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Décisions

CA Paris, 5e ch. C, 17 septembre 1999, n° 1998-00601

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Vaudron

Défendeur :

Viseux

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Desgrange

Conseillers :

MM. Bouche, Savatier

Avoués :

SCP Duboscq, Pellerin, Me Huyghe

Avocats :

Mes Weil, Christian-Demangeot.

TGI Evry, du 20 nov. 1997

20 novembre 1997

Par lettre du 17 août 1989 et selon un contrat du 1er septembre 1989, la société Vilo a engagé Mme Vaudron, à compter du 1er septembre 1989, en qualité de représentant de commerce pour les départements 77, 91, 93, et 94 qui étaient précédemment confiés à M. Viseux.

Le 2 janvier 1991, Mme Vaudron signait un acte sous seing privé par lequel M. Viseux déclarait lui céder " sa carte des établissements Vilo " pour les mêmes départements pour la somme de 235 000 F. De février 1991, à décembre 1992, elle lui a fait treize versements d'un montant total de 66 950 F.

M. Viseux ayant, le 22 février 1996, assigné Mme Vaudron en paiement du solde, le Tribunal de grande instance d'Evry a, par jugement du 20 novembre 1997, condamné celle-ci à lui payer la somme de 168 050 F, avec intérêts au taux légal à compter du 22 février 1996, outre 4 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Au soutien de son appel, Mme Vaudron invoque la contrainte morale dans laquelle elle se serait trouvée et prétend que la vente est nulle pour porter sur la chose d'autrui, pour être sans objet ou sans contrepartie, puisque la clientèle qui lui a été confiée par son employeur appartenait à celui-ci et non pas à M. Viseux, et qu'elle ne pouvait acquérir de ce dernier ce qui lui avait été confié 16 mois plus tôt. Elle indique que si le contrat était jugé valable, il y aurait lieu d'appliquer la sanction qu'il prévoyait en cas d'inexécution et qui était la restitution du secteur cédé à son précédant titulaire.

Elle conclut à l'infirmation du jugement et au rejet de la demande de M. Viseux et demande reconventionnellement restitution des sommes qu'elle a indûment versées à celui-ci et paiement de la somme de 50 000 F de dommages intérêts en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de la mauvaise foi de M. Viseux, outre celle de 15 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

M. Viseux conclut à la confirmation du jugement et demande la somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il soutient que le contrat s'analyse en une cession de carte de représentation, qui est un contrat valable, dès lors qu'il ne porte pas sur la clientèle créée, apportée ou développée par le VRP, et ne se confond pas avec une cession de clientèle. Il indique que les parties avaient entendues rémunérer à posteriori les services qu'il a rendu en proposant son successeur à l'agrément de son employeur et en favorisant l'engagement de Mme Vaudron. Il nie toute contrainte et souligne qu'il avait lui-même acquis sa carte, ce qui était un usage dans la société Vilo.

Sur ce, LA COUR:

Considérant que Mme Vaudron n'établit aucun fait précis de nature à établir la contrainte dans laquelle elle se serait trouvée lors de la signature de l'acte du 2 janvier 1991 ; qu'elle se borne à faire état de pressions que lui aurait fait subir son ancien concubin sans en rapporter la preuve, l'attestation produite étant trop imprécise pour confirmer la réalité des faits allégués ;

Considérant que l'acte du 2 janvier 1991 indique que M. Viseux cède " sa carte de représentation des établissements Vilo " et que " en cas de défaut de paiement, ..., ou en cas de cessation temporaire ou définitive d'activité pour quelques causes que ce soit, Mme Vaudron accepte que M. Viseux reprenne sans indemnité le secteur concerné par le présent contrat " ;

Que cette dernière clause manifeste que l'objet de la cession est en réalité la clientèle du secteur confié à Mme Vaudron par leur employeur, puisque M. Viseux entend qu'elle lui soit restituée si cette dernière n'acquittait pas le prix convenu ou cessait ses fonctions ; qu'en effet, dans ces situations, Mme Vaudron n'aurait été tenue d'aucune indemnité envers M. Viseux ; qu'ainsi, s'il s'était agi de rémunérer seulement l'intervention de M. Viseux auprès de son employeur pour favoriser l'engagement de Mme Vaudron, il n'y avait aucune raison de prévoir que sa réintégration serait sans contrepartie à charge de celle-ci, dès lors que cette décision ressortait du seul pouvoir de leur employeur et que la convention du 2 janvier 1991 n'imposait aucune diligence à Mme Vaudron pour favoriser cette réintégration ; qu'en outre, M. Viseux avait écrit à celui-ci, le 1er septembre 1991, qu'il acceptait d'abandonner partie de son secteur à Mme Vaudron " sans rémunération ni indemnité ", à la condition qu'en cas de cessation de l'activité de celle-ci " la dite clientèle me reviendrait de plein droit " ;

Qu'ainsi, il apparaît que c'est bien la clientèle du secteur concerné qui a été, dans l'esprit des parties, l'objet de la cession dont l'acte fait état; que le moyen de M. Viseux tiré de ce que, dans la société, l'usage était de procéder à une vente de carte, le VRP en place présentant son successeur à l'employeur, est donc sans portée ; que cette clientèle n'appartenant pas à M. Viseux, salarié de la société Vilo en qualité de VRP, la cession porte sur la chose d'autrui, de sorte qu'elle est nulle; que le jugement sera donc infirmé et la demande en paiement du prix de cette cession rejetée;

Considérant que la demande en répétition des sommes versées par Mme Vaudron sera accueillie puisque ces sommes payées en exécution d'une contrat nul n'étaient pas dues ; que le montant demandé n'étant pas contesté, il sera fait droit à sa demande ;

Considérant que Mme Vaudron n'établit pas que M. Viseux ait commis une faute ayant entraîné pour elle un préjudice ; qu'en particulier elle se borne à alléguer qu'il a agit de mauvaise foi sans en apporter la preuve qu'elle sera déboutée de sa demande de ce chef;

Considérant que l'équité ne commande pas qu'il soit fait application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Par ces motifs : Infirme dans toutes ses dispositions le jugement dont appel, Statuant à nouveau, Déboute M. Viseux de ses demandes, Le condamne à verser à Mme Vaudron la somme de 66 950 F avec intérêt au taux légal à compter du 8 avril 1998, Déboute Mme Vaudron de ses autres demandes, Condamne M. Viseux aux entiers dépens qui seront recouvrés par la SCP Duboscq et Pellerin, avoué, comme il est prévu à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.