CJCE, président, 14 décembre 1999, n° C-364/99 P(R)
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Ordonnance
PARTIES
Demandeur :
DSR-Senator Lines GmbH
Défendeur :
Commission des Communautés européennes, République fédérale d'Allemagne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rodríguez Iglesias
Avocat général :
M. La Pergola
Avocats :
Mes Waelbroeck, Zinsmeister, Pheasant, Bromfield, Levitt.
LE PRÉSIDENT DE LA COUR
1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 1er octobre 1999, DSR-Senator Lines GmbH a formé, conformément aux articles 225 CE et 50, deuxième alinéa, du statut CE de la Cour de justice, un pourvoi contre l'ordonnance du président du Tribunal de première instance du 21 juillet 1999, DSR-Senator Lines/Commission (T-191-98 R, non encore publiée au Recueil, ci-après l'"ordonnance attaquée"), par laquelle celui-ci a rejeté sa demande tendant au sursis à l'exécution de la décision 1999-243-CE de la Commission, du 16 septembre 1998, relative à une procédure d'application des articles 85 et 86 du traité CE (Affaire IV-35.134 - Trans-Atlantic Conference Agreement) (JO 1999, L 95, p. 1), en ce qu'elle inflige à la requérante, dans ses articles 8 et 10, une amende de 13 750 000 euros.
2. Outre l'annulation de l'ordonnance attaquée, la requérante demande:
- à titre principal, le sursis à l'exécution de la décision 1999-243 en ce qu'elle lui inflige, dans ses articles 8 et 10, une amende de 13 750 000 euros, sans qu'elle soit tenue de constituer une garantie bancaire,
- à titre subsidiaire, le sursis à l'exécution de ladite décision dans le respect des conditions proposées à la Commission par la requérante par lettre du 1er juin 1999,
- à titre plus subsidiaire encore, le renvoi de l'affaire devant le Tribunal afin qu'il statue à nouveau,
- que les dépens soient réservés.
3. Par actes déposés au greffe les 25 et 26 octobre 1999, la République fédérale d'Allemagne et la Commission ont présenté leurs observations écrites devant la Cour.
Faits et procédure
4. Les faits qui sont à l'origine du litige sont exposés dans l'ordonnance attaquée dans les termes suivants:
"1 La requérante était l'une des quinze compagnies maritimes parties au Trans-Atlantic Agreement (ci-après TAA), un accord de conférence maritime relatif au transport de ligne à travers l'Atlantique, entre l'Europe du Nord et les États-Unis d'Amérique.
2 Le 19 octobre 1994, la Commission a arrêté la décision 94-980-CE, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV-34.446 - Trans-Atlantic Agreement) (JO L 376, p. 1), par laquelle, d'une part, elle a constaté que certaines dispositions du TAA, dont, notamment, celles relatives à certains services de transport terrestre sur le territoire de la Communauté, enfreignaient le paragraphe 1 de l'article 85 du traité CE (devenu article 81 CE), et, d'autre part, elle a refusé d'appliquer l'article 85, paragraphe 3, du traité et l'article 5 du règlement n° 1017-68 du Conseil, du 19 juillet 1968, portant application des règles de concurrence aux secteurs des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable (JO L 175, p. 1) à ces dispositions. La décision 94-980, du 19 octobre 1994, interdisait à ses destinataires de se livrer, notamment, à des pratiques de fixation des prix ayant un objet ou un effet identique ou analogue aux dispositions contenues dans l'accord TAA.
3 À l'issue de nombreuses discussions avec la Commission, les parties au TAA ont notifié à cette dernière, le 5 juillet 1994, un nouvel accord destiné à le remplacer et intitulé le Trans-Atlantic Conference Agreement (ci-après TACA), lequel est entré en vigueur le 24 octobre 1994. En raison d'amendements successifs, cinq nouvelles versions du TACA ont été notifiées à la Commission après le 5 juillet 1994.
4 Le 16 septembre 1998, la Commission a adopté la décision 1999-243...
5 Selon les articles 1, 2 et 3 de la [décision 1999-243], les parties au TACA ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord sur l'Espace économique européen (EEE) et de l'article 2 du règlement n° 1017-68, du 19 juillet 1968, en concluant un accord en vertu duquel elles ont mené diverses activités contraires à la concurrence.
