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Décisions

CA Grenoble, ch. corr., 22 juillet 1998, n° 884-98

GRENOBLE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Conseil national de l'Ordre des Pharmaciens

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Robin

Conseillers :

M. Balmain, Mme Gauquelin-Koch

Avocats :

Mes Bionda, Bazy

TGI Valence, ch. corr., du 24 juin 1997

24 juin 1997

Attendu que par jugement en date du 24 juin 1997, le Tribunal correctionnel de Valence statuant :

- sur l'action publique :

-- a déclaré Maurice B coupable d'avoir sur le territoire national et notamment à Chanos dans la Drôme au cours du 2e semestre 1994 et du 1er semestre 1995 et notamment le 8 juin 1995 et depuis temps non prescrit, étant gérant de la SARL X sise à Chanos-Curson :

1. effectué une publicité sur des produits présentés comme bénéfiques pour la santé sans avoir obtenu le visa du ministère de la Santé, en l'espèce sur l'essence d'eucalyptus, l'essence d'orange, les gélules de gingembre, des capsules de lécithine de soja, d'huile de carthame, d'huile de saumon,

2. de s'être dans les mêmes conditions de temps et de lieu, en commercialisant des produits présentés comme possédant des propriétés curatives et préventives à l'égard des maladies humaines correspondant par leur présentation à la définition du médicament, livré à des opérations réservées aux pharmaciens sans réunir les conditions exigées pour exercer ladite profession (gélules de ginseng, extrait fluide de ginseng, gélules d'éleuthérocoque avec indication précise de posologie),

3. de s'être dans les mêmes conditions de temps et de lieu en présentant et vendant des plantes médicinales inscrites à la Pharmacopée, en l'espèce des gélules d'harpagophytum, de ginseng, d'éleuthérocoque, de gingembre et des extraits fluides d'harpagophytum de ginseng, de fucus, de prêle, de kola et de passiflore, livré sciemment à des opérations réservées aux pharmaciens sans réunir les conditions exigées pour l'exercice de la pharmacie,

4. d'avoir dans les mêmes conditions de temps et de lieu, exploité un établissement conditionnant des produits cosmétiques ou d'hygiène corporelle, en l'espèce eau de toilette, parfums oil, eau de lavande, graisse de vison pure, baume chinois, crème régénératrice à la gelée royale et à l'huile de vison, sans avoir fait au préalable à l'autorité compétente la déclaration prévue par l'article L. 658-2 du Code de la santé publique et d'avoir mis sur le marché lesdits produits sans avoir au préalable constitué le dossier prévu à l'article L. 658-3 du Code de la santé publique et transmis la formule intégrale des produits aux centres antipoison,

5. d'avoir dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur en mentionnant faussement sur ladite publicité concernant le ginseng " le nôtre a 14 % de ces ginsenosides ce qui le place parmi les meilleurs du marché, 7 ans d'âge " et concernant les extraits fluides " laboratoires hautement qualifiés, plantes élevées sans engrais chimiques ni pesticides dans un grand souci de non-pollution ".

Infractions prévues et réprimées par les articles L. 551, L. 551-1, L. 551-5, L. 551-6, L. 551-10, L. 556, R. 50347 et suivants, L. 511, L. 512, L. 512, L. 514, L. 517, L. 519, L. 512-5, L. 658-2, L. 658-3 L. 658-10 du Code de la santé publique, L. 121-1, L. 121-6, L. 213-1 du Code de la consommation,

l'a condamné en répression à la peine d'un mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 30 000 F.

- sur l'action civile :

a condamné Maurice B à payer au Conseil national de l'Ordre des pharmaciens, reçu en sa constitution de partie civile la somme de 5 000 F à titre de dommages et intérêts et celle de 3 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu'il a été régulièrement interjeté appel de cette décision par le prévenu, le ministère Public et par la partie civile ;

Attendu que par conclusions auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des prétentions, Maurice B plaide sa relaxe.

