CCE, 16 juin 1997, n° M.934
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Auchan/Leroy Merlin/Ifil/La Rinascente
LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,
1. Le 13 mai 1997, la Commission a reçu une notification, au titre de l'article 4 du règlement du Conseil (CEE) n° 4064-89, d'un projet de concentration aux termes duquel les sociétés françaises Auchan et Leroy Merlin et les sociétés italiennes Ifil et La Rinascente regrouperont leurs activités en Italie.
2. Après examen de la notification, la Commission est arrivée à la conclusion que l'opération notifiée relève du règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil et ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun et avec le fonctionnement de l'accord EEE.
I. LES ACTIVITES DES PARTIES
3. Les groupes Auchan et Leroy Merlin sont contrôlés par la famille Mulliez.
4. Auchan est actif dans la gestion de centres commerciaux, hypermarchés et supermarchés. Il est présent essentiellement en France, en Espagne et au Portugal. En Italie, il dispose de quatre hypermarchés situés à Turin, à Lodi, à Bari, et à Mestre. Un nouvel hypermarché devrait être ouvert à Milan.
5. Leroy Merlin est spécialisé dans la vente au détail de produits de bricolage. Ce groupe est présent surtout en France, en Espagne et en Belgique. En Italie, il dispose de deux points de vente (à Varese et à Brescia). Deux autres points de vente (à Florence et à Bari) devraient être ouverts prochainement.
6. Les autres entreprises contrôlées par la famille Mulliez sont actives dans divers secteurs : articles de sport, accessoires automobiles, prêt-à-porter, restauration rapide et meubles. Toutefois ces entreprises sont peu présentes en Italie.
7. Ifil est une société du groupe IFI qui contrôle entre autres le groupe Fiat, Unicem et Toro Assicurazioni. Ifil au travers de la société Eufin contrôle La Rinascente. Toutes les activités du groupe IFI dans le secteur de la grande distribution sont regroupées dans La Rinascente.
8. La Rinascente n'est présente qu'en Italie. Elle est active principalement dans la vente au détail de biens de consommation courante en supermarchés et hypermarchés (64 % du chiffres d'affaires), la vente au détail de produits textiles (23 %), la vente à emporter "cash and carry" (5 %), et la distribution au détail de produits de bricolage (4 %).
II. L'OPERATION NOTIFIEE : LES ENTREPRISES COMMUNES
9. L'opération notifiée aboutira à la création de deux filiales communes.
10. D'une part, La Rinascente passera sous contrôle commun d'Auchan et d'Ifil, elle regroupera les activités d'Auchan en Italie ainsi que les activités de La Rinascente (avant l'opération) dans le secteur de la grande distribution à l'exclusion de ses activités dans le secteur du bricolage. Le conseil d'administration de La Rinascente sera désigné à parité par les deux parties qui disposeront chacune de la moitié des sièges. Toutes les décisions stratégiques relatives à la politique commerciale de La Rinascente seront prises à la majorité de deux tiers.
11. D'autre part, une deuxième entreprise commune, détenue à 50/50 par La Rinascente et Leroy Merlin, regroupera avant le 30 septembre 1998, les activités de La Rinascente (avant l'opération) dans le secteur du bricolage avec celles de Leroy Merlin en Italie. Son conseil d'administration sera également désigné à parité par La Rinascente et Leroy Merlin qui disposeront chacun de la moitié des sièges. Toutes les décisions stratégiques relatives à sa politique commerciale seront prises à la majorité de deux tiers.
12. A la suite de l'opération ni Ifil ni les autres sociétés du groupe auquel elle appartient ne disposent d'activités dans le secteur de la grande distribution, (biens de consommation courante et articles de bricolage) en dehors de celles exercées par le biais des deux filiales communes.
13. L'opération conférera donc aux entreprises fondatrices un contrôle conjoint sur les deux entreprises communes de plein exercice et ne donnera pas lieu à une coordination du comportement concurrentiel entre les entreprises fondatrices. Elle constitue par conséquent une opération de concentration au sens de l'article 3, paragraphe 1 du règlement du conseil 4064-89.
III. DIMENSION COMMUNAUTAIRE
14. Le chiffre d'affaires réalisé au niveau mondial en 1996 est de 23 milliards d'Ecus pour les entreprises contrôlées par la famille Mulliez et de 39 milliards d'Ecus pour IFI. Le chiffre d'affaires réalisé individuellement dans la Communauté par au moins deux des entreprises concernées représente un montant supérieur à 250 millions d'Ecus (Auchan et Leroy Merlin : 19 847 millions d'Ecus, IFI : 28 892 millions d'Ecus). IFI n'a pas réalisé plus des deux tiers de son chiffre d'affaires dans le même État membre. L'opération a donc une dimension communautaire au sens de l'article 1 du règlement du Conseil.
