CA Paris, 1re ch. A, 23 septembre 1997, n° 96-012870
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Bacardi-Martini (SAS)
Défendeur :
TF1 (SA), Groupe Jean-Claude Darmon (SA), Girosport (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bargue
Conseillers :
MM. Albertini, Garban
Avoués :
Mes Huyghe, Olivier, SCP Varin-Petit
Avocats :
Mes Clerc, Sprung, Garcia.
Les sociétés Groupe Jean-Claude Darmon et Girosport ont pour activité la négociation des droits de retransmission télévisuelle de manifestations sportives pour lesquelles elles assurent également une fonction de régie publicitaire. A l'occasion des rencontres de coupe d'Europe, elles ont reçu mandat des clubs français de football de négocier en leur nom et pour leur compte, auprès des chaînes de télévision nationales et en particulier TF1, d'une part, les droits de retransmission des matchs disputés, d'autre part, la commercialisation des annonces publicitaires dans l'enceinte sportive.
Après la diffusion le 18 janvier 1995 de la rencontre opposant à Utrecht les équipes de la France et des Pays-Bas, le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (le CSA) a notifié à Monsieur Jean-Claude Darmon qu'il avait saisi le Procureur de la République de Nanterre afin qu'il engage des poursuites sur le fondement de l'article L. 17 du Code des débits de boissons, en raison de la présence, à l'écran, de panneaux publicitaires faisant la promotion de boissons alcoolisées lors de cette retransmission.
Ultérieurement, TF1, mise en demeure par le CSA qui avait constaté la présence de panneaux publicitaires pour des boissons alcoolisées autour du terrain, a pris la décision de ne pas diffuser le match Arsenal - Auxerre le 2 mars 1995.
Le 31 mars de la même année, une concertation menée à l'initiative du ministère de la jeunesse et des sports avec les divers partenaires, a été à l'origine de l'adoption d'un " code de bonne conduite " en vertu duquel TF1 a mis en demeure les sociétés du groupe Darmon d'avoir " à mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour prévenir l'apparition à l'antenne de marques commerciales concernant des boissons alcooliques, au moment de l'acquisition des droits de retransmission pour le compte de TF1 ".
C'est dans ces conditions que la société Bacardi-Martini, élaborant et commercialisant de nombreuses boissons alcoolisées tels que rhum, vermouth, cognac et pastis Duval a fait assigner les sociétés TF1, Groupe Jean-Claude Darmon et Girosport devant le Tribunal de commerce de Paris afin de leur enjoindre de cesser tout comportement fautif " tel que décrit dans le corps de la présente assignation ", de les condamner solidairement à publier à leurs frais, le jugement à intervenir dans un journal de diffusion nationale du choix de la société Bacardi-Martini et donner acte à cette dernière de ce qu'elle se réserve la possibilité de demander la condamnation des sociétés défenderesses à réparer son entier préjudice du fait de ce comportement fautif.
Par jugement du 15 avril 1996, le Tribunal de commerce de Paris :
- " déboute les parties de l'ensemble de leurs demandes, en toutes les fins qu 'elles comportent ",
- " rappelle cependant, en tant que de besoin, à la SA Télévision Française TF1 et la SA Groupe Jean-Claude Darmon que dans le cadre de l'environnement juridique qui leur est imposé, et en particulier compte tenu des pouvoirs et des injonctions possibles du CSA, elles doivent respecter l'égalité de traitement entre boissons alcooliques françaises et étrangères ",
- " donne acte à la SA Groupe Jean-Claude Darmon de ce qu'elle est tenue de respecter les mises en demeure du CSA ",
- " dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire ".
C'est la décision dont la société Bacardi-Martini interjette appel en priant la cour de la réformer et :
- de constater le comportement discriminatoire des intimées,
- en application du droit interne, de constater l'inapplicabilité des dispositions de la loi n° 91-32 du 10 janvier 1991 (dite loi Evin) telle que codifiée aux articles L. 17 à L. 21 du Code des débits de boissons, aux achats transfrontières d'espaces publicitaires et aux retransmissions télévisées transfrontières et, partant, de déclarer ces dispositions inapplicables en l'espèce,
- dans l'hypothèse où la cour ne s'estimerait pas suffisamment éclairée sur la question de la compatibilité des dispositions de la loi précitée avec l'article 59 du traité CE et avec la directive Télévision sans Frontière, de poser à la Cour de justice des Communautés européennes, en vertu de l'article 177 du traité CE, les questions préjudicielles telles que proposées dans les motifs des conclusions,
- sinon, de constater l'incompatibilité de l'application desdites dispositions aux opérations transfrontières avec l'article 59 du traité CE et avec la directive Télévision sans Frontières et, partant, de les déclarer inapplicables en l'espèce,
- d'enjoindre aux sociétés TF1, Groupe Jean-Claude Darmon et Girosport de cesser tout comportement fautif et discriminatoire tel que décrit dans les motifs " de la présente assignation " (sic),
- de donner acte à la société Bacardi-Martini de ce qu'elle se réserve la possibilité de demander la condamnation des sociétés TF1, Groupe Jean-Claude Darmon et Girosport à réparer l'entier préjudice souffert par elle du fait du comportement fautif des intimées,
- de condamner celles-ci à lui payer, chacune, la somme de 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Au soutien de son appel, la société Bacardi-Martini fait valoir :
- que TF1 s'est opposée de façon active et délibérée à l'apposition de panneaux d'affichage pour une boisson alcoolisée française lors de matchs se déroulant à l'étranger, alors que dans le même temps elle admettait avec une évidente complaisance que la publicité soit faite pour des boissons alcoolisées étrangères lors de matchs retransmis en France, se déroulant à l'étranger et en France,
- que les sociétés du Groupe Jean-Claude Darmon ont également procédé à des discriminations en faisant obstacle, notamment, à l'apposition de panneaux d'affichage pour une marque française sur un stade anglais et en admettant la publicité pour une marque anglaise en France ou en s'opposant encore, lors d'un match disputé en Espagne, à la présence de panneaux publicitaires pour des marques françaises tout en admettant la présence de panneaux concernant des boissons étrangères,
- que le " code de bonne conduite " introduit indûment un critère d'application à la loi du 10 janvier 1991 en distinguant les " manifestations internationales " dans l'organisation desquelles les chaînes françaises n'ont pas la possibilité d'intervenir et les "autres manifestations" livrées à leur censure,
- que les sociétés intimées introduisent encore des distinctions qui n'ont pas lieu d'être au regard de la loi précitée, selon le sport considéré, selon la compétition (autorisée pour la ligue des champions mais non pour la coupe de l'UEFA) et selon les alcools,
- qu'en droit interne, la loi du 10 janvier 1991 n'est pas applicable à des situations se déroulant à l'étranger et, donc, à l'apposition de panneaux publicitaires sur des stades étrangers,
- qu'elle n'est pas davantage applicable aux retransmissions transfrontières de manifestations sportives,
- que le " code de bonne conduite ", dépourvu de toute valeur juridique, lui est inopposable,
- que l'interprétation qu'en font les intimées est, en tout cas erronée car, d'une part, il pose un principe d'égalité et, d'autre part, il ne soumet les " manifestations multinationales " à aucun régime particulier et laisse la retransmission de leurs images totalement libre,
- qu'en application de l'article 59 du traité CE, qui consacre le principe de la libre prestation des services, doivent être éliminées, d'une part, toute discrimination entre les prestataires de services à raison de leur nationalité ou de leur résidence dans un Etat membre autre que celui où la prestation est fournie, d'autre part, toute restriction à la libre prestation des services " même si elle s'applique indistinctement aux prestataires nationaux et à ceux des autres Etats membres, lorsqu'elle est de nature à prohiber ou gêner autrement les activités du prestataire établi dans un autre Etat membre où il fournit légalement des services analogues " (CJCE, 25 juillet 1991, Säger c/ Dennemeyer),
- qu'en l'espèce, la pratique des intimées a pour effet d'entraver les échanges de services tant audiovisuels que publicitaires au sein de l'Union européenne,
- que la dérogation, pour des raisons de santé publique, à l'application de l'article 59 précité, prévue par l'article 56 est d'interprétation stricte, de sorte que l'argument invoqué de ce chef n'est pas pertinent dès lors que les mesures en cause s'appliquent de manière discriminatoire, qu'elles ne sont pas justifiées par des raisons impérieuses, qu'elles ne sont pas propres à garantir la réalisation de l'objectif qu'elles poursuivent et qu'elles vont au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif,
- que l'application de la loi nationale aux retransmissions télévisées transfrontières est contraire à la directive 89-552-CEE du 3 octobre 1989 " télévision sans frontières " fixant les critères devant être respectés par la publicité pour les boissons alcoolisées.
Concluant à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de l'appelante au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, les sociétés Groupe Jean-Claude Darmon et Girosport rappellent le caractère contraignant de la réglementation, telle qu'interprétées par le CSA et le Ministère Public à l'occasion de poursuites exercées contre elles, réglementation qui les a amenées à cesser toute publicité en faveur des boissons alcoolisées.
Soulignant le comportement des producteurs français de spiritueux dénoncé par le CSA comme des " tentatives de contournements frauduleux de la loi Evin ", elles exposent :
- que la loi du 10 janvier 1991, fondée sur des impératifs de santé publique, s'applique aux retransmissions télévisées d'événements sportifs et, ce, en conformité avec les dispositions du droit communautaire,
- que l'adoption du " code de bonne conduite ", sous l'égide du ministère de la jeunesse et des sports dans le but de concilier la liberté d'information et l'application de la loi du 10 janvier 1991, ne les exonère nullement du strict respect des dispositions de l'article L. 17 du Code des débits de boisson qui, seules, leurs sont opposables,
- que l'ensemble des rencontres sportives dont les droits ont été négociés par le Groupe Darmon relevait exclusivement du régime des " manifestations se déroulant à l'étranger ", contraignant ainsi les intermédiaires au strict respect des exigences posées par la loi précitée, alors, en revanche, que les matchs de la Ligue des champions Cl disputés entre les équipes européennes vainqueurs des championnats nationaux relèvent de la rubrique " manifestations multinationales ",
- que toutefois sont appliqués les recommandations du code relatives aux manifestations se déroulant à l'étranger aux tours préliminaires de ces manifestations multinationales qui n'intéressent que les publics nationaux des deux équipes,
- que l'appelante ne démontre nullement qu'elles auraient favorisé une marque étrangère au détriment des marques françaises.
La société de Télévision Française 1 -TF1- intimée et appelante incidente, demande à la cour :
- de juger qu'aucune faute ni comportement discriminatoire ne lui sont imputables,
- de juger que la solution du litige ne commande pas de mettre en œuvre la procédure de question préjudicielle à la Cour de justice des Communautés européennes, instituée par l'article 177 du traité,
- de juger, en conséquence, l'appelante mal fondée en toutes ses demandes dirigées à son encontre,
- réformant la décision déférée, de juger qu'il n'y a pas lieu de " lui rappeler en tant que de besoin de respecter l'égalité de traitement entre les boissons alcoolisées françaises et étrangères " et condamner l'appelante à lui payer une somme de 50 000 F au titre de la procédure de première instance sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- de condamner l'appelante à lui payer une somme de 30 000 F au titre de la procédure d'appel, sur le fondement de ce même texte,
- subsidiairement, confirmer le jugement entrepris et lui allouer une indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,
- plus subsidiairement, surseoir à statuer pour interroger la Commission des Communautés européennes sur l'état de la procédure initiée par elle contre la France, relative aux restrictions imposées par les dispositions de l'article 17 de la loi du 10 janvier 1991.
La société TF1 oppose à l'appelante des moyens comparables à ceux développés par le Groupe Jean-Claude Darmon, en soulignant notamment les difficultés d'application de la loi du 10 janvier 1991 et en analysant les dispositions du " code de bonne conduite " et la portée de la notion de " manifestations multinationales ". Au regard du droit communautaire, elle fait plus spécialement valoir :
- qu'il n'apparaît pas utile à la solution du litige de renvoyer en interprétation préjudicielle auprès de la CJCE qui n'a pas compétence pour donner des opinions consultatives sur des questions juridiques générales ou hypothétiques, dans la mesure où aucune discrimination ne peut être retenue à son encontre,
- qu'en l'état et eu égard à l'arrêt de la Cour de cassation du 18 mai 1994, on ne peut considérer que la loi française du 10 janvier 1991 est contraire aux dispositions du droit communautaire,
- que la Commission des Communautés européennes est saisie de la question, puisqu'elle a adressé à la France un " avis motivé " dans le cadre d'un recours " en manquement " sur le fondement de l'article 169 du traité et que cette procédure étant en cours, les conditions d'un recours préjudiciel ne se trouvent pas réunies en l'espèce.
La société Bacardi-Martini réplique :
- que les intimées ont adopté un comportement doublement fautif en faisant une discrimination entre les marques françaises et étrangères et en s'immisçant dans les relations contractuelles existant entre des tiers,
- qu'elles ne peuvent prétendre s'exonérer de leur responsabilité en invoquant le contexte juridique de leur intervention fautive,
- que si la cour estimait devoir admettre l'application de la loi du 10 janvier 1991 aux retransmissions télévisées transfrontières, elle devrait nécessairement admettre qu'il soit dérogé au principe de la libre prestation de service prévue à l'article 59 du traité, dès lors que cette loi constitue une entrave à ce principe,
- que l'arrêt de la Cour de cassation de 1994 ne tranche pas la question en litige et qu'en tout état de cause, une interprétation du droit communautaire ne peut être donnée que par la CJCE,
- que l'existence d'une procédure engagée sur le fondement de l'article 169 du traité ne peut rendre inutile une procédure sur le fondement de l'article 177 de ce traité.
Le ministère public a été entendu en ses observations orales.
Sur ce, LA COUR:
Considérant que la société Bacardi-Martini reproche au Groupe Jean-Claude Darmon, à la société Girosport et à TF1 un comportement discriminatoire en diffusant sur les antennes des rencontres sportives où apparaissent des publicités de marques de boissons alcooliques étrangères, au détriment de ses propres marques ;
Mais considérant, en droit, qu'il résulte de l'article L. 17 du Code des débits de boissons dans sa rédaction telle qu'elle résulte de la loi du 10 janvier 1991, que la propagande ou la publicité directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques dont la fabrication et la vente ne sont pas interdites, sont autorisées de façon exclusive sous un certain nombre de formes limitativement énumérées et que toute opération de parrainage est interdite lorsqu'elle a pour objet ou pour effet une telle propagande ou publicité directe ou indirecte ; que la publicité ou la propagande des boissons alcooliques diffusée par voie d'émissions télévisées n'étant pas prévue par ce texte, se trouve donc prohibée ;
Que cette loi, applicable en France, régit donc la diffusion des messages publicitaires reçus sur un écran de télévision en France, peu important que l'apposition des panneaux filmés soit effectués sur un stade étranger ;
Que l'article 8 du décret n° 92-280 du 27 mars 1992 relatif au régime applicable à la publicité télévisée prohibe la publicité concernant, notamment, les boissons comprenant plus de 1,2 degré d'alcool ;
