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Décisions

Ministre de l’Économie, 13 décembre 2002, n° ECOC0300105Y

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Directeurs des sociétés Point P Développement et Compagnie de Saint-Gobain

Ministre de l’Économie n° ECOC0300105Y

13 décembre 2002

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Messieurs les directeurs,

Par dossier déclaré complet le 25 octobre 2002, le projet de prise de contrôle du groupe Ardi-Isopar (ci-après dénommé Isopar) par la société Point P SA (ci-après dénommée Point P) a été notifié.

I. Les parties et l'opération

La société Point P est une société anonyme de droit français, filiale à 99,99 % de la société Partidis, elle-même détenue à 100 % par la Compagnie de Saint-Gobain. L'activité du groupe Saint-Gobain est centrée autour de trois pôles d'activité que sont la fabrication de différents produits issus du verre (vitrage, isolation, conditionnement), de matériaux de haute performance (céramiques, plastiques de haute performance et abrasifs) et de matériaux de construction. Ce dernier pôle comprend une activité de distribution de matériaux de construction destinés aux entreprises du bâtiment. En sa qualité de négociant en matériaux de construction, la société Point P fait donc partie de la branche distribution du groupe Saint-Gobain. Le chiffre d'affaires mondial du groupe s'est élevé à 30,3 milliards d'euros au 31 décembre 2001, dont 7,7 milliards ont été réalisés en France.

Le groupe Isopar est contrôlé par la société holding Ardi, elle-même détenue à 99,9 % par la société Audouze Participations, dont le capital est détenu par M. François Audouze. Le groupe se compose des sociétés Isopar, Isopar Sud, Isopar Normandie, Isopar Plafonds (sans activité) et Esmery. Ces sociétés exploitent actuellement six établissements exerçant une activité de distribution de matériaux de construction à Argenteuil (95), Châtillon-sous-Bagneux (92), Garges-lès-Gonesse (95), Ivry-sur-Seine (94), Reims (51) et Seclin (59). Un septième établissement situé à Gravigny (27) a fait l'objet d'une fermeture récente en septembre 2002. L'ensemble de ces sociétés a réalisé en 2001 un chiffre d'affaires d'environ 59,3 millions d'euros, essentiellement en France (cf. note 1).

Aux termes du protocole d'accord signé le 26 septembre 2002, M. Audouze et les autres actionnaires se sont engagés à céder 100 % du capital de la société Ardi à la société Point P SA. En conséquence, la société Point P prendra le contrôle de la branche négoce de matériaux de construction du groupe Isopar (cf. note 2). L'opération constitue à ce titre une opération de concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires précités, cette opération n'est pas de dimension communautaire mais relève du contrôle national des concentrations, conformément aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du même Code.

II. Les marchés concernés

La branche distribution bâtiment du groupe Saint-Gobain distribue un ensemble de produits tels que du sable, du gravier, des canalisations, du béton, du ciment, du mortier, des briques, des tuiles, des ardoises, des produits d'isolation, des produits d'étanchéité, des produits en bois, de la menuiserie, du carrelage, des produits de chauffage-sanitaire, de l'outillage, de la peinture, du matériel électrique, des produits d'aménagement extérieur, ainsi que divers autres produits nécessaires à l'activité du bâtiment.

Point P est l'une des enseignes en France de la branche distribution bâtiment du groupe Saint-Gobain. Les autres enseignes françaises en matière de négoce de matériaux de construction du groupe sont : Point P travaux publics, La Plateforme du bâtiment (nouveau concept de vente exclusivement réservé aux professionnels sur le principe du " cash & carry "), Lapeyre-GME (spécialisé dans l'aménagement de la maison, en particulier en ce qui concerne la cuisine, la salle de bain, les menuiseries intérieures et extérieures), Cedeo (grossiste sanitaire-chauffage), SFIC (spécialisé dans l'isolation), l'Asturienne (spécialisé en couverture et sanitaire-chauffage), K par K (vente et pose de fenêtres, portes, volets, etc.).