IV. COMPATIBILITE AVEC LE MARCHE COMMUN
A. Marchés de produits en cause
15. Selon les parties, l'opération notifiée provoquera des additions de parts de marché dans les secteurs de la vente au détail de produits de consommation courante en supermarchés et hypermarchés et des produits de bricolage, notamment dans le segment des magasins spécialisés.
16. Les parties notifiantes considèrent comme marchés de référence:
a) Marché de la vente au détail des biens de consommation courante en moyennes et grandes surfaces.
17. La Commission a considéré traditionnellement [Pour les plus récentes: M.848 - Ahold/CSD, M.839 - Promodes/Garosci et M.558 - La Rinascente/Cadis] que la vente au détail de produits de consommation courante en supermarché et hypermarché constitue un des quatre segments du commerce de détail à dominante alimentaire à savoir : les petits commerces spécialisés, les petits magasins de proximité, les moyennes et grandes surfaces (supermarchés et hypermarchés) pour les achats en quantités plus importantes de produits diversifiés, et les points de vente pratiquant le "discount".
b) Marché de la vente au détail des produits de bricolage :
18. Les parties soulignent que la vente par des chaînes spécialisées s'est développée depuis peu de temps en Italie, et que le commerce traditionnel représente encore 90 % des ventes au détail totales de produits de bricolage alors que les magasins spécialisés ne représenteraient que 10 %. Le commerce traditionnel de la vente au détail de produits de bricolage constitue en Italie une importante alternative.
19. Il n'est toutefois pas nécessaire de définir les marchés des produits en cause (distribution traditionnelle ou spécialisée de biens de consommation courante et articles de bricolage) avec plus de précision car l'opération notifiée n'aura pas pour effet de créer ou de renforcer une position dominante dans le Marché commun ou une partie substantielle de celui-ci.
c) Approvisionnements
20. Pour ce qui concerne les biens de consommation courante et les articles de bricolage, les producteurs offrent leurs produits à une clientèle de grossistes, de détaillants (commerce traditionnel, grands magasins ou magasins spécialisés) et autres entreprises. Chaque produit ou groupe de produits constitue à lui seul un marché distinct puisque, du coté de la demande, sa substituabilité à d'autres produits ou groupes de produits, est inexistante ou imparfaite. Toutefois étant donné la structure de la demande largement homogène en Italie, il n'y a pas lieu d'apprécier les effets de l'opération de concentration sur chaque produit ou groupe de produits. Il suffit d'apprécier les effets de l'opération de concentration sur la puissance d'achat dans l'ensemble des marchés en cause.
B. Marchés géographiques en cause
21. Les parties estiment que le marché géographique de référence pour la vente au détail des produits concernés doit être défini approximativement au niveau des provinces italiennes où sont situés les points de vente des entreprises concernées. Cette définition est conforme à celle retenue traditionnellement par la Commission [Notamment en Italie : IV-M.558 - La Rinascente/Cedis Migliarini du 15 mars 1995 et n° IV-M.839 Promodes/Garosci du 16 décembre 1996] dans des secteurs identiques ou comparables. Au cas présent il n'est cependant pas nécessaire de définir ces marchés géographiques en cause avec plus de précision car même sur la base des marchés géographiques les plus étroits, l'opération notifié n'aurait pas pour effet entraver de manière significative une concurrence effective dans le Marché commun ou une partie substantielle de celui-ci.
22. En ce qui concerne les approvisionnements il convient, du point de vue des producteurs, de distinguer selon l'étendue de leur activité géographique, les groupes de producteurs qui opèrent sur une base nationale, régionale ou locale. La question de savoir si chacun de ces groupes de producteurs constitue un marché différent peut cependant rester ouverte parce qu'en tout état de cause une concurrence effective ne sera pas entravée dans le Marché commun ou une partie substantielle de celui-ci.
C. Appréciation
a) Vente au détail de biens de consommation courante :
23. Auchan exploite actuellement en Italie quatre supermarchés, par ailleurs un nouvel hypermarché est en cours de construction. Au niveau local, Auchan et Ifil/La Rinascente sont présents simultanément uniquement dans la province de Turin, où les parties disposent ensemble de moins de 15 % du segment des moyennes et grandes surfaces.