6 Selon les articles 5 et 6 de la [décision 1999-243], la requérante et les autres membres du TACA ont enfreint les dispositions de l'article 86 du traité (devenu article 82 CE) et de l'article 54 de l'accord EEE, en modifiant la structure concurrentielle du marché de façon à renforcer leur position dominante collective et en prévoyant des restrictions relatives à l'accès et au contenu de contrats de services.
7 L'article 8 de la [décision 1999-243] inflige à la requérante une amende de 13,75 millions d'euros pour les infractions constatées aux articles 5 et 6 de la [décision 1999-243]. Son article 10 prévoit que les amendes fixées à l'article 8 sont payables dans un délai de trois mois à compter de la date de sa notification.
8 Par lettre du 25 septembre 1998, la Commission a notifié la [décision 1999-243] à la requérante. Dans cette lettre, elle précisait que, si la requérante introduisait un recours devant le Tribunal, elle ne procéderait à aucune mesure de recouvrement tant que l'affaire serait pendante devant cette juridiction, pour autant que la créance produise intérêts, à partir de la date d'expiration du délai de payement, et qu'une garantie bancaire, acceptable par elle et couvrant la dette tant au principal qu'en intérêts, soit fournie au plus tard à cette date.
9 Par lettre du 16 décembre 1998, la requérante a sollicité une dispense de l'obligation de constituer une garantie bancaire. La Commission a rejeté cette demande par lettre du 10 février 1999, estimant, notamment, qu'il devait être possible de constituer la garantie exigée auprès des partenaires, banquiers ou actionnaires de l'entreprise. En outre, la Commission a indiqué qu'elle était prête à accepter:
a) une garantie bancaire d'une durée limitée à un an (automatiquement prorogée ou sujette à paiement en cas de révocation) conforme au modèle de garantie bancaire ci-annexé;
b) un mécanisme de règlement permettant à la société de payer par fractionnement à la condition que les intérêts de retard soient calculés et que le solde de la dette soit couvert par une garantie bancaire ordinaire."
5. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 décembre 1998, la requérante a demandé l'annulation de la décision 1999-243.
6. Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 1er mars 1999, la requérante a introduit, en vertu de l'article 242 CE, une demande tendant au sursis à l'exécution, jusqu'à l'intervention de l'arrêt du Tribunal sur le fond, de la décision 1999-243 en ce qu'elle lui inflige, dans ses articles 8 et 10, une amende de 13 750 000 euros, sans qu'elle soit tenue de constituer la garantie bancaire exigée par la Commission dans sa lettre du 25 septembre 1998 comme condition pour éviter le recouvrement immédiat de cette amende.
L'ordonnance attaquée
7. Il ressort de l'ordonnance attaquée que, après avoir constaté que la demande de la requérante avait, en réalité, pour seul objet d'obtenir une dispense de l'obligation de constituer une garantie bancaire comme condition du non-recouvrement immédiat du montant de l'amende infligée par la décision 1999-243, le juge des référés a examiné si la requérante avait apporté la preuve qu'il lui était impossible de constituer la garantie demandée sans mettre en péril son existence et que la condition relative à l'urgence était, dès lors, satisfaite.
8. Dans une première étape, le juge des référés a admis, aux points 61 à 63 de l'ordonnance attaquée, que la requérante avait rapporté la preuve suffisante de son incapacité à se procurer, par elle-même, la garantie bancaire exigée par la Commission.
9. Ainsi qu'il ressort du point 64 de l'ordonnance attaquée, le juge des référés a toutefois considéré que, pour apprécier la capacité de la requérante à constituer ladite garantie, il convenait de tenir également compte du groupe de sociétés dont elle dépendait directement ou indirectement, compte tenu, d'une part, de l'intérêt public qui s'attache à l'exécution des décisions de la Commission et, d'autre part, des avantages qui peuvent découler, pour ses actionnaires, des éventuels comportements anticoncurrentiels d'une société.
10. À cet égard, il ressort des points 65 à 69 de l'ordonnance attaquée que la requérante n'a pas apporté d'éléments susceptibles de démontrer que Hanjin, dont la requérante est une filiale à 80 % et qui est également destinataire de la décision 1999-243, n'était pas en mesure de l'assister aux fins de constituer la garantie exigée par la Commission.
11. En particulier, le fait que les actionnaires de la requérante, dont Hanjin, avaient clairement exprimé qu'ils n'entendaient pas soutenir cette dernière ne prouverait pas qu'ils étaient empêchés de le faire. Au contraire, la Commission aurait produit des éléments tendant à établir que Hanjin avait obtenu de bons résultats financiers pour 1998 et prévoyait également un exercice bénéficiaire pour 1999, sans que la requérante ait contesté sérieusement ces éléments.
12. Considérant dès lors que la condition relative à l'urgence n'était pas satisfaite, le juge des référés a rejeté la demande de sursis, sans examiner les autres moyens et arguments invoqués au soutien de celle-ci par la requérante.
Les arguments des parties
13. À titre liminaire, la requérante indique que, à la suite de l'ordonnance attaquée, elle a sollicité une troisième fois ses actionnaires pour qu'ils l'assistent pour la constitution de la garantie bancaire exigée par la Commission et que ceux-ci ont rejeté sa demande par une résolution d'actionnaires du 28 septembre 1999.
Sur le premier moyen
14. Par son premier moyen, la requérante expose que, en se fondant sur le fait que la requérante n'avait pas établi que l'un de ses trois actionnaires était "empêché" de l'assister, le président du Tribunal a interprété de façon erronée la condition de l'urgence et a conclu à tort qu'un risque de dommage sérieux et irréparable n'avait pas été démontré. En effet, la réalisation de la condition exigée par le juge des référés ne dépendrait pas de la volonté de la requérante.
15. Selon la requérante, la question pertinente n'est pas de savoir si ses actionnaires sont en mesure de l'assister mais elle consiste plutôt à se demander si elle a fait tout ce qui pouvait être raisonnablement attendu de sa part pour obtenir leur assistance.
16. Or, il ne serait pas contesté que la requérante ne dispose d'aucun moyen, juridique ou même moral, pour exiger une quelconque assistance de la part de ses actionnaires. La décision de ces derniers serait de nature commerciale et dépendrait de leur bon vouloir.
17. En outre, le raisonnement du juge des référés reposerait sur la présomption qu'un seul des actionnaires, en l'occurrence Hanjin, pourrait intervenir, alors qu'une telle intervention ne saurait être envisagée en l'absence de contributions similaires de la part des autres actionnaires.
18. Au surplus, la requérante considère qu'aucune motivation ne justifie l'affirmation, au point 69 de l'ordonnance attaquée, selon laquelle "La situation de Hanjin est, à première vue, suffisamment saine pour conclure qu'elle serait en mesure d'apporter un concours déterminant à la requérante". Au contraire, ainsi qu'il ressort du point 41 de l'ordonnance attaquée, la requérante aurait soumis au juge des référés des éléments établissant les difficultés financières de Hanjin. La requérante renvoie également, à cet égard, à un rapport daté du 16 septembre 1999 et annexé à sa requête. Ce rapport, élaboré par le professeur Tae-Woo Lee de l'Université maritime de Corée, mettrait en lumière les difficultés financières rencontrées par Hanjin.
19. La requérante ajoute que les cinq ordonnances mentionnées au point 64 de l'ordonnance attaquée ne sont pas pertinentes pour la présente affaire, car il ne s'agissait pas de situations dans lesquelles, comme en l'espèce, les requérants avaient clairement démontré qu'ils avaient sollicité l'assistance de leurs actionnaires et que ces derniers avaient expressément refusé celle-ci. En outre, ces précédents concernaient pour la plupart des filiales à 100 % et il n'y avait pas de doute quant à la situation financière de l'actionnaire principal. La requérante relève en particulier que les ordonnances soit ne fournissent aucune information sur les éléments factuels qui caractérisaient ces affaires, soit ont été rendues dans des affaires présentant certaines différences par rapport à sa situation.
20. Selon la requérante, la preuve que ses actionnaires sont "empêchés" de la soutenir est, en pratique, impossible à rapporter, ce qui la prive donc de son droit à une protection juridictionnelle provisoire. Un tel critère entraîne également une discrimination entre les entreprises appartenant à un groupe ou ayant un ou plusieurs actionnaires importants, d'une part, et les entreprises indépendantes, d'autre part.
21. La requérante ajoute encore que c'est à tort que la position adoptée dans l'ordonnance attaquée est justifiée, au point 64, par les "avantages qui peuvent découler, pour ses actionnaires, des éventuels comportements anticoncurrentiels d'une société". Cette approche, qui reviendrait à rendre le groupe responsable de l'infraction, serait particulièrement injustifiée en l'espèce, Hanjin ayant pour sa part été condamnée par la même décision 1999-243 au paiement d'une amende distincte de 20 630 000 euros.
