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Décisions

Cass. crim., 18 mars 2003, n° 02-83.015

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Avocat général :

M. Chemithe

Avocats :

SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Me Bouthors.

T. corr. Paris, du 22 sept. 1998

22 septembre 1998

LA COUR: - Statuant sur les pourvois formés par X Klaus, Y Jacques, Z Patrick, La société O, venant aux droits de la société S, civilement responsable, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles, 9e chambre, en date du 27 mars 2002, qui, dans la procédure suivie contre les trois premiers pour publicité indirecte en faveur du tabac, a, sur renvoi après cassation, prononcé sur les intérêts civils; - Joignant les pourvois en raison de la connexité; - Vu les mémoires produits en demande et en défense;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, que, courant 1993, des vêtements masculins de marque TS ont été commercialisés par la société M France, créée en avril 1993 et immatriculée au registre du commerce et des sociétés en mai suivant, et autorisée par la société A, filiale du groupe S et titulaire de la marque T, à utiliser celle-ci; que les vêtements ont fait l'objet d'une campagne publicitaire dans la presse écrite; qu'à l'issue d'une information judiciaire ouverte sur la plainte avec constitution de partie civile du Comité national contre le tabagisme, Klaus X et Jacques Y, dirigeants de la société S France qui conseille la société H, chargée de la commercialisation des cigarettes de marque T en France, d'une part, et Patrick Z directeur du marketing en France de la société A, d'autre part, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel pour publicité indirecte en faveur du tabac; qu'ils ont été condamnés par les premiers juges pour complicité de ce délit;

En cet état; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 385 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale;

" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté les exceptions soulevées par trois prévenus (Jacques Y, Klaus X et Patrick Z, demandeurs) et tendant à la nullité de la procédure suivie contre eux du chef de complicité de publicité indirecte en faveur du tabac;

" aux motifs que les prévenus avaient opposé pour la première fois devant la juridiction de renvoi la violation de l'article 385, alinéa 2, du Code de procédure pénale que la Cour de Paris avait soulevée d'office en retenant qu'aucune pièce de la procédure ne justifiait de la saisine du juge d'instruction par le Ministère public; qu'ils soutenaient qu'une telle nullité, qui relevait de l'ordre public procédural, déterminait les conditions d'existence de l'action publique et imposait le renvoi de la procédure au Ministère public pour lui permettre de saisir le juge d'instruction; que cependant il résultait des termes de l'article 385 du Code de procédure pénale qu'une telle nullité devait être soulevée avant toute défense au fond; que les prévenus, qui la présentaient pour la première fois devant la juridiction de renvoi, devaient être déclarés irrecevables en leur exception;

" alors que, ainsi qu'elle y était invitée, la cour d'appel se devait de constater, au besoin d'office, que le défaut de renvoi préalable du dossier au Ministère public afin qu'il saisisse à nouveau le juge d'instruction constituait une irrégularité si grave que devait être considérée comme inexistante l'ordonnance de renvoi rendue le 15 janvier 1998 sans que cette formalité substantielle eût été respectée et que, par suite, la procédure subséquente était nulle, le tribunal correctionnel n'ayant pu être valablement saisi par un acte de procédure inexistant ";

Attendu que, pour déclarer irrecevable l'exception de nullité de l'ordonnance de renvoi présentée par les prévenus et prise de la méconnaissance des dispositions de l'article 385, alinéa 2, du Code de procédure pénale, la cour d'appel énonce que l'exception n'a pas été soulevée avant toute défense au fond;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait une exacte application de l'article 385, dernier alinéa, dudit Code, a justifié sa décision; d'où il suit que le moyen doit être écarté;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 28, 30, 49 et 234 du traité de Rome, L. 3511-3, L. 3511-4 et L. 3512-2 du Code de la santé publique, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale;

" en ce que l'arrêt attaqué a décidé que les dispositions de la loi du 10 janvier 1991 n'étaient pas contraires au droit communautaire et a en conséquence non seulement déclaré trois prévenus (Patrick Z, Klaus X et Jacques Y, demandeurs) coupables de complicité de publicité indirecte en faveur du tabac mais, en outre, les a condamnés à des dommages-intérêts envers la partie civile, tout en déclarant la société O (également demanderesse), anciennement dénommée S France, civilement responsable de Klaus X et Jacques Y;