24. Au niveau national, les parties notifiantes disposent d'une part de marché du segment des moyennes et grandes surfaces [Moins de 10 %] (Auchan détenant moins de [Moins de 10 %]. De plus, elles sont confrontées à la concurrence de groupes de taille comparable sinon supérieure, tels que : Coop Italie, Euromadis, Crai, Despar, Grupo GS, Esselunga, C-3.
25. Enfin, ce segment connaît une croissance importante qui devrait encourager et faciliter l'entrée de nouveaux intervenants.
b) Vente au détail de produits de bricolage
26. En ce qui concerne l'ensemble des ventes au détail de produits de bricolage, l'opération notifiée aboutira uniquement à l'adjonction, dans les provinces de Varese et Brescia, de deux points de ventes Leroy Merlin aux magasins d' Ifil/La Rinascente. Les parts cumulées des parties ne dépasseront pas [Moins de 10 %] du secteur à Varese et [Moins de 10 %] à Brescia.
27. Le commerce traditionnel de ventes de produits de bricolage continue à être une importante alternative pour les acheteurs. Des magasins specialisés n'ont commencé à s'implanter d'une manière significative sur le marché italien que depuis une dizaine d'années. Ceux-ci ne représentent qu'environ 10 % du total des ventes de produits de bricolage en Italie.
28. Si l'on considère le segment de la vente au détail de produits de bricolage en magasins spécialisés, les positions des parties à Varese s'élèveront à environ [Entre 35 % et 45 %] ([Entre 35 % et 45 %] Leroy Merlin et [Moins de 10 %] Ifil/La Rinascente). Des concurrents significatifs et appartenant à des groupes puissants sont toutefois déjà présents dans cette province : Brico Ok et Idea Bricolage disposent chacun d'un point de vente. À Brescia les positions des parties s'élèvent à environ [Entre 63 % et 73 %] ([Entre 30 % et 40 %] Leroy Merlin et, [Entre 25 % et 35 %] Ifil/La Rinascente). Toutefois, un concurrent puissant (la chaîne OBI), dispose d'un point de vente et un autre important concurrent (Praktiker) doit, selon les parties, ouvrir prochainement un nouveau point de vente.
29. Au niveau national, sur le segment des ventes des chaînes spécialisées Ifil/La Rinascente réalise environ [Entre 15 % et 25 %] des ventes totales et Leroy Merlin environ [Moins de 10 %]. Il existe de nombreux concurrents (OBI, Castorama, Self, Brico Io, Punto Legno, Brico Point, Bric Market, Brico OK, Morassuti, Praktiker etc).
30. La vente de produits de bricolage en magasins spécialisés connaît un développement très important ce qui devrait encourager l'entrée de nouveaux concurrents. Au cours des dernières années de nombreux points de ventes ont été ouverts, notamment depuis 1995, par les groupes Big Mat, Edil, Obi et Praktiker, Castorama, Brico Italie et Brico Land.
c) Approvisionnements
31. En ce qui concerne les approvisionnements, compte tenu des positions combinées des parties à la concentration sur les marchés de la distribution en Italie (environ [Moins de 10 %] de la vente au détail de biens de consommation courante et d'environ [Moins de 10 %] du secteur de la vente au détail de produits de bricolage) rien n'indique que l'opération soulève des problèmes de concurrence.
32. Compte tenu de ce qui précède, l'opération de concentration notifiée ne devrait pas être de nature à créer ou renforcer une position dominante dans le Marché commun ou une partie substantielle de celui-ci.
V. RESTRICTIONS ACCESSOIRES
33. Les parties demandent que soient considérées comme restrictions accessoires : - l'article 9 premier alinéa de leur premier accord du 6 mai 1997 [Cette clause exprime la retraite des parties des marchés assignés aux entreprises communes] - l'article 16 de leur deuxième accord du 6 Mai 1997 [Cette clause exprime la retraite des parties des marchés assignés aux entreprises communes]. - les dispositions des articles 12, 13, 14, 15 du premier accord ainsi que les articles 9 et 10 du deuxième accord qui organisent les droits de préemption entre les parties.
34. En conformité avec le point A du chapitre V de Communication de la Commission relative aux restrictions accessoires aux opérations de concentration les clauses précitées peuvent être reconnues comme parties intégrantes de la concentration dans la mesure où elles expriment la réalité du retrait durable des fondateurs des marchés assignés aux entreprises communes et protègent l'intérêt légitime des entreprises fondatrices dans les entreprises communes.
VI. CONCLUSION
35. Pour les motifs exposés ci-avant, la Commission a décidé de ne pas s'opposer à l'opération notifiée et de la déclarer compatible avec le Marché commun et avec le fonctionnement de l'accord EEE. La présente décision est adoptée en application de l'article 6 paragraphe 1 point b du règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil.