Livv
Décisions

CCE, 6 février 1998, n° M.1087

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Promodes/Simago

CCE n° M.1087

6 février 1998

1. Le 8 janvier 1998, la Commission a reçu une notification, au titre de l'article 4 du règlement du Conseil (CEE) n° 4064-89, d'un projet de concentration aux termes duquel l'entreprise Promodes, SA ("Promodes") acquerra le contrôle de la société Simago SA ("Simago") par achat d'actions.

2. Après examen de la notification, la Commission est arrivée à la conclusion que l'opération notifiée relève du règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil, et ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun et avec l'accord EEE.

I. LES ACTIVITÉS DES PARTIES ET L'OPERATION NOTIFIÉE

3. Promodes est une société holding détenant, en France et à l'étranger, le contrôle de sociétés de distribution de produits alimentaires et non-alimentaires, commerce de gros ou de détail, ainsi que d'entreprises dont l'objet est connexe. Promodes exploite l'ensemble des différents formats de magasins de vente au détail : les hypermarchés, les supermarchés, les magasins de proximité et les magasins maxi-discompte. Promodes est également présent dans la distribution aux professionnels et aux collectivités.

4. Promodes est présent essentiellement en France, Espagne, Portugal, Italie, Grèce et Belgique. En Espagne elle contrôle la société Centros Comerciales Continente SA qui exploite les hypermarchés Continente et la société Distribuidora Internacional SA qui exploite les magasins maxi-discompte DIA. Le groupe exploite également des magasins de distribution aux professionnels en Espagne à travers son enseigne Puntocash.

5. Simago, une société espagnole, filiale 100 % de la société de droit néerlandais Mulgrave Corporation BV, est active dans le secteur de la distribution au détail de produits alimentaires et non-alimentaires en Espagne, à travers des hypermarchés et des supermarchés, sous l'enseigne Simago, ainsi que par des magasins sous l'enseigne Superdescuento.

6. L'opération consiste en l'acquisition par Centros Comerciales Continente, SA, société espagnole 100 % filiale de Promodes, de l'intégralité des actions de Simago.

II. DIMENSION COMMUNAUTAIRE

7. Promodes et Simago réalisent un chiffre d'affaires total sur le plan mondial de plus de 5 000 millions d'Ecus (Promodes : 15 945 millions d'Ecus et Simago 397 millions d'Ecus). Chacune d'entre elles réalise un chiffre d'affaires dans la Communauté de plus de 250 millions d'Ecus mais aucune d'entre elles ne réalise plus des deux tiers de son chiffre d'affaires dans un seul et même Etat membre. L'opération a donc une dimension communautaire au sens de l'article 1 du règlement du Conseil n° 4064-89, mais elle ne constitue pas un cas de coopération au sens de l'Accord EEE, en vertu de son article 57.

III. COMPATIBILITE AVEC LE MARCHE COMMUN

A. Marchés de produits en cause

a) Vente au détail de biens de consommation courante

8. Le secteur où les activités des deux parties à l'opération notifiée se recoupent est celui de la distribution de détail de produits de consommation courante à dominante alimentaire en libre service.

9. Les parties notifiantes considèrent comme marché en cause le marché de la distribution de détail des produits alimentaires et non alimentaires de grande consommation visant à la satisfaction des besoins récurrents des ménages offerts par les hypermarchés, les supermarchés, les petites surfaces de proximité, le maxi-discompte et les commerces spécialisés. De l'avis de la partie notifiante, tous ces segments du commerce de détail sont largement substituables entre eux et le consommateur a la possibilité de s'adresser à n'importe quel circuit de distribution.

10. La Commission a considéré traditionnellement [Affaires: M.848 - Ahold/CSD, M.839- Promodes/Garosci et M.558 - La Rinascente/Cadis] que le commerce de détail des produits à dominante alimentaire est composé de plusieurs segments selon le format des magasins (hypermarchés, supermarchés, libre-services de proximité, commerces spécialisés et maxi discompte).

