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Décisions

CA Pau, ch. soc., 18 janvier 2001, n° 00-00585

PAU

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Groupe Volkswagen France (SA)

Défendeur :

Avelin, Tolsan (SA), Buhler, Cardeilhac, Fons Carrasco, Laporte, Magni, Neto, Pascual, Perez (Epoux), Reignier, Ricaud, Zago

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Zanghellini

Conseillers :

MM. d'Uhalt, Pouyssegur

Avoués :

SCP de Ginestet-Duale, Me Vergez

Avocats :

Mes Brigogne, Charbonnel, Malterre.

CA Pau n° 00-00585

18 janvier 2001

Suivant jugement en date du 19-01-2000, à la lecture duquel il est renvoyé pour l'exposé des faits et de la procédure, le Conseil de prud'hommes de Pau (section commerce):

- a ordonné les jonctions des instances:

-- 99-172

-- 99-174 à 178

-- 99-1 80, 99-184 à 99-186

-- 99-225 à 99-227

- a dit que le litige concernant les contrats de travail des salariés de la SA Tolsan envers la SA Volkswagen France sur la violation de l'article L. 122-12 du Code du travail était de la compétence prud'homale;

En conséquence:

- a dit que par l'effet de la reprise de la représentation de la marque Volkswagen Audi sur les secteurs de Tarbes et Lourdes avec la clientèle y afférente du 01-01-1999, l'article L. 122-12 du Code du travail était applicable à tous les contrats de travail;

- a reconnu le bien fondé et les demandes en remboursement des avances de salaire et charges à compter du 01-01-1 999 jusqu'au jour du transfert effectif;

- a condamné la SA Volkswagen France à rembourser ces avances à la société Tolsan outre 250 000 F à titre de dommages et intérêts;

- a condamné la SA Volkswagen France à payer à chaque salarié 2 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et 20 000 F à la société Tolsan sur le même fondement légal;

- a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires;

- a condamné la SA Volkswagen France aux dépens.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 10-02-1999 la Volkswagen France a régulièrement interjeté appel du jugement notifié le 24-01-1999.

Signataire d'un contrat de concession conclu avec la SA Tolsan le 02-05-1994 la SA Volkswagen France explique que compte tenu de la restructuration générale du réseau passant par la séparation des marques Volkswagen et Audi elle résiliait les contrats de concession de la société Tolsan par lettre recommandée avec avis de réception du 20-11-1996 moyennant un préavis de 24 mois.

Elle ajoute " que depuis le terme du préavis à savoir le 31 décembre 1998 le territoire de Tarbes-Lourdes anciennement exploité par la concession Tolsan n'a pas été repris par un autre concessionnaire la clientèle s'adressant à la concession de son choix ".

La société Volkswagen France soulève tout d'abord l'incompétence de la juridiction du travail pour statuer sur les demandes de la société Tolsan à son égard au motif que le litige " oppose deux sociétés distinctes et nullement un employeur à ses salariés " et n'entrait pas dans le champ d'application de l'article L. 511-1 du Code du travail.

Elle relève d'ailleurs que la clause attributrice de compétence prévue par l'article 28 du contrat donnait compétence au Tribunal de grande instance de Paris pour connaître de tout litige et action concernant l'interprétation, la validité ou l'exécution du contrat de concession.

Sur l'application de l'article L. 122-12 du Code du travail la société Volkswagen France observe que l'entité économique constituée par l'ancien concessionnaire correspond aux moyens nécessaires à l'exercice de l'ensemble des activités de ce dernier (activité de vente de véhicules neufs et d'occasions, activité d'entretien et de réparation et ne se limite pas à l'activité de distribution de la marque concédée).

La société Volkswagen fait encore plaider quelle ne dispose pas des moyens nécessaires à l'exercice d'une activité de concessionnaire, qu'elle n'intervient qu'en qualité d'importateur de véhicules sans disposer sur les territoires nationaux de structures lui permettant de remplir les fonctions d'un concessionnaire " qui reste propriétaire de sa clientèle ce qui lui permet de poursuivre son activité ".

Elle souligne enfin:

" - que le territoire anciennement concédé à la société Tolsan n'a été repris par aucun concessionnaire en particulier mais dépend de concessions voisines (Pau - Lannemezan - Auch - Toulouse - Villeneuve-Sur-Lot);

- que la société Tolsan a conservé son activité de vente de véhicules neufs et d'occasions tout comme la société Espace Auto qui exerce la même activité dans les mêmes locaux avec 8 de ses anciens salariés ".

A titre subsidiaire la société Volkswagen France soutient que la société Tolsan ne saurait demander le remboursement des salaires et charges salariales au motif que ceux-ci ont continué à travailler pour elle dans les activités conservées manie en se prévalant d'une subrogation non justifiée.

Elle ajoute qu'aucune faute ne saurait être retenue à son encontre, et encore moins un détournement des dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail.

La société Volkswagen France rappelle d'ailleurs " que les salariés n'ont formé aucune demande précise à son encontre ".