Le groupe Isopar est également négociant en matériaux de contruction et dispose de sept points de vente situés à Argenteuil (95), Châtillon-sous-Bagneux (92), Garges-lès-Gonesse (95), Ivry-sur-Seine (94), Reims (51), Seclin (59) et Gravigny (27), ce dernier ayant fait l'objet d'une récente fermeture. Le groupe Isopar réalise [30-40] % de son chiffre d'affaires dans le négoce de produits du plâtre tels que plaques de plâtre, cloisons, doublage et accessoires, carreaux de plâtre et briques plâtrières. Il réalise [20-30] % de son chiffre d'affaires dans le négoce de matériaux isolants supports d'étanchéité. Le reste de son activité concerne un ensemble de matériaux de construction divers.

Le groupe Saint-Gobain est par ailleurs fabricant de matériaux utilisés pour la construction et les travaux publics : vitrage, isolation, abrasifs, canalisations, tuiles et briques, mortiers, produits béton.

Les parties à l'opération sont donc simultanément présentes sur les mêmes secteurs d'activités en tant que distributeurs de matériaux de construction et en tant qu'acheteurs sur les marchés de l'approvisionnement. Le groupe Saint-Gobain est également présent sur les marchés de l'approvisionnement en tant que fabricant de matériaux destinés à la construction, en particulier de matériaux d'isolation.

A. La délimitation des marchés concernés

1. Les marchés du négoce de matériaux de construction

Selon les parties, le marché concerné par l'opération comprend l'ensemble des ventes de matériaux de construction, quel que soit le canal de distribution emprunté. Elles estiment ainsi que les négociants traditionnels, qu'ils soient généralistes, spécialistes ou multi-spécialistes, ainsi que les grandes surfaces de bricolage (GSB) et les rayons spécialisés des grandes surfaces alimentaires (GSA), constituent des offres partiellement substituables aux yeux de la clientèle.

La question d'une délimitation plus étroite du marché pertinent en fonction du canal de distribution peut néanmoins être soulevée. La pratique décisionnelle du ministre a en effet déjà été amenée à distinguer le négoce de matériaux de construction de la distribution en GSB ou en GSA pour plusieurs raisons (cf. note 3).

Selon la pratique décisionnelle de la Commission (cf. note 4) , le négoce de matériaux de construction est une activité traditionnelle par laquelle les négociants stockent l'ensemble des matériaux nécessaires aux entreprises du secteur du bâtiment. L'activité consiste à fournir en gros un large assortiment de matériaux qui, bien que non substituables entre eux, sont toutefois nécessaires et souvent associés pour réaliser un projet de construction.

L'offre des négociants s'adresse en priorité à des professionnels du bâtiment ou à des particuliers bricoleurs lourds dont les attentes sont proches de celles de professionnels. Ceci implique des caractéristiques spécifiques en termes d'organisation de distribution des produits : les négociants disposent de stocks importants, de gammes profondes, ils livrent généralement la marchandise à leur clientèle, proposent parfois la livraison directe par le fournisseur pour les commandes importantes, ont une activité de conseil très importante aux yeux de la clientèle, accordent des délais de paiement, assument le risque-client, etc.

A l'inverse, les GSB et GSA s'adressent principalement à une clientèle de particuliers dans le cadre de leurs achats de matériel de bricolage. Lorsque des professionnels s'adressent aux GSB ou aux GSA pour certains matériaux, leur comportement reste proche de celui des particuliers (achats ponctuels de petites quantités, à emporter, absence de délais de paiement, etc.). Si les négociants traditionnels et les GSB/GSA sont amenés à proposer des produits identiques, les services et les conditions de vente qui s'y rapportent diffèrent sensiblement d'un canal de distribution à l'autre, ce qui justifie qu'ils puissent être considérés comme appartenant à des marchés distincts.

Par ailleurs, la jurisprudence et la pratique décisionnelle des autorités de concurrence, tant françaises (cf. note 5) que communautaires (cf. note 6), ont évoqué à plusieurs reprises la possibilité de distinguer, au sein du marché du négoce de matériaux de construction, une segmentation plus fine en fonction du degré de spécialisation des négociants. En effet, contrairement aux négociants généralistes dont l'offre porte sur un assortiment complet de différentes gammes de produits, les négociants spécialisés proposent des gammes plus profondes et une expertise plus poussée sur des lignes de produits particulières (bois, carrelage, isolation, etc.).

Or il convient de constater que le groupe Isopar réalise une partie significative de son chiffre d'affaires dans le négoce de produits du plâtre [30-40] %, d'une part, et de matériaux isolants supports d'étanchéité [20-30] %, d'autre part. Il est dès lors permis de s'interroger sur l'existence de marchés distincts correspondant à ces deux spécialités.