11. Dans la présente affaire toutefois, la question de savoir si ces catégories de commerce mentionnées ci-dessus constituent un même marché de produits ou des marchés distincts peut être laissée ouverte dans la mesure où l'opération ne soulève pas de doutes sérieux quelle que soit la délimitation retenue.

b) Approvisionnements

12. Pour ce qui concerne les biens de consommation courante alimentaires et non alimentaires, les producteurs offrent leurs produits à une clientèle de grossistes, de détaillants et d'autres entreprises. Chaque produit ou groupe de produits constitue à lui seul un marché distinct puisque, du point de vue de la demande, sa substituabilité à d'autres produits ou groupes de produits est inexistante ou imparfaite. Toutefois pour apprécier l'impact de l'opération sur ces marchés, étant donné la structure de la demande largement homogène et l'interdépendance entre la distribution et l'approvisionnement en produits de consommation courante, [Affaires: M.946-Intermarché/Spar et M.991 Promodes/Casino] il suffit d'apprécier les effets de l'opération de concentration sur la puissance d'achat dans l'ensemble des marchés en amont.

B. Marché géographique de référence

13. Le marché géographique de la distribution de détail par les points de vente considérés est local, comme la Commission l'a reconnu dans plusieurs autres décisions. Ce marché géographique local peut être délimité comme la zone que la population locale peut atteindre normalement en fonction de ses besoins, de ses capacités de déplacement et du temps disponible. Le recoupement de ces zones, dépendant de la densité des points de ventes et de la population ainsi que des voies de communication, contribue à homogénéiser les conditions de concurrence dans l'ensemble des zones recoupées. Cela conduit la plupart des grands groupes de distribution présents sur le territoire d'un Etat à être en concurrence dans les grandes aires urbaines avec différents formats de magasins.

14. Pour ce qui concerne les approvisionnements, les fournisseurs selon l'étendue de leurs opérations peuvent avoir un caractère européen, national, régional ou local.

15. La Commission a pu constater que, pour chacune des entreprises concernées, la grande majorité de leurs premiers fournisseurs, sont des sociétés de dimension au moins nationale ou vendent de produits de marques de renommée au moins nationale.

C. Appréciation

a) Secteur de la vente au détail de biens de consommation courante

1) Aperçu général de la situation en Espagne :

Les segments du secteur

16. Selon la classification traditionnellement utilisée par Nielsen, "l'univers" des établissements de commerce de détail à dominante alimentaire en Espagne pour l'année 1996, se présente ainsi : (i) les magasins traditionnels, qui bien que de loin les plus nombreux représentent toutefois seulement 12 % des ventes du total de cet univers; (ii) les libres-services d'une surface inférieure à 399 m2 ("libres-services de proximité"), dont les ventes représentent 30 %; (iii) les "supermarchés" dont les ventes représentent une part de 26 %, avec des surfaces comprises entre 400 m2 et 2 499 m2; et (iv) Les "hypermarchés", d'une surface supérieure à 2 500 m2 et pouvant atteindre 25 000 m2, dont les ventes représentent 33 % du total.

17. Par ailleurs, de nouvelles formes de ventes se sont développées en Espagne comme le maxi discompte ou "hard discount". Ce type de magasins fait généralement partie de chaînes appartenant à des groupes. Leur offre des produits et le choix entre les marques sont beaucoup plus limités que dans les supermarchés. Les produits sont présentés dans un conditionnement très simple, avec une grande présence de produits sans marque ou sous les propres marques du distributeur. Les services complémentaires sont presque inexistants. Les prix pratiqués par les magasins maxi discompte sont sensiblement inférieurs à ceux pratiqués dans d'autres magasins. Les magasins maxi discompte ne constituent pas un segment très homogène en Espagne, selon la surface on distingue ceux d'environ 200m2 (cas des magasins DIA de Promodes) des points de vente de grande taille. Une partie de la clientèle des magasins de discompte de grande taille est constituée non seulement des ménages mais aussi des petits professionnels de la restauration qui normalement s'approvisionnent dans les libres-services dits cash and carry."

18. Après le premier développement de l'enseigne DIA dans les années 1980, d'autres entreprises spécialisées ont commencé à opérer après 1993 comme Lidl, Consumo/Charter (groupe Eroski), Tenguelman/Plus, M.Alimentacion/Zero, Rewe/Peny Market, G.Serrano (allié au groupe Mercadona). Il n'existe pas de barrières à l'entrée de nouveaux concurrents dans ce segment ni à l'expansion des entreprises déjà présentes dans le secteur de la vente au détail de produits de grande consommation. En outre une plus forte implantation des chaînes déjà présentes ainsi que l'arrivée de nouvelles chaînes sont prévisibles. Groupement des petites et moyennes entreprises de distribution.

