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Décisions

CA Versailles, 9e ch., 22 janvier 1998, n° 59-1998

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Mary, DGCCRF de Chartres

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Canivet

Conseillers :

M. Limoujoux, Mme Delafollie

Avocats :

Mes Vaudenbogaerde, Luce.

TGI Chartres, ch. corr., du 17 mars 1997

17 mars 1997

Rappel de la procédure :

Le jugement :

Par jugement en date du 17 mars 1997, le Tribunal correctionnel de Chartres a relaxé et renvoyé Gérard B, ès-qualité de directeur commercial et de gérant de fait de la SARL X des fins de la poursuite sans peine ni dépens en application des dispositions de l'article 470 du Code de procédure pénale ;

Sur l'action civile :

A déclaré Jean-Paul Mary irrecevable en sa constitution de partie civile du fait de la relaxe ;

(Faits commis à Saussay et sur le territoire national, courant 1994 et 1995).

Appels :

Appel a été interjeté par :

- le Ministère Public, le 21 mars 1997,

- Mary Jean-Paul, le 21 mars 1997.

Décision :

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu l'arrêt suivant :

Considérant que Monsieur B, ès-qualité de directeur commercial et de gérant de fait de la SARL X est prévenu d'avoir à Saussay et sur le territoire national, courant 1994 et 1995, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur les capacités de son entreprise et sur le caractère lucratif des concessions qu'il proposait de céder contre paiement d'une somme forfaitaire en :

1°) - se présentant comme le responsable de la société dont il n'était que le directeur commercial,

2°) - prétendant vouloir " étoffer " un réseau de concessionnaires alors qu'il n'existait pas lors de la parution des publicités,

3°) - faisant mention d'études de marketing sur les produits mis en vente alors qu'une seule enquête avait été faite par son fils dans le cadre de sa scolarité,

4°) - affirmant avoir déjà commercialisé des puzzles auprès des restaurants l'Arche, alors qu'ils l'avaient été directement par leur fabricant,

5°) - affirmant que des grandes entreprises, banques et musées étaient clients de son entreprise,

6°) - soutenant que le revenu net mensuel des concessionnaires serait de 32 000 F, ce qui ne correspondait pas au chiffre d'affaires de la société,

7°) - indiquant que le prix de la concession serait au plus de 30 000 F, alors que le prix réellement réclamé était supérieur,

8°) - prétendant qu'une formation serait dispensée aux concessionnaires alors qu'elle se résumait à la simple remise de documents,

9°) - arguant d'une progression du chiffre d'affaires de sa société sans pouvoir en aucune façon le démontrer,

10°) - promettant la création de produits nouveaux, pour compléter sa gamme sans que celle-ci soit effective,

Faits prévus et réprimés par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6, L. 121-6 alinéa 1, L. 213-1 et L. 121-4 du Code de la consommation,

Que par jugement contradictoire du 17 mars 1997, le Tribunal correctionnel de Chartres, relaxait Monsieur B, déclarait Monsieur Mary irrecevable en sa constitution de partie civile ;

Que les appels du Ministère Public (déclaration n° 73-93) et de Monsieur Mary (n° 74-97) du 21 mars 1997 sont recevables comme interjetés dans les forme et délais de la loi ;

Considérant que le Ministère Public détaillant quatre allégations des publicités confrontées à la réalité des faits, rappelant que le " bon à tirer " n'est pas une des conditions pour retenir la responsabilité requiert que B soit déclaré coupable, condamné à une amende et à la publication de la présente décision ;

Que la partie civile qui demande l'infirmation du jugement, qu'il soit jugé que sa constitution est recevable et que sa demande de condamnation de B à lui payer 629 226 F représentant la somme de 263 410 F au titre des frais engagés dans le cadre de la société, de 93 568 F au titre du non remboursement des frais professionnels et 272 248 F au titre du préjudice moral, outre 6 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale soit jugée bien fondée ;

Considérant que par procès-verbal clos le 7 juin 1996, un inspecteur des services déconcentrés de la DGCCRF, Eure et Loire, certifiait les faits suivants :

Le 7 novembre 1995, la DGCCRF recevait un courrier daté du 6 novembre 1995 contenant réclamation émanant d'une SARL In'Ovation - Montélimar signée de Monsieur Mary Jean-Paul suivie le 29 novembre 1995 d'une réclamation d'un Monsieur Wilfrid Teinturier demeurant à Bonne (74) ;

Il était demandé à la DGCCRF de vérifier le caractère licite de deux publicités diffusées dans les n° 39 (octobre-novembre 1994) et 41 (février-mars 1995) d'une revue bimestriel Job Pratique Magazine ;

