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Décisions

Cass. com., 6 mai 2003, n° 01-12.216

COUR DE CASSATION

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Maine Color (SA)

Défendeur :

Gendrot et fils (Sté), Labbé (Epoux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

Mme Champalaune

Avocat général :

M. Feuillard

Avocats :

SCP Richard, Mandelkern, SCP Waquet, Farge, Hazan

T. com. Nantes, du 4 mai 2000

4 mai 2000

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 14 mars 2001), que M. Claude Gendrot exerce depuis 1967 une activité de photographe scolaire; qu'il a créé, en 1996, la société Gendrot et fils, qui a la même activité; que les époux Labbé ont acquis, en 1996, un fonds artisanal d'entreprise de photographe scolaire ambulant ; que M. Gendrot, puis la société Gendrot et fils, ainsi que les époux Labbé, confiaient leurs travaux de développement pour la plus grande partie à la société Maine Color Alain Lacoste, devenue la société anonyme Maine Color; qu'estimant que la clientèle des établissements scolaires avait été fautivement détournée à son détriment par la société Gendrot et fils et les époux Labbé, la société Maine Color a assigné ceux-ci en réparation de son préjudice sur le fondement de la concurrence déloyale ; que, subsidiairement, elle soutenait que la société Gendrot et fils et les époux Labbé avaient fautivement rompu leurs relations commerciales avec elle au regard de l'article 36-5 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, leur demandant réparation de ce chef; que, reconventionnellement, la société Gendrot et fils et les époux Labbé ont sollicité l'allocation de dommages-intérêts en faisant valoir que la société Maine Color s'était rendue coupable à leur égard de dénigrement auprès des établissements scolaires;

Sur les premier et deuxième moyens réunis: - Attendu que la société Maine Color fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de son action tendant à voir la société Gendrot et fils et les époux Labbé condamnés à cesser leurs opérations de démarchage de ses clients sous astreinte de 10 000 F par infraction constatée, à produire, sous astreinte de 10 000 F par jour à compter de l'arrêt à intervenir, la liste des écoles détournées et le nombre de photographies ainsi réalisées, à communiquer, sous astreinte de 10 000 F par jour à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, tous les documents comptables et financiers, notamment ceux susceptibles de justifier de leur " clientèle " et enfin, in solidum à lui verser la somme provisionnelle de 5 000 000 F en réparation du préjudice subi et constaté pour l'heure, alors, selon le moyen: 1°) qu'en décidant que la société Maine Color n'était pas titulaire de la clientèle, après avoir constaté qu'elle facturait personnellement à celle-ci les travaux photographiques et encaissait les paiements, avant de régler elle-même aux photographes leurs travaux de prise de vue sur présentation de leurs factures, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient nécessairement de ses constatations, en violation des articles 1382 et 1383 du Code civil ; 2°) que la cassation entraîne l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire; que la cassation du chef de dispositif de l'arrêt attaqué, ayant dénié tout droit de la société Maine Color sur la clientèle, entraînera par voie de conséquence celle du chef de dispositif de l'arrêt ayant condamné la société Maine Color au paiement de dommages-intérêts pour avoir fait savoir à la clientèle que les époux Labbé et la société Gendrot et fils ne détenaient aucun droit sur celle-ci, cette cassation devant intervenir, en application de l'article 625, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt constate qu'aucun contrat ne liait les photographes et la société Maine Color; qu'il relève que des " cartes réponses ", communes au laboratoire et aux photographes, ont été adressées aux établissements scolaires et retient que la société Gendrot et fils était le principal interlocuteur des écoles concernées ; que l'arrêt constate encore que les photos n'étaient pas toutes confiées pour leur développement à la société Maine Color, mais aussi à un autre laboratoire et relève que si les époux Labbé et la société Gendrot et fils figuraient sur les feuillets publicitaires établis par la société Maine Color, leur qualité d'artisans y était bien précisée; que l'arrêt estime que le fait que la société Maine color facturait les travaux photographiques aux écoles et réglait aux photographes leurs travaux de prise de vues ne permet pas d'affirmer que ceux-ci avaient la qualité de mandataires de la société Maine Color, dès lors que chacun retirait en fait un avantage de l'activité de l'autre; qu'en l'état de ces constatations et appréciations dont elle a déduit que la société Maine Color ne pouvait se prévaloir de la propriété de la clientèle, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ;

Et attendu, d'autre part, que la deuxième branche du moyen manque par le fait qui lui sert de base ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches;

Sur le quatrième moyen: - Attendu que la société Maine Color fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à verser à la société Gendrot et fils la somme de 200 000 F et aux époux Labbé la somme de 100 000 F, à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, qu'en n'indiquant pas la date à laquelle les documents commerciaux porteurs des photographies des consorts Gendrot et Labbé avaient été créés, quand la société Maine Color soutenait que ces documents étaient des cartes de voeux datant du mois de janvier 1999, soit plus de huit mois avant la rupture des relations contractuelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil;

Mais attendu que, sous couvert de grief infondé de manque de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en cause le pouvoir souverain d'évaluation des dommages-intérêts des juges du fond ; qu'il ne peut être accueilli;

Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche: - Vu l'article 1382 du Code civil; - Attendu que pour rejeter la demande en paiement de dommages-intérêts de la société Maine Color qui se prévalait du comportement fautif de la société Gendrot et fils et des époux Labbé, l'arrêt retient que la société Maine Color ne saurait reprocher à la société Gendrot et fils et aux époux Labbé d'avoir détourné une clientèle qu'elle ne peut pas s'approprier;

Attendu qu'en se déterminant par ces seuls motifs, impropres à exclure l'existence d'un comportement fautif de la société Gendrot et fils et des époux Labbé envers la société Maine Color au regard des faits allégués, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;

Et sur le troisième moyen pris en sa seconde branche: - Vu l'article 36-5 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, devenu l'article L. 442-6-1-5° du Code de commerce, dans sa rédaction applicable à l'époque des faits; - Attendu que pour rejeter la demande en paiement de dommages-intérêts de la société Maine Color fondée sur la rupture abusive des relations commerciales, l'arrêt retient qu'il est établi et non contesté que la société Gendrot et fils a cessé toutes relations commerciales avec la société Maine Color à compter du 1er septembre 1999, mais que cette attitude était motivée par la décision de la société Maine Color de céder toutes ses parts à une entreprise concurrente qui, elle, n'avait pas pour activité unique le développement des pellicules mais effectuait également les prises de vue;

Attendu qu'en se déterminant par ces motifs, impropres à exclure l'existence d'une faute au regard de l'absence de préavis alléguée par la société Maine Color, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;

Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande en paiement de dommages-intérêts de la société Maine Color dirigée contre la société Gendrot et fils et les époux Labbé, l'arrêt rendu le 14 mars 2001, entre les parties, par la Cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel d'Angers.