CCE, 28 octobre 1998, n° M.1254
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Dexia/Argentaria/Banco de Credito Local
LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,
1. Le 25 septembre 1998, la Commission a reçu une notification, conformément à l'article 4 du règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil, d'un projet de concentration par lequel le groupe franco-belge Dexia et le groupe espagnol Argentaria acquièrent le contrôle en commun de l'ensemble fusionné Banco de Credito Local (" BCL ")/Dexia Banco Local (" DBL ").
2. Après examen de la notification, il apparaît que l'opération notifiée relève du règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil, et qu'elle ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun et avec le fonctionnement de l'accord EEE.
I. LES PARTIES
3. Le groupe Dexia est spécialisé dans les prêts à long terme aux collectivités locales et autres entités de droit public. Ce groupe est issu de la fusion du Crédit Commercial de Belgique (" CCB ") et du Crédit Local de France (" CLF "), opération autorisée par la Commission le 8.8.1996 (affaire IV-M.736 - CCB/CLF). Le groupe Dexia est principalement composé de deux sociétés de participations, Dexia Belgium et Dexia France, détenant chacune 50 % des actions du CCB et 50 % des actions du CLF. Le développement de l'activité internationale du groupe Dexia en matière de financement de projets et des collectivités locales a été confié à la société Dexia Project & Public Finance International Bank (" Dexint "). Les activités de crédit aux collectivités locales du groupe Dexia en Espagne sont assurées par la société DBL, détenue à 100 % par Dexint.
4. Le groupe Argentaria a été créé en 1991 suite à la décision du Gouvernement espagnol de restructurer l'ensemble des banques appartenant à l'Etat. Cette structure a évolué avec la privatisation du groupe, achevée au mois de février 1998. BCL, filiale à 100 % d'Argentaria, a pour unique activité le financement à moyen et long terme des collectivités locales.
II. L'OPERATION
5. L'opération envisagée se déroulera en deux étapes qui auront lieu de façon solidaire. Dans un premier temps, Dexint va acquérir 35,8 % des actions composant le capital de BCL. Dans un deuxième temps, Dexint apportera à BCL la totalité des actions constituant le capital de DBL ce qui portera, au terme de l'augmentation de capital réservée à Dexint, la participation de ce dernier dans le nouvel ensemble BCL/DBL à 40 %. Les 60 % restant seront détenus par Argentaria.
III. LA CONCENTRATION
Le contrôle conjoint
6. Le Conseil d'administration de la nouvelle entité BCL/DBL sera composé de 15 membres. Argentaria nommera le président et 7 administrateurs. Le Groupe Dexia nommera le vice président ainsi que 4 administrateurs. Le Conseil comptera, enfin, 2 administrateurs indépendants. Le pacte d'actionnaires régissant les relations entre Argentaria et Dexint prévoit que les décisions les plus importantes votées au sein du Conseil d'administration devront être prises à la majorité de 11 voix. Ces décisions visent, entre autres, l'approbation du plan financier annuel, la définition de la stratégie de la société, la nomination des administrateurs ainsi que la cession des actifs supérieur à 10 milliards de pesetas ne relevant pas de la gestion courante de l'activité du nouvel ensemble. Après l'opération, BCL/DBL sera donc contrôlé conjointement par Argentaria et Dexint.
Entreprise commune accomplissant de manière durable toutes les fonctions d'une entité économiquement autonome
7. BCL et DBL disposent déjà des moyens financiers, des ressources humaines et des actifs pour exercer d'une manière durable les fonctions d'une entité économique autonome spécialisée dans le domaine du crédit aux collectivités locales et leurs extensions naturelles. Par ailleurs, après la restructuration de BCL, Argentaria n'interviendra plus directement sur le marché du crédit aux collectivités locales et ses extensions naturelles en Espagne.
Conclusion
8. Pour les raisons indiquées ci-avant, la Commission considère que la prise de contrôle en commun de BCL/DBL par les groupes Dexia et Argentaria constitue une concentration au sens de l'article 3, paragraphe 1 du règlement du Conseil n° 4064-89.
IV. DIMENSION COMMUNAUTAIRE
9. L'ensemble des entreprises concernées réalise un chiffre d'affaires total sur le plan mondial de plus de 5 milliards d'écus (CLF 4 961 millions d'écus; CCB 6 404 millions d'écus ; Argentaria 5 263 millions d'écus; BCL 688 millions d'écus). Chacune d'entre elles réalise un chiffre d'affaires dans la Communauté de plus de 250 millions d'écus (CLF, 4 722 millions d'écus; CCB, 6 098 millions d'écus; Argentaria 5 263 millions d'écus; BCL 688 millions d'écus) mais elles ne réalisent pas plus des deux tiers de leurs chiffres d'affaires communautaires dans un seul et même Etat membre. En conséquence, l'opération revêt une dimension communautaire au sens de l'article premier du règlement du Conseil. Elle ne constitue pas un cas de coopération au sens de l'Accord EEE, en vertu de son article 57.
V. COMPATIBILITÉ AVEC LE MARCHE COMMUN
A. Marché de produits en cause
10. Les parties considèrent que le seul marché pertinent concerné par l'opération notifiée est l'activité de crédit aux collectivités locales et ses extensions naturelles (c'est-à-dire le crédit destiné aux autres entités de droit public, aux entreprises concessionnaires chargées de gérer un service public et le financement des grands équipements et infrastructures). Cette définition a déjà été retenue à plusieurs reprises par la Commission (affaires n° IV-M.617-CLF/HBB, n° IV-M.736-CCB/CLF et n° IV-M 910 Dexia/San Paolo/Crediop) en raison, notamment, des caractéristiques spécifiques des clients, de la longueur des prêts (en général prévus pour une durée comprise entre 10 et 15 ans) et de l'aspect contraignant des règles juridiques auxquelles obéissent les emprunts des collectivités locales.
11. Pour les mêmes raisons que celles retenues dans les affaires précitées, le marché de l'activité de crédit aux collectivités locales et ses extensions naturelles peut être considéré comme pertinent dans la présente affaire.
B. Marché géographique en cause
12. Dans ses précédentes décisions, la Commission a considéré que le marché des crédits aux collectivités locales présentait un caractère essentiellement national. En effet, dans chaque Etat membre, la demande de crédit émanant de ces entités est pourvue, dans sa quasi-totalité, par l'offre de crédit des établissements financiers situés dans ledit Etat. Les collectivités locales, surtout celles de petite taille ou leurs émanations, n'ont en général pas les moyens, notamment en termes de personnel, d'emprunter à l'étranger et préfèrent garder des relations suivies avec les banques et caisses d'épargne présentes dans l'aire géographique où elles sont implantées. Enfin, la préférence des collectivités pour la devise nationale et la réglementation contraignante dans laquelle s'inscrit la décision d'emprunt confirment le caractère national du marché.BCL étant uniquement actif en Espagne, c'est donc dans cet Etat membre que l'opération a sa plus grande incidence.
C. Appréciation concurrentielle
13. En 1997, BCL détenait, en terme d'encours, une part de 27 % en Espagne sur le marché de l'activité de crédit aux collectivités locales. Les parts de marché de BCL ont connu une érosion constante depuis le début des années 90, passant de plus de 33 % à 27 %. Si le groupe Dexia a des parts de marché significatives en Belgique (70-80 %) et en France (35-45 %), ses activités de crédit aux collectivités locales en Espagne, exercées au travers de DBL, sont encore très limitées (environ 2 % des parts de marché).
14. De nombreux concurrents sont présents sur ce marché, que ce soit au niveau national comme Banco Bilbao Vizcaya [<10 %], Banco Central Hispanoamericano [<10 %], le groupe Santander [<10 %], ou local, niveau caractérisé par la présence d'une cinquantaine de caisses d'épargne très actives dans leurs zones géographiques d'activité. L'ensemble des caisses d'épargne dispose d'une part de marché, au plan national, d'environ 30 %. Les banques étrangères exercent, par ailleurs, une pression concurrentielle non négligeable sur ce marché (plus de 10 % des parts de marché). Enfin, le marché de crédit aux collectivités locales se caractérise en Espagne par un appel important aux marchés des capitaux qui peuvent représenter, en particulier pour les collectivités locales de dimension moyenne ou grande, une alternative importante en terme de financement.
15. Compte tenu de la position sur le marché des parties à la concentration, il apparaît que l'opération notifiée n'aura pas d'effet sensible sur la concurrence dans le Marché commun ou dans l'EEE. Cette conclusion a été confirmée par les résultats de l'investigation menée par la Commission.En conséquence, l'opération en cause ne crée pas ou ne renforce pas une position dominante qui aurait pour résultat d'entraver la concurrence effective de manière significative dans le Marché commun ou dans l'EEE ou une partie substantielle de ceux-ci.
VI. CONCLUSION
16. Pour les raisons exposées ci-dessus, la Commission a décidé de ne pas s'opposer à l'opération notifiée et de la déclarer compatible avec le Marché commun et avec l'accord EEE. Cette décision est prise sur la base de l'article 6, paragraphe 1, point b, du règlement du Conseil n° 4064-89.