Ministre de l’Économie, 20 novembre 1998, n° ECOC9810405Y
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE
Lettre
PARTIES
Demandeur :
MINISTRE DE L'ECONOMIE
Défendeur :
PDG de la Cie Financière Européenne de Prises de Participations (COFEPP)
MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
Monsieur le président-directeur général,
Par dépôt d'un dossier dont il a été accusé réception le 21 septembre 1998, vous avez notifié l'acquisition, par la Compagnie financière européenne de prises de participations (COFEPP), de l'activité Rhum de la société industrielle de sucrerie (SIS).
Cette opération, en tant qu'elle emporte transfert de propriété et de jouissance sur une partie des biens, droits et obligations de la SIS au profit de la COFEPP, constitue une opération de concentration au sens de l'article 39 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986.
Le seuil en chiffre d'affaires prévu à l'article 38 de l'ordonnance susvisée n'étant pas franchi, il convient de définir les marchés pertinents.
La filière canne-sucre-rhum dans les DOM est protégée par une fiscalité minorée, en accord avec les directives européennes 1992-83 et 1992-84. Jusqu'en 2002, il existe un droit d'accises réduit pour les rhums traditionnels produits dans les DOM et vendus en France. Seuls des contingents fixés réglementairement donnent droit à cet avantage fiscal, le rhum produit au-delà étant soumis aux droits usuels. Le total des contingents correspondant approximativement à la demande intérieure française, le rhum traditionnel produit sous contingent dans les DOM constitue l'essentiel de l'offre sur le marché français. Par conséquent, même si le rhum hors contingent est à l'évidence identique au rhum contingenté, l'existence même du système de contingents et la réduction de fiscalité associée conduisent à une différence de prix telle qu'il devient nécessaire de délimiter des marchés pertinents du rhum traditionnel contingenté des DOM: un marché de production, situé dans les DOM, et un marché de distribution au consommateur final, situé en métropole. En revanche, il n'y a pas lieu de distinguer plus finement entre les divers types de rhums composant ces marchés, ceux-ci étant très substituables entre eux. La définition retenue correspond à celle qui a été soumise par les parties.
Sur le marché de production, le nouveau groupe possède près de 30% des contingents. En termes de distribution en métropole du rhum contingenté, sa part de marché s'élève à [...] (1). L'opération est donc contrôlable au regard de l'article 38 de l'ordonnance susvisée.
L'opération notifiée s'inscrit dans la restructuration globale de la filière canne-sucre-rhum dans les DOM, à l'initiative et avec la participation de l'Etat. En effet, les prix à la production ont connu une baisse de l'ordre de 15 % en francs courants entre 1985 et 1996 pour le rhum contingenté, ce qui s'est traduit par des difficultés financières pour nombre de producteurs. Ceci a amené les pouvoirs publics à favoriser la création en 1996 d'un organisme interprofessionnel, le Conseil interprofessionnel du rhum traditionnel des DOM (CIRT) chargé de réguler les cours grâce à un contrôle quantitatif. La création de cet organisme s'est accompagnée d'un projet de restructuration de la filière, dont font partie le changement de contrôle de la SIS ainsi qu'une modification de l'actionnariat de la sucrerie de Gardel.
La prise de contrôle d'un producteur de rhum par son principal distributeur pourrait avoir pour effet de fermer une partie du marché aux distributeurs concurrents. En l'espèce, l'opération emporte acquisition par la COFEPP des contingents de production attribués à la SIS.Sur le marché de la production, les additions de contingents ne conduisent pas à la création d'une position dominante. Sur le marché de la distribution en métropole, l'acquisition des contingents de la SIS, dont une partie seulement était jusqu'alors commercialisée par la COFEPP pourrait contribuer à accroître la position déjà prépondérante de cette dernière.
Afin de répondre à cette préoccupation, vous avez pris l'engagement, par lettre du 16 novembre 1998, de ne pas augmenter, par rapport à la situation antérieure, la part de votre groupe dans l'utilisation des contingents acquis lors de l'opération de concentration,
Cet engagement, au titre de l'article 40 de l'ordonnance susvisée, me paraît de nature à résoudre les problèmes de concurrence consécutifs à cette opération.
Ainsi, après examen de ce dossier, et compte tenu des engagements que vous avez pris, je vous informe qu'il n'est pas dans mon intention de saisir le Conseil de la concurrence de cette opération.
(1) A la demande des parties notifiantes, la part du marché exacte a été occultée et remplacée par une fourchette plus générale (un peu plus de 50%).
Cette information relève du "secret des affaires ", en application de l'article 28 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, modifié par le décret n° 95-916 du 9 août 1995, avant-dernier alinéa.