Considérant que, suite à la décision prise par le Groupe Jean-claude Darmon, menacé de poursuites pénales en application de la loi précitée, sur intervention du CSA, de ne pas diffuser certaines rencontres sportives en raison de la présence dans les enceintes sportives d'affichages publicitaires pour des alcools, il a été établi, à l'initiative du ministre de la jeunesse et des sports, entre les partenaires concernés, dont le CSA, les chaînes de télévision française et l'Union des Annonceurs un " code de bonne conduite " posant pour règle que les principes édictés " sont admis comme une lecture volontairement acceptée conforme à la bonne foi et aux objectifs de santé publique poursuivis par la loi, dans l'attente d'une jurisprudence plus précise sur l'application des dispositions des articles L. 17, L. 17-1, L. 18 et L. 21 du Code des débits de boissons ";
Que ce code de bonne conduite, qui, certes, ne saurait en rien exonérer les partenaires impliqués, du strict respect des dispositions de l'article L. 17 et de la responsabilité pénale édictée à l'article L. 21, distingue deux régimes, selon qu'il s'agit de " manifestations multinationales " ou d' " autres manifestations se déroulant à l'étranger " ;
Qu'il n'est institué à la charge des diffuseurs français aucune obligation particulière en ce qui concerne les premières de ces manifestations dont les images qui sont retransmises dans un grand nombre de pays ne peuvent être considérées comme visant principalement le public français et dont lesdits diffuseurs ne maîtrisent pas les conditions de prise de vue ;
Que la seconde catégorie de rencontres sportives prend en considération le fait que la retransmission vise spécifiquement le public français et impose, en conséquence, à tous ceux qui contractent avec le détenteur des droits de retransmission de mettre en œuvre les moyens disponibles pour prévenir l'apparition à l'écran de marques commerciales de boissons alcooliques ;
Que les matchs de la ligue des champions C1 qui sont disputés entre les équipes européennes vainqueurs des championnats nationaux sont diffusés dans un nombre important de pays européens, relèvent de la catégorie des " manifestations multinationales " ; qu'en revanche les rencontres dites de C2 et de C3, bien qu'inscrites dans le cadre des compétitions européennes de football, constituent des tours préliminaires et ne sont susceptibles d'intéresser que les publics nationaux des deux équipes concernées ; que d'ailleurs seules les rencontres de ces catégories dans lesquelles une équipe française était engagée ont fait l'objet de retransmissions en France ;
Qu'il ne saurait davantage être allégué une application discriminatoire de la loi du 10 janvier 1991 par TF1 selon qu'il s'agirait de sports individuels ou collectifs, alors que le critère reste celui du caractère multinational de la rencontre sportive, telle, en l'espèce, une compétition de patinage artistique se déroulant en Grande-Bretagne et retransmise dans un très grand nombre de pays ; que si des panneaux en faveur de boissons alcooliques ont pu apparaître lors de la présentation d'extraits de matchs étrangers lors de l'émission Télé Foot, il n'est nullement établi qu'une quelconque discrimination ait été faite selon l'origine française ou étrangère de ces panneaux ;
Considérant que le courrier adressé par TF1 à Monsieur Jean-Claude Darmon le 23 octobre 1995 relatif à des rencontres du 2e tour de coupe d'Europe n'entrant pas dans la catégorie des manifestations multinationales, n'a pas d'autre objet que de rappeler la réglementation française, et n'opère aucune distinction selon l'origine nationale des publicités ;
Que les allégations de discrimination faites par l'appelante apparaissent d'autant plus dépourvues de toute pertinence que des situations inverses de celles données en exemple par elle, peuvent être relevées ; qu'à cet égard, le match Karlsruhe - Bordeaux retransmis par TF1 le 8 août 1995 comportait deux panneaux publicitaires en faveur de la boisson alcoolisée " Pastis Duval ", ainsi qu'en témoigne une demande d'explications à la société de télévision par le CSA;
Considérant, au surplus, que la société Bacardi-Martini ne saurait sérieusement soutenir, à la fois que l'apposition de panneaux publicitaires dans des stades étrangers viserait principalement les spectateurs sur place et marginalement les téléspectateurs au motif que l'apparition de ces panneaux au cours de la retransmission ne serait qu'indirecte, peu visible et sporadique, et prétendre, ce qui constitue le fondement de son action, que les dispositions de la loi du 10 janvier 1991 ne pourraient s'opposer à la retransmission de ces mêmes publicités sur les chaînes françaises ;
Que les premiers juges ont très pertinemment relevé que l'apparition à l'écran d'un panneau publicitaire en faveur d'une boisson alcoolisée vise essentiellement le public français, surtout si cette boisson est bien connue de lui comme le Pastis Duval et que, pour des matchs de football se déroulant à l'étranger avec la participation d'une équipe française, l'apposition sur le pourtour du stade étranger de panneaux publicitaires serait pratiquement dépourvue de tout intérêt pour les annonceurs s'ils n'avaient pour objectif que ces publicités soient vues par les téléspectateurs, ainsi que le démontre l'exercice même de l'action dont est saisie la cour ;
Que la société appelante ne saurait davantage assimiler sa situation à celle de la grande distribution dont la publicité est prohibée à la télévision, mais dont les panneaux publicitaires apposés dans les stades sont visibles sur les écrans, dès lors que cette prohibition, à la différence de celle concernant les boissons alcooliques, ne trouve nullement son fondement dans les impératifs de santé publique ;
Considérant que la société Bacardi-Martini ne rapporte pas, en conséquence, la preuve de faits susceptibles de constituer les discriminations alléguées et qui résulteraient des dispositions de la loi du 10 janvier 1991 que, dès lors, la procédure d'interprétation préjudicielle en application de l'article 177 du traité CE étant sans influence sur la solution du litige, la demande formée par elle de ce chef est dépourvue de fondement et ne peut qu'être rejetée ;
Considérant que dès lors qu'il ne peut être reproché de manquements à la société TF1 au regard des dispositions de la loi du 10 janvier 1991, il n'y a lieu de prononcer le rappel fait par le jugement déféré qui sera réformé sur ce point, d'avoir à respecter l'égalité de traitement entre les boissons alcooliques françaises et étrangères ;
Considérant qu'il convient de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit de la société TF1 au titre des frais par elle exposés tant en première instance qu'en cause d'appel, ainsi que, au titre des frais exposés en cause d'appel, au profit des sociétés Groupe Jean-Claude Darmon et Girosport, qui sollicitent, sans réserves, la confirmation du jugement ;
Considérant qu'il n'appartient pas, contrairement à ce qu'énoncent les premiers juges, à la société TF1 de supporter les frais d'un procès au motif que l'initiative de la société Bacardi-Martini de l'assigner, pourrait avoir une certaine utilité pour elle et serait de nature à inviter le législateur français à préciser sa position compte tenu des éléments en jeu ; qu'il convient en conséquence de réformer le jugement en ce qu'il a mis à sa charge un quart des dépens de première instance ; que les sociétés Groupe Jean-Claude Darmon et Girosport ne sollicitant pas l'infirmation du jugement, il y a lieu de le confirmer de ce chef à leur égard.
Par ces motifs : Confirme le jugement rendu entre les parties par le Tribunal de commerce de Paris le 15 avril 1996 sauf en ce qu'il a : Fait rappel à la société Télévision Française 1 -TF1- de devoir respecter l'égalité de traitement entre boissons alcooliques françaises et étrangères, Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit de cette société, Mis à sa charge un quart des dépens de première instance, L'infirmant de ces chefs et statuant à nouveau, Rejette l'ensemble des demandes formées par la société Bacardi-Martini; Décide qu'il n'y a lieu de faire quelque injonction que ce soit à la société TF1 ; Condamne la société Bacardi-Martini à payer à la société TF1 la somme de 40 000 F en remboursement des frais non taxables par elle exposés tant en première instance qu'en cause d'appel ; La condamne à payer aux sociétés Groupe Jean-Claude Darmon et Girosport la somme de 25 000 F en remboursement des frais non taxables par elles exposés en cause d'appel ; Condamne la société Bacardi-Martini aux dépens de première instance à l'exception de ceux mis à la charge des sociétés Groupe Jean-Claude Darmon et Girosport par le jugement déféré, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel ; Admet, Me Olivier et la SCP Varin Petit, avoués, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.