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Décisions

CA Grenoble, 1re ch. civ., 6 octobre 1993, n° 92-100

GRENOBLE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

UFC de l'Isère

Défendeur :

Garage Gerard (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Berger

Conseillers :

Mmes Manier, Brenot

Avoués :

SCP Perret, Pougnand, SCP Calas, Balayn

Avocats :

Mes Brasseur, Berchemin.

CA Grenoble n° 92-100

6 octobre 1993

Les faits

Le 3 février 1988, Jacques Prost commandait une voiture automobile Renault 25 GTI à la SA " Garage Gérard " et versait un acompte de 5 000 F.

Le lendemain, il annulait sa commande par téléphone et confirmait sa décision par lettre recommandée avec accusé réception.

La SA " Garage Gérard " ne restituait pas l'acompte.

La Procédure

Le 6 mars 1989, Jacques Prost assignait le Garage Gérard devant le Tribunal d'instance de Bourgoin Jallieu :

- en nullité de contrat,

- en restitution de la somme de 5 000 F,

- en paiement de 2 000 F à titre de dommages-intérêts en application de l'article 700 .

L'Union Fédérale des Consommateurs de l'Isère (UFC 38) et la Régie Nationale des Usines Renault intervenaient volontairement aux débats.

Par jugement rendu le 19 novembre 1991 le Tribunal d'instance de Bourgoin Jallieu :

* constatait la rupture sans raison par Prost de l'accord valable au 3 février 1988,

* commandait la SA " Garage Gérard " à restituer à Prost la somme de 5 000 F,

* condamnait Prost à payer à la SA " Garage Gérard " 2 000 F à titre d'indemnité de dédit.

* ordonnait la compensation entre ces deux sommes.

* déclarait recevable l'intervention de l'UFC 38 sur le fondement de l'article 5 de la loi du 5 janvier 1988,

* constatait que le contrat, objet du litige, n'était plus utilisé par le Garage Gérard et qu'en conséquence la demande de l'UFC 38 était devenue sans objet,

* " recevait " l'intervention de la Régie Nationale des Usines Renault.

Les prétentions des parties en appel et la motivation de la cour

L'application conjuguée et cumulative des articles 3 et 5 de la loi n° 88-14 du 5 janvier 1988 n'a permis à l'UFC 38 de n'intervenir devant le Tribunal d'instance de Bourgoin que pour faire supprimer dans le type de contrat de commande d'une voiture automobile tel celui signé par Prost une ou plusieurs clauses abusives.

L'UFC 38 ne peut solliciter l'application de l'article 6 de la même loi, les dispositions de cet article supposant que les associations de consommateurs agissent à titre principal. Leur reconnaître un droit d'intervention sur la base de cet article rendrait inapplicable en fait l'article 5.

Il est évident que le législateur n'a pas entendu autoriser les associations de consommateurs à s'appuyer sur l'article civile particulière pour soutenir une autre action indépendant destinée à sanctionner l'atteinte à l'intérêt collectif défendu par ces associations.

Il a tout au plus, par des dispositions exorbitantes (donc restrictives) du droit commun, permis à celle-ci d'obtenir préventivement que le fait motivant l'action principale ne crée un dommage identique à d'autres consommateurs.

Il s'ensuit que l'article 5 de la loi du 5 janvier 1988 ne permet pas aux juridictions civiles d'apprécier tout autre contrat pouvant contenir des clauses abusives dont n'a pu juridiquement se prévaloir l'auteur de l'action principale.

En l'espèce, il est établi que le type de contrat présenté par la Régie Renault et mis en œuvre par le Garage Gérard n'est plus proposé aux consommateurs.

En conséquence, l'action de l'UFC 38 recevable initialement par voie d'intervention est devenue sans objet.

De plus, l'action de l'UFC 38 est recevable, en la forme, en application de l'article 5 si " la demande initiale a pour objet la réparation d'un préjudice subi par un ou plusieurs consommateurs ". Or, ni Prost, ni le Garage Gérard n'ont interjeté appel du jugement du Tribunal d'instance de Bourgoin Jallieu.

L'instance principale intentée par Prost est donc éteinte ; elle prive ainsi l'action de l'UFC 38 devant la cour de la base nécessaire à son examen au fond, à savoir la réparation du préjudice subi par Prost.

Ainsi l'appel de l'UFC 38 est-il irrecevable, faute d'intérêt à agir.

Sur l'application de l'article 700

Le Garage Gérard et la Régie Renault sollicitent respectivement 5 000 F et 15 000 F. La Cour estime équitable de leur laisser la charge de leurs frais irrépétibles.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi, Déclare irrecevable l'appel de l'Union Fédérale des Consommateurs de l'Isère, Condamne l'Union Fédérale des Consommateurs de l'Isère aux dépens, et Autorise les SCP Calas et Balayn et Maître Grimaud, à recouvrer directement contre la partie condamnée les fris dont elles auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.