22. Le raisonnement suivi dans l'ordonnance attaquée, en imposant une condition impossible à satisfaire, violerait les droits fondamentaux que sont la présomption d'innocence, le droit à un recours juridictionnel, les droits de la défense et le droit à un procès équitable. La requérante fait valoir à cet égard que les amendes imposées en droit communautaire de la concurrence ont un caractère de sanction pénale, ce qui requiert un contrôle juridictionnel plein et entier à leur endroit. Elle se réfère à cet égard au droit de plusieurs États membres qui prévoient la suspension automatique de décisions infligeant des sanctions pénales, notamment dans le domaine du droit de la concurrence, afin d'éviter toute conséquence irréparable pour la personne à laquelle une sanction a été appliquée sans que son cas ait été formellement entendu par un tribunal indépendant.
23. La requérante soutient également que, en raison des critères qu'elle applique, l'ordonnance attaquée va au-delà de l'objet de l'action principale puisqu'elle fait dépendre le sursis de l'accès à des ressources financières qui ne font pas l'objet du litige principal, les actionnaires n'étant pas responsables du paiement de l'amende infligée à la requérante.
24. Enfin, le raisonnement suivi dans l'ordonnance attaquée violerait le principe essentiel en vertu duquel les entreprises sont libres du choix de la forme juridique sous laquelle elles entendent exercer leurs activités.
25. La Commission, en revanche, considère que le raisonnement du juge des référés est conforme à une jurisprudence constante tant de la Cour que du Tribunal, jurisprudence qui, au demeurant, n'aurait pas été contestée par la requérante devant le président du Tribunal, circonstance qui serait de nature à remettre en cause la recevabilité du moyen au stade du pourvoi.
26. La Commission réfute également les distinctions que la requérante s'efforce d'opérer entre sa situation et celles qui ont donné lieu aux ordonnances de la Cour et du Tribunal mentionnées dans l'ordonnance attaquée. En particulier, l'argument selon lequel il suffirait que les actionnaires expriment un refus explicite d'assister l'entreprise concernée pour que la possibilité d'un tel soutien ne puisse pas être prise en considération par le juge des référés serait dénué de tout fondement. En effet, il serait manifeste que, dans le cas contraire, tous les actionnaires adopteraient systématiquement une attitude de refus.
27. Selon la Commission, la thèse soutenue par la requérante revient à faire octroyer un crédit sans garantie par la Commission et, à travers elle, par les contribuables, et à laisser le propriétaire de l'entreprise profiter des bénéfices futurs tirés des activités de cette dernière. Il conviendrait au contraire que, jusqu'à ce que l'amende aura été, le cas échéant, annulée ou réduite par la Cour ou le Tribunal, ce soit le propriétaire qui, s'il le souhaite, prenne les mesures nécessaires pour garantir que la filiale puisse continuer à fonctionner.
28. La Commission fait valoir que, dans un cas tel que celui de l'espèce, le dommage grave et irréparable allégué, s'il survenait, ne proviendrait pas de la décision dont le sursis est sollicité mais relèverait entièrement de la volonté du propriétaire, puisque ce dernier est en mesure de l'éviter s'il le souhaite. Ce ne serait donc que si le propriétaire connaît lui-même des difficultés financières que des mesures provisoires peuvent être justifiées.
29. Si le propriétaire choisit de retirer son soutien à l'entreprise, il s'agirait de son propre choix, dicté par des doutes sur la viabilité de cette dernière. L'amende et l'obligation de constituer une garantie bancaire ne sauraient donc être considérées comme les vraies raisons de la liquidation éventuelle de l'entreprise. L'impossibilité alléguée par la requérante résulterait donc du choix du propriétaire.
30. En se référant au soutien du propriétaire de la requérante, l'ordonnance attaquée n'irait en rien au-delà de l'objet de l'action principale et ne remettrait pas en cause le libre choix de la requérante d'organiser ses activités comme elle l'entend. La référence à la situation financière du groupe n'impliquerait pas une responsabilité du propriétaire en ce qui concerne l'amende mais servirait uniquement à apprécier s'il existe réellement une impossibilité objective de fournir une garantie bancaire.
31. Le principe d'égalité ne serait pas davantage violé, puisque le raisonnement suivi par le juge des référés tiendrait précisément compte de la situation réelle de l'entreprise concernée.
32. La Commission soutient enfin que, devant le président du Tribunal, la requérante n'a pas présenté d'éléments de preuve relatifs à la situation financière de Hanjin, hormis un article de presse produit à l'audience en réponse aux éléments apportés par la Commission. Les arguments présentés au stade du pourvoi sur ce point seraient donc irrecevables et, en tout état de cause, non fondés.
Sur le deuxième moyen
33. Selon la requérante, la mise en balance des intérêts en présence dans une demande de mesures provisoires et l'appréciation de l'urgence ne sont pas des exercices distincts mais doivent être menés ensemble. Dans la mesure où le juge des référés s'est abstenu de procéder à la mise en balance des intérêts, l'ordonnance attaquée serait donc entachée d'une erreur de droit et serait insuffisamment motivée.
34. Une telle mise en balance des intérêts serait particulièrement appropriée en l'espèce. En effet, compte tenu de la situation financière difficile de la requérante, la Commission ne parviendrait pas à obtenir le paiement effectif de l'amende, ce qui remettrait en cause la motivation du point 64 de l'ordonnance attaquée, qui se réfère à la "sauvegarde des intérêts financiers de la Communauté". Par ailleurs, l'octroi du sursis n'affecterait pas les intérêts d'autres parties concernées, en l'absence de risque pour la santé publique ou de tout autre intérêt général analogue, tandis que, en revanche, le refus du sursis annihilerait tous les efforts déployés par la requérante et aurait des conséquences graves notamment en ce qui concerne les employés de cette dernière. La requérante se réfère à cet égard à l'article 127, paragraphe 2, CE, en vertu duquel "L'objectif consistant à atteindre un niveau d'emploi élevé est pris en compte dans la définition et la mise en œuvre des politiques et des actions de la Communauté". Seraient également affectés par la faillite les services de transport existants, les propriétaires de navires et tout le marché international de l'affrètement de porte-conteneurs.
35. En réponse, la Commission expose que le juge des référés n'était pas tenu d'opérer la balance des intérêts en présence dès lors qu'il était parvenu à la conclusion que la requérante n'était pas dans l'impossibilité de fournir la garantie bancaire exigée.
Sur le troisième moyen
36. Selon la requérante, c'est de façon erronée que le juge des référés s'est abstenu d'examiner les mesures alternatives qui pouvaient satisfaire les intérêts de la Commission tout en préservant les droits de la requérante.
37. Cette dernière se réfère à cet égard à la proposition qu'elle avait faite à la Commission par lettre du 1er juin 1999 et que le juge des référés n'a pas examinée dans le cadre de la mise en balance des intérêts.
38. La Commission répond que le juge des référés n'était pas tenu de procéder à un tel examen dès lors qu'il était parvenu à la conclusion que la requérante n'était pas dans l'impossibilité de fournir la garantie bancaire exigée.
Sur le quatrième moyen
39. Selon le quatrième moyen, l'ordonnance attaquée serait entachée d'une motivation insuffisante dans la mesure où elle ne contient aucun développement quant aux arguments invoqués par la requérante en ce qui concerne l'impossibilité légale dans laquelle elle se trouvait d'exiger un soutien de ses actionnaires.
40. La Commission estime que, dans la mesure où les arguments de la requérante relatifs à la responsabilité des actionnaires d'une société étaient dépourvus de toute pertinence pour déterminer si Hanjin était en mesure de la soutenir, le juge des référés a pu à bon droit ne pas les discuter et se borner à la brève allusion qui est faite à ces arguments dans la dernière phrase du point 64 de l'ordonnance attaquée.
Les observations de la République fédérale d'Allemagne
41. La République fédérale d'Allemagne se limite, dans ses observations écrites, à renvoyer au contenu du mémoire qu'elle avait déposé devant le Tribunal dans le cadre de son intervention au soutien de la requérante et qu'elle produit à nouveau en annexe de ses observations.
42. Dès lors que les observations écrites des parties contiennent toutes les informations nécessaires pour qu'il soit statué sur le pourvoi, il n'y a pas lieu de les entendre en leurs explications orales.
Appréciation
43. Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que, selon les articles 225 CE et 51 du statut CE de la Cour de justice, le pourvoi est limité aux questions de droit et doit être fondé sur des moyens tirés de l'incompétence du Tribunal, d'irrégularités de procédure devant le Tribunal portant atteinte aux intérêts de la partie requérante ou de la violation du droit communautaire par ce dernier.
44. Le Tribunal est seul compétent, d'une part, pour constater les faits, sauf dans les cas où l'inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d'autre part, pour apprécier ces faits.
45. En outre, la Cour n'est, en principe, pas compétente pour examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l'appui de sa constatation ou de son appréciation des faits. En effet, dès lors que les principes généraux du droit et les règles de procédure applicables en matière de charge et d'administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal d'apprécier la valeur qu'il convient d'attribuer aux éléments qui lui ont été soumis [ordonnance du 25 juin 1998, Antilles néerlandaises/Conseil, C-159-98 P(R), Rec. p. I-4147, point 68].
46. C'est compte tenu de ces éléments qu'il convient d'examiner les moyens du pourvoi.
Sur le premier moyen
47. Par son premier moyen, la requérante conteste le fait que, pour apprécier l'urgence de sa requête, le juge des référés a examiné si son actionnaire majoritaire était empêché de l'assister pour la constitution de la garantie bancaire, alors que ce dernier avait explicitement refusé de lui apporter une telle assistance.
48. À cet égard, il importe de relever, en vue d'apprécier le mérite des moyens du pourvoi visant à mettre en cause l'examen de l'urgence opéré dans l'ordonnance attaquée, que le juge des référés a effectué cet examen dans le cadre très particulier d'une demande de dispense de l'obligation de constituer une garantie bancaire comme condition du non-recouvrement immédiat d'une amende infligée par la Commission. Une telle demande, ainsi qu'il a été constaté au point 31 de l'ordonnance attaquée, ne peut être accueillie qu'en présence de circonstances exceptionnelles (ordonnances du 6 mai 1982, AEG/Commission, 107-82 R, Rec. p. 1549, point 6; du 7 mai 1982, Hasselblad/Commission, 86-82 R, Rec. p. 1555, point 3; du 15 mars 1983, Ferriere di Roè Volciano/Commission, 234-82 R, Rec. p. 725, points 5 et 6, et du 24 septembre 1986, Montedipe/Commission, 213-86 R, Rec. p. 2623, point 22). La possibilité d'exiger la constitution d'une caution est en effet expressément prévue pour les procédures en référé, par les règlements de procédure de la Cour et du Tribunal, et correspond à une ligne de conduite générale et raisonnable de la Commission (voir ordonnance du 11 novembre 1982, Klöckner- Werke/Commission, 263-82 R, Rec. p. 3995, point 5).
49. En outre, il ressort d'une jurisprudence constante que, pour apprécier si une entreprise est en mesure de constituer une garantie bancaire, il convient de tenir compte du groupe d'entreprises dont elle fait partie (ordonnance Hasselblad/Commission, précitée, point 4) et, en particulier, des ressources dont dispose globalement ce groupe (ordonnance du 7 mars 1995, Transacciones Marítimas e.a./Commission, C-12-95 P, Rec. p. I-467, point 12).
50. Cette approche repose sur l'idée que les intérêts objectifs de l'entreprise concernée ne présentent pas un caractère autonome par rapport à ceux des personnes, physiques ou morales, qui la contrôlent et que le caractère grave et irréparable du dommage allégué doit donc être apprécié au niveau du groupe que ces personnes composent. Cette confusion des intérêts justifie en particulier que l'intérêt de l'entreprise concernée à survivre ne soit pas apprécié indépendamment de l'intérêt que ceux qui la contrôlent portent à sa pérennité.
51. Ce sont les mêmes motifs qui justifient que, dans une situation comparable, le préjudice d'une association d'entreprises soit apprécié en prenant en compte la situation financière de ses membres, lorsque les intérêts objectifs de l'association ne présentent pas un caractère autonome par rapport à ceux des entreprises qui y adhèrent [voir ordonnance du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C-268-96 P(R), Rec. p. I-4971, points 35 à 38].
52. Contrairement aux affirmations de la requérante, ces raisons qui justifient la prise en compte du groupe pour évaluer l'importance et le caractère réparable du dommage subi par la société qui sollicite les mesures provisoires justifient que soit examiné si son actionnaire majoritaire n'est pas empêché de lui apporter son soutien.
53. Dès lors que l'intérêt porté à la survie de l'entreprise concernée doit être appréhendé dans le chef des personnes qui la contrôlent, il apparaît en effet normal que ce soit la situation financière objective du groupe qui serve de référence pour évaluer si un risque de dommage grave et irréparable est imminent.