La DGCCRF concluait de son étude que les allégations, notamment reprises dans l'énoncé de la prévention avaient été de nature à induire en erreur le lecteur, tout intéressé qui, dans le contexte social, est essentiellement un chômeur qui tente de retrouver une activité rémunératrice ;

Considérant que Monsieur B a reconnu " avoir diffusé dans le magazine Job Pratique deux encarts publicitaires dans les n° 39 et 41 intitulés (n° 39) " " une activité peu banale, plutôt agréable et très lucrative " " vendre des espaces publicitaires " sous la rubrique " Publicité " " Publi-Reportage " (pages 32-33) et n° 41 sous la même rubrique " Publicité " " Lancez-vous avec une gamme unique et des marges élevées ", l'une et l'autre des publicités se terminant avec les références de X, nom, adresse, n° de téléphone et fax de Monsieur B à Saussay (28),

Que l'activité principale de cette SARL dont la gérante est Annie B, consiste en la vente d'espaces publicitaires et la vente en gros, demi-gros, détail, en la commercialisation, distribution, importation de matériel électrique et électronique,

Que chaque publicité a fait l'objet d'une facture, pour celle du n° 39 sur " opération spéciale " acceptée sur devis du 15 septembre 1994 et pour celle du n° 41, d'un bon à tirer avec la mention du bon pour accord et le cachet de la société, que la diffusion du bimestriel se fait par abonnements et par mise en kiosques et le tirage pour les numéros en cause s'est situé de 18 à 21 000 exemplaires ;

Considérant que soit par " publicité " soit par " Publi-Reportage Publicité ", chacun des deux écrits comportent des mentions dont Monsieur B est l'auteur et le responsable ; que s'il conteste aujourd'hui être responsable du premier article, il apparaît pourtant que devant la DGCCRF il n'a pas critiqué le contenu comme n'étant pas ce qu'il comptait énoncer et n'a fait état que d'une prétendue erreur d'imprimeur devant le tribunal ; qu'il n'imagine le moyen de défense des transformations journalistiques que devant la cour, qui, compte tenu des répétitions dans le deuxième article ou des exemples pratiques détaillés dans le premier article par B lui-même qui ne voyait que des expressions " valorisantes " utilisées par le journaliste et non pas une transformation de ses propos ne sera pas abusée par ce moyen de défense d'opportunité ; que s'ils avaient contenu des passages, expressions, allégations ne correspondant pas aux messages que B voulait faire diffuser, il avait tout loisir de faire passer un rectificatif ;

Considérant que les allégations intéressent la présentation de Monsieur B ou de son entreprise, les résultats que le concessionnaire pouvait attendre ; que les allégations des deux articles publicitaires sont retenus comme émanant, sans aucune transformation de la pensée, de B qui n'a jamais fait paraître de rectificatif ;

Considérant que B a été présenté comme responsable de la société X (dans le n° 39) ou fondateur de la société (n° 41) que cependant la gérante est l'épouse de Monsieur B qui n'apparaît nullement dans l'organigramme de la société dont il n'appartient pas non plus être le fondateur ;

Qu'il est directeur commercial ; que toutefois Monsieur B, dans son dossier de plaidoirie, se reconnaît responsable de fait de la société X ;

Considérant que le responsable veut étoffer son réseau de concessionnaires (n° 39 et 41), réseau qui ne comprenait que 5 contrats de concession justifiés par B avec :

* un Monsieur Chauvet de Clermont-Ferrand, signé le 2 novembre 1994,

* un Monsieur Teinturier de Bonne (74) non daté qui serait du 8 novembre 1994,

* un Monsieur Dessaigne de Roquefort-de-Corbières (11) qui serait du 29 novembre 1994,

* une dame Betremieux Bella de Roubaix signé le 23 février 1995,

* une société MJP (Monsieur Mary) de Montélimar signé le 27 avril 1995,

Qu'il est observé par conséquent que Monsieur B qui parle de " réseau " dès le n° d'octobre/novembre 1994, n'avait alors aucun contrat dont il avait justifié ; ce qu'il a confirmé en indiquant que 5 contrats ont été concls depuis la création de X,

Que l'affirmation sur la présentation de la société et du réseau à étoffer était par conséquent totalement mensongère, car il n'existait aucune base matérielle à un réseau même constitué de quelques unités sur divers points du territoire,qu'on pouvait concevoir comme une implantation déjà effective de concessionnaires dans quelques régions françaises ; que c'est vainement que Monsieur B prétendait à l'existence d'un réseau par les contacts pris avec les trois premiers concessionnaires cités dès lors que les dates des contrats sont sans ambiguïté postérieures au premier numéro paru,

