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Décisions

CA Rouen, ch. corr., 4 mars 2002, n° 01-00826

ROUEN

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Catenoix

Conseillers :

Mme Gay Julien, M. Massu

Avocat :

Me Mouhou.

TGI Rouen, du 11 avr. 2001

11 avril 2001

RAPPEL DE LA PROCEDURE

PRÉVENTION

Salah B a été à la requête du Ministère Public cité directement par exploit délivré le 1er février 2001 à sa personne devant le Tribunal correctionnel de Rouen à l'audience du 11 avril 2001.

Il était prévenu:

- d'avoir à Rouen, courant janvier, février 1999 et le 18 mai 1999, en tout cas depuis temps non prescrit, effectué une publicité comportant des indications, allégations ou présentations fausses de nature à induire en erreur en apposant à l'entrée de son magasin une affichette comportant l'indication 4 900 F Pentium, en mettant à la disposition de la clientèle un tarif avec la mention Pentium, en diffusant dans un journal gratuit d'annonces des publicités comportant la dénomination " Pentium ", alors qu'en fait les microprocesseurs qu'il vendait réellement étaient moins performants, jouissaient d'une moindre notoriété et n'étaient parfois pas conçus par le même fabricant.

Faits prévus par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 alinéa 1 du Code de la consommation et réprimés par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation.

JUGEMENT

Le tribunal par jugement contradictoire du 11 avril 2001 a adopté le dispositif suivant :

Déclare Salah B coupable des faits qui lui sont reprochés ;

Condamne Salah B:

- à une amende délictuelle de 40 000 F, soit 6 000 euros;

Ordonne la publication par extraits dans le journal " 76 " et " Paris-Normandie " édition de Rouen du dit jugement aux frais du condamné, sans que le coût respectif des insertions n'excède 8 000 F et 15 000 F.

APPELS

Par déclarations au greffe du tribunal en date du 12 avril 2001 le prévenu et le Ministère Public, à titre incident, ont interjeté appel de cette décision.

DÉCISION

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi.

En la forme

Au vu des énonciations qui précèdent et des pièces de la procédure les appels interjetés par le prévenu et le Ministère Public dans les formes et délais des articles 498 et suivants du Code de procédure pénale sont réguliers ; ils sont donc recevables.

Salah B a été cité devant la cour par exploit du 27 septembre 2001 remis à domicile dont il a signé l'accusé de réception le 28 septembre 2001. Il est présent et assisté à l'audience. L'arrêt sera donc rendu contradictoirement à son égard.

Au fond

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler qu'il est reproché à Salah B d'avoir à Rouen, en janvier, février et mai 1999 effectué, par voie d'affichettes à la disposition de la clientèle dans son magasin ou d'encarts publicitaires dans des journaux d'annonces gratuites, une publicité comportant des indications ou présentations fausses de nature à induire en erreur le consommateur et portant sur du matériel informatique vendu dans le magasin " X " dont il était le responsable

Le 18 mai 1999, les services de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes constataient dans le magasin X, situé <adresse>à Rouen:

- sur un mur, à proximité de la porte d'entrée, la présence d'une affichette comportant notamment les indications suivantes : " 4 990 F Pentium K6 300 3D ", ces indications étant suivies de l'énumération des caractéristiques techniques de l'ordinateur (disque dur, carte-mère, carte vidéo, carte son, lecteur CD, clavier, souris, Haut-Parleur, écran)

- à l'intérieur du magasin la présence en nombre d'un document tenu à la disposition des clients, et comportant un tarif, non daté, des produits commercialisés, avec la description de 5 ordinateurs offerts à la vente : Pentium 333A Céléron Intel, K6 AMD 400 3D AMD, Internet Pentium K6 333, Pentium P 300 MX et Pentium K 6 333 3D.

Un journal gratuit d'annonces " Le 76 " avait publié les 5, 12, 19, 26 janvier et 2 février 1999 des publicités du magasin X, proposant la vente de matériels neufs et d'occasion. A la rubrique " neuf " étaient proposés les ordinateurs :

- " Pentium 333 A Intel 40 X complet 15 "

- " Pentium II 333 A Intel 40 X complet 15 "

Dans son rapport, la DGCCRF indiquait notamment :

- que les processeurs Pentium disponibles en plusieurs versions (300 - 333 - 350 - 400 et 450 mégahertz) et Céléron également disponibles en plusieurs versions (266 - 300 - 300A - 333 - 333A - 400A et 433 mégahertz) étaient fabriqués par Intel et que les premiers destinés à équiper des machines professionnelles, à la différence des seconds destinés à l'informatique de loisirs, possédaient des performances de haut niveau ; ainsi, le Pentium II 400 possède une mémoire cachée de 512 kilo octets permettant d'excellentes performances alors que la mémoire cachée du Céléron 400 A est seulement de 128 kilo octets.

- que le processeur 333 A n'était pas un Pentium.

- que l'ordinateur référencé Internet Pentium était en réalité fabriqué par AMD et non Intel et d'une qualité le plaçant entre le Pentium et le Céléron.

- que les appareils référencés sous les références P 300 MX et K6 333 3D étaient en réalité des processeurs fabriqués par Cyrix IBM et non Intel de performance et de prix inférieurs au Pentium.

- que le processeur référencé chez le fabricant Intel sous le n° 333 A était un Céléron et non un Pentium.

- que seul le Céléron portait la référence 333 A et non pas le Pentium II qui ne pouvait que porter la référence 333.

L'examen des factures démontrait que le prévenu sur la période du 01-01-99 au 18-05-99 avait acheté 35 processeurs Cyrix IBM, 20 processeurs AMD, 3 Célérons et un Pentium et qu'il avait vendu 2 Célérons, 1 Pentium, 7 Cyrix et 17 AMD.

Salah B a reconnu à la barre du tribunal et devant la cour la matérialité des faits qui lui sont reprochés et qu'il dit avoir commis par " erreur "; il a invoqué sa bonne foi se défendant d'avoir voulu tromper le consommateur.

Par conclusions développées à l'audience par son conseil, il prétend au soutien de sa demande de relaxe que le terme Pentium, utilisé dans les documents publicitaires précités et versés à la procédure, était un terme générique utilisé à l'époque des faits à des fins de communication à l'intention de la clientèle potentielle, par lui-même comme par bon nombre de professionnels de la vente de matériel informatique, pour désigner un microprocesseur ou un ordinateur. Il précise que les mentions descriptives du microprocesseur et de l'ordinateur apposées à côté du mot "Pentium " sur les documents publicitaires visés par la prévention étaient sans équivoque et ne pouvaient aucunement tromper le consommateur sur le produit vendu.

Enfin, il produit aux débats des témoignages attestant de son professionnalisme et de la satisfaction de sa clientèle

Sur ce,

Il est constant que le délit de publicité mensongère prévu à l'article L. 121-1 du Code de la consommation vise tout acte, quelque soit la forme adoptée, tendant à attirer et à induire en erreur la clientèle potentielle de l'objet proposé à la vente, notamment sur sa composition, ses qualités substantielles et son origine. Ainsi des indications, même exactes, sur les caractéristiques du produit offert à la vente et visé par la publicité, mais présentées de façon à induire en erreur la clientèle sur une qualité substantielle ou l'origine du produit suffisent-elles à établir le délit de publicité mensongère et il appartient à l'annonceur de faire la démonstration de sa bonne foi en prouvant notamment qu'il était dans l'impossibilité de déceler, après en avoir vérifié le contenu, le caractère trompeur de sa publicité

En associant le mot Pentium, désignant un processeur performant connu du grand public grâce aux campagnes de publicité notamment télévisuelle, à d'autres processeurs aux performances ou notoriété moindres ou à divers sigles, chiffres, lettres désignant des processeurs de marques concurrentes, même si les dites mentions sont écrites avec les mêmes caractères que le terme Pentium sur les affichettes ou encarts publicitaires visés à la procédure, Salah B, qui ne pouvait ignorer en sa qualité de professionnel les différences de caractéristiques des divers micro-processeurs, a bien sciemment et délibérément usé d'un procédé de nature à entretenir une confusion dans l'esprit du consommateur moyen ou néophyte séduit par le mot Pentium et un prix très attractif et induit ce dernier en erreur; les investigations effectuées ont démontré que ce faisant il a en effet attiré dans son magasin des clients auxquels il a vendu en réalité des ordinateurs équipés de microprocesseurs Céléron, AMD et Cyrix de performances inférieures.

Contrairement aux allégations du prévenu, il sera observé, à partir des documents publicitaires versés aux débats, que certains de ses concurrents ne communiquaient pas de la même façon que lui puisque la plupart indiquait clairement la marque et le type du processeur équipant la machine d'une part et que si la société Intel fabrique bien les processeurs Pentium et Céléron ceux-ci ne sont pas commercialisés sous la même dénomination.

Les attestations versées par le prévenu au soutien de sa bonne foi, ne sauraient convaincre la cour dans la mesure où elles émanent des personnes compétentes en informatique et informées et qu'elles ne pouvaient ainsi se laisser abuser par les publicités, ce qui était loin d'être le cas des plaignants à l'origine de la présente procédure ou des clients " moyens " et néophytes, dans un domaine technique nouveau et méconnu encore du grand public, intéressés par l'achat d'un ordinateur, courtisés par les annonceurs et contraints d'accorder leur confiance aux vendeurs.

Aussi au vu des éléments ci-dessus énoncés le délit de publicité mensongère est-il parfaitement établi à l'encontre de Salah B en tous ses éléments tant matériel qu'intentionnel.

La cour, au vu des motifs ci-dessus exposés ajoutés à ceux pertinents retenus par les premiers juges, confirmera donc le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité ;

Eu égard aux renseignements fournis sur la personnalité du prévenu et à la nature et au degré de gravité des infractions commises, l'amende prononcée par le tribunal est adaptée aux circonstances de la cause et, loin d'être excessive, sera confirmée.

La cour ordonnera en outre la publication de la présente condamnation comme indiquée au dispositif du présent arrêt en application de l'article L. 121-4 du Code de la consommation.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, l'arrêt devant être signifié aux parties - En la forme : Confirme le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité et l'amende délictuelle de 6 000 euros prononcée par le tribunal. Y ajoutant, Ordonne la publication dans le journal Paris-Normandie (Edition de Rouen - Le Havre - et Dieppe) et le journal 76 aux frais du condamné dans les conditions fixées par l'article 131-35 du Code pénal et sans que le coût de ces publications ne puisse excéder le montant de l'amende prévue par l'article L. 231-1 du Code de la consommation, du communiqué suivant: " Par arrêt en date du 4 mars 2002, la Cour d'appel de Rouen a condamné Salah B, en sa qualité de responsable du magasin M, anciennement situé [adresse] à Rouen, à la peine de 6 000 euros pour avoir à Rouen, courant janvier, février et mai 1999, effectué une publicité comportant des indications, allégations et présentations de nature à induire en erreur la clientèle sur les caractéristiques des microprocesseurs mis à la vente dans ce magasin en utilisant abusivement pour les désigner le vocable de Pentium, alors qu'ils étaient moins performants et jouissaient d'une notoriété moindre que ceux commercialisés sous cette marque ou bien encore n'avaient pas été conçus par le fabricant commercialisant sous cette marque ". Dit qu'il pourra être recouru, s'il y a lieu dans les formes de droit à la contrainte par corps pour le recouvrement de l'amende, La présente procédure est assujettie à un droit fixe de 120 euros, dont est redevable Salah B.