54. Ainsi que la Commission le fait valoir à juste titre, un simple refus unilatéral d'assistance exprimé par l'actionnaire principal de l'entreprise concernée ne saurait suffire à exclure la prise en compte de la situation financière de l'ensemble du groupe. L'étendue du dommage allégué ne saurait en effet dépendre de la volonté unilatérale de l'actionnaire principal de l'entreprise qui sollicite le sursis.
55. La requérante n'est pas davantage fondée à soutenir que le raisonnement suivi par le juge des référés serait constitutif d'une discrimination à l'encontre des entreprises appartenant à un groupe ou ayant un ou plusieurs actionnaires importants. En effet, l'appréciation du caractère grave et irréparable du dommage allégué doit s'effectuer en considération des particularités de chaque espèce et non de façon générale, sur base de catégories abstraites. Or, les entreprises appartenant à un groupe ou ayant un ou plusieurs actionnaires importants se trouvent dans une situation particulière, laquelle doit donc être prise en considération par le juge des référés.
56. Quant à la situation financière de Hanjin, elle relève des éléments de fait dont l'appréciation ne saurait être remise en cause au stade du pourvoi.
57. L'approche suivie dans l'ordonnance attaquée n'impose pas une condition impossible à remplir mais se fonde simplement sur la situation financière objective du groupe auquel appartient la requérante. Dès lors qu'il n'a pas été démontré que Hanjin, dont en l'espèce les intérêts se confondent avec ceux de la requérante, ne pouvait venir au soutien de cette dernière pour la constitution de la garantie bancaire, le juge des référés a pu à bon droit prendre en compte cet élément pour apprécier le caractère grave et irréparable du dommage.
58. La prémisse de la requérante selon laquelle elle a été confrontée à une condition impossible à remplir se révélant erronée, il en résulte que les arguments tirés d'une atteinte aux droits fondamentaux mentionnés au point 22 de la présente ordonnance sont également dépourvus de fondement.
59. La requérante ne saurait davantage soutenir que l'ordonnance attaquée va au-delà de l'objet de l'action principale ou viole le libre choix par les entreprises de l'organisation de leurs activités, la référence faite à la situation financière du groupe n'impliquant pas une responsabilité financière de ce dernier à l'égard du paiement de l'amende mais reflétant simplement la situation objective dans laquelle se trouve la requérante.
60. Le premier moyen doit donc être rejeté.
61. S'agissant du deuxième moyen, il suffit de constater que, contrairement aux allégations de la requérante, dès lors que le juge des référés considérait que l'existence ou la réalisation imminente d'un préjudice grave et irréparable n'était pas établie, il n'était plus tenu de mettre en balance les différents intérêts en présence.
62. En effet, les conditions auxquelles est subordonné l'octroi du sursis à l'exécution sont cumulatives, de sorte que la demande de sursis doit être rejetée dès lors que l'une d'elles fait défaut (ordonnance SCK et FNK/Commission, précitée, point 30).
63. Il convient donc d'écarter le deuxième moyen.
64. Le troisième moyen doit également être rejeté. Ainsi que la Commission le fait valoir à juste titre, le juge des référés n'était pas tenu d'examiner les mesures alternatives proposées par la requérante dès lors que cette dernière était restée en défaut d'établir qu'elle était dans l'impossibilité de fournir la garantie bancaire exigée par la Commission.
65. Le quatrième et dernier moyen, tiré d'une prétendue insuffisance de motivation de l'ordonnance attaquée en ce qui concerne l'impossibilité légale dans laquelle se trouvait la requérante d'exiger un soutien de ses actionnaires, n'est pas davantage fondé. En effet, cette argumentation est dépourvue de toute pertinence au regard du rejet de la demande de sursis, dès lors que le juge des référés a pu à bon droit limiter son examen à la question de savoir s'il était établi que Hanjin était empêchée de procurer son soutien financier à la requérante.
66. Au vu de l'ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le pourvoi.
Sur les dépens
67. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 118, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Selon la même disposition, paragraphe 4, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la requérante et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs,
LE PRÉSIDENT DE LA COUR,
ordonne:
1) Le pourvoi est rejeté.
2) DSR-Senator Lines GmbH est condamnée aux dépens.
3) La République fédérale d'Allemagne supportera ses propres dépens.