Que Monsieur l'Avocat général requiert confirmation du jugement :

Que le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens, par conclusions auxquelles il est renvoyé, sollicite la confirmation du jugement outre une somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de la procédure pénale pour les frais exposés en appel ;

Motifs de l'arrêt :

A. L'action publique :

1) La publicité sans visa du ministère de la santé :

Attendu que Maurice B soutient que la vente de ses produits est libre et que dès lors le visa du ministère de la santé n'est pas nécessaire ;

Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure que la société X effectuait une publicité sur des produits présentés par elle comme un bénéfique pour la santé, notamment sur l'essence d'eucalyptus, l'essence d'orange, des gélules de gingembre, des capsules de lécithine et d'huile de carthame ainsi que sur des capsules d'huile de saumon ;

Que si ces produits ne sont pas des médicaments, il n'en demeure pas moins que leur publicité est soumise au visa du ministère de la santé ;qu'en effet aux termes de l'article L. 551-10 du Code de la santé publique, la publicité pour les produits autres que les médicaments présentés comme favorisant le diagnostic, la prévention ou le traitement des maladies, des affections relevant de la pathologie chirurgicale et des dérèglements physiologiques, le diagnostic ou la modification de l'état physique ou physiologique, la restauration, la correction ou la modification des fonctions organiques est soumise aux dispositions des articles L. 551-1 al. 1, L. 551-5 et L. 551-6 du Code de la santé publique ;

Qu'il décrit dans son catalogue :

Essence d'eucalyptus : antiseptique puissant des voies respiratoires (page 4)

Essence d'orange : amie du coeur, antirides, rajeunisseur des cellules (p. 5)

Gélules de gingembre : puissant antiseptique, agit sur la digestion, flatulences, douleurs rhumatismales (page 9)

Capsules de 200 mg de lécithine de soja et de 100 mg d'huile de carthame : hypocholestérolisant, bénéfique pour l'arthériosclérose, aide à la prévention des accidents circulatoires (page 19)

Capsules d'huile de saumon : fait baisser le taux de cholestérol, abaisse la tension artérielle, rend le sang moins coagulable (page 23)

Qu'il présente bien ses produits comme favorisant la prévention (antiseptique, prévention des accidents circulatoires) le traitement de maladie ou de dérèglements physiologiques, la correction de fonctions organiques ;

Qu'il est constant qu'il n'a obtenu aucun visa, ne les ayant sollicité ;que c'est donc à bon droit que le premier juge a retenu sa culpabilité pour ce chef de poursuite ;que le jugement sera confirmé sur ce point ;

2) Produits présentés comme correspondant à la définition du médicament par présentation sans que ces produits possèdent une autorisation de mise sur le marché :

Attendu que Maurice B conteste ce chef de poursuite prétendant que la conception de l'Ordre des pharmaciens est réductrice et monopolistique ;

Attendu qu'aux termes d'une jurisprudence nombreuse et constante, on entend par médicament, au sens de l'article L. 511 du Code de la santé publique, toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ;

Qu'il ressort des pièces du dossier que la présentation des produits par la société X fait état des propriétés curatives et préventives et sont accompagnés d'une posologie, par exemple " extrait fluide de ginseng " excellent tonique, revitalisant physique et intellectuel qui plus est, renforce le système immunitaire. 25 gouttes avant les deux repas dans un verre d'eau " ou " gélules d'étenthérocoque : nerfs, mal de dos, rhumatisme, angoisse, rend moins réceptif à l'infection... 6 gouttes par jour avant les repas " ; que ces mentions font de ces produits des médicaments par présentation ; que leur commercialisation est soumise à une autorisation de mise sur le marché ; qu'en outre le commerce de ces produits est réservé aux seuls pharmaciens ; qu'en l'espèce, il est constant que Maurice B n'est pas pharmacien et que sa société n'a pas l'agrément d'entreprises pharmaceutiques ; que Maurice B ne justifie d'aucune autorisation de mise sur le marché ;

Que c'est donc à juste titre que le premier juge a retenu sa culpabilité pour ce chef de prévention ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;

3) Commercialisation de plantes inscrites à la pharmacopée :

Attendu que sur le catalogue de VPC X sont offerts notamment des gélules d'harpagophytum, des gélules de gingembre, de l'extrait fluide d'harpagophytum, de ginseng, de fucus, de prêle de kola ou de passiflore ;

Attendu que toutes ces plantes figurent dans la pharmacopée ;

Que Maurice B soutient que ces produits, vendus habituellement dans les supermarchés sont en vente libre ;

Que s'il est exact qu'un décret du 15 juin 1979 (décret 79-480) énumère les plantes médicinales qui peuvent être librement commercialisées (notamment le tilleul, la verveine, la bardane, le sureau, l'oranger...) ;

Que cette liste est limitative ; que force est de constater que les plantes telles l'éleuthérocoque, le fucus, l'harpagophytum, le ginseng, le gingembre, la prêle, le kola, le passiflore, ne figurent pas dans la liste du décret précité ;

