CA Aix-en-Provence, 5e ch. corr., 21 janvier 1999, n° 99-54
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
INTERBEV, Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lapeyrère
Conseillers :
MM. Rajbaut, Malatrasi
Avocats :
Mes Bourghono, Néouze.
Décision :
Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,
B Hervé a été cité directement devant le Tribunal correctionnel à la requête du Ministère public sous la prévention d'avoir à Marseille le 13 mai 1996, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur la viande de boeuf présentée comme d'origine française, alors que tel n'était pas le cas ;
Fait prévus et punis par les articles L. 121-1, L. 121-6 al 1, L. 121-6, L. 213-1 et L. 121-4 du Code de la consommation ;
Par jugement contradictoire du 13 février 1997, le Tribunal correctionnel de Marseille, après avoir rejeté l'exception d'irrecevabilité de la constitution de partie civile de l'association Interbev (incident joint au fond) a déclaré B coupable des faits qui lui étaient reprochés, l'a condamné à 50 000 F d'amende, ordonnant la publication de la décision des deux journaux (le Méridional - le Provençal) ;
Le tribunal a alloué à la partie civile Interbev la somme de 50 000 F à titre de dommages et intérêts, outre celle de 5 000 F par application des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
Le prévenu a relevé appel de ce jugement par déclaration du 14 février 1997 et le Ministère Public incidemment le 17 février ; la partie civile a également fait appel le 27 février 1997 ;
Le prévenu a été cité à parquet général et la partie civile à son siège social ;
Hervé B a comparu : il fait plaider que la délégation consentie au chef de rayon Boucherie T était bel et bien valable, faisant observer que ce salarié, agent de maîtrise, exerçait bien la responsabilité de chef de rayon que son salaire, considéré comme modeste par le tribunal, était justifié par sa faible ancienneté au sein de l'entreprise et pouvant d'ailleurs, certains mois, être augmenté d'une prime de résultat de 1 000 F.
Sur la délégation, le prévenu soutient que cet acte résulte du contrat de travail de T, chef de rayon, responsable de la gestion, de l'organisation et de l'approvisionnement du rayon et chargé de veiller au respect de la législation et de la publicité, comme à celui de l'hygiène et de la sécurité du personnel de son rayon.
Enfin B fait plaider que cet agent de maîtrise disposait des moyens suffisants pour remplir les obligations résultant de la délégation (approvisionnement du rayon, pourvoir disciplinaire sur les salariés) ; subsidiairement, le prévenu sollicite l'indulgence quant au montant de l'amende ;
Le Ministère public a considéré en revanche, que la délégation écrite ne correspondait pas en fait aux fonctions exercées par le chef de rayon et aux responsabilités qui étaient, exposant notamment que le chef boucher n'était pas responsable des achats de viandes. Il a requis la confirmation du jugement déféré.
La partie civile a conclu dans le même sens pour demander la confirmation de la décision de culpabilité, estimant qu'il n'était pas établi que le chef du rayon boucherie était matériellement l'auteur de la publicité litigieuse ;
Interbev sollicite la condamnation du prévenu à lui verser la somme de 200 000 F à titre de dommages et intérêts outre la publication et 15 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
Sur ce, la COUR
Attendu que les appels, interjetés dans les délais légaux, sont recevables en la forme ;
Attendu sur le fond que la cour entend se référer à l'exposé circonstancié des faits effectué par les premiers juges, étant observé que leur matérialité n'a pas été contestée ;
Attendu que pour motiver sa décision de condamnation, en écartant la délégation de pouvoir que B, (directeur du supermarché X à Marseille) prétend avoir consentie à T, responsable du rayon " boucherie " de ce magasin, le tribunal retient notamment que ce salarié, chef boucher et non chef de rayon ne bénéficie que d'un salaire de 12 000 F, n'avait pas la compétence et l'autorité nécessaire, et n'était pas doté de moyens propres à accomplir sa tâche, le tribunal observant notamment que T n'avait pas compétence pour passer lui-même les commandes de viandes et choisir les fournisseurs.
Mais attendu que cette argumentation aurait pu être admise, à juste titre, s'il avait été reproché au prévenu de commercialiser illégalement de la viande bovine d'origine étrangère (belge en l'occurrence) ce qui n'est nullement le cas en l'espèce ; que l'objet de la prévention concerne uniquement la publicité de nature à induire en erreur sur l'origine de la viande vendue au rayon boucherie, alors que le procès-verbal de délit n'établit nullement qu'il s'agisse en l'espèce d'une campagne publicitaire mise en place dans l'ensemble du magasin, mais uniquement d'une affiche et d'une notice apposée dans le seul rayon " boucherie traditionnelle " mentionnant " Y vous garantit sa viande d'origine française ".
Attendu qu'il résulte bien du contrat d'embauche de T que celui-ci a été embauché en qualité de " chef de rayon, qualifié agent de maîtrise, coefficient 210 ", tandis que la lettre de confirmation d'embauche à compter du 26 janvier 1996 lui donne la responsabilité générale de la " gestion et de l'organisation du rayon ", et notamment des " conditions de vente et de leur conformité avec la réglementation et la publicité ".
Attendu que s'il est exact que T ne disposait ni d'une autonomie suffisante, ni d'une rémunération assez importante pour avoir la maîtrise des commandes ou pour définir lui-même l'origine des approvisionnements en viande du magasin X, il disposait cependant d'une compétence et d'un pouvoir d'initiative suffisants pour assurer correctement, dans son propre rayon, l'information du consommateur,puisqu'il lui aurait suffi, pour satisfaire aux dispositions légales, d'apposer un document explicatif permettant au client de distinguer la viande provenant du territoire français de celle dont l'origine était extérieure.
Attendu qu'il est ainsi établi que T bénéficiait d'une délégation pouvoir en matière de publicité, à l'intérieur du rayon dot il avait la responsabilité, et disposait, dans cette limite, de l'autorité, de la compétence et des pouvoirs nécessaires pour exercer cette mission.
Qu'ainsi Hervé B, s'exonère de la responsabilité pénale retenue par l'acte de poursuite,de sorte que la relaxe s'impose, la cour infirmant la décision des premiers juges.
L'état de cette relaxe, la partie civile sera déboutée de ses demandes.
Par ces motifs, LA COUR Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière correctionnelle, en la forme reçoit les appels ; Au fond, infirme le jugement déféré, Statuant à nouveau, relaxe Hervé B des fins de la poursuite sans peine ni dépens. Déboute la partie civile Interbev de l'ensemble de ses demandes. Le tout conformément aux articles visés au jugement, au présent arrêt, et aux articles 512 et suivants du Code de procédure pénale.