9 % du capital social de Fina, ainsi qu'une offre publique d'échange lancée par Total sur l'intégralité des actions Fina qui sont détenues par le public. Par conséquent, la concentration est une acquisition de contrôle unique, au sens de au sens de l'article 3 paragraphe 1 point b du règlement du Conseil.

III. DIMENSION COMMUNAUTAIRE

4. Les entreprises concernées réalisent un chiffre d'affaires total sur le plan mondial de plus de 5 000 millions d'Euros [1]. Chacune d'entre elles réalise un chiffre d'affaires dans la Communauté de plus de 250 millions d'Euros, mais aucune ne réalise plus des deux tiers de son chiffre d'affaires dans un seul et même Etat membre. L'opération a donc une dimension communautaire.

IV. DEFINITION DES MARCHES EN CAUSE ET ANALYSE CONCURRENTIELLE

5. Les secteurs économiques concernés par l'opération sont les suivants: (1) le secteur du pétrole et du gaz, couvrant aussi bien l'amont que l'aval, c'est-à-dire des activités d'exploration, de production, de raffinage, de logistique et de distribution de produits raffinés aux consommateurs finaux, (2) le secteur de la pétrochimie (seul Fina est présent dans ce secteur), (3) le secteur de la chimie de spécialités telles que encres, peintures, adhésifs et résines (seul Total est présent dans ce secteur, à l'exception de la présence de Fina sur le marché des peintures) et (4) le secteur des produits techniques et ménagers en caoutchouc (seul Total est présent dans ce secteur).

6. L'opération crée des marchés affectés en ce qui concerne la vente de carburants par réseau de stations services, la vente de lubrifiants automobiles, la vente de bitumes, le stockage de produits pétroliers dans le sud de la France et la vente de carburants hors réseau dans le Nord de la France.

A. Vente de carburants par réseau de stations services

Marché de produit

7. Les parties à la concentration, comme la majorité des raffineurs de pétrole, distribuent des carburants à travers les réseaux de distribution à leur marque (les stations services). Etant donné que les stations services cherchent à fournir un maximum de clients (automobilistes et conducteurs de véhicules utilitaires), les différents types de carburants (essence plombée et sans plomb, gazole pour moteur, GPL) sont, en général, disponibles en un même point de vente et vendus ensemble. Il y a lieu dès lors d'inclure dans ce marché de produit l'ensemble des différents carburants qui sont généralement offerts par les stations service [2].

Marché géographique

8. Le marché géographique pour la vente de carburants doit être tout défini par référence à la demande, constituée par les automobilistes qui s'approvisionnent en carburants dans les stations à proximité de leurs centres d'activités, sans parcourir des grandes distances. Par conséquent, la substituabilité entre stations d'approvisionnement s'avère, du côté de la demande, géographiquement limitée. Par ailleurs, les zones de chalandise des stations de service peuvent se recouper du point de vue de la demande et ce phénomène d'interpénétration peut produire des effets sur l'homogénéité des conditions de concurrence. Il s'ensuit qu'en l'occurrence les zones à prendre en compte pour une analyse concurrentielle pourraient regrouper plusieurs zones présentant un caractère interséquent. En tout état de cause, le marché de la vente de carburants en réseau peut être au plus de dimension nationale. Ceci résulte du fait des différences importantes des conditions de concurrence constatées à travers les Etats membres de l'UE. En effet, les prix de vente des carburants au détail sont différents et, dans certains pays, soumis au contrôle ou à la réglementation de l'Etat. De plus, les différents concurrents n'ont pas la même position sur le marché dans tous les pays. Ainsi, les raffineurs sont, en général, plus forts dans les pays ou les régions où ils possèdent des installations de raffinage, alors que dans certains pays l'on constate la présence, en plus des raffineurs, de distributeurs indépendants (pompes " blanches ", distributeurs indépendants ou le secteur de la grande distribution, notamment en France [3] et au Royaume-Uni etc.).

9. En tout état de cause, la question de la correcte définition géographique du marché en question peut être laissée ouverte dans la mesure où l'opération ne soulève pas de doutes sérieux quelle que soit la délimitation retenue.

Analyse du point de vue de la concurrence

10. L'opération crée des marchés affectés en France, en Belgique et au Luxembourg. Les parts de marchés combinées au niveau national sont données dans le tableau suivant:

EMPLACEMENT TABLEAU

11. Etant donnée la présence de concurrents importants, il y a lieu de conclure que l'opération ne soulève pas de doutes quant à son impact sur les marchés nationaux de la vente de carburants en réseau.

12. Pour ce qui concerne l'impact de l'opération sur des marchés de dimension locale, la concentration résultera à des faibles parts de marché, qui ne sont pas susceptibles de soulever des doutes du point de vue de la concurrence.

B. Vente de carburants par stations services situées sur les autoroutes françaises

Marché du produit

13. En ce qui concerne la France, une distinction doit être faite entre les stations service situées sur autoroutes à péage et celles situées dans les agglomérations ou le long des routes franches. Cette distinction est motivée par les différences de l'offre et de la demande entre les deux marchés ainsi que par l'absence de substitution entre les deux catégories de stations. Tout d'abord, la clientèle sur autoroute est captive, dans la mesure où la possibilité théorique de quitter l'autoroute pour s'approvisionner auprès d'une station service de la proximité ne peut être pratiquée que par les automobilistes qui connaissent bien la région, à cause de la perte de temps en résultant. De plus, par le système des péages, les automobilistes paient leur entrée sur l'autoroute dans un but de rapidité, ce qui les découragerait de sortir de l'autoroute pour se ravitailler en carburants. La possibilité de quitter l'autoroute devient encore plus théorique pour ce qui est du trafic de nuit et pendant les week-ends, dans la mesure où le nombre des stations self-service est limité dans la majorité des régions de France. Par ailleurs, les concurrents sur autoroute sont différents de ceux intervenant hors autoroute. En effet, bien que les concurrents hors autoroute soient les sociétés pétrolières, la grande distribution et des opérateurs indépendants, les stations service sur autoroute appartiennent presque exclusivement aux sociétés pétrolières. Les distinctions susmentionnées sont enfin corroborées par les différences de prix pratiqués par les opérateurs sur les deux marchés. A ce propos, il convient de constater que les prix des carburants sur autoroute sont structurellement plus élevés et indépendants de ceux pratiqués hors autoroute. Enfin, la distinction entre les deux types de stations service est également soutenue par la réglementation française en matière de concessions et d'affichage des prix aux entrées des autoroutes, ce qui n'est pas le cas des stations service hors autoroute.

Marché géographique

14. Pour ce qui est de la délimitation géographique du marché de la vente de carburants sur autoroute, il y a lieu de tenir compte de l'autonomie en carburant des véhicules modernes. Concrètement, la demande de l'automobiliste est créée aussitôt que la jauge d'essence du véhicule indique le passage sur la réserve. A partir de ce moment, l'offre se limite aux stations service situées le long de la distance que le véhicule peut encore parcourir. En moyenne et en fonction des capacités des véhicules actuels, cette distance serait comprise entre 100 et 150 km. Le marché géographique de référence correspond, dès lors, à des tronçons d'autoroute consécutifs d'une longueur de 100 à 150 km chacun. D'autre part, les zones de chalandise des stations de service peuvent se recouper du point de vue de la demande et ce phénomène d'interpénétration peut produire des effets sur l'homogénéité des conditions de concurrence existant sur l'entièreté du réseau autoroutier français.

15. En tout état de cause, la question de la définition géographique exacte du marché en cause peut être laissée ouverte dans la mesure où l'opération ne soulève pas de doutes sérieux quelle que soit la délimitation retenue.

Analyse du point de vue de la concurrence

16. Sur le réseau autoroutier en France, il existe 288 stations service dont l'entité combinée en contrôlerait [...]. Les stations service sont réparties sur une centaine de tronçons bidirectionnels distincts (par exemple, Paris - Lille et Lille - Paris, Strasbourg - Metz et Metz - Strasbourg). L'opération créera cinq 'doublons', à savoir des stations service successives aux enseignes Total et Fina le long d'un même tronçon d'autoroute. L'enquête a montré que ces doublons ne donneraient pas à l'entité combinée la possibilité d'augmenter les prix des carburants, sans risque d'érosion de ses parts de marché. En effet, sur les autoroutes Strasbourg - Metz (A4E) et Paris - Lyon (A6), Total exploite deux stations service aux kilomètres 113 et 408 respectivement, alors que Fina en exploite deux autres aux kilomètres 140 et 436 respectivement. Les deux stations de Fina sont, cependant, les dernières stations avant la sortie des deux autoroutes, et dès lors leurs prix sont en concurrence avec les prix des stations situées après la sortie (stations suburbaines ou urbaines), dans la mesure où l'automobiliste a un choix réel entre les deux catégories de stations. Il en est de même pour le doublon créé sur le tronçon d'autoroute Melun - Langres (A5), où la station de Fina, qui précède celle de Total, est située à l'entrée de l'autoroute, au kilomètre 6. Pour ce qui est des autres doublons, la marge de manœuvre permettant à l'entité combinée d'augmenter les prix est réduite, principalement à cause de la réglementation française en matière d'affichage des prix des carburants aux entrées des autoroutes ou aux péages. Cette transparence permet, en effet, aux usagers de l'autoroute de connaître à l'avance les prix pratiqués sur l'autoroute, et mettre ainsi en concurrence les différentes stations service.

17. Il y a lieu de conclure que l'opération ne soulève pas de doutes sur le marché de la vente de carburants par stations service situées sur autoroutes.

C. Vente de bitumes

Marché de produit

18. Les bitumes sont des matériaux issus du processus de raffinage. Ils sont vendus directement du producteur aux entreprises de travaux publics, qui assurent le mélange avec des graviers (asphalte), avant l'épandage sur les routes et les chaussées.

Marché géographique

19. Compte tenu des contraintes techniques de ce produit et du coût de transport relativement élevé, le transport se limite dans une certaine proximité entre les zones de vente et les centres de production. Les importations en provenance des pays hors UE sont inexistantes, alors que les importations intra-communautaires sont relativement faibles. Le marché géographique de référence doit être défini au niveau national, voire régional en fonction de la taille du pays. Cependant, la délimitation exacte de ce marché peut être laissée ouverte, étant donné que l'opération ne soulève pas de doutes quelque soit la définition géographique du marché.

Analyse du point de vue de la concurrence

20. L'opération crée des chevauchements dans trois pays, à savoir la France, la Belgique et le Royaume-Uni. Les parts de marchés combinées sont données dans le tableau suivant :

EMPLACEMENT TABLEAU

21. L'opération ne soulève de doutes sur aucun de ces marchés. En effet, pour ce qui est de la France, Fina a une présence limitée dans le Nord du pays, avec des ventes qu'elle effectue à partir de la Belgique. Son apport n'est pas de nature à modifier la structure du marché de manière significative. Pour ce qui est de la Belgique et du Royaume Uni, la présence de fournisseurs plus puissants que l'entité combinée (par exemple, Shell, NYNAS) ainsi que l'alternative des autres producteurs de bitumes, notamment les raffineurs BP, Esso ou Elf, garantissent le maintien d'une concurrence effective après la concentration.

D. Vente de lubrifiants automobiles

Marché de produit

22. Les lubrifiants automobiles sont issus du mélange d'huiles de base et d'additifs chimiques et sont utilisés dans la lubrification des moteurs des véhicules. Comme l'a constaté la Commission dans la décision BP/Mobil (décision n° IV-M.727 du 7 août 1996), les lubrifiants automobiles ne peuvent être davantage subdivisés, eu égard à la substituabilité du côté de l'offre.

Marché géographique

23. Le marché géographique des lubrifiants automobiles peut être défini au niveau national. En effet, les circuits de distribution au détail sont organisés sur le plan national, et même si certains clients internationaux préfèrent traiter avec un fournisseur particulier, les contrats de fourniture sont distincts par pays. Cette analyse est en accord avec l'analyse précédente de la Commission [4].

Analyse du point de vue de la concurrence

24. L'opération créera un marché affecté en France. L'entité combinée y détiendra une part de marché de [...]. Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que l'opération ne soulève pas de doutes sérieux sur le marché de la vente de lubrifiants automobiles en France.

E. La logistique de stockage de produits pétroliers finis dans le sud de la France et la demande de renvoi formulée par la France

Marché de produit

25. Les dépôts de stockage de produits pétroliers finis (essences, gazole, fioul domestique) sont des outils logistiques employés à la réception et à la distribution de produits raffinés par des différents opérateurs pétroliers, à savoir, les raffineurs, les indépendants ou la grande distribution. Le stockage est le service qui consiste à assurer la mise à disposition des opérateurs pétroliers, moyennant des contrats de location, d'une partie des capacités de stockage des dépôts afin de leur permettre d'avitailler leurs circuits de distribution.

26. La disponibilité de capacités de stockage au sein de dépôts pétroliers permet aux opérateurs de pouvoir constituer des réserves de produits raffinés, plus ou moins durables et aptes à satisfaire la demande sur les marchés en aval. La constitution de réserves disponibles met, également, les opérateurs à l'abri des fluctuations des prix des produits raffinés. La disponibilité de ce genre d'infrastructure logistique constitue une condition préalable pour l'accès aux marchés de la distribution finale de produits raffinés.

27. L'activité de stockage est généralement "internalisée" par la plupart des raffineurs, qui stockent les produits finis dans leurs propres infrastructures logistiques. Historiquement, les raffineurs détiennent, individuellement ou collectivement, la majorité des dépôts de stockage pétrolier. Une partie de la capacité inutilisée de ces dépôts peut être mise en location à des opérateurs pétroliers indépendants et non intégrés. Outre les raffineurs, des stockistes professionnels gèrent également des dépôts et mettent en location leurs capacités de stockage aux différents opérateurs pétroliers.

28. Le marché du produit en cause est, partant, constitué par les services de stockage pétrolier loués aux opérateurs intervenant sur les marchés de la distribution de produits raffinés.

Marché géographique

29. Le marché géographique des services de stockage peut être défini comme le lieu où se rencontrent l'offre, constituée par les dépôts "ouverts", c'est à dire les dépôts où des capacités de stockage peuvent être louées aux tiers, et la demande des opérateurs intéressés à stocker des produits raffinés. En effet, du point de vue de la demande, le choix d'un dépôt de stockage est fonction de la destination finale des produits raffinés, et se limite généralement aux dépôts situés près de la zone de distribution finale. Or, comme un opérateur cherche à louer de la capacité de stockage en vue d'approvisionner sa clientèle en aval (à savoir des revendeurs ainsi que des utilisateurs finaux), son choix se porte généralement sur des dépôts situés près de la zone de localisation de cette clientèle, eu égard notamment aux contraintes et surcoûts résultant du transport des produits. Par conséquent, la substituabilité entre dépôts est géographiquement limitée.

30. Plus précisément, chaque dépôt est susceptible de desservir une certaine zone de chalandise dont le rayon est fonction des coûts de transport à supporter pour l'acheminement des produits vers leur destination finale. Ces coûts peuvent varier selon les modes de transport disponibles (pipeline, rail, camion citerne etc.). Toutefois, en moyenne, la zone de livraison d'un dépôt s'étend rarement au delà de 150 km. Il ressort de ces considérations que le lieu de confrontation de l'offre et de la demande apparaît géographiquement étroit et peut se limiter à un territoire régional. Cette approche est aussi confirmée par la pratique suivie dans le passé en la matière par le Conseil de la concurrence français.

Appréciation du point de vue de la concurrence

31. Dans la région allant de l'ouest du Rhône à Perpignan et s'étendant aux départements du littoral et aux départements voisins jusqu'à Toulouse, l'opération créera des chevauchements importants de la logistique de stockage des parties, susceptibles de soulever des doutes sérieux.

32. Le 3 mars courant, les autorités françaises de concurrence (ci-après, DGCCRF), qui ont été tenues informée des résultats de l'enquête de la Commission, ont formulé une demande de renvoi partiel, basée sur l'article 9 (2) (a) du règlement, en ce qui concerne les effets de l'opération sur le marché local du stockage de produits pétroliers finis dans cette région du sud de la France. La demande est motivée par la menace de création d'une position dominante dans ce marché local, qui présente toutes les caractéristiques d'un marché distinct, qu'il s'agisse ou non d'une partie substantielle du Marché commun.

33. A cet égard, la DGCCRF fait référence à la pratique décisionnelle du Conseil de la concurrence dans des cas similaires d'acquisition de contrôle de sociétés de dépôts. Le Conseil de la concurrence avait déterminé que les marchés de stockage étaient géographiquement segmentés en raison des contraintes de transport des produits et de la concentration de l'activité de distribution des raffineurs autour des zones de localisation de leurs raffineries et de leurs moyens de stockage et qu'en outre, ces marchés étaient géographiquement délimités par la zone pouvant être alimentée à partir des dépôts en question.

34. Pour ce qui est de la menace de création d'une position dominante, la DGCCRF estime que les dépôts pétroliers sont des outils logistiques indispensables à l'exercice d'une activité de distribution de produits pétroliers finis. Quant aux dépôts existants dans la région en question, les Autorités françaises remarquent que la majorité d'entre eux ne sont pas accessibles aux opérateurs pétroliers indépendants (dépôts "fermés"), ces derniers ayant des alternatives très limitées afin de s'assurer un accès équitable au marché. L'opération en question aura précisément un impact sur un des seuls dépôts "ouverts" de la région, à savoir le dépôt de Fina de Port-La-Nouvelle, qui, historiquement, a toujours été ouvert aux distributeurs indépendants. Dès lors, dans la mesure où les clients de ce dépôt sont des concurrents directs de Total sur les marchés en aval, et dans la mesure où le dépôt de Fina est précisément un outil indispensable à l'accès à ces marchés, la prise de contrôle du dépôt pourrait permettre à Total d'empêcher l'accès à la location de la capacité, et par ce biais, rendre l'accès des opérateurs indépendants aux marchés de la distribution en aval plus coûteux. Par ailleurs, d'après la DGCCRF, les opérateurs indépendants ne disposeraient pas de solution alternative durable dans la zone géographique en cause.

35. Les éléments recueillis par la Commission au cours de ses investigations ont confirmé l'avis de la DGCCRF. Par conséquent, les deux conditions de renvoi étant réunies la concentration notifiée a été renvoyée aux autorités compétentes de la République française, pour ce qui concerne le marché du stockage des produits pétroliers finis dans la zone géographique identifiée dans leur demande, en vue de l'application de la législation nationale.

F. Le marché de la vente de produits pétroliers hors réseau

Marché de produit

36. Par " vente de carburants hors réseau " on désigne les ventes en gros faites par des raffineurs à deux types de clients: d'un côté, les clients revendeurs au détail, non intégrés vers l'amont (grande distribution, indépendants, négociants en produits raffinés); de l'autre côté, les utilisateurs finaux (industrie, transporteurs etc.).Les ventes hors réseau se distinguent des ventes par réseau de stations services, examinées au chapitre A, ci-dessus.

37. Il y a lieu de distinguer entre les deux catégories de clients ci-dessus.En effet, les clients, tels que, par exemple, les sociétés de transport, l'industrie, les agences de location de voiture, sont des utilisateurs finaux des produits raffinés. Les autres clients, tels que les opérateurs pétroliers indépendants, les négociants en pétrole ou les sociétés de la grande distribution, sont des revendeurs de produits raffinés, soit en gros (négociants), soit au détail à travers des stations service (indépendants, grande distribution). De ce fait ils sont concurrents des raffineurs au niveau de la revente en gros ou au détail.

38. Dans ce marché l'offre est essentiellement constituée par des raffineurs possédant des volumes massifs et propres de produits raffinés grâce à la disponibilité, dans un territoire donné, de sites de production ou d'importantes infrastructures de stockage (à savoir soit des raffineries, soit des dépôts aisément approvisionnés par moyens de transport massif). Très marginalement, des ventes hors réseau peuvent aussi être effectués par des raffineurs ne possédant pas directement leurs propres points d'approvisionnement, mais ayant recours aux contrats d'échange (swaps) avec les raffineurs locaux. Toutefois, il y a lieu de souligner que le système des swaps permet aux raffineurs d'être présents, avant tout, dans la distribution de carburants par réseau dans des régions où ils ne possèdent pas de capacités de raffinage. En effet, les échanges se font réciproquement, sur le plan national et pour des volumes précis, ce qui implique d'une part une dépendance mutuelle entre raffineurs et d'autre part une limitation forcée dans le recours à cette pratique. Ainsi, eu égard au fait que les produits raffinés obtenus par l'intermédiaire des swaps sont normalement utilisés pour l'alimentation de réseaux de stations service, les raffineurs dépourvus d'une disponibilité massive de produits dans une certaine région ne peuvent être que très résiduellement actifs sur le marché des ventes hors réseau.

Marché géographique

39. Le marché géographique des ventes hors réseau se définit comme le lieu où se rencontrent l'offre, constituée par des raffineries et des dépôts où les raffineurs effectuent des ventes de produits raffinés, et la demande, constituée par les deux catégories de clients susmentionnées, ces derniers ne pouvant étendre trop largement leur choix pour des raisons de viabilité économique. En effet, du point de vue de la demande, le choix de la source d'approvisionnement est fonction de la destination finale des produits raffinés. Ainsi, la demande cherche des approvisionnements en proximité du lieu d'écoulement final du produit, eu égard notamment aux contraintes et surcoûts résultant du transport des produits. Par conséquent, la substituabilité entre "points d'approvisionnement" est géographiquement limitée.

40. En ligne générale, chaque point d'approvisionnement, que ce soit une raffinerie ou un dépôt, est susceptible de desservir une certaine zone de chalandise (hinterland), dont le rayon est fonction des coûts de transport à supporter pour l'acheminement du produit vers la destination finale. Ces coûts peuvent évidemment varier selon les différents moyens de transport disponibles. Les moyens de transport des carburants se distinguent en moyens massifs (oléoduc, rail, barge, bateau) et légers (camions-citernes). Toutefois, s'agissant de ventes hors réseau, la demande a généralement recours aux moyens de transport léger, dont le rayon d'action est limité à une distance de 100-150 km. Il ressort de ces considérations que le lieu de confrontation de l'offre et de la demande apparaît géographiquement étroite et peut se limiter à un territoire régional.

41. Par ailleurs, plusieurs zones de chalandise peuvent se recouper du point de vue de la demande et ce phénomène d'interpénétration peut produire des effets sur l'homogénéité des conditions de concurrence. Il s'ensuit qu'en l'occurrence les zones à prendre en compte pour une analyse concurrentielle pourraient regrouper plusieurs zones présentant un caractère interséquent.

42. En somme, compte tenu des éléments susmentionnés, le marché géographique de la vente de carburants hors réseau peut être soit régional, soit national. Le coût lié au transport des carburants limite, en effet, l'étendue géographique du marché de la vente hors réseau. Celle-ci dépend de la logistique de transport qui est associée à la source d'approvisionnement (raffinerie, dépôts d'importation).

43. En ce qui concerne plus particulièrement le marché français, l'outil d'approvisionnement du territoire en carburants, constitué par la source du produit (raffineries et ports pétroliers) et la logistique de transport et de stockage, est disposé de telle manière qu'il laisse apparaître l'existence de différents marchés géographiques de la vente hors réseau.

44. Il existe en France sept sites de raffinage, dont quatre sur le littoral : les raffineries de l'étang de Berre à Marseille (Elf, Exxon, Shell, BP), la raffinerie de Donges près de Nantes (Elf), les raffineries de la Basse-Seine au Havre (Total, Elf, Shell, Exxon) et la raffinerie de Total à Dunkerque) ; et trois à l'intérieur du territoire : la raffinerie de Reichstett à Strasbourg, et les deux raffineries de Elf, l'une près de Lyon et l'autre en région parisienne. Les raffineries du littoral reçoivent du pétrole brut par mer, celle de Strasbourg par barge et oléoduc de pétrole brut et celles de Lyon et de Paris par oléoduc de pétrole brut. Les oléoducs de pétrole brut en question transportent du pétrole brut importé par bateau par la Méditerranée à Marseille, et par l'Atlantique à Saint-Nazaire et au Havre. Les barges du Rhin transportent à Strasbourg du pétrole brut en provenance de la région ARA (Amsterdam-Rotterdam-Anvers).

45. Chaque raffinerie est reliée à une infrastructure logistique qui sert à transporter le produit raffiné aux points de vente ou aux dépôts de maillage situés à l'intérieur du territoire. Le dispositif actuel français permet de distinguer six zones géographiques d'offre de produits pétroliers raffinés: (i) la zone Sud(Provence, Midi-Pyrénées) approvisionnée par les raffineries de Berre et les importations maritimes de la façade méditerranéenne; (ii) la zone du grand Ouest et centre(Aquitaine, Bretagne, Loire) approvisionnée par la raffinerie de Donges (Elf) et les importations maritimes de la façade atlantique; (iii) la zone de la Normandie et la région parisienneapprovisionnées par les raffineries de la Basse Seine et les importations maritimes de la façade atlantique; (iv) la zone Nord, approvisionnée par la raffinerie de Dunkerque (Total), le dépôt de Féluy en Belgique (Fina) et, dans une moindre mesure, les importations maritimes à Dunkerque; (v) la zone Est, approvisionnée par la raffinerie de Strasbourg et les importations par barge à partir de l'ARA (Amsterdam-Rotterdam-Anvers); et (vi) la zone champenoise et bourguignonne, approvisionnée par la raffinerie de Lyon et dans une moindre mesure, par oléoduc, à partir des raffineries de Berre, à Marseille.

46. En somme, ces zones géographiques correspondent au rayon à l'intérieur duquel le transport du produit fini s'effectue sans contraintes majeures, souvent liées au coût et à la durée du transport et à la protection l'environnement.Quelques chevauchements entre zones de chalandise peuvent exister, du fait que certains points géographiques peuvent être alimentés par différentes sources d'approvisionnement (c'est la cas notamment de la Champagne, qui se trouve à l'intersection de la zone de chalandise de la raffinerie de Grandpuits en région parisienne et des raffineries de Berre et de Donges, qui expédient du produit raffiné par les oléoducs ODC et DMM respectivement). Cependant, ces chevauchements sont géographiquement limités et ne pourraient, dès lors, conduire à la conclusion que les différentes zones de chalandise constituent un seul marché géographique.

Appréciation des effets de la concentration dans le Nord de la France

47. L'opération aura un impact significatif sur le marché de la vente hors réseau dans la zone Nord de la France, qui comprend les départements Pas de Calais (62), Nord (59), Aisne (02), Ardennes (08) et Somme (80).

48. Du point de vue de l'offre, cette zone est approvisionnée principalement par Total, à travers la raffinerie de Dunkerque. La principale source alternative est constituée par le produit de Fina issu de sa raffinerie à Anvers et stocké au dépôt de Féluy [5] (Belgique). En outre, Total vend du produit dans la région à partir des dépôts de Valenciennes, (contrôlé par Total, Elf et Shell), St. Pol-sur-Mer (contrôlé par Total, Fina, Esso, Shell, BP et Mobil) et CPA (contrôlé par Total, Elf et Rubis). D'autres opérateurs pétroliers, à la fois raffineurs et indépendants, effectuent également des ventes hors réseau, notamment à partir des dépôts existant dans la zone en question. Il s'agit, en particulier, de Elf par le biais des dépôts de Valenciennes et de CPA, et Shell par les dépôts de Valenciennes et de St. Pol-sur-Mer. Enfin d'autres opérateurs aussi sont actifs sur ce marché. Toutefois, ces opérateurs ont des parts de marché modestes, compte tenu du fait que Total et Fina contrôlent dans la région les sources primaires d'approvisionnement des dépôts en question.

49. Total, à partir de sa raffinerie de Dunkerque, et Fina, à partir de son dépôt de Féluy, fournissent la quasi totalité des essences, [...] du gazole et [...] du FOD consommés dans la région.Les importations maritimes d'essences sont quasi inexistantes. Pour ce qui est du gazole et du FOD, le solde est importé par cabotage à partir d'Angleterre et de la zone ARA (Amsterdam-Rotterdam-Anvers). Enfin, Shell importe du FOD pour son propre compte, à partir de son dépôt de Tournai.

50. En ce qui concerne en particulier l'éventuelle possibilité d'importations maritimes (cabotage), l'enquête a montré que celle-ci est une alternative non flexible et non durable à l'approvisionnement local auprès de la raffinerie de Total à Dunkerque, compte tenu du surcoût lié aux modalités de transport. En effet, en moyenne, le cabotage en bateau mono-produit, ainsi que la réception et la manipulation, les taxes et les frais de stockage, comportent un surcoût de 7 % à 10 % du prix final des produits raffinés, alors que, d'après les réponses des clients revendeurs, confirmant les indications données par Total, le coût de l'approvisionnement en produits raffinés est un facteur de concurrence critique au niveau de la revente au détail, ce qui fait que des surcoûts compris entre 1 % et 3 % du prix de détail peuvent faire basculer le client. Dans ces conditions, l'approvisionnement par voie maritime ne peut, du point de vue économique, se justifier que pour des volumes importants de produits transportés en une seule fois. Or cette possibilité (qui ne peut, de toute façon, être ouverte qu'à des gros revendeurs, ou à des opérateurs agissant de concert) est, notamment, limitée par l'insuffisance des moyens de stockage ouverts aux opérateurs qui ne sont pas des raffineurs. Cette contrainte est encore aggravée par le fait que les clients revendeurs ont besoin de plusieurs types de produits raffinés, à savoir d'au moins trois types d'essences (Super, Sans Plomb 95 et 98), de gazole et du FOD. En conclusion, l'enquête de la Commission et les données recueillies à travers les questionnaires ont montré que, sauf pour ce qui concerne, en partie, le gazole pour lequel la région est structurellement déficitaire, le cabotage peut constituer une alternative pour les clients à des moments précis mais aléatoires, à savoir quand les prix de référence des produits raffinés de l'Atlantique (PLATT'S Atlantique ou ARA) sont plus bas que les prix ex Dunkerque.Ceci est normalement le cas lorsque les raffineries de l' Angleterre ou de l'ARA sont longues en produits raffinés, c'est à dire quand elles ont des excédents temporaires de production.

51. Quant à la possibilité pour d'autres raffineurs d'accroître leur position sur ce marché en ayant recours à la pratique des swaps, comme indiqué ci-dessus, les produits raffinés obtenus par l'intermédiaire des swaps ne sont normalement utilisés par les autres raffineurs que pour l'alimentation de leurs réseaux de stations service dans la région. Ainsi, ces opérateurs ne peuvent pas intervenir comme offreurs dans la vente hors réseau, car d'un côté les volumes obtenus par Total ou Fina sont limités et doivent en priorité alimenter leurs stations services, et de l'autre côté ceci déstabiliserait l'équilibre du système des swaps effectués à travers le territoire de la France, voire des territoires limitrophes. Cette rigidité des relations entre raffineurs a également été confirmée par les réponses aux questionnaires des raffineurs avec contrats d'échange, qui ont mentionné qu'ils n'envisageraient pas d'importer des produits raffinés en vue de leur vente dans le marché hors réseau. De ce fait, certains parmi les raffineurs, en l'occurrence Elf, Shell, n'ont que de ventes minimes dans ce marché. D'autres, tels que Esso, BP, Agip et Q8, sont pratiquement absents du marché hors réseau dans la zone Nord de la France.

52. En conclusion, suite à l'acquisition de Fina, Total renforcera sa position de leader incontesté dans le marché de la vente hors réseau dans la région Nord de la France, d'autant que Fina est le deuxième opérateur dans le secteur. Avant tout, la position de force de Total résultera du fait de l'intégration, au sein de l'entité combinée, des deux sources d'approvisionnement primaires dans la zone. Pour ce qui est des autres raffineurs concurrents, comme indiqué au paragraphe précédent, ceux-ci ne sont pas, et ne pourraient l'être, sauf à acheter auprès de Total, des fournisseurs du marché hors réseau dans la zone Nord de la France. En outre, le cabotage est une alternative onéreuse pour les clients revendeurs, qui a des incidences sur leurs marges de revente et dès lors sur leur compétitivité sur les marchés de l'aval. Par conséquent, la différence de prix liée aux coûts du cabotage, rendrait une augmentation des prix ex-raffinerie de Dunkerque profitable, alors qu'actuellement une telle augmentation est conditionnée par la pression de Féluy.

53. En conclusion, l'entité combinée, aura la possibilité, à la suite de la concentration, de se comporter de manière indépendante de ses concurrents et de ses clients. Si les parties notifiantes n'avaient pas soumis un plan d'engagements visant à permettre le développement d'une concurrence effective sur ce marché géographique, l'opération aurait donc soulevé des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun.

V. ENGAGEMENTS OFFERTS PAR LES PARTIES

54. En vue d'éliminer les doutes soulevés par la concentration, la partie notifiante s'est engagée à ce que soient cédées une participation de [...] dans le dépôt pétrolier de St. Pol-sur-Mer (Pas-de-Calais) et une participation de [...] dans la société Entrepôts Pétroliers de Valenciennes (Nord).

55. La partie notifiante s'est engagée à ce que l'acquéreur des ces participations ne soit ni une entité liée directement ou indirectement à Total ou à PetroFina, ni une société de raffinage, liée à Total ou à PetroFina par une contrat d'échange de produits pétroliers dans la zone du Nord de la France (c'est-à-dire les cinq départements français suivants : Nord, Pas-de-Calais, Somme, Aisne et Ardennes) et la Belgique, ni un investisseur non professionnel des activités pétrolières. Il pourra notamment être un stockiste, un entrepositaire agréé, distributeur indépendant ou une centrale d'achat de la grande distribution.

56. L'acquéreur sera soumis à l'approbation de la Commission. A cet effet, la partie notifiante communiquera à la Commission un rapport détaillé sur les relations commerciales éventuelles avec l'acquéreur.

57. En outre, la partie notifiante s'est engagée, afin de faciliter la transition, à offrir aux clients non raffineurs respectifs de Total et de PetroFina et de leurs filiales enlevant régulièrement des produits pétroliers de façon spot dans les dépôts de Valenciennes et de Féluy au cours des douze mois précédant la date du présent engagement, la possibilité de conclure des contrats d'achat de produits pétroliers pour une durée maximale de trois ans aux conditions existant à ce jour en termes de quantités et de prix tels que ceux-ci sont établis par rapport à la cotation PLATT'S zone ARA. En ce qui concerne le dépôts de Valenciennes, cet engagement de fourniture ne vaut pas pour l'acquéreur de la participation de Total dans ce dépôt.

Appréciation des engagements

58. Les engagements offerts par les parties visent à créer des possibilités réelles d'approvisionnement alternatif dans la zone Nord.La capacité de stockage cédée correspond à la contribution de Fina sur ce marché [6]. Etant donné la forte élasticité de la demande par rapport au prix qui caractérise le marché des produits raffinés, la quantité additionnelle aura des effets contraignants sur l'offre ex-Dunkerque et ex-Féluy. La validité de ces engagements a été appréciée auprès des intervenants dans le marché du hors réseau.

59. Afin que les engagements soient efficaces il faudrait que l'acquéreur potentiel soit une société intervenant dans la vente de carburants au détail (pétroliers indépendants, sociétés de la grande distribution), ou bien une société pouvant intervenir dans la vente de carburants en gros (négociants en produits raffinés), ou enfin un professionnel du stockage et de la distribution pétrolière. La cession des participations à un autre raffineur lié aux parties par des échanges de produits pétroliers dans la zone de référence serait inefficace, étant donné l'absence historiquement confirmée de ces raffineurs de la vente hors réseau et la faible probabilité de leur entrée en tant que concurrents de Total dans ce marché.

60. En ce qui concerne la cession d'une participation de [...] au dépôt EP Valenciennes, elle vise à permettre à l'acquéreur d'importer du produit raffiné à partir des raffineries d'Anvers (outre celle de Fina, celles de Shell, Esso, Texaco, Universal, etc), en utilisant l'oléoduc reliant le dépôt à ces raffineries. Il s'agit d'un dépôt 'fermé' et actuellement détenu par Elf (50 %), Total (34 %) et Shell (16 %). Elf et Shell utilisent ce dépôt pour alimenter leur réseau de stations service, à travers les swaps; ils obtiennent du produit de Total ex-raffinerie de Dunkerque et de Fina ex-dépôt de Féluy. Un acquéreur indépendant des parties pourra mettre en place un trafic régulier de produits pétroliers à partir d'Anvers et réduira ainsi sa dépendance de l'entité combinée pour l'approvisionnement du marché hors réseau. Il faut noter que bien que l'alternative de l'oléoduc existait avant l'opération, elle n'a pas été utilisée par les autres raffineurs actionnaires du dépôt pour l'approvisionnement du hors réseau dans la zone Nord.

61. En ce qui concerne le dépôt pétrolier St. Pol, il s'agit d'un dépôt d'importation possédant des installations de réception maritime. C'est également un dépôt "fermé" actuellement détenu par Total (31,16 %), Fina (9 %), Esso (21,2 %), Shell (18 %), BP (9 %) et Mobil (11,64 %). La cession par Total d'une partie de sa participation ([...]) à un tiers vise à libérer des capacités de stockage dans le but de rendre le cabotage plus compétitif, puisque les capacités de stockage libres permettraient la réception de caboteurs de grande taille, réduisant ainsi le surcoût unitaire. Il est en effet attendu que la présence d'une capacité importante de réception maritime et de stockage dans les mains d'un opérateur indépendant aura un effet contraignant sur les prix ex-raffinerie de Dunkerque.

62. Les cessions des participations dans les dépôts ci-dessus sont des remèdes de nature structurelle et peuvent être considérés comme suffisants pour résoudre le problème identifié sur ce marché.En plus des engagements structurels, la Commission prend note de l'engagement de comportement proposé par les parties, concernant la fourniture équivalant aux sorties historiques des opérateurs indépendants des dépôts de Féluy et de Valenciennes pour une période de trois ans. Cette mesure est de caractère transitoire, et vise à permettre aux clients actuels des parties de satisfaire leurs besoins en produits raffinés sans une rupture quelconque liée à l'opération.

63. Vu ce qui précède il y a lieu de conclure que les engagements proposés par les parties offrent des perspectives de restauration d'une concurrence effective pour l'approvisionnement du marché de la vente hors réseau dans la zone Nord de la France.

VI. CONCLUSION

64. Pour les raisons exposées ci-dessus, la Commission a décidé de ne pas s'opposer à l'opération notifiée et de la déclarer compatible avec le Marché commun et avec l'accord EEE, sous réserve du respect des engagements proposés.Cette décision est prise sur la base de l'article 6, paragraphe 1, point b, du règlement du Conseil n° 4064-89.

[1] Chiffre d'affaires calculé conformément à l'article 5 (1) du règlement relatif au contrôle des opérations de concentrations et à la communication de la Commission sur le calcul du chiffre d'affaire (JO C 66, du 2.3.1999, p. 25). Dans la mesure où ces données concernent des chiffres d'affaires relatifs à une période antérieure au 1.1.1999, elles sont calculées sur la base des taux de change moyens de l'écu et traduit en Euros sur la base d'un pour un.

[2] Voir aussi affaire n° IV-M.727 - BP/Mobil du 7 août 1996, point 30

[3] Les carburants distribués par le secteur de la grande distribution en France représentent plus de 50 % du total des ventes de carburants au détail.

[4] Affaire n° IV-M.727 - BP/Mobil du 7 août 1996, point 37

[5] La raffinerie Fina à Anvers est reliée par un oléoduc, propriété de Fina, au dépôt de Féluy. Ce dernier est considéré comme étant le dépôt de stockage de la raffinerie d'Anvers et est considéré par les opérateurs pétroliers dans la région comme une raffinerie "virtuelle".

[6] Les capacités de stockage cédées sont de l'ordre de [m³] (tous produits confondus). Moyennant une rotation annuelle des stocks de 4 à 5 (la rotation moyenne en France étant de 8 à 10 par an), de telles capacités permettraient, en théorie, d'opérer des livraisons correspondant aux [m³] vendus par Fina dans la région.