Que dès lors qu'ils ne figurent pas dans cette liste, ils ne peuvent être vendus que par des pharmaciens, ainsi qu'il résulte des dispositions de l'article L. 512-5 du Code de la santé publique ; qu'ainsi qu'il l'a été dit précédemment, Maurice B n'a pas la qualité de pharmacien et son entreprise n'est pas agréée en tant qu'entreprise pharmaceutique ;

Que c'est donc à bon droit que le premier juge a retenu à l'encontre du prévenu ce chef de prévention ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;

4) Les produits cosmétiques et d'hygiène corporelle :

Attendu que la société X commercialise également des produits cosmétiques et d'hygiène corporelle, notamment des eaux de toilettes, des parfums, de l'oil, de l'eau de lavande, de la graisse de vison pure, du baume chinois, de la crème régénératrice à la gelée royale et à l'huile de vison ;

Qu'il est reproché à Maurice B ès-qualité de gérant de la SARL X d'avoir commercialisé ces produits sans se soumettre aux dispositions réglementaires prévues par les articles L. 658-2, et L. 658-3 du Code de la santé publique et sans avoir transmis la formule intégrale des produits au centre anti-poison ;

Attendu que Maurice B conteste cette infraction exposant qu'il n'a jamais conditionné certains produits et qu'il s'est contenté de procéder au remplissage des bouteilles des eaux de toilettes, parfums, oils et eau de lavande ;

Attendu toutefois que les produits susvisés sont dans leur intégralité, par leur emballage, identifiés au nom et adresse de la société X ;

Que cet état de chose fait que la société X est considérée comme le seul responsable de la mise sur le marché ; qu'elle devait satisfaire aux obligations prévues aux articles L. 658-2 et L. 658-3 du Code de la santé publique ;

Que la force est de constater que Maurice B n'allègue ni ne justifie avoir satisfait à ces obligations ;

Que c'est donc à bon droit que le premier juge l'a retenu dans les liens de la préventions, que le jugement sera confirmé sur ce point ;

5) La publicité fausse ou de nature à induire en erreur :

Attendu que sur le catalogue et le dépliant X on relève pour le ginseng : "le ginseng que nous livrons est un pur ginseng rouge P de 7 ans d'âge dont la teneur moyenne en " gingenoside est de 14 % à l'analyse. 14 % est un pourcentage important qui place notre ginseng au tout premier plan de ceux offerts sur le marché" ; pour les extraits fluides : " laboratoires hautement qualifiés, plantes élevées sans engrais chimiques ni pesticides dans un grand souci de non pollution " ;

Attendu ainsi que le relève à très juste titre le premier juge que " l'annonceur à l'obligation de s'assurer de l'exactitude des allégations de la publicité ; que Maurice B n'est pas en mesure de faire la preuve que son ginseng est parmi les meilleurs du monde, ni que ses extraits fluides ont été élaborés par des laboratoires hautement qualifiés à partir de plantes cultivées sans engrais chimiques ni pesticides ;

Qu'en outre le bulletin d'analyse produit fait état d'une teneur de 13,01 % de ginsenosides ;

Que c'est donc à juste titre que le premier juge a retenu Maurice B de ce chef ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;

Attendu que, de ce qu'il précède il résulte que le premier juge a exactement retenu et qualifié les infractions reprochées à Maurice B ; que la déclaration de culpabilité sera confirmée ;

Attendu que la peine qu'en sanctionnant les faits par une peine d'un mois d'emprisonnement avec sursis et par une amende de 30 000 F, le premier juge a fait une exacte application de la loi pénale ;

Qu'en conséquence les dispositions pénales du jugement seront intégralement confirmées ;

B. L'action civile :

Attendu qu'en allouant au Conseil National de l'Ordre des Pharmaciens une somme de 5 000 F à titre de dommages et intérêts, le premier juge a fait une juste appréciation de préjudice subi ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;

Attendu qu'il est équitable d'allouer, en sus de la somme accordée à ce titre par le premier juge, une somme de 4 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale pour les frais exposés en appel ;

Par ces motifs : Recevant les appels comme réguliers en la forme, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions tant pénales que civiles, Ajoutant, Condamne Maurice B à payer au Conseil National de l'Ordre des pharmaciens la somme de 4 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale pour les frais exposés en appel, Constate que le présent arrêt est assujetti au droit fixe de 800 F résultant de l'article 1018 A du Code général des impôts, et dit que la contrainte par corps s'exercera, conformément aux dispositions des articles 749 à 751 du Code de procédure pénale, Le tout par application des dispositions des articles susvisés.