" aux motifs que, comme le relevaient la partie civile et le Ministère public, les dispositions de la loi Evin relatives à la publicité indirecte en faveur du tabac s'appliquaient aussi bien aux produits nationaux qu'à ceux qui provenaient d'autres Etats membres et ne constituaient donc pas une mesure d'effet équivalent au sens de l'article 28 du traité instituant la Communauté européenne; qu'en outre, ces restrictions étaient justifiées par le souci légitime de l'Etat français de protéger la santé publique au sens de l'article 30 (ancien article 36) du traité et pouvaient être considérées comme justifiées et proportionnées à cet objectif, dès lors que, d'une part, il était démontré par les statistiques produites depuis 1991 (date d'entrée en vigueur de la loi Evin) que la consommation de tabac en France n'avait cessé de décroître tandis qu'elle avait augmenté régulièrement jusqu'à cette date, et que, d'autre part, plusieurs études avaient attesté de l'impact du budget publicitaire d'une marque de tabac sur la consommation des jeunes; que dès lors la législation française était compatible avec le droit communautaire; qu'il y avait donc lieu de rejeter la demandes des prévenus de voir poser une question préjudicielle à la CJCE sur le fondement de l'article 234 (ancien 177) du traité de Rome;

" alors que, d'une part, même quand elle s'applique indistinctement aux produits nationaux et à ceux importés, une législation restrictive de publicité ou de promotion des ventes d'un produit constitue une entrave aux échanges intra-communautaires dès lors qu'elle est de nature à empêcher l'accès au marché national des articles en provenance d'autres Etats membres ou à gêner cet accès plus qu 'elle ne lèse celui des produits nationaux; que, dès lors, n'a pas justifié légalement sa décision la cour d'appel qui, bien qu'elle y eût été formellement invitée, n'a pas recherché si l'interdiction d'effectuer en Fronce de la publicité rappelant indirectement la marque de tabac T, en vue de promouvoir la vente de vêtements de marque TS licitement commercialisés dans les autres Etats membres, risquait d'empêcher l'accès au marché national des produits originaires d'autres Etats membres ou de le gêner plus qu'elle n'entravait celui des produits nationaux, peu important que les dispositions de la loi française relatives aux publicités de ce type eussent été applicables aussi bien aux produits nationaux qu'à ceux importés;

" alors que, en outre, n'a pas davantage justifié légalement sa décision la cour d'appel qui s'est bornée à relever que l'interdiction édictée par la loi française d'effectuer de la publicité indirecte en faveur du tabac s'appliquait aussi bien aux produits nationaux qu'à ceux en provenance d'autres Etats membres, dès lors que, même si la législation incriminée s'appliquait indistinctement aux produits nationaux et à ceux importés, à partir du moment où, comme en l'espèce, le message publicitaire affectait le contenu même du produit puisqu'il y était incorporé, son interdiction en France pouvait être de nature à compromettre le libre accès au marché français du produit concerné, notamment en contraignant l'importateur à aménager de façon différente la présentation des mêmes articles en fonction du lieu de leur commercialisation et à modifier le contenu du message publicitaire les concernant, et constituer ainsi une entrave prohibée aux échanges intra- communautaires;

" alors que, d'autre part, la licéité d'une entrave au libre échange intra-communautaire suppose que l'interdiction ou la restriction à l'importation soit justifiée par la protection d'un intérêt impérieux reconnu par le droit communautaire et proportionné à celui-ci; que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait considérer que, parce que la consommation de tabac avait diminué en France depuis l'entrée en vigueur de la loi interdisant la publicité indirecte du tabac, une telle prohibition aurait été justifiée et proportionnée au souci du législateur de protéger la santé publique, sans caractériser précisément la relation causale qu'il y aurait eu entre l'interdiction d'effectuer de la publicité en faveur des marques de diversification de produits autres que le tabac et le niveau de consommation des produits du tabac;

" alors que, de surcroît, pour vérifier que la législation restrictive frauduleuse était ou non proportionnée au souci de protéger la santé publique, la cour d'appel se devait de rechercher si cet objectif ne pouvait être assuré par la mise en œuvre d'autres règles qu'une interdiction générale et absolue, tout aussi adéquates et moins contraignantes pour le commerce intra-communautaire;

" alors que, subsidiairement, en application de l'article 234 du traité de Rome, il y a lieu de poser à la Cour de justice des Communautés européennes la question préjudicielle de savoir si sont compatibles avec les principes du droit communautaire prohibant toute entrave à la liberté de circulation des produits et des services entre Etats membres, l'interdiction absolue d'effectuer de la publicité sous une marque de diversification rappelant une marque de tabac, en faveur d'un produit autre que le tabac légalement importé et commercialisé dans les autres Etats membres de la communauté, et la contrainte qui en résulte pour le fabricant et l'importateur de présenter et commercialiser le même produit en France sous une marque différente, ainsi que de savoir si une prohibition aussi drastique se justifie parle fait que la publicité qu'elle condamne est susceptible de présenter un danger pour la santé publique en induisant les consommateurs en erreur et en les incitant à consommer du tabac plutôt qu'à acheter les articles objet de la publicité";

Attendu que, pour écarter l'exception d'incompatibilité de la loi française prohibant la publicité directe et indirecte en faveur du tabac, désormais codifiée aux articles L. 3511-1 et suivants du Code de la santé publique, avec les articles 30, 36, 56 et 59, devenus 28, 30, 46 et 49, du traité instituant la Communauté européenne, et refuser de poser une question préjudicielle à la Cour de justice des Communautés européennes, les juges du second degré retiennent que les dispositions critiquées, qui s'appliquent aussi bien aux produits nationaux qu'à ceux qui proviennent d'autres Etats membres, sont justifiées par la protection de la santé au sens des articles 30 et 46 et proportionnées à cet objectif comme le démontre la diminution de la consommation depuis leur entrée en vigueur;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il se déduit que l'objectif de protection de la santé publique poursuivi par la législation interne ne peut, eu égard à l'impact, sur la consommation nationale de tabac, de la publicité ou propagande visée à l'article L. 3511-4, être atteint par des mesures moins contraignantes, et dès lors que les dispositions nationales n'instituent pas de discrimination arbitraire ou de restriction déguisée, la cour d'appel a justifié sa décision au regard des articles précités du traité; d'où il suit que le moyen doit être écarté;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 7 et 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, 1er du protocole additionnel n° 1 à cette convention, 111-2, 111-3 et 111-4 du Code pénal, L. 3511-3, L. 3511-4 et L. 3512-2 du Code de la santé publique, 591 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, défaut de motifs et manque de base légale;

" en ce que l'arrêt attaqué a décidé que les dispositions de la loi du 10 janvier 1991 interdisant la publicité indirecte en faveur du tabac n'étaient pas contraires à la Convention européenne de Sauvegarde et a en conséquence non seulement déclaré trois prévenus (Patrick Z, Klaus X et Jacques Y, demandeurs) coupables de complicité de publicité indirecte en faveur du tabac mais, en outre, les a condamnés à des dommages-intérêts envers la partie civile, tout en déclarant la société O (également demanderesse), anciennement dénommée S France, civilement responsable de Klaus X et Jacques Y;

" aux motifs qu'il résultait de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'Homme relatif à la liberté d'expression et de l'article 1er du protocole n° 1 additionnel à cette convention relatif au droit de propriété, que l'exercice des droits et libertés visés pouvait faire l'objet de restrictions prévues par la loi et nécessaires dans une société démocratique, si elles étaient proportionnées à l'intérêt public les justifiant; qu'en l'espèce, ainsi que cela avait été rappelé, le souci de l'Etat français de protéger la santé publique, qui constituait un intérêt général légitime, justifiait les restrictions apportées à la liberté d'expression et au droit de propriété des marques, ces restrictions étant par ailleurs proportionnées à l'objectif poursuivi; qu'en outre la rédaction de l'article L. 3511-4 du Code de la santé publique, qui définissait en son alinéa I la notion de publicité indirecte en faveur du tabac et disposait en son alinéa 2 que l'interdiction de cette publicité n'était pas applicable " à la propagande ou à la publicité en faveur d'un produit autre que le tabac ou un produit du tabac qui a(vait) été mis sur le marché avant le 1er janvier 1990 par une entreprise juridiquement et financièrement distincte de toute entreprise qui fabriqu(ait), import(ait) ou commercialis(ait) du tabac ou un produit du tabac " était suffisamment claire et précise pour permettre aux prévenus de connaître les exigences requises par la loi pour déroger à l'interdiction de toute publicité indirecte en faveur du tabac et prévoir les conséquences des comportements qu'ils avaient adoptés; qu'il convenait dès lors de considérer que les articles L. 3511-3 et suivants du Code de la santé publique ne constituaient pas une violation des droits de garantis par la Convention européenne des droits de l'Homme;

" alors que, d'une part, le principe de légalité des délits et des peines impose au droit positif de définir la norme d'une manière claire et précise; que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait se borner à faire état des termes de la loi sans vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, que le droit positif ne définissait pas clairement les règles de conduite à adopter, puisque l'interprétation extensive qu'avait donnée de la loi la Cour de cassation en jugeant que ne bénéficiaient pas de la dérogation légale autorisant une entreprise à faire de la publicité en faveur d'un produit autre que le tabac celles qui, sans constituer juridiquement et financièrement une entité avec les entreprises fabriquant, important ou commercialisant du tabac, s'y rattachaient par un lien juridique ou financier indirect ou occasionnel comme un contrat de licence, contredisait non seulement la position qu'elle avait prise dans son rapport annuel de 1996 aux termes duquel elle avait admis qu'interdire à un licencié de promouvoir les produits qu'il fabriquait en toute licéité sous une marque se rattachant à l'industrie du tabac constituait tant une atteinte au droit des entreprises tabacoles de diversifier leur marque qu'une entrave considérable à la liberté du commerce, mais, en outre, la solution du Conseil constitutionnel qui, tout en considérant que le droit de propriété des marques n'avait pas été affecté par la loi, n'avait pas remis en cause la licéité de la publicité indirecte par les entreprises désireuses de conserver la valeur patrimoniale de leurs marques en vue de promouvoir des produits autres que le tabac;

" alors que, en outre, la loi pénale est d'interprétation stricte; que méconnaît ce principe la cour d'appel qui, après avoir constaté (v. arrêt attaqué, p. 15) que la dérogation légale était interprétée en ce sens qu'elle se trouvait exclue pour les produits commercialisés par des entreprises qui, sans constituer juridiquement et financièrement une entité avec celles fabriquant, important ou commercialisant du tabac, s'y rattachaient par un lien seulement indirect ou occasionnel, ne déduit pas les conséquences légales de ses constatations d'où il résultait que l'interprétation ainsi donnée à la loi française revenait à n'appliquer la dérogation qu'aux seuls cas fortuits d'une homonymie, ce qui était contraire au principe d'interprétation stricte de la loi pénale qui imposait de lire cette exception comme n'étant pas subordonnée à l'existence d'un rapport purement accidentel;

" alors que, d'autre part, les restrictions apportées tant à la liberté d'expression qu'au droit de propriété doivent répondre à un besoin spécial impérieux et être proportionnées à celui-ci; qu'ainsi ne justifie pas légalement sa décision la cour d'appel qui, tout en reconnaissant qu'interdire à une entreprise de faire de la publicité pour une marque rappelant le tabac en vue de promouvoir la vente d'articles complètement étrangers à ce produit constituait une atteinte à la liberté d'expression comme au droit de propriété, affirme qu'une telle atteinte serait non seulement justifiée par le souci de protéger la santé publique mais, en outre, proportionnée à l'objectif poursuivi, sans constater que la publicité en cause aurait favorisé une augmentation de la consommation de tabac et bien qu'il fût manifestement excessif par rapport au souci de protéger le consommateur, de priver une entreprise de diversification d'une marque tabacole ayant une valeur patrimoniale reconnue de tout droit d'exploiter celle-ci en effectuant de la publicité pour promouvoir la vente de produits totalement étrangers au tabac, au seul prétexte que le contrat de licence de la marque de vêtements TS dont elle était titulaire lui conférait un lien indirect et lointain avec une entreprise qui à l'origine fabriquait du tabac ";

Attendu que, pour écarter l'exception soulevée par les prévenus et prise de la contrariété entre les articles L. 3511-3, L. 3511-4, L. 3512-2 du Code de la santé publique et les articles 7 et 10 de la Convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et 1er du protocole additionnel, la cour d'appel énonce que les dispositions claires et précises de la loi nationale sont une mesure nécessaire à la protection de la santé qui constitue un intérêt général légitime; que les juges, se référant à l'impact de la publicité sur la consommation de tabac, ajoutent que les restrictions ainsi apportées à la liberté d'expression et au droit de propriété des marques sont proportionnées à l'objectif poursuivi;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision au regard des dispositions conventionnelles précitées; d'où il suit que le moyen ne peut être admis;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 3511-3, L. 3511-4 et L. 3512-2 du Code de la santé publique, 121-3 et 121-7 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale;

" en ce que l'arrêt attaqué a non seulement déclaré trois prévenus (Patrick Z, Klaus X et Jacques Y, demandeurs) coupables de complicité de publicité indirecte en faveur du tabac mais, en outre, les a condamnés à des dommages-intérêts envers la partie civile, tout en déclarant la société O (également demanderesse), anciennement dénommée S France, civilement responsable de Klaus X et Jacques Y;

" aux motifs que la publicité en cause rappelait un produit du tabac et constituait donc une publicité indirecte en faveur du tabac; que la loi prévoyait une dérogation à l'interdiction d'effectuer une publicité indirecte en disposant que la prohibition n'était pas applicable à la propagande ou à la publicité en faveur d'un produit autre que le tabac mis sur le marché avant le 1er janvier 1990 par une entreprise juridiquement ou financièrement distincte de toute entreprise qui fabriquait, importait ou commercialisait du tabac ou un produit du tabac et que la création de tout lien juridique ou financier entre ces entreprises rendait caduque cette dérogation; qu'il en résultait que l'exception était exclue pour les produits commercialisés par des entreprises qui, sans constituer juridiquement et financièrement une entité avec celle qui fabriquait, commercialisait ou importait du tabac ou un produit dérivé du tabac, se rattachaient à cette dernière par un lien juridique ou financier, fût-il indirect ou occasionnel; qu'en l'espèce, il était établi que la marque T appartenait à la société A qui était une filiale du groupe N, société holding du groupe S qui fabriquait et commercialisait des cigarettes et que l'exploitation de cette marque par la société M France, filiale de la société F, résultait de la conclusion d'un contrat de licence de marque entre cette dernière et la société A, à partir d'octobre 1992, autorisant la commercialisation de ces produits en France; que le lien né d'un contrat de licence de marque, quelle que fût sa date de création, était de nature à faire obstacle à l'application de la dérogation prévue par la loi; que la campagne de publicité pour les vêtements TS constituait donc une publicité indirecte en faveur du tabac illicite, compte tenu des liens unissant l'entreprise exploitante des vêtements et celle commercialisant les cigarettes de la même marque;

" alors que l'existence d'un contrat de licence de marque conclu exclusivement entre l'entreprise commercialisant des articles totalement étrangers au tabac (en l'espèce des vêtements) et celle uniquement propriétaire des marques de diversification des produits du tabac ne pouvait constituer le lien juridique ou financier avec une entreprise tabacole exigé par la loi pour faire échec à la dérogation légale autorisant les entreprises non liées juridiquement ou financièrement avec celles fabriquant ou commercialisant du tabac à effectuer de la publicité indirecte pour promouvoir un produit étranger au tabac, de sorte que l'élément matériel du délit principal n'était pas établi;

" alors que, en outre, la cour d'appel s'est bornée à vérifier que, selon elle, l'élément matériel du délit principal de publicité indirecte en faveur du tabac aurait été constitué, sans caractériser l'élément moral de lin fraction imputable à l'auteur principal et sans répondre au chef péremptoire des conclusions des demandeurs faisant valoir que cet élément constitutif n'était pas établi dès lors que, seule l'intention coupable de l'annonceur étant à prendre en considération, celle-ci n'existait pas chez les licenciés puisque leur unique objectif était de promouvoir les vêtements de la marque TS qu'ils fabriquaient et commercialisaient, non des cigarettes";

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-6 et 121-7 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale;

" en ce que l'arrêt attaqué a non seulement déclaré trois prévenus (Patrick Z, Klaus X et Jacques Y, demandeurs) coupables de complicité de publicité indirecte en faveur du tabac mais, en outre, les a condamnés à des dommages-intérêts envers la partie civile, tout en déclarant la société O (également demanderesse), anciennement dénommée S France, civilement responsable de Klaus X et Jacques Y;

" aux motifs que trois documents avaient été découverts lors de la perquisition opérée le 2 février 1995 dans les bureaux de Jacques Y, de la responsable de la comptabilité de la SA S France et de l'assistante de Patrick Z; que le premier dénommé A stratégic plan 1993/1997, expédié par A Belgique à Patrick Z avec copie à Jacques Y, indiquait qu'il avait été revu avec Klaus X qui était d'accord avec la ligne générale et les stratégies clés, demandait au destinataire de l'examiner, de faire savoir s'il lui posait problème ou s'il avait des commentaires à faire, et de le distribuer; que ce document donnait pour mission à A d'identifier, développer et prendre en charge les programmes de diversification de marques; que le deuxième document intitulé plan stratégique 1992/1996 S France exprimait la nécessité de mettre en place un changement progressif pour passer des outils de communication utilisés actuellement à des activités de licence logo pour assurer la continuité en matière de communication en mentionnant que N semblait mieux préparé à faire face aux nouvelles restrictions légales et qu'une approche créative des questions légales ainsi qu'un équilibre entre les risques légaux et les bénéfices espérés devaient être recherchés; que le troisième document dénommé France 1992/1996 stratégie de communication commandait d'arrêter les campagnes de cigarettes pour se concentrer sur les activités de licences logo montres C, chaussures C, vêtements T et mentionnait de façon manuscrite que la communication était toujours possible mais serait de plus en plus complexe; qu'il résultait de l'étude de ces documents que la stratégie de diversification du groupe S en Europe dans différents produits, notamment les vêtements T S, avait été conçue et élaborée par la société A - dont le représentant en France était Patrick Z, en étroite collaboration avec les dirigeants de la société S France, Klaus X et Jacques Y; que ces derniers avaient été informés et avaient approuvé et intégré dans leur propre stratégie de communication les politiques commerciales destinées à exploiter au mieux les activités de logo rappelant les cigarettes; qu'il en ressortait que les prévenus avaient été amenés à donner leur opinion sur les plans litigieux et avaient par là même participé à leur élaboration ainsi qu'à leur rédaction, ceux-ci ayant été exécutés par les annonceurs commercialisant les vêtements et qui étaient les auteurs principaux du délit; que la participation à l'élaboration et à l'organisation de ces plans par des prétendues campagnes de diversification était constitutive du détournement de l'interdiction posée par la loi Evin; qu'un tel comportement caractérisait l'élément matériel de la complicité; que l'élément moral résultait de ce que l'objectif des prévenus consistait à maintenir, malgré l'interdiction, la publicité en faveur de la marque de tabac T par le biais de l'utilisation de nouveaux outils de communication; la publicité indirecte en faveur des vêtements T; que les éléments de la complicité de publicité indirecte en faveur du tabac étaient donc réunis;

" alors que la complicité par collaboration suppose que soient caractérisés des actes positifs d'aide ou d'assistance utiles à la réalisation de lin fraction principale; que ne justifie pas légalement sa décision la cour d'appel qui, pour déclarer les demandeurs complices pour avoir collaboré à la réalisation du délit de publicité indirecte en faveur du tabac, se borne à relever que Patrick Z était représentant en France de la société ayant élaboré la stratégie de diversification des marques de tabac, dont la marque T, et que Klaus X et Jacques Y, informés de cette stratégie, l'avaient approuvée et intégrée dans leur propre tactique de communication et avaient été amenés à donner leur opinion sur les plans qui l'avaient définie, ne caractérisant de la sorte aucun acte positif établissant une quelconque collaboration matérielle ou intellectuelle à la confection de la campagne publicitaire incriminée;

" alors que, en outre, la cour d'appel a statué par voie de simple affirmation lorsque, après avoir constaté que les plans stratégiques avaient concerné les campagnes publicitaires à élaborer en faveur des seules activités de diversification, en particulier les vêtements TS, elle a déclaré que l'élément moral de l'infraction aurait consisté dans le fait que, par le biais de l'utilisation de nouveaux outils de communication, les prévenus auraient eu en réalité pour objectif de maintenir la promotion de la marque de tabac T ";

Les moyens étant réunis; - Attendu que, pour dire les éléments matériels et moral constitutifs de la complicité de publicité illicite en faveur du tabac réunis à l'encontre des trois prévenus, la cour d'appel retient que la campagne publicitaire en faveur des vêtements TS, qui rappelle, par la calligraphie de la marque T, un produit du tabac, constitue l'élément matériel du délit de publicité indirecte en faveur du tabac commis par les annonceurs; que les juges énoncent que le lien né du contrat de licence de marque passé entre les sociétés M et A fait obstacle à l'application de la dérogation prévue par l'article L. 355-26, alinéa 2, devenu L. 3511-4, alinéa 2, du Code de la santé publique; qu'enfin, ils retiennent que les prévenus ont participé à l'élaboration, à l'organisation et au financement d'une campagne publicitaire d'envergure, destinée à maintenir la publicité en faveur de la marque T en dépit de l'interdiction posée par la loi;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve contradictoirement établis et répondant aux chefs péremptoires des conclusions des prévenus, la cour d'appel, qui a constaté l'existence d'un fait principal punissable et a fait l'exacte application de l'article L. 3511-4, alinéa 2, du Code de la santé publique, a justifié sa décision; - d'où il suit que les moyens doivent être écartés;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;

Rejette les pourvois.