19. Une autre caractéristique importante du secteur en Espagne est le rôle joué par les "centrales d'achat" dans lesquelles sont associés de nombreux petits et moyens distributeurs. Les achats des deux plus importantes "centrales d'achats" Euromadi et IFA sont nettement supérieurs à ceux des plus importants groupes alimentaires du secteur de la distribution au détail. En outre le régime de la franchise, qui connaît un très grand succès, permet d'incorporer dans la sphère des groupes, des petites ou des moyennes entreprises. Par ailleurs, des entreprises se regroupent aussi dans les "centres commerciaux" (shopping centers). La stratégie concurrentielle des entreprises

20. La stratégie des grands groupes est fondée sur une présence dans la plupart des principaux segments du secteur de la distribution en libre-service sur l'ensemble du territoire espagnol. Ils renforcent leur présence par le double moyen de la création d'établissements nouveaux et par l'achat d'entreprises déjà établies. Ainsi, l'expansion de Erosky a été très forte dans tous les principaux segments, et, par exemple le nombre d'hypermarchés détenus par ce groupe est passé de 24 en 1992 à 40 en 1996. Cette politique d'expansion a été également suivie par Auchan avec l'acquisition de Pão d'Azucar et Sabeco. Dans le segment des supermarchés l'expansion a été notamment forte pour Mercadona, Caprabo, enaco/ahorramas et Condal Aliment. On observe aussi un fort positionnement des grands groupes de distribution européens sur le marché espagnol tout particulièrement dans le segment des hypermarchés.

2) L'impact de l'opération

21. Les parties à la concentration sont toutes deux présentes en Espagne, dans la distribution de détail en libre-service de produits de consommation à dominante alimentaire. En particulier, elles sont simultanément présentes dans la conurbation de Madrid qui représente une population d'environ 4 millions d'habitants.

Position des principales entreprises en Espagne

22. Sur le total des ventes au détail de produits alimentaires et non alimentaires (hors tabac, carburant, pharmacie et services), tous formats de magasins confondus, en Espagne, les ventes du groupe Promodes représentent [supprimé pour publication : moins de 5 %] pour 1996. Les ventes de Simago représentent une part de [supprimé pour publication : moins de 5 %]. La part des principaux groupes concurrents dans les ventes totales se situe pour chacun d'entre eux entre [supprimé pour publication : entre 1 et 5 %]; il s'agit de Pryca (Carrefour); du groupe Eroski; du groupe Auchan (Alcampo et d'autres); de Mercadona; et de Hipercor (du groupe Corte Ingles).

23. En Espagne, pour ce qui concerne la distribution en libre-service à dominante alimentaire (principalement composée des établissements "libre-services de proximité", "supermarchés" et "hypermarchés"), Promodes a une part de [supprimé pour publication : entre 10 et 15 %]; ses cinq premiers concurrents détiennent chacun une part se situant entre 4 % et 10 % environ (Alcampo du groupe Auchan, Erosky, Hipercor du groupe Corte Ingles, Mercadona, et Pryca du groupe Carrefour); cinq autres distributeurs ont chacun entre 1,2% et 2% environ du marché (Caprabo, Enaco/Ahorramas, Makro du groupe Holding BV, Pays-Bas, Unigro du groupe Unigro, Pays-Bas), parmi lesquels Simago avec [supprimé pour publication : moins de 5 %].

24. Pour ce qui concerne le segment le plus important du marché en chiffre d'affaires, à savoir le segment des hypermarchés, les ventes de Promodes représentent [supprimé pour publication : entre 20 et 30 %] du secteur en Espagne tandis que les ventes de Simago représentent [supprimé pour publication : moins de 5 %]. Les ventes des deux principaux concurrents, Pryca et Alcampo, représentent respectivement plus de 25 % et plus de 15 %. S'agissant du segment des magasins ayant une surface comprise entre 400 m2 et 2 500 m2 (supermarchés), où Promodes n'est pas présente, la nouvelle entité se situera au 5ème ou au 6ème rang détenu par Simago tant pour le nombre des points de vente que pour le chiffre d'affaires.

L'impact de l'opération à Madrid.

25. C'est à Madrid et dans sa province que l'effet du recoupement des activités de Promodes et de Simago est le plus significatif. Les deux entreprises regrouperont 6 hypermarchés (dont 2 deux de taille modeste appartenant à Simago), 17 supermarchés (tous à l'enseigne Simago), 281 magasins à l'enseigne DIA (d'une surface moyenne de moins de 200 m2) et 51 magasins "Superdescuento" de Simago (d'une surface moyenne de 285 m2).

26. Le secteur du commerce du détail en libre-service dans la zone de Madrid est assez difficile à cerner dans la mesure où les statistiques ou les recensements laissent généralement de côté les petits libres-services, bien que ces derniers puissent exercer une concurrence active dans le commerce de proximité, et où les chiffres d'affaires relatifs à chaque segment de marché ne sont pas connus avec certitude. Il ressort des investigations de la Commission que sur près de 1 000 magasins recensés, les parties détiendront [supprimé pour publication : entre 20 et 25 %] des surfaces de vente et occuperont ensemble la première place. Il s'agit d'un ordre de grandeur maximum compte tenu du fait que de nombreux petits libres-services échappent aux statistiques. D'autres informations, fondées sur des études ne prenant en compte que certains produits, donnent une part d'environ [supprimé pour publication : entre 20 et 30 %.] des ventes de produits alimentaires et de produits ménagers. En tout état de cause, l'enquête de la Commission a montré qu'il existe dans la ville de Madrid, dans son agglomération ou dans la province, un nombre très important de magasins concurrents dont une partie significative est exploitée par des groupes bien implantés en Espagne.

27. Promodes et Simago sont présentes dans la catégorie de points de vente, hypermarchés (moins de [supprimé pour publication : entre 10 et 20 %]). Simago est la seul entreprise partie à l'opération présente dans la catégorie de supermarchés (moins de [supprimé pour publication : entre 10 et 20 %]).

28. Promodes est le premier groupe distributeur, en Espagne comme à Madrid ou dans la province madrilène, dans le segment du maxi discompte. Promodes, par ses magasins DIA, a été longtemps pratiquement le seul à exploiter cette forme de magasins, mais les trois ou quatre dernières années se sont traduites par l'arrivée progressive de concurrents européens davantage spécialisés dans cette catégorie, ainsi que par le développement continu du nombre de maxi discomptes. Selon certaines études, il s'agit d'un segment qui devrait connaître en Espagne une croissance importante. La question peut se poser de savoir si les magasins "Superdescuento" de Simago entrent dans la catégorie des maxi discomptes, auquel cas l'opération envisagée aurait un effet substantiel dans la zone géographique considérée pour cette catégorie de magasins. Après examen de la situation concrète, la Commission est parvenue à la conclusion qu'en réalité les 51 magasins "Superdescuento" doivent être davantage assimilés, selon les points de vente, soit à des supermarchés classiques, soit à des supérettes de proximité traditionnelles, en raison de leurs caractéristiques propres et en dépit de leur nom d'enseigne attractif : le nombre relativement important de références, le conditionnement plus sophistiqué, l'offre importante de denrées périssables, la présence significative des marques de producteurs, le niveau des prix, constituent autant d'éléments parmi d'autres qui conduisent à différencier les magasins "Superdescuento" des maxi discomptes ordinaires. Pour ces raisons, la Commission considère qu'en termes de concurrence, les magasins "Superdescuento" peuvent être placés dans le segment des supermarchés ou des supérettes selon leur taille. Par ailleurs, Simago a entamé une nouvelle politique à l'égard de la plupart des magasins "Superdescuento" visant à leur conférer un nom, une image et des caractéristiques plus proches encore de ceux des supermarchés classiques de petite taille.

29. Sur ces bases, il apparaît que l'opération n'est pas susceptible de soulever des doutes sérieux, qu'il s'agisse du secteur du commerce du détail en libre-service en général ou de chaque segment pris séparément, dans la province ou dans la ville de Madrid.

b) Approvisionnements

30. Sur la base d'études qui portent sur les produits alimentaires et les produits de droguerie vendus par les libres-services, la part combinée des parties à la concentration reste inférieure à [supprimé pour publication : entre 10 et 15 %] (environ [supprimé pour publication : entre 10 et 15 %] pour Promodes et de [supprimé pour publication : moins de 5 %] pour Simago), l'addition restant marginale par ailleurs. Les producteurs ont également pour interlocuteurs des groupes de distributeurs concurrents ou des centrales d'achat regroupant diverses chaînes, qui ont un pouvoir de marché d'un niveau comparable, voire supérieure à la nouvelle entité.

31. En conséquence, il n'existe pas d'éléments indiquant que l'opération est susceptible de créer ou de renforcer une position dominante dans les marchés des approvisionnements.

IV. CONCLUSION

32. Pour les motifs exposés ci-avant, la Commission a décidé de ne pas s'opposer à l'opération notifiée et la déclarer compatible avec le Marché commun et l'accord EEE. La présente décision est adoptée en application de l'article 6, paragraphe 1, point b du règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil.