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Décisions

CA Paris, 13e ch. B, 29 octobre 1998, n° 98-00488

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

de Thore (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Sauret

Conseillers :

Mme Marie, M. Content

Avocats :

Mes Temine, Petreschi.

TGI Paris, 31e ch., du 3 déc. 1997

3 décembre 1997

Rappel de la procédure :

Le jugement :

Le tribunal, par jugement contradictoire a déclaré P Jean et P Virginie coupables de :

- publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, courant 1993 à avril 1995, à Paris et sur le territoire national, infraction prévue par les article L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 alinéa 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 213-1 du Code de la consommation ;

- abus des biens ou du crédit d'une SARL par un gérant à des fins professionnelles, courant 1993 à avril 1995, à Paris et sur le territoire national, infraction prévue par les articles 425-4, 431 de la loi 66-537 du 24 juillet 1966 et réprimée par l'article 425 de la loi 66-537 du 24 juillet 1966 ;

- escroquerie, courant 1993 à avril 1995, à Paris et sur le territoire national, infraction prévue par l'article 313-1 alinéa 2 du Code pénal et réprimée par l'article 313-1 alinéa 2 du Code pénal.

Et par application de ces articles, a condamné :

- P Jean à 18 mois d'emprisonnement avec sursis,

500 000 F d'amende,

- P Virginie à 18 mois d'emprisonnement avec sursis,

500 000 F d'amende.

Le tribunal a ordonné la confiscation des scellés.

Sur l'action civile : le tribunal a reçu de Thore Marguerite en sa qualité de liquidateur de l'EURL X, de l'EURL Y et de la SARL Z en sa constitution de partie civile et a condamné solidairement P Jean, P Virginie et R épouse P (cette dernière non en cause d'appel) à lui payer la somme de 950 000 F à titre de dommages et intérêts (la solidarité à l'encontre de Lise P étant limitée à 20 000 F) et celle de 1 500 F chacun en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Les appels :

Appel a été interjeté par :

Monsieur le Procureur de la République, le 8 décembre 1997 contre Madame P Virginie, Monsieur P Jean.

Monsieur P Jean, le 8 décembre 1997 contre Madame de Thore Marguerite.

Madame P Virginie, le 8 décembre 1997 contre Madame de Thore Marguerite.

Décision :

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels régulièrement interjetés par les prévenus et le Ministère Public à l'encontre du jugement déféré auquel il est fait référence pour les termes de la prévention.

Jean P et Virginie P présents et assistés de leur conseil, demandent à la cour par voie de conclusions à titre principal de les relaxer des fins de la poursuite.

A titre subsidiaire :

- Infirmer le jugement entrepris,

- Les relaxer des fins de la poursuite du chef d'escroquerie,

- Infirmer le jugement en ce qu'il les a condamnés à payer la somme de 950 000 F au titre des abus de biens sociaux,

- Limiter ce montant à la somme de 136 000 F sur la période visée par l'ordonnance de renvoi en limitant les pénalités entreprises.

A cet effet, ils soutiennent, après avoir rappelé qu'ils exerçaient l'activité de marchands de liste et que les prestations offertes par les marchands de liste répondent à des conditions qui ne sauraient en aucun cas être comparables aux obligations des agents immobiliers et qu'ils avaient mis en place un réseau de sociétés et d'agence ;

Virginie P étant gérante de l'EURL X comprenant quatre agences : Vincennes siège social de la société, Paris 12e, Paris 18e, Noisy-le-Grand.

Jean P étant gérant de l'EURL Y comprenant cinq agences, Paris 15e siège social de la société, Versailles, Boulogne, Juvisy et Antony.

Jean P et Lise P étant co-gérants de la SARL Z comprenant l'agence de la Défense.

Que ces dix agences bénéficiaient de la même enseigne A, d'un fichier commun mais d'une comptabilité et d'un personnel différents.

Que le fonctionnement des sociétés, conforme aux dispositions législatives permet à un locataire potentiel d'accéder à des offres de locations centralisées par le vendeur de liste au moyen de fichiers.

Que pour permettre au client de s'engager en parfaite connaissance de cause envers A, celui-ci est invité à venir consulter gratuitement le listing des appartements proposés dans la catégorie recherchée et ainsi vérifier que le vendeur de liste dispose bien d'offres de locations correspondant à ses critères de recherche.

Qu'ainsi la mention publicitaire " Consultation gratuite du fichier " correspond parfaitement à la logique d'information pré-contractuelle du client, qui peut vérifier que parmi les appartements proposés, certains sont susceptibles de l'intéresser.

Que A et le client concluent ensuite un contrat par lequel ce dernier achète un listing comprenant les coordonnées des propriétaires dans la catégorie des appartements qu'il a sélectionnés en remplissant un questionnaire descriptif de l'appartement recherché.

Qu'il verse alors la somme de 750 F et dépose la somme de 1 000 F qui ne sera encaissée que s'il s'avère qu'il a pu être logé grâce au fichier A.

Que s'agissant des investigations au siège de l'EURL Y, <adresse>- Paris 15e le 4 avril 1995, que si l'on peut constater que les affiches sont les mêmes que celles du 31 mars à la date du 4 avril, étant observé qu'à l'intérieur de ce délai est compris un week-end et que dans ces conditions cela ne signifie pas que le fichier à partir duquel les clients obtenaient des offres de location n'était pas mis à jour.

Que la vérification hebdomadaire à laquelle procédaient les salariés de chacune des agences et l'information transmise par les locataires et les propriétaires permettait d'affirmer que la mise à jour était efficace, que le contact avec les propriétaires était quotidien et que les offres étaient mises à jour journellement, suite aux appels ponctuels des propriétaires ou des locataires. Ceci étant attesté par les employés.

Que si l'enquête a permis de mettre en lumière l'imperfection du système quant à la circulation de l'information dans la mise à jour des fichiers, elle ne saurait en rien avoir révélé un comportement délictueux.

Sur le sondage effectué sur commission rogatoire à partir du fichier des propriétaires, les prévenus estiment qu'il conviendra de relativiser ce sondage tant au regard des méthodes d'investigation que du nombre total d'appartements pris en compte.

Qu'ainsi ce questionnaire a notamment été adressé à des propriétaires qui constituent des sociétés telles qu'Alcatel ou les laboratoires Sandix et qu'il est bien évident que le bien à louer n'était pas confié par de telles sociétés mais par un des salariés.

Que certains propriétaires ont répondu à la question votre appartement était libre à la date du 14 avril qu'il ne l'était pas, parce qu'il était encore occupé par le locataire partant et qu'une date de disponibilité avait été donnée pour les mois de mai ou juin, comme il est souvent d'usage en matière immobilière.

Que les réponses au questionnaire sont parfois données par des ayants-droits du client d'A ou des homonymes.

Que certains appartements font l'objet d'une confusion, plusieurs propriétaires ayant confié à A plusieurs biens.

Que si certains propriétaires ont justement affirmé ne pas connaître A, il s'avère que ces propriétaires n'étaient pas répertoriés par le fichier de A.

Que de telles erreurs permettent de considérer que cette enquête ne démontre pas l'intention coupable.

Que si les enquêtes réalisées à partir de sondages viennent peut-être témoigner d'un dysfonctionnement du système dans la circulation de l'information, élément central du fonctionnement optimal des systèmes de fichier, on ne saurait en déduire qu'ils ont mis en place un système qu'ils savaient totalement frauduleux dans le but de faire souscrire aux clients des contrats, en vue de réaliser une escroquerie.

Que les plaintes contenues dans le dossier affluent seulement à partir du moment où les clients s'aperçoivent que les agences sont fermées et qu'ils s'inquiètent alors de la restitution de leur chèque de 1 000 F, restitution qui n'avait jamais fait l'objet de difficultés.

Que la plainte de Monsieur Bigaud un des contractants concerne plus l'activité de marchand de liste que des faits imputables à A et qu'une telle plainte ne peut constituer la justification de l'existence d'une escroquerie.

Que les différentes déclarations des salariés permettent de comprendre qu'à aucun moment une intention délictueuse a guidé la mise en place du système.

Que le tribunal a considéré sans aucune motivation que la publicité mensongère constituait les manœuvres frauduleuses de l'escroquerie qui se trouvait dès lors constituée.

Alors que de nombreux témoignages établissent qu'aucune manœuvre frauduleuse n'a été utilisée.

Que force est de constater que les plaintes reçues témoignent de l'inquiétude des clients face à la fermeture des agences et à la restitution de leurs chèques de 1 000 F et ne viennent en rien constituer le préjudice nécessaire à la constitution du délit d'escroquerie sauf à considérer que le système des marchands de liste constitue en lui-même une escroquerie, alors que le droit français vient de lui donner un statut.

Sur le délit d'abus de biens sociaux, que l'enquête a permis d'établir que 907 300 F avaient été débités des comptes de l'EURL X au profit des comptes personnels de Virginie P, mais qu'elle a déclaré ces sommes, qui constituaient la rémunération de son activité, au titre de ses revenus pour l'année 1994.

Qu'il résulte de l'enquête que le montant des détournements, sommes versées sur des livrets et dépenses personnelles payées au moyen de la carte bleue de la société Y, ne dépassait pas la somme de 684 365 F.

Que les salariés ont déclaré de manière unanime avoir bénéficié de primes en espèces en fonction des objectifs réalisés et ce dans des proportions importantes.

Qu'il est ainsi établi qu'une grande partie des sommes prélevées a été affectée au versement de primes dont tous les salariés ont été les bénéficiaires et que le délit d'abus de biens sociaux ne saurait être constitué en l'absence d'usage des biens à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle les gérants étaient directement ou indirectement intéressés.

Que si 41 624 F par mois ont été détournés, 33 000 F ayant été affectés chaque mois aux primes des salariés, le montant des détournements pour chacun des gérants ne saurait être supérieur à la somme de 64 680 F sur une période de 15 mois.

Marguerite de Thoré mandataire liquidateur de l'EURL X et des sociétés à responsabilités Y et Z demande à la cour par voie de conclusions outre la confirmation du jugement entrepris, l'autorisation d'appréhender l'ensemble des fonds destiné à indemniser la partie civile tels qu'ils ont été versés par les consorts P en application des mesures de contrôle judiciaire prise à leur encontre.

La concluante réclame également la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Elle fait valoir à l'appui de ses demandes :

Que suivant jugement en date du 19 juin 1995, le tribunal a sur déclaration de cessation des paiements régularisés par Monsieur Philippot, en qualité d'administrateur provisoire, ouvert une procédure de liquidation judiciaire sous patrimoines communs de l'EURL X et des sociétés à responsabilités Y et Z.

Que les opérations de liquidation judiciaire ont fait apparaître une situation actif/passif se décomposant comme suit :

- société Y :

* passif privilégié admis : 5 320 552,77 francs

* passif admis à titre provisionnel : 976 966,69 francs

Total : 6 297 519,46 francs

dont passif admis à titre provisionnel : 4 838 223 francs

* actif réalisé : 1 073 807,91 francs

- société X :

* passif privilégié admis : 1 478 000,38 francs

* passif chirographaire admis : 244 096,62 francs

Total : 1 722 097 francs

dont passif admis à titre provisionnel : 1 179 436 francs

* actif réalisé : 465 466,72 francs

- société Z

* passif privilégié admis : 84 958 francs

* passif chirographaire admis : 370 838,99 francs

Total : 455 796,99 francs

* actif réalisé : 18 090 francs.

La concluante indique que la totalité du passif admis à titre provisionnel relève d'un contentieux fiscal actuellement en cours.

Elle estime que le délit d'abus de biens sociaux est établi par l'enquête et d'ailleurs reconnu par les prévenus.

Rappel des faits :

Le 30 janvier 1995, une enquête préliminaire était ordonnée par le Procureur de la République de Paris en raison de publicités parues dans deux journaux, La Semaine Immobilière n° 1410 du 19 janvier 1995, Annonces de Quartier n° 714 du 14 décembre 1994 émanant d'A.

L'enquête révélait que des annonces étaient également diffusées dans des agences parisiennes de la société A et pouvaient être consultées également au moyen d'un serveur télématique 3615 A.

UDP était l'enseigne d'un marchand de liste ayant dix agences à Paris et dans la région parisienne. Les agences A de Vincennes, Paris 18e et Noisy-le-Grand appartenaient à la SARL X sise <adresse>à Paris 12e et dirigée par Virginie P. Les agences A de Boulogne, Versailles, Juvisy et Antony dépendaient de la SARL Y sise <adresse>à Paris 15e et dirigée par son frère Jean Yannick P, la SARL Z (Virginie, Yannick P) sise à la défense était dirigée par leur mère Lise R épouse P qui n'exploitait qu'une seule agence A sise à la même adresse.

Les annonces qui proposaient un nombre défini de chambre et d'appartements (F1 à F4) à des prix attractifs n'indiquaient pas qu'une adhésion devait obligatoirement être versée pour entrer en contact avec le propriétaire. En effet, le candidat locataire lorsqu'il appelait une agence A était invité à conclure un contrat d'une durée illimitée moyennant le paiement d'une somme de 1 750 F qui se décomposait de la manière suivante, 750 F lors de la conclusion du contrat et 1 000 qui ne seraient perçus qu'en cas d'obtention d'un appartement. Le client pouvait téléphoner à A deux fois par semaine pour obtenir des offres de location des propriétaires. Pour ces derniers, le service rendu était gratuit.

Les policiers constataient le 29 mars 1995 dans la vitrine de l'agence de Vincennes, le 30 mars 1995 à l'agence de Paris 18e les mentions suivantes : " notre vitrine a été faite le 28 mars 1995, (agence de Vincennes), le 27 mars 1995 (agence de Paris 18e) , " Ici consultation gratuite du fichier ", " A plus de 900 offres par jour - n'hésitez pas - Entrez vous renseigner ", " La diffusion de nos offres est limitée à un nombre restreint d'abonnés... un contact permanent avec les propriétaires vous garantit une mise à jour efficace de notre fichier ".

Au siège de l'EURL Y <adresse>à Paris 15e, les vitrines n'avaient pas été changées entre le 31 mars et le 4 avril 1995, une seule affiche portant la mention loué. Sur trois annonces prises au hasard, deux correspondaient à des appartements déjà loués.

Le feuillet mensuel publié par A faisait état d'une remise à jour quotidienne des offres et d'une promesse faite aux contractants éventuels selon laquelle ils auraient accès à plus de 900 offres et que plus de 3 000 personnes logées par les soins des sociétés en question chaque année.

Le serveur minitel précisait que la mise à jour des fichiers était efficace.

Les policiers saisissaient des tracts d'annonces d'appartements diffusés tous les mois dans les agences ainsi qu'un dépliant publicitaire selon lesquels UDP détient plus de 900 offres en permanence et loge plus de 3 000 personnes par an et que les offres sont " remises à jour quotidiennement ".

En réalité les candidats locataires n'obtenaient pas de réponse lorsqu'ils téléphonaient et se lassaient. Cinq clients étaient entendus dans le cadre de l'enquête préliminaire et trois d'entre eux portaient plainte. Ils soulignaient soit que les appartements n'étaient plus libres, soit que les propriétaires ne voulaient pas leur louer. Michel Bigaud précisait que parmi les 19 adresses données par A 10 correspondaient à des appartements déjà loués. François Verstraete indiquait que la ligne téléphonique d'A était toujours occupée et qu'il avait fini par abandonner ses recherches.

Luhandjola Alunga qui avait contracté trois mois auparavant, s'était vu proposer une vingtaine d'appartements, mais n'avait pu en visiter que cinq, les autres étant déclarés loués par les propriétaires alors qu'A les prétendait toujours libres.

Les policiers lors de leur intervention au siège d'A retenaient au hasard 20 offres de location parmi celles diffusées dans la presse, le minitel ou en vitrine.

Il se révélaient que seulement deux d'entre elles correspondaient à des appartements libres, celles diffusées par Minitel n'ayant jamais existé.

L'enquête révélait que le fichier central d'A ne comportait que 684 propriétaires d'appartements. 472 d'entre eux pouvaient être identifiés et 274 répondaient au questionnaire qui leur était adressé. Il se révélait que seulement 133 appartements étaient libres à la location le 4 avril 1995 et 110 appartements ne l'étaient plus. 31 propriétaires ont affirmé soit ne pas connaître A, soit ne jamais avoir donné leur accord pour une annonce. Ainsi sur 472 appartements, il n'y en avait que 226 de libres.

Les salariés d'A indiquaient que le taux de clients obtenant un logement grâce aux adresses fournies par A était d'environ 25 %, l'un d'entre eux précisant que Virginie P et son frère Yannick leur avait affirmé que si 30 % des gens inscrits étaient logés par leurs soins cela serait bien.

Il résulte tant des déclarations de Virginie P, que des employés que des propositions inexistantes étaient affichées car il n'y avait pas assez d'offres. Le nombre de clients était évalué à 5 000 à la date de l'enquête préliminaire.

Dans les agences une double comptabilité était tenue. Des contrats dénommés " B " pour la société A et " C " pour la société Y n'étaient pas enregistrés en comptabilité, ils correspondaient à des paiements opérés en liquide. Les salariés qui étaient invités à conclure le plus grand nombre possible de cette forme de contrats estimaient qu'entre 30 et 50 % des contrats étaient souscrits sous cette forme. Leur montant était perçu directement par Virginie et Jean P.

Certaines des sommes perçues à l'occasion de ces contrats étaient déposés sur quatre livrets A de la Caisse d'Épargne et de la Poste ouverts aux noms de Nathalie D, une amie de Virginie P, Pierre et Lise P respectivement père et mère de Jean et Virginie P.

Nathalie D avait donné procuration à Virginie sur le compte que son amie lui avait demandé d'ouvrir. Diverses sommes pour un montant total de 426 185 F avaient été versées sur ce compte et retirées rapidement sans produire d'intérêts.

Sur le livret de Gérard B ce sont des sommes s'élevant au total à 133 288 F qui étaient ainsi déposées.

Le compte de Gérard B avait été crédité de sommes importantes restituées en espèces à son fils Franck B compagnon de Virginie P.

L'origine des fonds qui provenaient de Nouvelle Calédonie n'a pas être établie.

Ces comptes ont été vidés et clôturés peu après l'intervention des policiers.

Virginie P avait demandé à Nathalie D d'encaisser des chèques et de lui restituer des espèces avant de clôturer le compte.

Sur le livret A de Lise P diverses sommes avaient été déposées depuis le 1er janvier 1994 pour un montant total de 36 892 F. Le livret de Pierre P avait été crédité de la somme de 28 000 F. Peu après l'intervention des policiers ces comptes ont été vidés et les livrets détruits.

Jean P et Virginie P prétendaient qu'ils avaient utilisés ces fonds pour payer des primes occultes aux salariés.

Cependant Jean P a utilisé des cartes bleues de l'entreprise à des fins personnelles, voyages, magasins, restaurant, etc ...

Les sommes créditées sur les comptes d'A s'élevaient depuis sa création à 6 948 900, 20 F, au jour du blocage le solde était de 360 337, 29 F. Sur les comptes d'Y les sommes créditées s'élevaient à 10 912 238, 98 F.

Il était établi par l'enquête que les sommes suivantes avaient été prélevées des comptes A au profit de Virginie et Jean P :

445541Q au profit de Virginie P : 191 000 francs

445828Q au profit de Virginie P : 160 000 francs

445076R au profit de Virginie P : 175 000 francs

44578V au profit de Virginie P : 137 700 francs

au profit de Jean P : 43 700 francs

445674V au profit de Virginie P : 243 800 francs

Total : 950 500 Francs

Les comptes personnels de Virginie P avaient été crédités pendant son activité de la somme de 1 456 483,74 F ;

Les comptes communs de Pierre et Lise P avaient été crédités de la somme de 1 479 251 F.

Nathalie D indiquait que le 4 avril 1995 jour de l'intervention de la police, Virginie P lui avait demandé d'encaisser sur son propre compte des chèques provenant de clients d'A ce qu'elle avait refusé.

Virginie P se rendait avec son concubin et son enfant tous les deux ou trois ans en Asie, où elle descendait dans des hôtels de luxe. Pour des revenus de 907 375 F pour l'année 1994, elle payait 394 790 F d'impôts sur les bénéfices.

Jean P possédait un véhicule de marque Jaguar qu'il prétendait avoir acheté d'occasion ;

Sur ce,

Sur l'action publique

Sur le délit de publicité mensongère

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que Virginie et Jean P ont promis par de nombreuses annonces une prestation qu'ils savaient ne pas pouvoir offrir ;

Qu'ils promettaient de louer des appartements qui n'étaient pas libres ;

Que les publicités faisaient état d'un grand nombre d'offres de location, alors qu'ils ne disposaient tout au plus que de 226 appartements ;

Que certains de ceux-ci étaient présentés dans plusieurs de leurs agences à la fois ;

Que le délit de publicité mensongère est donc caractériséet que le jugement entrepris doit être confirmé sur la déclaration de culpabilité de ce chef ;

Sur le délit d'escroquerie

Considérant que le simple mensonge, émanant de la personne poursuivie n'est pas considéré comme une manœuvre frauduleuse, quelle que soit sa gravité même si c'est lui qui a déterminé la remise des fonds, valeurs ou biens visés par l'article 313-1 du Code pénal;

Qu'en effet, cette infraction suppose des manœuvres frauduleuses c'est-à-dire un élément extérieur indépendant du mensonge qui en augmente la puissance de persuasion et tendant à convaincre la dupe d'une fausse entreprise;

Considérant qu'en lespèce, les prévenus exerçaient réellement l'activité de marchand de liste;

Qu'ils auraient pu satisfaire les demandes des candidats à la location d'un appartement;

Qu'ils se sont bornés à faire croire à une activité plus intense que celle qu'ils avaient et que par conséquent si le délit de publicité mensongère est caractérisé, celui d'escroquerie ne l'est pas;

Que le jugement entrepris doit donc être infirmé en ce qu'il a déclaré Jean et Virginie P coupables du délit d'escroquerie;

Qu'en conséquence, ils seront relaxés des fins de la poursuite de ce chef;

Sur le délit d'abus de bien sociaux

Considérant que les pièces de la procédure ont établi que des sommes très importantes ont été encaissées par les sociétés et EURL gérées par Jean et Virginie P et que de nombreux contrats n'étaient pas enregistrés en comptabilité et que pour ces derniers le montant en était perçu directement par les prévenus,

Que des comptes comme celui de Nathalie P et Gérard B, Lise et Pierre P ont servi à déposer des sommes qui auraient dû normalement être créditées au compte des sociétés,

Qu'à la cessation de l'activité de celles-ci les soldes des comptes n'étaient créditeurs que de très faibles sommes par rapport à celles qui y avaient été versées ;

Que le mandataire liquidateur des sociétés et EURL établit que le passif est très largement supérieur à l'actif réalisé, même si le passif est constitué en grande partie par des créances fiscales qui sont susceptibles d'être ramenées à de plus justes proportions après avis de la Commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

Que le train de vie de Virginie P n'était pas compatible avec les ressources qu'elle tirait de son activité et que son frère possédait un véhicule coûteux même s'il l'avait acquis d'occasion ;

Qu'il est constant que Virginie et Jean P ont détourné des sommes qui constituaient le gage des créanciers ;

Qu'ils soutiennent vainement qu'ils versaient des sommes occultes aux salariés, agissements qui seraient d'ailleurs susceptibles de constituer une infraction, dès lors que les sommes qu'ils prétendent avoir versées sont très nettement inférieures aux sommes qui ont été détournées ;

Que l'enquête n'a pu établir le montant précis des sommes détournées, mais qu'au moins 907 300 F ont été débités des comptes A au profit de Virginie P et 43 700 F au profit de Jean P ;

Que le délit d'abus de biens sociaux est constitué et que le jugement entrepris doit être confirmé de ce chef.

Sur la peine prononcée

Considérant qu'il convient toutefois de faire aux prévenus une application différente de la loi pénale, mieux adaptée à leur personnalité et de nature à mieux sanctionner les préjudices qu'ils ont causés ;

Sur la mesure de publicité

Considérant que cette mesure est nécessaire pour éviter la réitération de ce genre d'infraction et avertir le consommateur ;

Que le jugement entrepris doit donc être confirmé de ce chef ;

Sur la confiscation

Considérant que cette mesure est aussi nécessaire et doit donc être confirmée ;

Sur l'action civile

Considérant que les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice résultant directement pour la partie civile, des agissements délictueux des prévenus ;

Qu'il convient donc de confirmer le jugement attaqué tant sur les dommages et intérêts alloués que sur la condamnation au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

Considérant que la demande d'une somme de 10 000 F, formulée par la partie civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel est justifiée, mais doit être ramenée à la somme de 3 000 F ;

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit les appels des prévenus et du Ministère Public, Sur l'action publique : Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré Jean P et Virginie P coupables du délit d'escroquerie, Les relaxe de ce chef de poursuite, Confirme le jugement entrepris sur la déclaration de culpabilité, des chefs de publicité mensongère et d'abus de biens sociaux sur la mesure de publicité et la confiscation des scellés, En tant que de besoin, ordonne la publication du présent arrêt par extraits dans le journal "Le Figaro" et le journal " Particulier à Particulier " ; Réforme le jugement entrepris sur la répression : Condamne Virginie P à la peine de 18 mois d'emprisonnement assortie du sursis avec mise à l'épreuve pendant 18 mois avec l'obligation d'indemniser Madame Marguerite de Thore agissant en qualité de mandataire liquidateur de l'EURL X, des sociétés à responsabilité limitée Y et Z ; Condamne Jean P à la peine de 18 mois d'emprisonnement assortie du sursis avec mise à l'épreuve pendant 18 mois avec l'obligation d'indemniser Madame Marguerite de Thore agissant en qualité de mandataire liquidateur de l'EURL X, des sociétés à responsabilité limitée Y et Z ; Sur l'action civile : Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; Y ajoutant ; Condamne solidairement Jean et Virginie P à payer à Madame Marguerite de Thore agissant en qualité de mandataire liquidateur de l'EURL X, des sociétés à responsabilité limitée Y et Z, partie civile, la somme de 3 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure de 800 F dont est redevable chaque condamné.