(i) Les produits du plâtre :

Les produits du plâtre sont des matériaux de construction légers et minces utilisés dans la fabrication de murs non porteurs ou de plafonds. Ces produits se présentent sous des formes variées telles que des plaques, cloisons, doublages, carreaux ou briques plâtrières, etc. Ils sont souvent associés, parfois même intégrés, à des produits d'isolation classique (thermique et acoustique) dans la mesure où l'isolation est actuellement directement prévue dans la réalisation des travaux de gros œuvre.

La demande de produits du plâtre émane d'entreprises générales du bâtiment pour les produits les plus courants et de clients professionnels spécialisés, tels que plâtriers, plaquistes, poseurs de plafonds ou même spécialistes de l'isolation pour des produits plus différenciés (doublages techniques, plaques de plâtre haute dureté, plaque feu, plaques hydro, etc...). Les produits du plâtre sont donc distribués à la fois par des négociants généralistes pour ce qui concerne les produits les plus basiques et par des négociants spécialisés dès lors que la demande exige des gammes plus étendues et plus profondes ainsi qu'une véritable expertise de la part du négociant. Il est dès lors possible de s'interroger sur l'existence d'un marché distinct correspondant à l'ensemble des produits du plâtre distribués par les négociants de matériaux de construction, qu'ils soient généralistes ou spécialisés.

En tout état de cause, la question d'une délimitation plus fine du marché du négoce des produits du plâtre peut être laissée ouverte au cas d'espèce, dans la mesure où, quelle que soit la dimension retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.

(ii) Les matériaux d'isolation supports d'étanchéité :

Les matériaux isolants supports d'étanchéité sont des isolants extérieurs, placés sur les toitures-terrasses, entre la dalle et le produit d'étanchéité classique (produits bitumineux, goudronnés, etc...). Ils sont fabriqués à partir des mêmes types de composants que les isolants thermiques et acoustiques traditionnels (laine de roche, polystyrènes, polyuréthane), mais ils s'en distinguent dans la mesure où ils ne se présentent pas sous la même forme (densité, format, etc..). Ils se distinguent également des produits d'étanchéité au sens strict dans la mesure où leur fonction n'est pas de protéger contre l'humidité mais d'isoler contre le froid et les nuisances sonores. Seuls quelques fabricants de produits isolants sont spécialisés dans la production de ce type de produits (Saint-Gobain/Isover et Rockwool pour les supports d'étanchéité en laine de roche, Saint-Gobain/Isover et Knauf-Alcopor pour les polystyrènes, Efisol et Recticel pour les mousses polyuréthane).

La demande d'isolants supports d'étanchéité se compose essentiellement de professionnels du bâtiment (étancheurs) dont une forte proportion est spécialisée dans l'étanchéité et dont les besoins ne peuvent que difficilement être satisfaits auprès de négociants généralistes qui ne disposent pas de ces produits dans leur assortiment.

Ces produits très spécifiques sont distribués par des négociants spécialistes de l'isolation, dans la mesure où la plupart des fabricants d'isolants supports d'étanchéité ne vendent pas leurs produits directement aux professionnels du bâtiment et où il n'existe pas de négociants spécialisés dans les produits d'étanchéité (la vente des produits d'étanchéité classiques s'effectue en revanche directement par les fabricants). Le groupe Isopar a d'ailleurs progressivement développé son activité relative aux isolants supports d'étanchéité à partir de son activité d'origine qui était celle du négoce des isolants thermiques et acoustiques classiques. Point P distribue également des produits isolants supports d'étanchéité, en particulier à travers une agence Point P située à Alfortville (Val-de-Marne) ainsi qu'à travers les deux points de ventes CMM ayant fait l'objet d'une précédente opération de concentration (cf. note 7).

La question d'un marché distinct correspondant à une spécialité de négoce en matériaux d'isolation supports d'étanchéité peut donc être soulevée. Compte tenu de ces éléments, l'analyse concurrentielle portera donc à la fois sur le marché du négoce en matériaux d'isolation et sur le segment relatif aux matériaux d'isolation supports d'étanchéité.