A titre infiniment subsidiaire elle reproche à la société Tolsan " d'affirmer que l'ensemble de ses salariés était affecté exclusivement à l'activité de distribution des marques Volkswagen et Audi sans préciser la fonction de chacun des salariés et démontrer en quoi ces derniers auraient été spécifiquement rattachés à l'activité de vente et de réparation des marques Volkswagen et Audi.

En définitive la société Volkswagen France demande à la cour de réformer le jugement, de débouter la société Tolsan de toutes ses prétentions tout comme ses salariés et de les condamner solidairement au paiement de 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SA Tolsan rétorque qu'elle n'était pas un concessionnaire de fraîche date, le père de l'actuel PDG ayant été chargé dès 1951 de prospecter le département des Hautes-Pyrénées pour le compte de Volkswagen Allemagne.

Elle ajoute que la résiliation du contrat de concession l'a laissée " en charge de l'intégralité du personnel en poste conservé jusqu'au terme pour exécuter dans des conditions parfaites les obligations de la concession avant sa reprise ".

La SA Tolsan conclut au rejet de l'exception d'incompétence au motif " qu'il s'agit en l'espèce de mettre en présence des salariés et deux employeurs successifs dont les intérêts par hypothèse divergent ".

Elle soutient au contraire que les dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail trouveraient application en l'espèce " le concédant ne s'étant pas retiré du marché créé par elle mais continuant de l'exploiter soit directement soit par le truchement de concessionnaires voisins qui y ont étendu leur activité avec son accord et la transmission des moyens ".

Elle relève d'ailleurs que la société Volkswagen France s'est juridiquement réservée le droit de traiter directement avec des clients (notamment les agences de location de véhicules).

La SA Tolsan fait encore plaider:

- " que si la société Dambax concessionnaire à Lannemezan - Auch - et Saint-Gaudens n'a pas été nommée concessionnaire sur le secteur de Tarbes-Lourdes, tout a été fait pour la présenter comme telle " ;

- qu'à compter du 01-01-1999 elle s'est trouvée démunie des ressources de son activité de concessionnaire Volkswagen qui représentait directement ou indirectement plus de 98 % de son chiffre d'affaires;

- que rien ne manquait à la société Volkswagen France pour assurer l'autonomie de l'entité économique reprise;

- qu'elle exploite une nouvelle concession (marque Kia) avec son personnel restant.

Elle estime " qu'elle n'a pas à subir les conséquences de la turpitude de la société Volkswagen ".

La SA Tolsan demande en conséquence à la cour de confirmer le jugement sauf à porter le montant des dommages et intérêts à 350 000 F " pour compenser le préjudice subi du fait de l'avance de trésorerie qu'elle a dû supporter et qu'elle supporte toujours pour suppléer la carence de Volkswagen France à respecter les obligations tirées de l'article L. 122-12 du Code du travail et finalement à 3 178 397,30 F outre 99 714,33 F par mois écoulé jusqu'à la reprise effective des contrats de travail par la société Volkswagen France en application de l'article L. 122-12 du Code du travail ".

Elle sollicite enfin l'allocation de 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

- Mademoiselle Pascual,

- Mesdames Nieto - Zago - Perez,

- Messieurs Laporte- Magni- Cardeilhac- Buhler - Ricaud - Fons Carrasco - Reignier - Perez - Avelin

demandent pour leur part, l'application de l'article L-122-12 5 (alinéa 2) du Code du travail au motif:

" Que la société Volkswagen France s'était engagée auprès de la société Tolsan à présenter des repreneurs (lettre du 22-12-1997) et qu'en conséquence cette dernière avait conservé intact son personnel dans cette hypothèse de reprise (lettres des 22-12-1997 et 28-01-1998).

Ils reprochent à la société Volkswagen de n'avoir pas présenté de repreneur sérieux, la clientèle importante acquise étant exploitée depuis le 01-01-1999 directement ou indirectement sous l'égide Volkswagen France par le garage Dambax concessionnaire Volkswagen à Lannemazan ; avec des structures organisées dont du personnel commercial pris chez Tolsan dans les mois qui ont suivi, caractéristiques d'un transfert d'entité économique ".

Les salariés en déduisent que la SA Volkswagen a abusé de sa position dominante " pour détourner les obligations impératives auxquelles elle était tenue concernant leur reclassement ".

Dans leur courrier directement adressé à la cour le 4 novembre 2000 (reçu le 6-11-2000 jour des débats) ils réclament:

- 3 mois de préavis pour Monsieur Cardeilhac;

- 2 mois pour les autres;

- l'indemnité de congés payés sur préavis (10 %),

- l'indemnité prévue par l'article L. 122-14-4 du Code du travail:

- 150 000 F pour Monsieur Cardeilhac;

- 120 000 F pour les plus anciens (Messieurs Ricaud - Fons Carrasco - Buhler - Pascual)

- 100 000 F pour les autres.

Motivation de l'arrêt

Préliminairement il convient de rejeter comme communiquées tardivement les 3 pièces nouvelles transmises par la société Tolsan par fax le vendredi 3 novembre 2000 avant l'audience fixée au lundi 6-11-2000.