Que par son mensonge sur l'existence même du réseau, Monsieur B faisait accroire qu'il avait déjà une expérience dans la réalité, l'effectivité et l'efficacité des concessions, qu'il avait une image d'entrepreneur ayant déjà enregistré une réussite certaine dans la constitution du réseau de concessionnaires,

Que par allégation relative à l'étoffage du réseau, Monsieur B paraît proposer l'accroissement ou développement du nombre de concessionnaires existants et fait directement accroire au succès des premiers ; qu'il induit ainsi en erreur le futur cocontractant quel qu'il soit (Monsieur Mary et autres) sur le sérieux, le devenir prometteur, de l'offre de diffusions publicitaires par produits ;

Considérant que l'affaire repose que sur 4 quatre produits phares ou supports cartes à pub, sacs à pains, pochettes, porte-contrats et puzzles, lesquels portent des publicités d'annonceurs, commerçants ou prestataires de services locaux, qu'il s'agissait pour le concessionnaire de découvrir soit à travers les journaux gratuits locaux soit par visites,

Que dans ses publicités dans les n° 39 et 41, Monsieur B prétend que les " supports ont été éprouvés et consciencieusement testés avant d'être mis en circulation, le coût des encarts idem " ;

Que cependant, sur demande de justification, B a dû reconnaître :

* qu'il n'y avait pas eu d'étude du marché,

* que les produits ou supports précités n'avaient été éprouvés que par lui-même lors de démarchages, selon " sa " constatation sur le terrain, laquelle compte tenu des résultats justifiés sur deux mois avant le premier contrôle est très limitée dans le temps et dans les nombres de contrats ;

* qu'avant lancement, le support puzzles avait fait l'objet d'une étude réalisée comme rapport d'étude par son fils et un nommé Charles P dans le cadre du Centre des Hautes Etudes de Marketing et Stratégie ;

Que par conséquent B a menti en énonçant (dans le n° 39) que les supports, c'est-à-dire les 4 produits, ont été éprouvés et consciencieusement testés avant d'être mis en circulation ;

Qu'en énonçant cette allégation, fausse, Monsieur B faisait accroîre aux futurs contractants que sur les produits publicitaires, il existait une expérience réussie de diffusion des produits et donc preuve de marchés, de demandes ;

Considérant (n° 39) que B fait écrire que " la chaîne de restaurants l'Arche, a, quant à elle, porté son dévolu sur les puzzles " expliquant que la chaîne de restaurants figure sur une carte partielle de France, que les enfants ont à reconstituer, les enfants étant ciblés comme étant souvent prescripteurs de la prochaine pause-repas de la famille en déplacement ;

Que la rédaction est tendancieuse et fait croire que la chaîne de restaurants, comme d'autres commerçants, a conclu avec la SARL X et fait sa publicité par puzzles en se fournissant directement auprès du même fabricant que X ;

Que dans le n° 39, B expose l'intérêt du support " sacs à pain " puis celui de la pochette cartonnée et expose ensuite que l'Arche a quant à elle jeté son dévolu sur les puzzles de sorte que le lecteur attentif et critique croit que l'Arche est fournie par X comme les autres annonceurs non nommés mais professionnellement désignés s'intéressent aux sacs (boulangers) ou aux pochettes (agents immobiliers) ;

Que la situation dans l'article publicitaire et la rédaction ci-dessus reproduite de l'allégation est de nature à induire en erreur le futur cocontractant de B relativement à l'éventail de clientèle de X ;

Considérant que (n° 39 et 41), Monsieur B allègue que " banques, clubs de sports, mairies, grandes entreprises, musées ont déjà eu recours à ce support ludique (puzzles) et syndicats d'initiatives et assurances (n° 41) ;

Que sur demandes de justifications de l'existence d'une clientèle telle que celle énumérée par B, celui-ci a du reconnaître que X n'a pas vendu de puzzles à des banques, clubs sportifs ou musées, et n'a eu qu'un seul client, un société d'HLM de Gennevilliers elle-même non assimilable à une mairie ;

Qu'il admettait que les seuls clients étaient des artisans ou petits commerçants ;

Qu'en se référant à une clientèle d'une surface commerciale importante ou d'administrations locales, B tendait à faire croire au futur cocontractant concessionnaire, comme par le " réseau ", à l'existence d'un volant de clientèle prestigieux tant en qualité qu'en quantité et par conséquent à la réussite future de sa propre intégration au réseau ;

Considérant (n° 39) que B promet sur le lancement d'une vente d'espace publicitaire sur sacs à pain " 32 000 F nets de gains mensuels le plus tranquillement du monde " ;