2. Les marchés de l'approvisionnement

L'activité de Point P et du groupe Isopar consiste à s'approvisionner en matériaux de construction auprès de fabricants puis à revendre ces matériaux aux professionnels de la construction et des travaux publics. La demande adressée aux fabricants émane en grande partie de négociants de taille nationale (Point P, Pinault Bois & Matériaux, groupements d'achats d'indépendants comme BIGMAT ou GEDIMAT) ou régionale. Le solde de la demande émane des grandes surfaces de bricolage, des grandes surfaces alimentaires pour leurs rayons bricolage ou fait l'objet de commandes directes auprès des fabricants pour quelques produits particuliers. Compte tenu du faible poids que représente le chiffre d'affaires du groupe Isopar au plan national, sa part dans le total des achats de matériaux de construction est également faible.

Toutefois, conformément à la pratique décisionnelle de la Commission et du ministre, il est possible de distinguer, en matière d'approvisionnement, autant de marchés qu'il existe de familles de produits (cf. note 8). En effet, Point P et Isopar, en tant que négociants, font appel à un grand nombre de fournisseurs appartenant à des secteurs d'activité très différents. La structure de l'offre, l'évolution des prix, la nature et l'intensité des barrières à l'entrée ou des contraintes de fabrication peuvent sensiblement varier d'une famille de produits à l'autre.

De son côté, le groupe Saint-Gobain fabrique un certain nombre de matériaux de construction que l'on peut regrouper en six grandes familles : matériaux d'isolation, mortiers, tuiles, matériel de voirie, tuyaux d'assainissement, dalles et pavés. Une partie de ces produits (environ [20-30] %) est écoulée à travers le réseau de négociants appartenant au groupe, notamment les points de vente Point P. Le reste des produits fabriqués est vendu à d'autres distributeurs indépendants du groupe Saint-Gobain, dont Isopar. En revanche, le groupe Saint-Gobain ne fabrique pas de produits du plâtre.

Compte tenu du fait que le groupe Isopar est spécialisé dans la distribution de produits isolants et produits du plâtre et que le groupe Saint-Gobain distribue également ces produits, il y a lieu de considérer que, parmi les différents marchés relatifs à l'approvisionnement des négociants, les marchés de l'approvisionnement en produits d'isolation et en produits du plâtre sont principalement concernés par la présente opération.

Dans sa décision BPB/Isover (cf. note 9) concernant des fabricants de matériaux d'isolation, la Commission européenne a estimé que le marché des isolants comprenait toute une gamme de produits isolants thermiques et acoustiques destinés aux bâtiments (sols, murs, toitures, ventilation, climatisation) et à différentes applications industrielles (installations de chauffage, conduite de fluides, etc.). A cela peuvent s'ajouter les produits destinés aux véhicules de transport (caravanes, trains, bateaux, voitures). La Commission a en outre précisé qu'il existait une forte interchangeabilité entre les matières premières que sont les laines minérales (laine de verre et laine de roche) et les mousses (polystyrènes et polyuréthane) qui servent à la fabrication des matériaux isolants et qu'il n'y avait donc pas lieu de considérer des marchés distincts en fonction du type de matière première.

Toutefois, si l'on considère que le négoce de matériaux isolants supports d'étanchéité peut constituer un marché aval distinct sur lequel sont présentes les deux parties à l'opération, il conviendra en l'espèce de considérer la position du nouvel ensemble en tant qu'acheteur sur le marché de l'approvisionnement en produits d'isolation supports d'étanchéité.

De la même manière, si l'on considère qu'il existe un marché aval un négoce de produits du plâtre sur lequel les parties sont toutes deux présentes, il conviendra de s'interroger sur la position du nouvel ensemble en tant qu'acheteur sur le marché amont de l'approvisionnement en produits du plâtre.

B. La dimension géographique des marchés

1. Les marchés du négoce de matériaux de construction concernés

En matière de négoce de matériaux de construction, il est généralement admis que la dimension géographique du ou des marchés pertinents est locale, dans la mesure où les professionnels du bâtiment effectuent la plupart de leurs achats à proximité de leur propre zone d'intervention.

Toutefois, le périmètre de la zone de chalandise d'un point de vente varie en fonction de la largeur de l'assortiment de gammes proposé, de la spécificité ou du caractère plus ou moins onéreux de certains produits, du degré de spécialisation du point de vente concerné et de la région où il est implanté. La clientèle est en effet prête à se déplacer sur de plus grandes distances pour rejoindre un point de vente généraliste plus grand et mieux achalandé ou un point de vente spécialisé correspondant à un besoin précis ou moins courant.

Concernant le groupe Isopar, vous estimez que la localisation des clients montre que l'activité des points de ventes du groupe Isopar se répartit sur trois zones de chalandises distinctes.

La première zone que vous avez ainsi déterminée, couverte par cinq points de vente du groupe, comprend l'ensemble de la région parisienne (75, 77, 78, 91, 92, 93, 94, 95), ainsi que l'Eure (27) et l'Oise (60). Le groupe Isopar réalise l'essentiel de son chiffre d'affaires sur cette zone. Ce périmètre se justifie en raison du fait que les points de vente du groupe sont, outre leur activité de négociants généralistes, spécialisés dans l'isolation et les produits du plâtre correspondant à une demande précise. En outre, une partie du négoce de ce genre de matériaux se fait par livraison directe à partir de l'usine du fournisseur sur le lieu d'intervention du client, ce qui réduit la nécessité de proximité du négociant. Le groupe Saint-Gobain dispose quant à lui de 183 points de vente sur cette zone de chalandise.

Toutefois, compte tenu de l'implantation des points de vente encore en activité du groupe Isopar, situés dans le Sud de la région parisienne, l'opération concerne principalement la zone correspondant à la région Ile-de-France uniquement. Le test de marché a permis de confirmer que la présente opération concernait en effet essentiellement la région parisienne.

La seconde zone de chalandise, couverte par le point de vente Isopar situé à Reims, s'étend aux départements des Ardennes (08), de la Marne (51) et de l'Aube (10). La troisième zone, couverte par l'agence située à Seclin, comprend les départements du Nord (59) et du Pas-de-Calais (62). Toutefois, les chiffres d'affaires réalisés par ces deux établissements, respectivement de 3 et de 2,5 millions, ne sont pas significatifs, ni par rapport à l'activité du groupe, ni par rapport aux ventes de matériaux de construction sur les zones de chalandise précitées. Par conséquent, l'opération n'entraîne pas de risque d'atteinte à la concurrence sur les seconde et troisième zones géographiques concernées par l'opération.

Compte tenu de ces éléments, l'analyse concurrentielle se limitera aux marchés du négoce de matériaux de construction en Ile-de-France.

2. Les marchés de l'approvisionnement concernés

En matière d'approvisionnement en matériaux de construction, la dimension géographique est généralement considérée comme étant au moins nationale, voire européenne (cf. note 10).

Pour ce qui est de l'approvisionnement en produits du plâtre, les réponses au test de marché ont estimé que la dimension géographique du marché était au plus nationale dans la mesure où ces produits pondéreux et fragile ne peuvent être transportés au-delà de 500 kilomètres, mais que les principaux opérateurs implantés en France disposaient de plusieurs sites leur permettant d'alimenter l'ensemble du territoire français.

En ce qui concerne l'approvisionnement en matériaux d'isolation, la Commission a estimé que le marché était de dimension régionale, au sens où il pouvait couvrir un Etat membre et les Etats voisins. En effet, l'adaptation aux différentes normes nationales ne constitue pas un obstacle, mais les coûts de transport demeurent relativement élevés en raison du volume particulièrement important de ces produits difficiles à comprimer sans les altérer. Cette affirmation a été confirmée par le test de marché, également pour ce qui concerne les produits isolants supports d'étanchéité.

Toutefois, la question d'une délimitation plus fine de la dimension géographique des marchés de l'approvisionnement peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.

III. L'analyse concurrentielle

A. Sur les marchés de l'approvisionnement

Il a déjà été constaté ci-dessus qu'au plan national la part des achats du groupe Isopar dans le total des achats de matériaux de construction n'est pas significative.

Pour ce qui est de l'approvisionnement en produits du plâtre, le test de marché a évalué le marché national entre 250 et 290 millions de m2. Les achats d'Isopar représentent ici également une part inférieure à [0-10 %] du marché national. De plus, les principaux fournisseurs sont de puissants groupes industriels (BPB, Lafarge, Knauf, ...). Si l'on devait considérer que le marché géographique de l'approvisionnement se limite à 500 km autour des usines de fabrication, il convient de constater que ces principaux fabricants disposent chacun d'usines dans la région parisienne et que les conditions de concurrence ne sont donc pas fondamentalement différentes que sur l'ensemble du territoire national.

En ce qui concerne le marché de l'approvisionnement en matériaux d'isolation, le marché national peut être évalué à [...]* millions selon les parties. Les achats d'Isopar représentent une part inférieure à [0-10 %] du marché national. En ce qui concerne les isolants supports d'étanchéité, le total des achats de la nouvelle entité varie sensiblement d'un fabricant à l'autre. Il demeure toutefois que ces fabricants font partie de groupes industriels puissants. Le test de marché a permis de vérifier qu'ils disposent d'un fort pouvoir de négociation vis-à-vis des parties à l'opération.

L'opération n'emporte donc pas de renforcement significatif de la puissance d'achat du nouvel ensemble sur les marchés de l'approvisionnement.

B. Sur les marchés du négoce de matériaux de construction

Les ventes de matériaux de construction réalisées par la branche distribution bâtiment du groupe Saint-Gobain sur l'ensemble du territoire français se sont élevées à [ >1] milliard d'euros en 2001. Selon les estimations des parties, les ventes en France de produits similaires, tous canaux de distribution confondus, se seraient élevées à 32,3 milliards d'euros. Les ventes du groupe Saint-Gobain représenteraient donc un maximum de [10-20] % de l'ensemble de ventes de matériaux de construction au plan national. Les ventes du groupe Isopar ne représentent qu'une part non significative du total des ventes en France [0-10] %.

En l'absence de statistiques officielles concernant les ventes de la distribution de matériaux de construction, tous canaux confondus, sur le plan local, les parties ont calculé le montant de ces ventes en partant d'une consommation par habitant multipliée par le nombre d'habitants sur la principale zone géographique de chevauchement des activités des parties.

Sur cette zone, le chiffre d'affaires réalisé par les 183 points de vente du groupe Saint-Gobain s'élève à [ >500] millions d'euros et celui des cinq points de vente du groupe Isopar à [ < 50] millions d'euros. A partir de ces chiffres, les ventes du groupe Saint-Gobain sont estimées à [10-20] % et celles du groupe Isopar environ à [0-10] % des ventes totales de matériaux de construction sur cette zone.

Si l'on se limite à la région d'Ile-de-France et que l'on considère le canal de distribution correspondant aux négociants généralistes et spécialisés, en excluant les autres canaux de distribution (réseaux de commerce grand public, vente itinérante ou par correspondance, etc.), la part du groupe Saint-Gobain (à savoir les ventes réalisées par Point P, Cedeo, DSC, Asturienne, La plateforme du bâtiment, SFIC) atteindrait environ [10-20] % des ventes réalisées de l'Ile-de-France. La part du groupe Isopar ne dépasserait pas, en tout état de cause, un maximum de [0-10] %.

Si l'on doit distinguer un marché du négoce généraliste uniquement, en excluant les négoces spécialisés, on peut estimer que la part de marché en Ile-de-France des points de vente généralistes de Point P atteindrait environ [10-20] % et celle du groupe Isopar environ [0-10] %. La part du groupe Isopar demeure faible et la présente opération n'entraîne aucune addition significative en termes de parts de marché sur la région parisienne.

(i) Les produits du plâtre :

En ce qui concerne les produits du plâtre, le manque de données officielles empêche également d'apprécier avec certitude le total des ventes sur la zone. Les réponses au test de marché n'ont pas non plus permis d'établir une estimation précise et cohérente des ventes, que ce soit en volume ou en valeur. Les réponses font seulement apparaître que la plupart des négociants généralistes proposent des produits du plâtre qui représentent en règle générale entre 5 et 8 % de leur chiffre d'affaires. Leur offre ne concerne toutefois que les produits les plus courants. Le nombre de négociants spécialisés dans la vente de tels produits sur la zone concernée est plus réduit. Néanmoins, on compte parmi les principaux opérateurs spécialisés concurrents du groupe Isopar certains points de vente du groupe Ouest Isol (à travers 3 dépôts Ouest-Isol et 3 dépôts Litt Diffusion), du groupe Pinault Bois & Matériaux (1 dépôt) ou encore du groupe CRH (à travers 2 points de vente de son réseau Matériaux et Services). Quand bien même les ventes du nouvel ensemble représenteraient une part significative des ventes totales de produits du plâtre sur la zone, force est de constater que ce dernier demeurera confronté à une concurrence réelle de la part d'opérateurs faisant partie de groupes solides.

Dès lors, si l'on devait considérer que les produits du plâtre constituent un marché distinct sur la zone, il conviendrait de constater que l'opération ne porte pas atteinte à la concurrence sur ce marché.

(ii) Les matériaux isolants supports d'étanchéité :

Les ventes de matériaux isolants en général en Ile-de-France peuvent être estimées à environ 183 millions d'euros. Le chiffre d'affaires réalisé par le groupe Isopar en matière de produits isolants en général représente [0-10] % de ces ventes et celui du groupe Point P [10-20] %. La nouvelle entité atteindrait environ [20-30] % des ventes de matériaux isolants en Ile-de-France. Toutefois, en ce qui concerne les isolants en général, l'Ile-de-France compte de nombreux spécialistes en isolation susceptibles d'opposer une forte concurrence à la nouvelle entité (Ouest-Isol, Pack-Isol, Codimat/Raboni, etc.).

En ce qui concerne le négoce de matériaux isolants supports d'étanchéité, l'absence de données officielles empêche d'évaluer avec précision le montant total des ventes de ce type de produits sur la zone. Les résultats du test de marché ont toutefois permis d'établir que le nombre de négociants distribuant ce type de matériaux était particulièrement restreint. Il ressort en effet de ce test que les principaux opérateurs sur cette zone sont Point P/CMM, Isopar et un négociant indépendant, Arto. Si l'on devait considérer le négoce de matériaux isolants supports d'étanchéité comme un marché distinct, l'entité issue de l'opération détiendrait une part de marché comprise entre [70-80] % et [80-90] %. Le nouvel ensemble ne sera en outre confronté qu'à la concurrence d'un opérateur indépendant de petite taille.

Par ailleurs, le test de marché a démontré que l'implantation d'un négoce spécialisé dans la vente de produits isolants supports d'étanchéité se heurtait à un certain nombre de barrières à l'entrée.

En premier lieu, le lancement de ce type d'activité suppose des capacités financières solides de manière à pouvoir supporter la constitution de stocks suffisants, le risque-client important dans ce secteur et un retour sur investissement relativement long compte tenu des faibles marges qui peuvent être dégagées sur ce type de produits.

En deuxième lieu, les entreprises et négociants interrogés lors du test de marché ont affirmé que les compétences techniques du personnel constituent l'un des critères fondamentaux aux yeux de la clientèle. Les relations commerciales et la confiance des clients sont également très fortement liées à la personne des agents commerciaux. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le personnel est généralement lié à son entreprise par un contrat de travail comportant une clause de non-concurrence qui l'empêche d'être embauché par un concurrent durant un certain laps de temps après avoir quitté l'entreprise. L'acquisition d'un tel niveau de compétence et par conséquent de la confiance de la clientèle demande du temps et rend l'entrée sur le marché particulièrement risquée.

En troisième lieu, les tests de marché ont insisté sur le fait que l'accès aux produits Isover en matière de produits isolants supports d'étanchéité constituait une condition indispensable au lancement d'un négoce spécialisé dans ce type de matériaux, dans la mesure où Isover constitue l'un des principaux fabricants d'isolants supports d'étanchéité en laine de verre. Tout nouvel entrant potentiel pourrait ainsi craindre de ne pas pouvoir s'approvisionner en produits Isover dans des conditions lui permettant de rivaliser avec le nouvel ensemble sur la zone concernée.

Dès lors, si l'on devait considérer qu'il existe un marché distinct du négoce de matériaux isolants supports d'étanchéité en Ile-de-France, l'opération serait susceptible de porter atteinte à la concurrence en créant une position dominante au profit de Point P sur ce marché.

Toutefois, le test de marché a permis de constater l'existence de plusieurs opérateurs concurrents disposant de capacités financières suffisantes pour pénétrer sur le marché.Ces opérateurs sont des négociants rattachés à des groupes industriels (Raboni/Codimat appartenant au cimentier irlandais CRH) ou des réseaux de négociants en matériaux de construction au niveau national ou régional (Pinault Bois & Matériaux, Ouest-Isol, Pack Isol).

Par ailleurs, si les fabricants d'isolants supports d'étanchéité n'acceptent généralement pas de livrer directement les entreprises d'étanchéité en raison du faible montant des commandes, ils disposent néanmoins d'une forte capacité à susciter une concurrence au niveau du négoce en raison de leur pouvoir de prescription des produits. Ils peuvent appuyer l'implantation de nouveaux négoces en leur garantissant l'approvisionnement et la transmission du savoir-faire technique lié à l'utilisation de leurs produits.

Afin de limiter les barrières à l'entrée précitées et identifiées lors du test de marché, le groupe Saint-Gobain a souscrit, par lettre du 29 novembre 2002, deux engagements.

D'une part, la société Point P s'est engagée, pour une durée de trois ans, " à ne pas opposer de clause de non-concurrence au personnel aujourd'hui employé par le groupe Ardi, même si cela figure dans leur contrat de travail, qui souhaiterait quitter le groupe Ardi pour rejoindre un opérateur concurrent implanté en Ile-de-France ou souhaitant s'y implanter ".

Ce premier engagement permet de lever la barrière à l'entrée relative à la compétence spécifique du personnel nécessaire pour établir, dans des délais raisonnables, un négoce spécialisé en isolation et en particulier en matériaux isolants supports d'étanchéité.

D'autre part, la société Saint-Gobain-Isover s'est engagée, également pour une durée de trois ans, " à approvisionner en matériaux d'isolation supports d'étanchéité toute entreprise de négoce de matériaux de construction implantée en Ile-de-France ou en voie de s'y implanter à des conditions exemptes de toute discrimination autres que celles fondées sur des critères objectifs, par rapport à celles offertes à Point P, notamment en matière de tarifs et modalités de paiement (remises, délais de paiement, escompte) et de services rendus à la clientèle (délais et modalités de livraison, formation et information sur les produits) ".

Ce second engagement garantit que le groupe Saint-Gobain ne tirera pas partie de sa structure intégrée pour empêcher ses concurrents négociants d'accéder à une partie des produits qu'il fabrique et que ces concurrents souhaiteraient commercialiser, quand bien même cette stratégie ne correspondrait pas à la politique actuelle de la société Point P. En tout état de cause, cet engagement est sans préjudice d'une application éventuelle de l'article L. 420-2 du Code de commerce.

En conséquence, les engagements des parties sont de nature à lever les barrières à l'entrée et permettent à la concurrence potentielle de contester la forte part de marché du nouvel ensemble sur le marché des isolants supports d'étanchéité en Ile-de-France.

En conclusion, et compte tenu des engagements souscrits, l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les différents marchés concernés. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.

Je vous prie d'agréer, Messieurs les directeurs, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

(*) De l'ordre de 900 millions d'euros.

Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché remplacée par une fourchette. Ces informations relèvent du " secret d'affaires ", en application de l'article 8 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.

NOTE (S) :

(1) Le compte également les sociétés SCI Katethe, SCI Paul Mazy, ACIPAR (fabrication de profilés) et Vimpériale (négoce de vin).

(2) La société Audouze Participations conservera les titres des sociétés SCI Katethe, SCI Paul Mazy, ACIPAR et Vimpériale dont l'activité est sans lien avec le négoce de matériaux de construction.

(3) Lettre du 29 août 2002 relative à l'acquisition de la société Tabur par la société Mr. Bricolage. Lettre du 6 septembre 2002 relative à l'acquisition de la société Carmat par la société Pinault Bois & Matériaux. Lettre du 7 novembre 2002 relative à l'acquisition de la société CMM par la société Point P SA.

(4) Décision M. 486, Holdercim/Origny-Desvroises du 5 août 1994.

(5) Décision du Conseil de la concurrence n° 88-D-30 (BOCCRF n° 19 du 30 septembre 1988) relative à des pratiques relevées dans le secteur du négoce des matériaux de construction dans la région Rhône-Alpes. Lettres précitées du 6 septembre 2002 et du 7 novembre 2002.

(6) Décision M. 764, Saint-Gobain/Poliet, du 4 juillet 1996. Décision M. 1974, Compagnie de Saint-Gobain/Raab Karcher, du 22 juin 2000.

(7) Lettre d'autorisation précitée du 7 novembre 2002.

(8) Décision M. 1221 Rewe/Meinl, du 3 février 1999. Décision M. 1684 Carrefour/Promodès, du 25 janvier 2000. Lettres précitées du 29 août 2002, du 6 septembre 2002 et du 7 novembre 2002.

(9) Décision M.735, BPB/Isover, du 3 juillet 1996.

(10) Décision précitée M. 735, BPB/Isover, du 3 juillet 1996. Décision précitée M. 764, Saint-Gobain/Poliet, du 4 juillet 1996