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Décisions

CCE, 29 septembre 1998, n° M.1203

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Usinor/Finarvedi

CCE n° M.1203

29 septembre 1998

LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,

1. Le 28 août 1998, la Commission a reçu une notification, au titre de l'article 4 du règlement du Conseil (CEE) n° 4064-89, d'un projet de concentration aux termes duquel le groupe Usinor, d'une part, et la famille Arvedi, d'autre part, acquerront, au sens de l'article 3 paragraphe 1 point b, du règlement du Conseil, le contrôle conjoint des activités sidérurgiques de la société italienne Finarvedi. Cette concentration fait également l'objet d'un examen sur la base de l'article 66 du traité CECA pour les marchés de produits relevant de ce traité.

2. Après examen de la notification, la Commission est arrivée à la conclusion que l'opération notifiée relève du règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil, et ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun et avec l'accord EEE.

I. LES PARTIES

3. Usinor est un des acteurs européens les plus importants dans les secteurs de la production et de la distribution d'acier. Parmi d'autres produits, ce groupe fabrique des tôles à froid en acier inoxydable et des tubes en acier. En 1997, son chiffre d'affaires s'élevait à 10 889 millions d'Ecus.

4. Finarvedi est une holding, contrôlée par la famille Arvedi, qui détient des participations dans plusieurs sociétés italiennes. Ces sociétés élaborent un produit CECA (les larges bandes laminées à chaud au carbone), qui est examiné sous l'angle de l'article 66 du traité CECA, et des produits dits " CEE " (petits tubes soudés en acier au carbone, petits tubes soudés en acier inoxydable, tôles laminées en acier inoxydable en largeur de moins de 500 mm). Le chiffre d'affaires des activités sidérurgiques de Finarvedi en 1997 s'élevait à 513 millions d'Ecus, la totalité étant réalisée en Italie.

II. L'OPERATION

5. L'opération se déroulera en plusieurs étapes qui auront lieu de façon solidaire. D'abord, la famille Arvedi va exclure les activités non-sidérurgiques de Finarvedi (embranchement des voies ferrées, télévision locale et négoce) du périmètre de l'opération et les dirigera directement.

6. Puis, la famille Arvedi créera une nouvelle société, " Newco ", ayant pour seul actif la détention de 100 % du capital des entreprises de Finarvedi actives dans le secteur sidérurgique et regroupées sous l'entreprise pilote Siderurgica Italia Srl (SIT). La société Sinpar Spa, société financière, détenue à 100 % par la famille Lucchini, prendra une participation de 50 % dans Newco en souscrivant à une augmentation de capital. Le pacte d'actionnaires conclu entre Sinpar et la famille Arvedi donnera cependant à cette dernière le contrôle exclusif de Newco. Il n'y a donc pas une concentration au sein de Newco.

7. Enfin, Usinor entrera dans le capital de Finarvedi à la suite d'une augmentation de capital de cette société. A l'issue de l'opération, la société Finarvedi sera détenue à 40 % par Usinor et à 60 % par Newco.

III. LA CONCENTRATION

Le contrôle conjoint

8. L'entreprise commune sera contrôlée conjointement par Usinor et par la famille Arvedi, au travers de Newco. Le conseil d'administration sera composé de sept membres. Quatre seront nommés par Newco et trois par Usinor. La présidence sera confiée à Monsieur Giovanni Arvedi. Le conseil d'administration sera chargé de tous les pouvoirs d'administration ordinaire et extraordinaire de la société et délibérera à la majorité simple des membres présents. Cependant, en vertu des statuts de la société Finarvedi, certaines décisions ne pourront être prises qu'à la majorité des quatre cinquièmes. Ces décisions visent, entre autres, l'adoption du plan industriel, l'adoption du budget, les opérations d'investissements et de désinvestissements de la société et de ses filiales, les contrats majeurs ainsi que l'embauche et le licenciement des dirigeants.

Entreprise commune accomplissant de manière durable toutes les fonctions d'une entité économiquement autonome

9. L'entreprise commune assumera l'ensemble des fonctions d'une entité économique autonome, les entreprises sidérurgiques détenues par la société Finarvedi disposant déjà de manière durable des moyens matériels et humains nécessaires au plein accomplissement de leurs activités.

Conclusion

10. Pour les raisons indiquées ci-avant, la Commission considère que la prise de contrôle en commun de la société holding Finarvedi par Usinor et Newco constitue une concentration au sens de l'article 3 (1) (b) du règlement concentrations.

IV. DIMENSION COMMUNAUTAIRE

11. L'ensemble des entreprises concernées réalise un chiffre d'affaires total sur le plan mondial de plus de 5 000 millions d'Ecus (Usinor 10 889 millions d'Ecus et Finarvedi 513 millions d'Ecus).

Chacune d'entre elles réalise un chiffre d'affaires dans la Communauté de plus de 250 millions d'Ecus (Usinor 8 192 millions d'Ecus ; Finarvedi 513 millions d'Ecus), mais elles ne réalisent pas plus des deux tiers de leurs chiffres d'affaires dans un seul et même Etat membre. L'opération a donc une dimension communautaire. Elle ne constitue pas un cas de coopération au sens de l'Accord EEE, en vertu de son article 57.

V. ANALYSE DU MARCHE

A. Marchés des produits en cause

12. Les activités des parties se chevauchent dans deux domaines : les produits plats laminés à froid en acier inoxydable et les tubes (en particulier, les petits tubes soudés en acier au carbone et les petits tubes soudés en acier inoxydable).

a) Les produits plats laminés à froid en acier inoxydable

13. Les produits plats laminés à froid en acier inoxydable sont utilisés dans les différentes branches d'activités qui exigent des produits possédant une forte résistance à la chaleur, à la corrosion et aux acides ainsi qu'une grande qualité de surface du point de vue du lissage et du finissage.

14. La production de Finaverdi de tôles laminées à froid en acier inoxydable est constituée exclusivement de tôles de moins 500 mm de largeur. Ces tôles relèvent du traité CEE. Usinor produit des tôles de plus de 500 mm, qui relèvent du traité CECA, et des tôles de moins 500 mm. La Commission a déjà considéré l'ensemble des produits plats en acier inoxydable laminés à froid comme formant un seul et même marché en raison de la grande substituabilité du côté de l'offre.Une division du marché entre les produits de plus ou moins 500 mm de large, soit une division entre produits CEE et CECA n'est plus pertinente pour l'application des règles de contrôle des concentrations car elle repose sur un mode de production, courant à l'époque de la conclusion du traité CECA (1951), aujourd'hui largement remplacé par le laminage en largeur et le refendage à des dimensions plus petites (Cf cas n° IV-M.484 - Krupp/Thyssen/Riva/Falck/Tadfin/AST, décision du 21 décembre 1994).Le marché pertinent est donc le marché des produits plats en acier inoxydable laminés à froid.

b) Les tubes

15. Les deux parties produisent des petits tubes soudés en acier inoxydable et des petits tubes soudés en acier au carbone. La Commission a retenu que les tubes soudés en acier inoxydable sont un marché distinct des tubes en acier au carbone (Cas n° IV-M.484 - Krupp/Thyssen/Riva/Falck/Tadfin/AST, décision du 21 décembre 1994).

16. En ce qui concerne les petits tubes soudés en acier au carbone, la Commission a identifié, dans une décision précédente, trois catégories : les tubes mécaniques, les tubes commerciaux et les tubes structurels (Cas n° IV-M.906 - Mannesmann/Vallourec, décision du 3 juin 1997).

Toutefois, il n'est pas nécessaire de décider si ces catégories de tubes constituent un seul marché pertinent des tubes de base ("commodity tubes ") ou des marchés pertinents distincts car l'opération projetée n'a pas pour conséquence de créer ou renforcer une situation de position dominante, quelles que soient les définitions des marchés de produit considérées. De même, pour les mêmes raisons, il n'est pas nécessaire de distinguer les tubes sans soudure des tubes soudés.

B. Marchés géographiques de référence

a) Les produits plats laminés à froid en acier inoxydable

17. Dans ses précédentes décisions, la Commission a considéré que le marché géographique de référence pour l'acier inoxydable laminé à froid est au moins l'Europe occidentale (Union européenne et AELE), compte tenu de l'absence de droit de douane dans cette zone géographique, du volume des échanges à l'intérieur de la zone, de la faiblesse des coûts de transport (2 à 3 %) et de l'absence de barrières juridiques ou techniques.

b) Les tubes

18. En ce qui concerne les petits tubes soudés en acier au carbone, la Commission a, dans ses décisions précédentes, établi que le marché pertinent est au moins l'Union européenne, étant donné que les niveaux d'interpénétration des marchés sont élevés, les coûts de transport sont faibles et qu'il n'existe pas de différences importantes de prix (Cas n° IV-M.906 - Mannesmann/Vallourec, décision du 3 juin 1997).

19. Les mêmes considérations s'appliquent aux petits tubes soudés en acier inoxydable. La partie notifiante considère que le marché géographique de référence englobe les pays de l'Union européenne ainsi que la Suisse et la Norvège compte tenu de l'absence de droit de douane et de la faiblesse des coûts de transport et des barrières à l'entrée. La délimitation proposée par les parties peut donc être retenue au cas présent car, quelle que soit la configuration du marché considérée, l'opération ne crée pas ou ne renforce pas une position dominante.

C. Appréciation

a) Les produits plats laminés à froid en acier inoxydable

20. Sur le marché des produits plats laminés à froid en acier inoxydable, Usinor détenait, en 1997, une part d'environ [15-25 %] au niveau de l'Union européenne. La part combinée du nouvel ensemble s'élève à moins de [15-25 %]. L'opération ne risque pas de créer ou renforcer une situation de position dominante compte tenu de l'apport très limité de la part de marché de Finarvedi et de la présence de nombreux concurrents importants.Le premier acteur dans ce marché est le groupe Thyssen Krupp Stahl qui détenait en 1996 une part de marché comprise entre [35-45 %]. Les autres concurrents sont Avesta Sheffield, Acerinox, Outokumpu et ALZ avec des parts respectives comprises entre [5-15 %].

b) Les tubes

21. Pour les petits tubes soudés en acier inoxydable, la part de marché combinée des parties dans l'Union européenne s'élèvera à environ [10-20 %] (Usinor [<10 %] et Finarvedi [5-15 %]). Les parties devront faire face à des concurrents importants, notamment Avesta Sandvik Tubes ([15-25 %]), Marcegalia ([10-20 %]) et au moins quatre autres détenant des parts de marché d'environ 10 %. L'opération ne risque donc pas de créer ou renforcer une situation de position dominante sur ce marché.

22. La part combinée de la nouvelle entité s'élèvera à environ [10-20 %] au niveau de l'Union européenne (Usinor [5-15 %] et Finaverdi [<5 %]) pour les petits tubes soudés en acier au carbone. Dans ce domaine, les principaux concurrents de la nouvelle entité sont Marcegaglia ([5-15 %]), Rautaruukki ([5-15 %]), British Steel ([<10 %]) et Mannesmann-Hoesch ([<10 %]).

23. Les données pour les trois catégories de tubes en cause ne sont pas disponibles. Toutefois, dans chacune des catégories, il existe des concurrents importants. Pour les tubes soudés commerciaux, British Steel, Dalmine et Flender auront des parts du marché comparables ou plus grandes. Pour les tubes structurels, British Steel et Rautaruukki sont des concurrents importants. Il en est de même pour Dalmine, Mannesmann et Rautaruukki sur le marché des tubes soudés mécaniques.

24. La surcapacité d'environ 40 % dont souffre actuellement cette industrie doit également être prise en considération. Dans ce contexte, il est certain que les concurrents pourraient augmenter leur production en cas de besoin. L'opération ne risque donc pas de créer ou renforcer une situation de position dominante sur ces marchés.

Conclusion

25. Compte tenu des éléments exposés ci-dessus, il apparaît que l'opération notifiée ne crée pas ou ne renforce pas une position dominante qui aurait pour résultat d'entraver la concurrence effective de manière significative dans l'EEE ou une partie substantielle de celui-ci.

VI. CONCLUSION

26. Pour les motifs exposés ci-avant, la Commission a décidé de ne pas s'opposer à l'opération notifiée et la déclare compatible avec le Marché commun et avec l'accord EEE. La présente décision est adoptée en application de l'article 6 paragraphe 1 point b du règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil.