CCE, 10 mars 1998, n° M.1086
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Promodes/S21/Gruppo Gs
LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,
1. Le 26.01.1998, la Commission a reçu une notification, conformément à l'article 4 du règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil (le règlement ci-après), d'un projet d'opération par lequel l'entreprise Promodès et la société holding Schemaventuno (S21 ci-après) acquièrent le contrôle conjoint de l'entreprise Gruppo GS (GS ci-après), entreprise contrôlée jusqu'à présent par S21, et qui, par ailleurs, reprendra les activités de POS Italia, entreprise qui regroupe l'ensemble des droits et participations de Promodès en Italie.
2. Le 16.02.1998, l'Italie, en application de l'article 9 du règlement, a demandé le renvoi du cas notifié à ses propres autorités compétentes, pour ce qui concerne certains marchés distincts de la distribution de détail de biens de consommation courante, situés à l'intérieur de cet Etat membre, en vue d'un examen au regard des dispositions nationales en matière de contrôle des concentrations. Cette demande de renvoi concerne sur un plan géographique les provinces de Turin, de Vercelli et d'Aoste.
3. Conformément à l'article 9 paragraphe 3 point b du règlement, la Commission a décidé, à la même date que celle de la présente décision, d'accéder à la demande de renvoi du cas formulée par les autorités italiennes. En conséquence, dans la présente décision, l'appréciation des effets de l'opération notifiée, au niveau aval de la distribution, ne porte pas sur les trois provinces mentionnées ci-dessus.
4. Pour ce qui concerne les parties de la concentration qui ne font pas l'objet de la décision rendue en vertu de l'article 9, la Commission, après examen de la notification, a abouti à la conclusion que l'opération notifiée entre dans le champ d'application du règlement et ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun et avec l'Accord de l'EEE.
LES PARTIES
5. Promodès est une société holding française détenant un groupe d'entreprises de distribution de produits alimentaires et non alimentaires, de gros et de détail, à l'intention des particuliers et des professionnels. La plus grande partie des activités du groupe porte sur la vente au détail des biens de consommation courante en grandes et moyennes surfaces (hypermarchés et supermarchés), magasins de proximité en libre service et magasins de discompte.
6. S21 est une société holding de droit luxembourgeois qui est commune au groupe Edizione Holding, appartenant à la famille Benetton (Italie) , et à la holding La Leonardo Finanziaria, appartenant au groupe Del Vecchio (Italie). S21, contrôlée conjointement par ces deux derniers holdings, détient plus de 99 % de l'entreprise GS qui est active en Italie dans la distribution au détail des biens de consommation courante. GS exploite des hypermarchés Euromercato, des supermarchés GS, et des magasins de proximité SuperSconto.
L'OPERATION
7. Promodès est actif en Italie par le biais de l'entreprise Gruppo G et de participations dans des sociétés exploitant des magasins en franchise et en location gérance. Il exploite des hypermarchés Continente, des supermarchés Mega Fresco, et des magasins de proximité Di per Di et Mocchi. Il est également actif sur le marché de la distribution aux professionnels (magasins Docks Market). Pour les besoins de la présente opération, Promodès a établi l'entreprise POS Italia qui représente l'ensemble des droits et participations que ce groupe détient par le biais de Gruppo G. L'opération consiste d'abord pour Promodès à apporter à GS l'ensemble de ses activités regroupés au sein de POS Italia, et, en contrepartie, à recevoir, via Gruppo G, des actions représentant 36 % du capital de GS. Comme décrit plus bas, cette participation conférera au groupe Promodès le contrôle en commun de GS avec S21 ("Première Phase"). Dans un second temps, après le 01.10.2000 et avant le 31.10.2001, Promodès pourra exercer une option d'achat lui permettant d'acquérir des actions supplémentaires et de détenir, via Gruppo G, une participation identique à celle détenue par S21.
8. En cas d'exercice par Promodès de son option d'achat, deux autres phases sont prévues, 2 ans puis 5 ans après, aux termes desquelles Promodès pourra acquérir au moins 25 % du capital de GS puis, enfin, le solde détenu par S21. Promodès acquerra le contrôle exclusif sur GS seulement à partir du moment où la participation de S21 sera d'un niveau inférieur à 25 %. Cette situation éventuelle de futur contrôle unique ne fait pas l'objet de la présente décision.
UNE ENTREPRISE COMMUNE DE NATURE CONCENTRATIVE
a) Contrôle conjoint
9. L'acquisition par Promodès de 36 % du capital de GS, alors que S21 conserve environ 60 %, donnera le droit à sa filiale Gruppo G de nommer 3 administrateurs sur 10 (7 administrateurs seront désignés par S21). L'adoption du "business plan", toute modification apportée à ce dernier, l'adoption du budget annuel et tout changement important de celui-ci, toute autre décision stratégique telle que des investissements supérieurs à un certain montant, nécessiteront le vote favorable de 8 administrateurs au moins. En outre, si le Conseil d'Administration décidait à la majorité simple de déférer certaines questions stratégiques à l'assemblée des actionnaires, celle-ci ne pourra prendre de résolutions que sur la base d'une majorité qualifiée de 76 %. Sur la base des éléments ci-dessus, il est conclu que GS sera contrôlée conjointement par S21 et Promodès.
b) Absence de coordination du comportement concurrentiel entre les entreprises détenant le contrôle conjoint
10. L'établissement du contrôle conjoint de GS n'est pas susceptible d'entraîner de coordination du comportement concurrentiel des entreprises fondatrices, à savoir Promodès et, par le biais de S21, les groupes Del Vecchio et Benetton. En dehors de leurs participations dans GS, ces deux derniers groupes ne sont pas présents sur le marché de la distribution de détail en Italie. En conséquence, l'opération constitue une concentration au sens de l'article 3 paragraphe 1 lettre b du règlement du Conseil n° 4064-89.
UNE CONCENTRATION DE DIMENSION COMMUNAUTAIRE
11. Le chiffre d'affaires combiné et total réalisé sur le plan mondial par Promodès, le groupe Edizione Holding (famille Benetton) , et la holding La Leonardo Finanziaria (Del Vecchio) représente un montant supérieur à 5 milliards d'Ecus (au moins 15 900 millions d'Ecus pour Promodès seulement). Le chiffre d'affaires total réalisé individuellement dans la Communauté par au moins deux entreprises concernées représente un montant supérieur à 250 millions d'Ecus ([secret d'affaires] pour Promodès et [secret d'affaires] pour Edizione Holding). Les deux entreprises concernées ne réalisent pas plus des deux tiers de leurs chiffres d'affaires communautaires dans un seul et même Etat membre. En conséquence, l'opération revêt une dimension communautaire au sens de l'article 1 du règlement du Conseil n° 4064-89 mais elle ne constitue pas un cas de coopération au sens de l'Accord EEE.
LES MARCHÉS DE PRODUITS ET LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES CONCERNÉS
Le marché de produits en cause
12. Promodès et GS sont tous deux principalement actifs dans le commerce de détail en libre service à dominante alimentaire. Ce secteur représente au moins 90 % de leurs activités en Italie. Les entreprises concernées y sont présentes à travers l'exploitation de magasins en libre-service de différents formats, hypermarchés, supermarchés et supérettes de proximité. Promodès exerce également en Italie des activités de distribution aux professionnels; toutefois GS n'est pas présent dans ces activités.
13. Comme la Commission a déjà eu l'occasion de l'indiquer (voir notamment l'affaire n° IV-M.946 - Intermarché/Spar et l'affaire n° IV-M.991 - Promodès/Casino), il existe une interdépendance entre la distribution et l'approvisionnement en produits de consommation courante. Les volumes d'achat des détaillants étant liés à leurs parts de marché, leur position en aval joue un rôle déterminant dans leur position par rapport aux producteurs. Corollairement, la puissance d'achat est un critère de référence dans la négociation des conditions d'achat qui sont accordées aux distributeurs par leurs fournisseurs. Ces conditions d'achat constituent elles-mêmes un facteur de détermination des prix de revente au consommateur et exercent par conséquent une influence notable dans le jeu de la concurrence entre les distributeurs.
14. En conséquence, pour apprécier les effets de l'opération, il convient de prendre en compte en aval la vente au détail des biens de consommation courante (au niveau des relations entre distributeurs et consommateurs finals) et en amont l'approvisionnement en ces produits par les distributeurs (au niveau des relations entre distributeurs et fournisseurs).
a) La vente au détail des biens de consommation courante par libre service
15. La Commission a déjà eu l'occasion de considérer qu'il existe un marché distinct qui correspond à la distribution au détail de produits alimentaires et d'articles non alimentaires de consommation courante, visant à la satisfaction des besoins récurrents des ménages. Les produits alimentaires faisant partie du panier de biens de consommation courante représentent une partie importante des produits offerts et achetés.
16. Dans de précédentes décisions, la Commission a également constaté l'existence de différentes catégories de commerce de détail alimentaire et non alimentaire, qui se distinguent notamment selon le mode d'exercice du point de vente (en libre-service ou par l'intermédiaire d'un vendeur), la diversité des familles de produits offerts, l'ampleur des assortiments et la taille des surfaces de vente. On peut également ajouter des différences portant sur le prix de revente des produits offerts ainsi que sur la nature des services associés proposés. Une distinction peut être ainsi effectuée entre les commerces spécialisés, les petites surfaces de proximité (petits libres-services et supérettes), les moyennes et les grandes surfaces, et les points de vente pratiquant le discompte.Cependant, de l'avis des parties notifiantes, les différents segments du commerce ne constituent pas des marchés distincts et le marché en cause serait le marché global de la distribution de détail.
17. La Commission considère que d'une manière générale, des éléments vont dans le sens d'une première distinction, en termes de marché de produits pertinent, entre les commerces spécialisés (telles que les boulangeries, les boucheries, les drogueries) et les magasins, généralement de taille supérieure, caractérisés par l'offre d'une gamme de produits plus étendue constituée de produits frais, de produits d'épicerie sèche et d'articles ménagers non alimentaires, par la fourniture, selon les catégories de points de vente, de services annexes, et presque toujours par des achats en libre-service, même si pour certains rayons (boucherie par exemple), une partie des achats peut s'effectuer à l'aide de vendeurs. Ces magasins à dominante alimentaire sont constitués d'hypermarchés, de supermarchés, de libres-services de taille plus réduite, ainsi que de points de vente de maxi-discompte. L'ensemble de ces magasins est connue généralement en Italie sous l'appellation "distribution moderne" ou bien "distribution au détail en libre-service".
18. En tout état de cause, la question de savoir si les catégories de commerce composant la distribution moderne constituent un même marché en Italie ou des marchés distincts peut être laissée ouverte dans la mesure où l'opération, pour la partie non renvoyée aux autorités italiennes, ne soulève pas de doutes sérieux quelle que soit la délimitation retenue.
b) L'approvisionnement en biens de consommation courante
19. S'agissant des approvisionnements en biens de consommation courante, s'il peut arriver que certains groupes de distribution produisent eux-mêmes certains produits qu'ils commercialisent au sein de leurs réseaux, ce phénomène reste limité par rapport aux approvisionnements qu'effectuent les distributeurs auprès des producteurs. Ces derniers vendent leurs biens de consommation courante à une clientèle de grossistes, de détaillants et d'autres entreprises, et sont généralement spécialisés dans des produits ou des groupes de produits particuliers.
20. Dans sa décision Promodès/Casino (Affaire n° IV-M.991-décision du 30.10.1997), la Commission a considéré, d'une part, qu'il convenait d'apprécier la puissance d'achat des parties à la concentration sur les biens de consommation courante pris dans leur ensemble, et d'autre part, qu'il n'y avait lieu de distinguer entre les différentes catégories de commerce en libre-service concernées. Enfin, dans la mesure où les fournisseurs peuvent disposer d'autres canaux de distribution [ainsi les commerces non alimentaires généralistes ou spécialisés, le petit commerce spécialisé] que les formes de commerce concernées par l'opération, notamment en produits non alimentaires, la question pourrait être soulevée de savoir s'il convient d'englober ces autres canaux du côté de la demande ou au contraire de les distinguer. Cependant au cas présent cette question peut rester ouverte car même en retenant la configuration la plus étroite concernant la demande, c'est-à-dire seulement le commerce à dominante alimentaire en libre service, l'opération, au niveau des approvisionnements, ne soulève pas de doutes sérieux.
Le marché géographique de référence
a) La vente au détail des biens de consommation courante par libre service
21. En l'espèce, le marché géographique de la vente au détail se définit comme le lieu où se rencontrent l'offre constituée par les points de vente des distributeurs et la demande constituée par les consommateurs, ces derniers ne pouvant étendre trop largement leur zone d'approvisionnement pour des raisons de commodité et de praticabilité. Comme la Commission l'a indiqué dans sa décision Promodès/BRMC (affaire n° IV-M.242-décision du 13.07.92), du point de vue du consommateur, le choix d'un point de vente est en fonction de l'approvisionnement qu'il recherche, et la mise en concurrence entre distributeurs se limitera aux points de vente de proximité en cas d'achats de petites quantités ou de dépannage. Elle s'exercera dans un rayon plus grand pour les achats en grandes quantités.
22. En règle générale, les zones de chalandise sont délimitées géographiquement par un rayon ne dépassant guère 10 à 30 minutes de transport en voiture, sachant que ce rayon variera en fonction de divers critères tels que la taille du point de vente (dont dépendent la variété des assortiments et des produits), les infrastructures commerciales qui lui sont associées, les voies de communication et la qualité de leur desserte. La taille des ménages, leur temps disponible, leurs capacités de déplacement influent également sur la dimension de la zone de chalandise. Il ressort de ces considérations que le lieu de confrontation de l'offre et de la demande, quelle que soit la forme de commerce de détail, apparaît géographiquement étroite et qu'elle se limite généralement à une agglomération, ou à une partie d'agglomération, à une ville, voire dans certains cas à un quartier. Dans les zones rurales, le territoire sera certainement plus vaste, et dépendra de la densité de la population, des caractéristiques topographiques et des contraintes de transport. En tout état de cause, les marchés géographiques de référence concernant les petites surfaces de proximité, les magasins de discompte et les grandes et moyennes surfaces présente un caractère local et leur délimitation ne peut s'effectuer qu'au cas par cas.
23. Par ailleurs, ainsi que la Commission l'a indiqué dans certaines décisions antérieures [notamment dans les affaires n° IV-M.242-Promodès/BRMC, n° IV-M.179-Spar/Dansk Supermarket, n° IV-M.991-Promodès/Casino et n° IV-M.1085-Promodes/Catteau], plusieurs zones locales du seul point de vue de la demande peuvent se recouper et le phénomène d'interpénétration entre plusieurs zones de chalandise peut produire des effets sur l'homogénéité des conditions de concurrence, notamment en milieu urbain compte tenu de la densité d'implantation des points de vente et de la densité de l'habitat. Il s'ensuit qu'en certains lieux du territoire italien, les zones à prendre en compte pour une analyse concurrentielle devraient regrouper plusieurs zones locales présentant un caractère interséquent. La délimitation de ces zones ne peut s'effectuer qu'au cas par cas en fonction d'un examen concret des situations spécifiques locales. En tout état de cause, sur la base des informations dont dispose la Commission, cette dernière considère qu'en Italie, compte tenu de la répartition de la population sur le territoire et de la répartition des points de vente, les zones, telles que définies ci-dessus, ne peuvent dépasser généralement la taille d'une province, ou la taille d'agglomérations urbaines, qu'elles soient ou non à cheval sur plusieurs provinces.
b) L'approvisionnement en biens de consommation courante
24. D'une manière générale, les politiques d'approvisionnement des distributeurs peuvent consister en des relations commerciales locales, régionales, nationales ou internationales. Les producteurs peuvent être de petites et moyennes entreprises implantées localement, des fournisseurs de dimension nationale ou des entreprises de taille européenne, voire mondiale. Cependant, dans ce dernier cas, il s'avère que ces entreprises ont généralement des filiales installées en Italie qui gèrent les négociations commerciales avec les distributeurs et s'occupent des ventes, sinon de la production dont tout ou partie peut s'effectuer en Italie.
25. Il conviendrait de distinguer selon l'étendue géographique de l'activité des fournisseurs, l'achat de produits frais périssables possédant souvent une dimension locale ou régionale, alors que l'achat d'autres produits a lieu généralement auprès de producteurs ou de fournisseurs nationaux. Par ailleurs, le regroupement de centrales d'achat ou de référencement au sein d'alliances internationales tend à susciter une demande susceptible de s'exprimer à une échelle plus large que le territoire national, notamment auprès des fabricants de produits dits "Eurobrands".