1 - Sur l'exception d'incompétence régulièrement soulevée par la société Volkswagen France

La requête déposée par les salariés le 29-04-1999 qui saisissait les premiers juges le 29-04-1999 était dirigée tout à la fois contre la SA Tolsan et le SA Groupe Volkswagen France sur le fondement de l'article L. 122-12 du Code du travail.

En présence de la société Tolsan les salariés exerçaient leur action et la dirigent toujours, contre la SA Groupe Volkswagen France à laquelle ils estiment que leur contrat de travail avait été transféré.

Or leur demande en paiement des indemnités de rupture est d'autant plus contradictoire que le PV de constat établi à la requête de la société Volkswagen France le 31-08-1999 permet de vérifier que 7 salariés (sur les 13 salariés intimés) sont toujours employés de la SA Tolsan ou de la SARL Espace Auto créée dans les locaux de la société Tolsan à savoir:

- Monsieur Christian Perez

- Madame Zago

- Monsieur Pascual

- Monsieur Buhler

- Monsieur Perez

- Monsieur Fons Carrasco

- Monsieur Ricaud

Tout aussi paradoxalement:

- Monsieur Magni

- Madame Neto

- Monsieur Labrie

- Monsieur Cardeilhac

- Monsieur Reignier

- Monsieur Avelin

restent muets sur le sort de leur contrat de travail.

Il en va de même pour la société Tolsan qui ne précise même PAS les indemnités de rupture qu'elle aurait versées à ses salariés.

Il reste que l'objet du litige demeure l'application de l'article L. 122-12 du Code du travail dont la société Tolsan allègue avec les salariés qu'il était méconnu par la société Volkswagen France qui rompait le contrat de concession le 20-11-1996 sans désigner formellement un repreneur au terme du délai de préavis de 2 ans.

Pour autant l'employeur ne saurait demander paiement d'appointements versés aux salariés sauf à rapporter la preuve qu'il agissait ainsi pour répondre à la carence fautive de la société Volkswagen France au sens de l'article L. 122-12 du Code du travail.

2 - Sur l'application de l'artic1e L. 122-12 du Code du travail (alinéa 2)

Il n'est pas contesté en effet qu'aucun repreneur désigné ne se voyait confier le secteur géographique de prospection précédemment confié à la société Tolsan par la société Volkswagen France.

Loin de mettre en lumière une quelconque carence fautive de la société Volkswagen de ce chef la société Tolsan et les 7 salariés qu'elle conservait à son service (ou à celui de la société Espace Auto) ne peuvent contester la pérennité d'une activité distincte de la concession de la marque Volkswagen et Audi.

Ils soutiennent donc à tort qu'ils étaient attachés à l'activité faisant partie de l'entité économique transférée.

En ce qui concerne les 6 autres salariés non conservés au sein de la société Tolsan, ils ne peuvent pas plus rechercher la responsabilité de la société Volkswagen distributeur de la marque pour la France entière. Sauf à rapporter la preuve d'une faute de sa part.

Il n'est pas contesté en effet que le distributeur de la marque en France n'est pas un concessionnaire.

A défaut de rapporter cette preuve d'une part et faute de fournir toutes les précisions utiles sur les conditions de la rupture de leur contrat de travail d'autre part :

- Monsieur Magni

- Madame Nieto

- Monsieur Laporte

- Monsieur Cardeilhac

- Monsieur Reignier

- Monsieur Avelin

seront déboutés de leur chef de demande.

3 - Sur l'application des articles 696 et 700 du nouveau Code de procédure civile

Les intimés qui succombent seront condamnés aux dépens d'instance et d'appel.

En revanche l'équité et la situation respectives des parties ne commandent pas d'admettre la SA Volkswagen France au bénéfice de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR : Statuant publiquement contradictoirement en matière prud'homale et en dernier ressort. 1) Reçoit l'appel interjeté par la SA Volkswagen France le 10-02-2000 et l'appel incident de la société Tolsan et des 13 salariés dans la cause. 2) Rejette comme tardive la production de pièces du 03-11-2000. 3) Confirme le jugement rendu le 19-01-2000 par le Conseil de prud'hommes de Pau (section commerce) mais seulement en ce qu'il a ordonné les jonctions des instances n° 99-172 à 99-227 d'une part et rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la SA Volkswagen France. 4) Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau: - dit qu'en l'absence d'un repreneur désigné et à défaut de preuve rapportée d'une faute de la société Volkswagen France la société Tolsan et les 13 salariés (dont 7 conservés pour les besoins de l'activité spécifique de la société Tolsan et de la société Espace Auto) soutiennent à tort que l'activité de concession dans le secteur géographique défini par le contrat du 02-05-1994 était reprise par la société importatrice en France des véhicules de marque Volkswagen Audi ; - déboute la société Tolsan et les salariés de toutes leurs demandes et la société Volkswagen de sa demande en paiement de 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. 5) Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires. 6) Condamne la société Tolsan et les 13 salariés aux dépens d'instance et d'appel.