Cass. crim., 25 mai 1993, n° 92-81.603
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M Dumont
Rapporteur :
M. Milleville
Avocat général :
M. Robert
Avocat :
SCP Lescourd & Baudin.
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par la Chambre syndicale française de l'affichage, partie civile, contre l'arrêt de la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Pau, en date du 25 février 1992, qui, dans l'information suivie contre Jean-Claude D du chef d'infractions à la loi du 29 décembre 1979, a confirmé l'ordonnance déclarant irrecevable sa constitution de partie civile. Vu l'article 575, alinéa 22°, du Code de procédure pénale ; Vu le mémoire produit ; - Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 1, 29 et 35 de la loi du 29 décembre 1979, de l'article L. 411-1 du Code du travail, des articles 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la Chambre syndicale française de l'affichage à l'encontre de Jean-Claude D poursuivi pour infraction à l'article 29 de la loi du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et aux préenseignes ;
" aux motifs que la loi du 29 décembre 1979 est une loi d'intérêt général qui a essentiellement pour but de protéger l'environnement des atteintes pouvant résulter de l'affichage ; que le législateur a pris soin de préciser les conditions dans lesquelles pourrait s'exercer l'action civile entreprise par les associations exerçant leur activité dans le domaine de la protection de la nature et de l'environnement, en ce qui concerne les faits constituant une infraction aux dispositions de la présente loi ou des textes pris pour son application et portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu'elles ont pour objet de défendre ; que le préjudice allégué par la partie civile résulte d'une atteinte aux conditions normales de la concurrence ; et que ce préjudice n'est, en aucun cas, assimilable à un préjudice résultant d'une atteinte à l'environnement qui, seul, ouvre droit à une constitution de partie civile dans les conditions fixées par l'article 35 précité ;
" alors, de première part, que la circonstance qu'un texte a été édicté dans l'intérêt général ne peut faire obstacle à l'application de l'article L. 411-11 du Code du travail autorisant les syndicats professionnels à exercer devant toutes les juridictions les droits réservés à la partie civile quant aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif qu'ils représentent ;
" alors, de seconde part, que, dans la mesure où l'infraction poursuivie porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession, l'action civile n'est pas réservée aux seules associations exerçant leur activité dans le domaine de la protection de la nature et de l'environnement visées par l'article 35 de la loi du 29 décembre 1979 et peut être exercés par un syndicat conformément à l'article 11 du livre III du Code du travail ;
" alors, de troisième part, qu'afin d'assurer la protection du cadre de vie, la loi du 29 décembre 1979 impose aux professionnels le respect de règles applicables à la publicité, aux enseignes et aux préenseignes ; que ces règles qui ont trait à l'utilisation de l'espace, élément essentiel pour tout publicitaire, font partie intégrante des conditions de la concurrence et que, dès lors, leur violation porte préjudice à l'ensemble de la profession ;
" alors, enfin, en tout état de cause qu'il résulte de l'article 2 des statuts de la Chambre syndicale française de l'affichage que ce syndicat professionnel a expressément pour but de rénover l'affichage et de l'harmoniser avec les nécessités de l'urbanisme moderne, de l'environnement et de la protection des sites et que, dès lors, contrairement à ce qu'a décidé la Chambre d'accusation, l'atteinte à l'environnement poursuivi lui cause un préjudice " ;
Vu lesdits articles ; - Attendu qu'aux termes de l'article L. 411-11 du Code du travail, les syndicats professionnels peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, sur plainte avec constitution de partie civile de la Chambre syndicale française de l'affichage, une information a été ouverte contre Jean-Claude D pour infractions à la loi du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et préenseignes ;
Qu'en cours d'information, le conseil de Jean-Claude D, se fondant sur les dispositions de l'article 35 de la loi susvisée, qui autorisent à se constituer parties civiles " les associations exerçant leur activité dans le domaine de la protection de la nature et de l'environnement ou dans celui de l'amélioration du cadre de vie ", a soulevé l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de la Chambre syndicale ; que le juge d'instruction a accueilli cette exception ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance d'irrecevabilité, la Chambre d'accusation énonce que " le préjudice, allégué, de la partie civile ne résulte pas d'une atteinte à l'environnement, qui, seul, ouvre droit à une constitution de partie civile dans les conditions fixées par l'article 35 précité " ;
Mais attendu qu'en se prononçant ainsi, alors que la possibilité, pour certaines associations, d'exercer les droits de la partie civile n'exclut pas le droit, pour un syndicat, de se constituer partie civile en cas d'atteinte à l'intérêt collectif de la profession, les juges ont méconnu le sens et la portée du principe ci-dessus rappelé; d'où il suit que la cassation est encourue;
Par ces motifs : casse et annule l'arrêt susvisé de la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Pau, en date du 25 février 1992, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi : renvoie la cause et les parties devant la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Bordeaux.