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Décisions

CA Paris, 5e ch. C, 26 janvier 2001, n° 1999-17112

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Beauty Perfume Center (SARL)

Défendeur :

Clinique Laboratoires (SNC), Estée Lauder (SNC), Groupement d'Intérêt Economique Segelco

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bouche

Conseillers :

MM. Savatier, Faucher

Avoués :

SCP Narrat-Peytavi, SCP Fanet-Serra

Avocats :

Mes Sonet, Poynard

T. com. Paris, 13e ch., du 19 mai 1999

19 mai 1999

La société Beauty Perfume Center qui exploite à Pointe-à-Pitre un commerce de parfumerie, s'est vu confier suivant trois contrats du premier juillet 1993 la distribution sélective par la société Estée Lauder des produits de marques Estée Lauder et Aramis d'une part, par la société Clinique Laboratoires ceux de la marque Clinique d'autre part, pour une durée initiale d'une année renouvelable par tacite reconduction.

Les 27 et 28 mars 1997 les deux sociétés ont écrit à leur distributeur que les contrats ne feront plus l'objet d'un renouvellement automatique à leur expiration le 30 juin suivant ; des commandes ont cependant continué à être passées par la société Beauty Perfume Center et honorées.

Le 10 octobre 1997 le GIE Segelco, organe de gestion des deux concédants, a signifié au distributeur que, sur le fondement de l'article 4 des contrats et en raison de chiffres d'affaires insuffisants, elle a décidé de ne pas renouveler les contrats.

Par assignations délivrées le 7 mars 1998, la société Beauty Perfume Center a saisi le Tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir la condamnation in solidum des trois sociétés à lui payer la somme de 170 000 F de dommages-intérêts pour rupture brutale et sans préavis des relations contractuelles

Par jugement du 19 mai 1999 le tribunal a dit que les sociétés ont à bon droit mis un terme aux contrats et a condamné la société Beauty Perfume Center à payer aux sociétés défenderesses la somme de 2 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; les motifs de la décision permettent de dire que cette condamnation s'entend au profit de chacune des trois sociétés

La société Beauty Perfume Center - ci-après désignée BPC, a fait appel de cette décision

Elle prétend comme devant les premiers juges que la rupture des contrats qu'elle situe le 27 octobre 1997 a été abusive, puisqu'elle se fonde sur l'insuffisance d'un chiffre d'affaires que les conditions de vente n'ont pas prévu, et brutale, puisque la cessation des relations contractuelles n'a pas eu ses effets reportés au 30 juin 1998, mais a eu pour date rétroactive le 30 juin 1997, comme les sociétés l'en ont informée le 27 mars 1997.

La société appelante conclut ainsi à l'infirmation du jugement critiqué et à la condamnation in solidum des trois sociétés intimées à lui payer la somme de 170 000 F de dommages-intérêts et une indemnité de 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Les sociétés Estée Lauder, Clinique Laboratoires et GIE Segelco demandent la confirmation de la décision déférée, sauf à mettre hors de cause le GIE Segelco, simple organe de gestion des deux sociétés de parfumerie sans lien de droit avec la société BPC ; elles réclament la condamnation de cette dernière société à leur payer 10 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Motifs de la cour

Considérant que l'annonce faite dans les lettres des 27 et 28 mars 1997 par les concédants de la suppression de l'automatisme du renouvellement des contrats à leur prochaine échéance expressément rappelée du 30 juin 1997 ne signifie aucunement qu'elles ont entendu y mettre fin à cette date, mais seulement se mettre en conformité avec la réglementation européenne ; qu'effectivement elles n'ont pas mis fin aux relations commerciales avec leur distributeur, puisqu'il n'est pas contesté, des factures en faisant foi, que des commandes ont été passées après le 30 juin 1997 et honorées ;

Qu'au demeurant ces sociétés n'ont jamais écrit vouloir se soustraire au délai contractuel de dénonciation de trois mois avant l'échéance prévu par l'article 4 des conventions ;

Considérant qu'à défaut de plus amples informations, les commandes se sont poursuivies au moins jusqu'au 10 octobre, date à laquelle la société Segelco a notifié la décision de ses mandantes de ne pas renouveler les contrats ;

Qu'à défaut de preuve d'un refus des fournisseurs de livrer, ceux-ci sont en droit de soutenir que les relations ont pu se poursuivre et n'ont cessé juridiquement qu'à compter de l'échéance du 30 juin 1998 ;

Considérant que l'appelante soutient encore que le motif de la " rupture " était fallacieux, puisqu'aucun objectif de vente n'était fixé par les contrats ; que cette rupture aurait donc été faite de mauvaise foi ;

Que ce moyen ne résiste pas davantage à l'examen des conditions générales de vente qui font partie des conventions et qui ont été expressément visées et signées par les parties ;

Qu'il apparaît que les commandes passées par la société BPC entre avril et septembre 1997 n'ont atteint que la valeur de 7 859 F, pour l'ensemble des trois marques distribuées, ce qui est très largement inférieur aux exigences de rotation tous les six mois de 8 000 F, de 60 000 F et de 95 000 F stipulées respectivement pour chacune des trois gammes de produits par l'article 2-2 de chacun des trois contrats;

Que la société BPC n'ignorait pas bien évidemment qu'il existait un lien entre la rotation des stocks indispensable pour présenter à la clientèle des produits frais et le montant des achats correspondants et ne peut jouer sur les mots en affirmant qu'aucun objectif de vente n'était convenu;

Considérant en conséquence que le jugement déféré a justement apprécié les circonstances, non d'une rupture, mais d'un refus de renouvellement à la date du 30 juin 1998 dénoncé de nombreux mois avant cette échéance;

Que l'équité commande que la société BPC supporte la charge de tout ou partie des frais irrépétibles que les sociétés intimées ont du exposer pour faire confirmer leurs droits par la cour ; qu'il convient toutefois de limiter comme le tribunal l'a également fait le montant de l'indemnité accordée à ce titre, dans la mesure où les trois sociétés, dont l'une est sans lien de droit avec la distributrice, ont le même siège social et le même défenseur.

Par ces motifs, LA COUR confirme le jugement du 19 mai 1999 en toutes ses dispositions ; Faisant partiellement droit à la demande reconventionnelle des sociétés Estée Lauder, Clinique Laboratoires et Segelco, Condamne la société Beauty Perfume Center à payer à chacune d'elles la somme de 3 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; La condamne aux dépens ; Reconnaît à la SCP Fanet et Serra avoué le droit de recouvrement direct contre la société Beauty Perfume Center dans les conditions définies par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.