Que la certitude présentée en publicité du n° 39 comme un gain minimum est présentée par B comme une estimation par lui faite à partir des résultats qu'il faisait lui-même lorsque la publicité a été diffusée, et non pas sur la base des revenus des concessionnaires, inexistants en octobre/novembre 1994 ;

Que pour justifier de ses propres résultats nets mensuels B a fait tenir à la DGCCRF 9 factures dont 5 concernaient les résultats de juillet 1994 et 4 ceux de septembre 1994 ;

Qu'à l'examen des cinq factures de juillet pour un total de ventes réalisées par B à hauteur de 98 990 F TTC, il apparaît que trois facturations n'intéressant pas les ventes des supports que les concessionnaires seront chargés de vendre et que le montant des ventes sur les " produits phares " n'intéressaient qu'un total de 33 078 F TTC ; que dans la mesure où la publicité précisait qu'une commande (vente) de 14 000 F rapporte au concessionnaire 8 000 F nets, le gain net pour les supports à vendre par un concessionnaire n'aurait rapporté en juillet 1994 qu'un total voisin de 18 902 F ;

Qu'à l'examen des 4 factures de septembre 1994, il est apparu qu'aucune ne concernait la vente des supports par concessionnaires et que par conséquent ces prétendus justificatifs des possibilités de ventes ne démontrent pas la réalité des produits nets à retirer d'une telle activité ;

Que Monsieur B est mal venu de prétendre à une " traduction " du journaliste dès lors que celui-ci rapporte l'exemple pratique cité par B qui conclut lui-même à ce montant de gains net ;

Qu'aucune autre référence sur les gains pourtant annoncés à hauteur de 32 000 F nets n'est produite ni même alléguée ; que c'est par conséquent en connaissance de cause, de ses propres résultats peu convaincants pour juillet et inexistants pour septembre 1994 que Monsieur B a menti sur les résultats à escompter ;

Considérant que B (n° 39) énonce que " pour démarrer cette activité avec un secteur exclusif, une somme forfaitaire, entre 18 000 et 30 000 F vous est demandée " ;

Qu'à l'examen du contrat de concession de Dessaigne il apparaît que l'engagement financier demandé à ce dernier fut de 35 000 F HT, non restituable, payable au jour de la signature du contrat ;

Que la prétendue justification de B selon qui pour ce concessionnaire la concession exclusive était accordée pour trois départements, n'est pas opérante car B n'avertit nulle part que le coût forfaitaire dépend du regroupement dans le secteur de plusieurs départements ;

Que la notion de " secteur " avec ou sans qualificatif " d'exclusif " ne se rapporte pas à un département ou à un quelconque espace géographique ; qu'elle signifie qu'il ne saurait exister un autre concessionnaire vendant des espaces publicitaires sur un ou des supports semblables, lié par contrat avec X ;

Qu'en ne spécifiant pas la signification de la " fourchette " de la participation forfaitaire et en n'indiquant pas la signification du " secteur " autrement que par référence à une densité de population (n° 39), Monsieur B a induit ses futurs cocontractants en erreur sur la portée financière de l'engagement qu'ils souscrivaient " à l'aveugle " puisque dépourvu des informations sur la réalité de ce qu'ils pouvaient espérer ;

Considérant que Monsieur B affirmait que " X vous épaule (formation de 2 à 3 jours) et vous aide à mettre en place votre organisation commerciale (n° 39) ;

Que Monsieur B a précisé que la formation était dispensée soit à Saussay (siège) soit en la place où se trouve le concessionnaire ;

Que la formation comportait l'approche commerciale (aborder le client, connaître les produits, les arguments), sur une journée, et l'accompagnement de B sur deux jours, sans support écrit, fascicule thématique ;

Que B n'a rien justifié sur l'aide à la mise en place de l'organisation commerciale,

Que la prétendue formation qui peut s'adresser à des personnes qui n'ont jamais été vendeur, représentant, VRP ou n'ayant jamais eu une quelconque activité dans le domaine commercial, qui ne s'intéresse pas, selon l'aspect limité que B décrit lui-même, aux méthodes de recherche du client, à la passation des contrats de commandes d'espaces publicitaires sur supports, sur les contenus des publicités qui peuvent solliciter les clients, sur les techniques d'enregistrements des commandes, sur les techniques de " résistance " à une concurrence d'autres " vendeurs " ... c'est-à-dire qui ne s'intéresse pas, même en formation intensive, aux notions essentielles du commerce et du droit qui y est attaché, de la communication, y compris par informatique, de la consommation et de la concurrence, de la mémorisation tant de la clientèle que de ses besoins avec connaissance de leur évolution, et qui ignore la pratique, est un faux-semblant qui ne mérite pas le nom pompeux qui lui donné Monsieur B, qui ne peut pas l'ignorer, comme directeur commercial, qui sait que ces bases essentielles de connaissances s'acquièrent en plus de 2 ou 3 jours dans les écoles qui forment aux BTS d'action commerciale ou autres diplômes équivalents, ou " sur le tas " par les travailleurs inexpérimentés " ;

Que ce faux-semblant est d'autant plus pernicieux que les futurs concessionnaires, qui viennent d'engager de fortes sommes irrécupérables croient pouvoir être opérationnels et rentables ;

Qu'en outre la preuve de l'absence d'aide à l'organisation commerciale est établie alors que, pour le moins, l'aide devait comporter l'implication intellectuelle et en temps dans la recherche et le conseil en démarches de toute nature pour la mise en place de la structure matérielle de la future activité, telles que démarches administratives en cas de constitution de société, fichiers de prospection, de clients, moyens de communication, comptabilité et/ou secrétariat ... ;

Que ces deux allégations étaient de nature à induire en erreur ;

Considérant que B offrait aux concessionnaires de les " associer à la forte progression de son chiffre d'affaires " ;

Que cependant, la société X a été immatriculée au RCS le 26 novembre 1993 et a commencé l'exploitation le 12 novembre 1993 le premier exercice ayant durée 14 mois, comme clos le 31 décembre 1994, c'est-à-dire clos après la date de parution du n° 39 ; qu'en outre l'affirmation a été faite et publiée avant que la société n'ait établi ses comptes de l'exercice 1994, c'est-à-dire après l'élaboration de la publicité parue dans le numéro 41 ;

Qu'aucune évolution donc aucune progression d'un chiffre d'affaires n'est appréciable sur un seul exercice ;

Que cette allégation qui tendait à faire croire aux futurs concessionnaires à la bonne santé de l'entreprise, à la crédibilité et rentabilité du créneau de publicité vanté, était de nature à induire en erreur les cocontractants futurs ;

Considérant que B prétendait que " d'autres produits (étaient) à l'étude " et que " deux d'entre eux complèteront la gamme au cours du premier trimestre " soit avant le 1 avril 1995 ;

Que B précisait qu'il s'agissait d'un porte-cartes postales et d'un kit de signalisation pour marquages extérieurs (lettres de l'alphabet utilisables pour moyennes et grandes surfaces, sur la bandage extérieur pour inscrire des messages extérieurs) ;

Que B reconnaissait, dans une audition du 11 décembre 1995 soit 8 mois et demi après la date ultime de la future commercialisation que les deux nouveaux produits n'étaient pas encore commercialisés ;

Que l'allégation de cette prochaine commercialisation est une allégation, qu'en janvier 1995, au moment de la préparation de la publicité du n° 41, B savait ne pas pouvoir concrétiser ; qu'il n'en a pas mois laissé figurer cette promesse, qui n'avait que le seul mérite de faire croire aux futurs concessionnaires au développement de la gamme de supports qu'ils allaient pouvoir, rapidement, offrir à la vente de leurs propres clients ;

Considérant que (n° 41) B affirmait que " la mise en place de son réseau de concessionnaires affiche d'ores et déjà une belle réussite " ;

Que pour prouver la " belle réussite ", Monsieur B a produit des factures ;

1) adressées à la société Auverpartner de Clermont-Ferrand créée par le concessionnaire Chauvet pour 3 commandes :

- du 22 décembre 1994 pour 2 000 cartes à pub pour 13 326 F TTC ;

- du 1er février 1995 pour 30 000 sacs à pain pour 10 609 F TTC ;

- du 10 avril 1995 pour 60 000 sacs pour 15 299 F TTC.

le concessionnaire n'ayant plus rien commandé au 11 décembre 1995.

2) adressées à la société J'Inove à Roquefort (créée par le concessionnaire Dessaigne) pour 2 commandes :

- du 1er février 1995 pour 1 000 pochettes pour 9 286 F TTC ;

- du 16 février 1995 pour 1 000 pochettes pour 9 336 F TTC.

concessionnaire qui a cessé son activité le 7 avril 1995 ;

3) adressées à la société In'Ovation (M. Mary) pour une facture :

- du 25 juillet 1995 pour 1 900 chemises cartonnées pour 13 687 F TTC seule commande de ce concessionnaire.

Que B a précisé que les concessionnaires Teinturier et Betremieux n'ont réalisé aucun chiffre d'affaires ;

Que par conséquent la " belle réussite " affirmée dans une publicité rédigée avant février 1995 qui ne repose que, au mieux, sur deux " concessionnaires " et trois commandes des 22 décembre 1994 et 1er février 1995, est purement et simplement mensongère ; que la transformation d'un évident ratage en " belle réussite " constitue à l'égard des futurs concessionnaires une publicité mensongère ;

Considérant (n° 41) que B affirmait que " pour démarrer sur un secteur exclusif, X ne vous demandera que 20 000 à 35 000 F, formation et mise en place de votre organisation commerciale comprise : voilà votre première bonne affaire" ;

Que cependant, sur les 5 contrats conclus, il est établi que les forfaits furent supérieurs, au moins :

- pour la société MJP (M. Mary) : coût de 50 000 F HT pour 3 départements (Ardèche - Drôme - Vaucluse) ;

Alors que ce contrat n'est postérieur à la parution de la publicité du n° 41 que de quelques semaines ;

Alors que rien ne permet de croire qu'un forfait supérieur au maximum publié serait justifié par la concession d'un secteur de trois départements ;

Alors que la formation prétendue n'en est pas une ;

Alors que l'aide à la mise en place de l'organisation commerciale du concessionnaire est inexistante, forfait qui a d'ailleurs augmenté sans que l'indigence des prestations ne le justifient ;

Considérant que l'ensemble des allégations, indications ou présentations énoncées dans les deux publicités parues dans le bimestriel, ont toutes eu le caractère soit mensonger soit de nature à induire en erreur, selon les analyses répertoriées ci-dessus, non seulement à l'égard du plaignant initial mais à l'égard de tous ceux que les publicités devaient atteindre ;

Considérant que Monsieur B, interlocuteur dans le publi-reportage du n° 39, rédacteur concepteur dans la publicité du n° 41, est le responsable personnel et direct des allégations litigieuses ;

Considérant que l'intention coupable résulte du fait que le prévenu, avant la parution des deux publicités, avait la connaissance de la fausseté de certaines de ses affirmations, tant en ce qui concerne les données commerciales, financières fondant lesdites affirmations, qu'en ce qui concerne ce que la cour identifie à des promesses non tenues ;

Que pour l'appréciation de l'ampleur de la responsabilité, la cour relève que B savait qu'il s'adressait à des personnes à la recherche d'un emploi ou activité rémunératrice, que B sans offrir de formation ni d'aides sérieuses obtenait des fonds de montants élevés en accumulant, sur deux puis une page, le mensonge, la promesse qu'il savait ne pas vouloir et pouvoir tenir participant ainsi à l'appauvrissement de citoyens déjà socialement affaiblis, d'autant plus induits à croire à un salut qu'il est publié sous forme de reportage dans une publication ancienne ayant un bon tirage, de près de 20 000 exemplaires ;

Considérant que si le n° 39 de la revue bimestrielle n'a pas fait l'objet de bon à tirer, il convient de rappeler que celui-ci n'est pas une condition de l'existence matérielle du délit ;

Que s'il y a absence du contrôle de contenu qui allait être publié, il est relevé que Monsieur B ne renie rien du contenu des deux pages du publi-reportage du n° 39 ;

Que contrairement à la lecture que le tribunal a fait de cet article, l'ensemble des allégations, affirmations relevées par la DGCCRF figurent dans la publicité du n° 39 ; que la prétendue erreur sur l'espérance de 32 000 F, la cour observe que l'imprimeur n'a fait aucune erreur comme le prétend le prévenu, ce montant résultant de l'exemple détaillé de B lui-même dans le publi-reportage ;

Qu'il y a lieu par conséquent d'infirmer le jugement entrepris et de condamner M. B à une amende de 10 000 F ;

Considérant que sur la constitution de partie civile, B fait grief à la partie civile de ne lui avoir communiqué aucune pièce, grief qui ne paraît pas pertinent dès lors que Monsieur Mary n'utilise aucun pièce nouvelle et reprend ses conclusions de première instance ;

Que Monsieur B est donc malvenu de demander à titre principal, dans sa côte de plaidoirie et dans ses explications orales le rejet des demandes de Monsieur Mary pour " infraction au principe fondamental du contradictoire " ;

Que selon Monsieur B, la demande de Monsieur Mary serait irrecevable et mal fondée parce que Monsieur Mary serait un menteur en ce qu'il aurait saisi la DGCCRF, à la suite d'informations mensongères, selon plainte datée du 6 novembre 1995, suivie trois semaines plus tard d'une autre réclamation Teinturier, non constitué partie civile, et parce qu'il a dit avoir consulté les magazines, puis rencontré B, puis signé le contrat de concession sur 3 départements pour 59 300 F TTC, pus a créé une SARL MJP le 2 mai 1995 pour pouvoir exploiter la concession ;

Qu'ainsi Mary dit avoir eu connaissance des articles que plusieurs mois après parution ;

Ce qui serait faux car Mary a, dès le 8 décembre 1994, signé un contrat de concession en son nom personnel, alors qu'il n'avait pas encore vu lesdits articles, l'intéressé n'ayant à l'époque encore versé aucune somme, le contrat ne stipulant aucun prix (montant non renseigné).

C'est par l'intermédiaire d'un beau-frère M. P que Mary a fait connaissance de X, ce P ayant, avec le fils B établi un rapport sur le développement de vente d'un nouveau concept publicitaire ;

En outre le père de Mary demeure à quelques kilomètres du domicile B qu'il aurait souvent rencontré ;

Que, cependant, au regard des recherches d'informations par M. Mary, de la date du " premier " contrat du 8 décembre 1994 qui ne paraît être qu'une ébauche car il n'est pas renseigné sur certaines mentions (dont la participation forfaitaire), il est considéré comme établi que Monsieur Mary a été convaincu de contracter par l'ensemble des allégations, y compris les fausses indications, que ses recherches ne permettaient pas de contredire parce que les informations de fond, sincères, n'étaient encore en possession que de la direction de la société (toutes les données ressortant de la comptabilité) ou n'étaient pas destinées à faire l'objet d'une quelconque publication (tous renseignement concernant les concessionnaires) ;

Que les remarques de Monsieur B relativement à l'unique commande qui n'aurait pas été payée est indifférente à l'existence d'un préjudice résultant de l'infraction dès lors que les relations contractuelles conflictuelles en cours d'exécution de la concession ne sont pas prises en compte ;

Que Monsieur Mary n'a pas menti dans sa plainte s'agissant des éléments matériels de l'infraction qui lui ont été préjudiciables comme à tout lecteur intéressé et concerné par la publicité et il ne saurait lui être fait grief de s'être rapproché d'une autre victime des allégations mensongères ;

Considérant encore que selon Monsieur B, la constitution de partie civile de Monsieur Mary serait irrecevable parce que dans sa plainte, il avait visé l'article 313-1 du Code pénal ;

Que cependant, Monsieur Mary s'est constitué partie civile, comme partie jointe, sur une poursuite en publicité mensongère ou de nature à induire en erreur ;

Que la constitution de partie civile est recevable ;

Considérant que selon Monsieur B, la constitution de partie civile de Monsieur Mary serait irrecevable dès lors que c'est la société MJP qui a conclu le contrat de concession du 25 avril 1995 avec la société X et que les préjudices revendiqués ont été occasionnés à la société ;

Que cependant, c'est Monsieur Mary seul, qui a été trompé par les publicités, et non pas une société inexistante qui n'a été créée qu'après que les allégations trompeuses aient produit leurs effets ;

Que cependant encore, ce ne sont que les conséquences financières et morales des allégations trompeuses qui seront prises en compte et non pas les conséquences, même déficitaires, de l'exploitation de la société ;

Considérant que la publicité mensongère ou de nature à induire en erreur cause un préjudice à toute personne qui est ciblée et qui est atteinte par ladite publicité ;

Que le préjudice matériel d'un citoyen lésé comporte l'ensemble des frais exposés pour entrer ou se maintenir dans la convention offerte, soit en l'espèce, les frais forfaitaires payés, les frais de constitution de la structure mise en place pour commencer l'exploitation ;

Qu'en revanche des frais exposés pour un reclassement professionnel, hors ceux qui auraient été exposés pour déplacement logement ... pour assister à la pseudo-formation de X ne peuvent être pris en compte pour ne pas être issus directement de l'infraction poursuivie ;

Qu'en revanche aussi, est exclue une perte de salaires (de 8 000 F sur 18 mois d'exercice) qui est une projection d'une éventualité ;

Qu'en effet il n'est pas établi que Monsieur Mary allait être embauché comme salarié en avril 1995, emploi auquel il aurait renoncé au profit de la concession offerte par la société X ;

Mais qu'en revanche il pouvait prétendre l'être dans la même période ;

Qu'en effet, de ce chef de préjudice personnel, il peut être estimé que la conclusion du contrat de concession et l'attente des résultats allégués ont interdit à Monsieur Mary de rechercher un emploi dans les domaines d'agent de bureautique et gestion informatisée de comptabilité, d'autant qu'il avait l'équivalence d'un BEP administration commerciale et comptable et du Bac professionnel bureautique avec mention assez bien, obtenu le 14 septembre 1994 et que né le 24 août 1950 il avait, fin 1994 l'âge de 44 ans, ensemble d'un curriculum vitae qui lui permettait d'espérer retrouver un emploi dans l'un des volets de sa compétence ; que Monsieur Mary sera indemnisé par les Assedic jusqu'au 2 mai 1995 ;

Que ce chef de préjudice personnel sera justement indemnisé par l'allocation de 50 000 F de dommages et intérêts ;

Que Monsieur Mary qui a effectivement effectué des démarches préalables par la prise de connaissance des statuts de la société X a dépensé :

- conseil pour problème de droit des sociétés : 100 F

- contrat de concession : 59 300 F

- capital de constitution de la SARL In'Ovation : 50 000 F

Les dépenses postérieures étant sans lien direct avec X et la publicité mensongère, de même que les dépenses antérieures de formation arrêtées au 30 juin 1994 ;

Que, autant la publicité mensongère est en lien avec la perte de chance de retrouver un emploi dès avril 1995, autant il n'existe qu'un lien indirect, non chiffré, avec le résultat déficitaire enregistré en fin d'exercice 1995 et 1996, lequel en outre ne fait pas la part des conséquences des fausses informations données par B et des conséquences éventuelles d'une gestion non adaptée ;

Qu'il apparaît en outre qu'au titre de la perte en compte courant dont l'indemnisation est demandée figurent deux postes non justifiés par la production des comptes de liquidation du 21 février 1997 ;

Que Monsieur Mary demande l'indemnisation du préjudice résultant de la nécessité d'acquérir un véhicule qui fut une BX 19 TZD, coûts auxquels s'ajoutèrent l'évaluation forfaitaire, au kilomètre, de l'utilisation pour les besoins du contrat de concession, c'est-à-dire sur 50 000 km parcourus sur les années 1995/1996 ce qui fait un total de 93 568 F ;

Que cependant dans les pièces communiquées figurent des notes de frais pour septembre 1995 et janvier, février et juin 1996 pour assistance à des expositions-salons de l'objet publicitaire qui se montent à 6 850 F ;

Que ces frais qualifiés de professionnels sont en lien avec l'activité de la société constituée par Monsieur Mary et non pas directement à la publicité mensongère dont aucune des allégations retenues dans la prévention ne concerne la valeur, l'intérêt commercial des quatre supports publicitaires ;

Que ce poste de préjudice ne peut pas être retenu au titre du préjudice résultant de l'infraction ;

Qu'enfin Monsieur Mary réclame un préjudice personnel, ou moral qui, déduction faite de la perte d'un salaire minimum s'il avait sollicité un emploi pris en charge ci-dessus au titre de la perte d'une chance et déduction faite des frais de formation antérieure dont l'indemnisation est refusée, il reste que Monsieur Mary réclame 272 248 F - (128 248 + 140 000) = 4 000 F ;

Que ce type d'infraction cause un préjudice moral incontestable caractérisé par la confrontation entre d'une part la somme d'espoir de reclassement socio-professionnel avec mise en service de ressources en temps, en formation, en argent avec éventuel endettement, et d'autre part les sommes de ruines financières, psychologique, des découragements, provoquées par l'escroquerie à la resocialisation par le travail ;

Qu'à ce titre de préjudice Monsieur Mary a réclamé 4 000 F somme qu'il convient de lui allouer ;

Que le préjudice total indemnisé s'élève donc à 59 300 F + 50 000 F + 100 F + 50 000 F + 4 000 F = 163 400 F ;

Et au titre des frais irrépétibles pour l'ensemble de la procédure à 6 500 F.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et par arrêt contradictoire à l'égard de Gérard B et de Jean-Paul Mary, et par défaut à l'égard de la DGCCRF de Chartres, En la forme : Dit les appels de la partie civile du Ministère Public recevables. Au fond : Sur l'action publique : Infirme le jugement entrepris ; Déclare Gérard B coupable d'avoir personnellement commis le délit de publicité comportant des allégations, indication présentations fausses de nature à induire en erreur pour les 10 allégations répertoriées ci-dessus et, par application des textes susvisés ; Condamne Gérard B à une amende de 10 000 F ; Dit que la contrainte par corps s'exercera, s'il y a lieu, à l'encontre de Gérard B dans les conditions prévues par les articles 749 et suivants du Code de procédure pénale ; Sur l'action civile : Déclare la constitution de partie civile de Jean-Paul Mary recevable ; La dit partiellement fondée ; Condamne Gérard B à payer à Jean-Paul Mary la somme de 163 400 F en réparation de ses préjudices matériels et moral et celle de 6 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale pour l'ensemble de la procédure ; Ainsi qu'aux dépens de l'action civile.