26. Cependant, l'existence de différences importantes d'un Etat membre à l'autre, notamment dans la composition et l'emballage des produits, les habitudes ou le goût des consommateurs, constituent encore un frein à l'émergence d'un marché de dimension communautaire. Les prix, les volumes ou la nature de la plupart des produits font encore l'objet de négociations à un niveau national. L'organisation des ventes de nombreux producteurs internationaux se fait également sur un plan national. En outre, pour cette même raison, il n'apparaît pas nécessaire à la Commission d'effectuer une analyse à un niveau local. Même s'agissant des produits frais périssables, soit les centrales d'achat des groupes de la distribution au détail négocient avec des regroupements nationaux représentant les fournisseurs locaux ou régionaux, soit, lorsque les relations entre l'offre et la demande peuvent se faire localement ou en fonction de spécificités locales, ces relations concernent généralement seulement une part limitée des produits. Par ailleurs, en Italie, une tendance marquée va dans le sens de regroupements ou d'alliances des entreprises de distribution à dominante alimentaire, au sein de centrales, en vue de négocier, référencer et/ou acheter une partie importante des produits auprès des fournisseurs de produits de marque.
27. Pour l'ensemble de ces raisons, la Commission considère que les effets d'un rapprochement entre Promodès et GS, au niveau amont de la distribution de détail, à savoir les approvisionnements, peut s'effectuer pour l'Italie, dans le contexte actuel du marché, dans le cadre national. En tout état de cause, une appréciation des effets de l'opération dans un cadre géographique plus étroit, sur un plan régional tel que par exemple l'Italie du Nord-Ouest où les parties sont bien implantées, ne remettrait pas en cause l'avis de la Commission selon laquelle l'opération ne soulève pas en la matière de doutes sérieux.
ANALYSE DES EFFETS DE L'OPÉRATION
Appréciation au niveau aval
28. Le domaine du commerce de détail, en Italie est assez difficile à cerner, compte tenu de l'absence de statistiques complètes ou de recensements exhaustifs et en raison de la multitude de petits commerces dont le nombre et la variation constante de ce nombre rendent malaisée l'établissement d'un panorama très précis du marché.
29. Cependant, un certain nombre d'études existent, qui, si on les lie avec les informations communiquées par les parties, d'une part, et avec les résultats de l'enquête de la Commission, d'autre part, permettent de disposer d'une image fiable du domaine en cause et notamment du secteur de la distribution à dominante alimentaire en libre-service. En Italie, les caractéristiques principales de ce domaine sont les suivantes:
- un nombre important de points de ventes qui diminue progressivement : la tendance est à la réduction importante et continue des points de vente, au moins dans le commerce traditionnel.
- un chiffre d'affaires significatif qu'il est possible d'évaluer avec une certaine précision: en conjuguant diverses informations, il est possible, toute précaution gardée, d'estimer la consommation des ménages à environ 450 000 milliards de Lires en 1996 (soit environ 230 milliards d'Ecus), dont plus de 100 000 milliards de Lires (soit plus de 51 milliards d'Ecus) dans le domaine de la distribution à dominante alimentaire en libre-service.
- le développement de la grande distribution en libre-service: si le nombre des magasins traditionnels tend à diminuer progressivement, les catégories de commerce comme les hypermarchés (surface supérieure à 2 500 m2) et les supermarchés (surface supérieure à 400 m2) ne cessent pas d'augmenter en nombre et en surface de vente.
- la tendance au regroupement des entreprises: si la structure du commerce de détail reste encore très atomisée et hétérogène, le secteur connaît néanmoins une mutation profonde, notamment dans le commerce alimentaire, qui se traduit par le regroupement des entreprises et la refonte des groupes ou des alliances existants. Ce phénomène prend plusieurs voies : le développement des magasins franchisés permet d'incorporer à des groupes de petites et moyennes entreprises; ainsi, les réseaux combinés de Promodès et de Gruppo GS comprennent plus de [secret d'affaires] % de magasins franchisés. En outre, de nombreuses entreprises s'affilient à des centrales d'achat afin de peser davantage dans les négociations avec les fournisseurs. Par ailleurs, l'Italie a connu ces dernières années un nombre important d'opérations de rapprochement (rachats, fusions, entreprises communes).
30. Les activités de Promodès transférées à GS et les activités de ce dernier se recoupent dans le secteur de la distribution au détail en libre-service. Les réseaux combinés des magasins intégrés et franchisés de la nouvelle entité comprendront [secret d'affaires : entre 500 et 1000] points de vente en Italie dont, selon la distinction particulière faite par les parties, [secret d'affaires : entre 10 et 50] hypermarchés (3 500 m2 ou plus), [secret d'affaires : entre 100 et 200]supermarchés (surface entre 800 et 3 500 m2) et [secret d'affaires : entre 250 et 750] magasins de taille plus réduite, inférieure à 800 m2. Le volume d'affaires de l'ensemble de ces points de vente serait de [secret d'affaires] de Lires (soit [secret d'affaires] d'Ecus) dont environ [secret d'affaires] de Lires pour les magasins de GS et un peu moins de [secret d'affaires] de Lires pour les magasins de Promodès-Gruppo G.
31. Il ressort des informations de la Commission et des résultats de son enquête que l'opération notifiée n'est pas susceptible de soulever des doutes sérieux sur un plan national. Quelle que soit la configuration du marché retenue (commerce de détail au sens large, distribution à dominante alimentaire, hypermarchés, supermarchés, petits libres-services de proximité), et même sur la base des chiffres les moins favorables aux parties, la part combinée des entreprises reste toujours inférieure à 15 %. La seule exception concerne le secteur des hypermarchés sur la base des ventes (en nombre d'hypermarchés, la part de marché reste inférieure à 15 %), toutefois les parties détiendraient une part de ce secteur inférieure à 25 %.
32. C'est dans le nord-ouest de l'Italie, dans les Régions de Lombardie et de Piémont que l'opération produit essentiellement des effets. Dans cette partie de l'Italie, GS exploite la moitié de ses points de vente (et réalise près de [secret d'affaires] % de ses ventes) et Promodès exploite [secret d'affaires] % de ses magasins (et réalise [secret d'affaires]% de ses ventes). Cependant GS est davantage présent en Lombardie tandis que Promodès est actif essentiellement en Piémont. La Commission a examiné les effets de l'opération au niveau de chacune des provinces de la Lombardie , et en particulier au niveau de la région de Milan qui comprend une conurbation de plusieurs millions d'habitants. La concentration n'est pas susceptible de soulever des doutes sérieux compte tenu de la répartition des points de vente de l'une et de l'autre partie à l'opération, de la faible addition de parts de marché lorsque les activités se recoupent dans une province et de la présence de réseaux concurrents. La Commission a également apprécié les effets de l'opération dans chacune des provinces du Piémont autres que celles de Turin et de Vercelli et en a tiré la conclusion que l'opération ne soulève pas de doutes sérieux. Elle a abouti à la même conclusion pour ce qui concerne toutes les autres provinces italiennes à l'exception de la province d'Aosta.
Appréciation au niveau amont
33. Ainsi que la Commission l'a considéré dans sa récente décision relative à l'affaire Promodès/Casino (n° IV-M.991-décision du 30.10.1997), en vue d'apprécier la position des distributeurs au niveau de l'approvisionnement et dans leurs rapports avec les fournisseurs, la part de marché de ces distributeurs au niveau du détail et dans un cadre national est un élément à prendre en considération.
34. Il convient également de prendre en compte l'existence de grandes centrales d'achat et/ou de référencement. En effet, en Italie, le secteur amont des approvisionnements se caractérise par l'existence de centrales, centrales d'achat et/ou de référencement, qui sont chargées pour le compte de leurs membres de négocier auprès des fournisseurs les conditions d'achat, de référencer les produits, de regrouper les commandes, de rationaliser les approvisionnements des membres, éventuellement de procéder aux achats à un niveau national ou régional. Les fonctions et l'organisation de ces centrales dépendent de la politique de chaque groupe de distributeurs. Si chaque grand groupe de distributeurs dispose d'une ou plusieurs centrales d'achat et/ou de référencement, d'autres groupes de taille moins importante ou des indépendants s'affilient à ces centrales afin de compter davantage dans les négociations avec les fournisseurs et/ou de faire jouer les synergies en terme de logistique. La conséquence pratique est qu'en Italie les fournisseurs ont pour interlocuteurs des clients qui ont souvent un poids plus important au niveau des achats qu'au niveau du détail.
35. Sur cette base, il apparaît que les effets d'un rapprochement entre Promodès et GS ne seront pas significatifs. Les entreprises concernées par l'opération, détiendront ensemble au niveau national moins de 15 % de la distribution de détail à dominante alimentaire.
36. Si on retient le fait qu'au niveau des achats, les centrales d'achats/référencement des groupes peuvent avoir des partenaires, et qu'en conséquence ces centrales ont un poids plus important que la part de marché des distributeurs au niveau du détail le laisse supposer, les informations en possession de la Commission donnent la situation suivante: Gruppo G (Promodès) participait jusqu'à présent à la centrale d'achat Intermedia qui associe d'autres groupes tels que Lombardini, PAM, Unes, etc. Suite au projet d'opération faisant l'objet de la présente décision, Gruppo G a mis un terme à son affiliation à Intermedia. De son côté, GS est affilié à la centrale Supercentrale à laquelle participent deux autres groupes de distribution Standa et Il Gigante. L'éventualité d'une sortie de GS de la centrale Supercentrale n'est pas à exclure. Selon les parties notifiantes, l'organisation de l'approvisionnement au sein de la nouvelle entreprise commune et les modalités des négociations de celle-ci avec les fournisseurs ne sont pas encore définies et, pour le moment Gruppo G (Promodès) ne participe pas aux négociations au sein de Supercentrale. A supposer que GS aussi (comme Gruppo G pour Intermedia) mette un terme à son affiliation à Supercentrale, cette situation ne peut qu'être neutre du point de vue de la concurrence. A supposer par contre qu'il faille retenir ensemble le poids de Gruppo G (Promodès) et le poids de Supercentrale à laquelle GS appartient encore, il apparaît que cet ensemble représentera l'une des premières entités d'achats/référencement en Italie. Cependant, le pouvoir de marché des parties vis-à-vis des fournisseurs sera inférieur à celui détenu par un groupement tel que Coop Italia ou d'un degré équivalent ou légèrement supérieur à des groupements comme Euromadis, CMS (Mdo, Sisa, C3), Sirio. En outre, il existe encore à côté des deux groupes concernés et des groupements mentionnés d'autres organisations d'achat et de revente qui constituent à la fois des concurrents significatifs des parties à la concentration et des clients importants des fournisseurs. En conséquence, s'il est évident que la constitution de la filiale commune va accroître, sur un plan national, la puissance d'achat combinée de GS et de Gruppo G (Promodès), le degré atteint par cette dernière n'est pas tel qu'il soulève des doutes sérieux quant à un risque de domination de marché.
RESTRICTIONS ACCESSOIRES
a) Clause de protection avant la contribution effective
37. Les parties demandent que la Commission considère comme restrictions accessoires leur engagement respectif à gérer leur activités objet de la présente opération "selon le cours normal des affaires" pendant la période qui précède la mise en commun effective de ces activités. Dans la mesure où cette clause est restrictive de concurrence elle est accessoire à la présente opération.
b) Clauses de non-concurrence
38. Les parties ont conclu plusieurs clauses visant soit à établir que les parties n'ont pas d'accord avec des tiers leur donnant le droit d'acquérir d'activités concurrents à celle objet de la présente opération soit à garantir que les parties ne négocient pas avec des tiers des accords similaires à ceux objet de la présente opération ou qu'elles n'acquièrent elles-mêmes d'activités concurrentes à celles objet de la présente opération. L'ensemble de ces clauses est considéré comme accessoire à la présente opération dans la mesure où ces clauses servent à garantir le transfert de la valeur complète des actifs cédés.
CONCLUSION
39. Sur la base des éléments qui précèdent, il peut être conclu que l'opération notifiée n'est pas susceptible de conduire à la création ou au renforcement d'une position dominante dans les marchés, autres que ceux qui font l'objet de la décision de renvoi prise en vertu de l'article 9 du règlement.
40. Pour l'ensemble des raisons exposées ci-dessus, la Commission décide, s'agissant de toutes les activités concernées par l'opération en cause, à l'exception des activités des parties en matière de distribution de détail de biens de consommation courante dans les provinces de Turin, de Vercelli et d'Aoste, de ne pas s'opposer à l'opération notifiée et de la déclarer compatible avec le Marché commun. Cette décision est rendue sur la base de l'article 6, paragraphe 1, point b du règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil.