CA Rennes, 1re ch. B, 18 octobre 2002, n° 01-07270
RENNES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Paraland (SARL)
Défendeur :
Papiers et Cartons de Lamée (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Piperaud
Conseillers :
Mme Sillard, M. Bohuon
Avoués :
SCP Guillou & Renaudin, SCP D'aboville, de Moncuit & Le Callonnec
Avocats :
Mes Boisneault, Couetoux du Tertre.
FAITS ET PROCÉDURE :
Le 1er septembre 1999, la société Paraland, enseigne commerciale d'une franchise de distribution commande à la société Papiers et Cartons de Lamée (PCL) 250 000 sacs plastique petit modèle et 100 000 sacs plastique grand modèle pour une somme toutes taxes comprises de 106 892,50 F.
Le 7 septembre 1999, la société PCL accuse réception du bon de commande sur lequel il est précisé" livraison et facturation à chaque adhérent ".
La société PCL fabrique 370 250 sacs pour le début octobre, chiffre légèrement supérieur à la commande conformément à l'article 11 des conditions générales de vente.
La société PCL commence à livrer les adhérents qu'elle facture directement.
Le 12 avril 2000, par lettre recommandée avec accusé de réception, la société PCL informe la société Paraland que six mois après la commande, elle n'a livré que 45 300 sacs et demande par retour de cadencer les livraisons ou à défaut, de régler le montant du marché.
Elle dénombre, à l'inventaire du 31 mars 2001, la présence dans ses locaux de 205 200 sacs pour un montant de 56 129,63 F et indique un solde restant dû sur les sacs livrés de 10 712,18 F TTC.
Par acte d'huissier du 6 décembre 2000, la société PCL assigne la société Paraland.
Par jugement du 5 octobre 2001, le Tribunal de commerce de Rennes a :
- condamné la société Paraland à payer à la société PCL la somme de 61 742,59 F TTC avec intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 12 avril 2000,
- ordonné qu'en contrepartie de ce règlement, la société PCL livre à la société Paraland le solde des sacs plastiques en sa possession,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- débouté la société Paraland de ses demandes fins et conclusions,
- condamné la société Paraland à payer à la société PCL la somme de 5 000 F au titre des frais irrépétibles,
- débouté la société PCL du surplus de ses demandes,
- condamné la société Paraland aux entiers dépens de l'instance.
Appelante, la société Paraland demande à la cour de :
- débouter la société PCL de toutes ses demandes fins et conclusions,
- reconventionnellement, la condamner à lui verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle complémentaire de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, elle expose que :
1°) La société PCL porte la responsabilité de la rupture unilatérale du contrat :
La condamnation dont elle a fait l'objet est, en effet, dépourvue de base légale au visa de l'article 1134 du Code civil.
Premièrement, les termes du contrat sont clairs et le juge ne peut les dénaturer. Le bon de commande du VRP et l'accusé de réception de PCL mentionnent "livraison et facturation à chaque adhérent".
Elle ajoute qu'elle n'aurait jamais contracté si PCL ne s'était engagée à livrer les sacs, n'ayant pas la logistique pour entreposer et livrer les sacs. En lui transférant cette obligation, le tribunal change non seulement les termes du contrat mais son économie puisque les frais de livraison génèrent un surcoût non contractuel.
Deuxièmement, la société PCL a pris un engagement dont elle connaissait la teneur puisqu'elle l'a exécuté sans réserve pendant plusieurs mois avant d'opposer un refus, laissant certains franchisés ouvrir leur magasin sans avoir les sacs publicitaires qu'ils avaient commandés de longue date.
Troisièmement, alors que la société PCL a eu un comportement préjudiciable à ses intérêts et à ceux de ses franchisés, le tribunal a retenu la bonne foi de la société PCL et sa mauvaise foi. Pourtant, en tant que professionnel du commerce, la société PCL, ne pouvait ignorer que la mention apposée sur le bon de commande "livraison et facturation à chaque adhérent" ne l'engageait qu'avec l'adhérent.
2°) les demandes de la société PCL ne sont ni sérieuses ni établies.
Le tribunal a en effet débouté celle-ci de sa demande à hauteur de 100 000 F mais a condamné Paraland à lui payer la somme de 61 742,59 F. Elle soutenait d'une part sans en justifier que certains franchisés n'avaient pas réglé leurs factures et prétendait d'autre part faire payer le prix des sacs stockés sans rapporter la preuve de leur existence.
La société PCL demande à la cour :
Vu les articles 1119, 1120, 1134, 1147 et 1165 du Code civil,
- de débouter la société Paraland de toutes ses demandes,
- de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :
. condamné la société Paraland à lui payer la somme principale de 8 406,64 euros (55 143,28 F) outre les pénalités de retard et les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure,
. condamné la société Paraland à lui payer la somme de 762,25 euros au titre des frais irrépétibles,
y additant :
- condamner la société Paraland à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée,
- condamner la société Paraland à prendre livraison des sacs sous astreinte de 150 euros par jour de retard pendant un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, passé ce délai il sera de nouveau fait droit devant le Tribunal de commerce de Rennes,
- condamner la société Paraland à lui payer la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles.
A l'appui de ses prétentions, la société PCL expose qu'elle n'a aucune relation contractuelle avec les franchisés et que faute de tout bon de commande régularisé par leurs soins, elle ne peut les poursuivre en paiement.
Elle souligne qu'en vertu de l'article 1119 du Code civil, hors hypothèse de mandat, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque la société Paraland a reconnu être intervenue en qualité de franchiseur, nul ne peut être engagé pour autrui.
Les franchisés sont des tiers à la convention PCL/ Paraland. Le franchiseur ne peut soutenir l'opposabilité du contrat de franchise à la société PCL dont elle est l'unique contractant ainsi qu'en attestent les documents contractuels. La société Paraland ne peut tirer aucun argument de la mention "livraison et facturation à chaque adhérent" laquelle ne constitue qu'une modalité d'exécution du contrat.
Subsidiairement, si par extraordinaire, la cour ne devait pas confirmer la décision entreprise, il sera constaté que l'engagement souscrit par la société Paraland s'analyse en une convention de porte fort (article 1120 du Code civil) le franchiseur s'engageant à faire accepter par chacun de ses franchisés le paiement de l'intégralité du stock commandé, les franchisés n'étant personnellement engagés qu'après avoir ratifié la promesse d'engagement du franchiseur.
Enfin, elle indique que le décompte de sa créance s'établit à :
Factures non soldées : 549,47 euros (3 604,95 F)
Stock : 7 856,51 euros (51 538,33 F)
Soit au total 8 406,54 euros (55 143,28 F) augmentés des 10 % de pénalité (840.65 euros).
Sur ce, LA COUR,
Considérant qu'au vu des documents contractuels, bon de commande du 1er septembre et accusé de réception du 7 septembre 1999, il était convenu que la livraison et la facturation des sacs plastique commandés à la société PCL par la société Paraland seraient faites à chacun de ses adhérents ;
Que si aux termes de l'article 1134 du Code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi, il reste que c'est à tort que la société Paraland, se prévalant du début d'exécution du contrat par le fournisseur, prétend qu'il se serait engagé avec ses adhérents ;
Considérant d'une part, au visa de l'article 1165 du Code civil, que le contrat de franchise conclu entre la société Paraland et ses adhérents est inopposable à la société PCL ;
Que les commerçants franchisés restent juridiquement des commerçants indépendants ;
Considérant d'autre part, qu'au visa de l'article 1119 du Code civil, on ne peut, sauf mandat, s'engager ni stipuler en son propre nom que pour soi-même ;
Que partant, la société Paraland ne peut être condamnée à régler la somme de 549,47 euros (3 604,95 F) correspondant au montant encore dû sur les commandes passées par ses adhérents ;
Qu'en revanche, elle doit être condamnée au paiement des sacs encore stockés au sein de la société PCL ;
Que selon constat d'huissier dressé le 25 mars 2002 par Maître Thoumazeau, il reste en stock 65 515 sacs de grand format et 85 500 sacs de petit format correspondant au chiffre actualisé annoncé par la société fabricante ;
Que la société Paraland doit donc être condamnée à verser à la société PCL la somme de 7 856,51 euros (51 538,33 F) outre la pénalité contractuelle de 10 % soit 785,65 euros (5 153,83 F), soit au total la somme de 8 642,16 euros (56 692,16 F) assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 12 avril 2000 ;
Qu'en contrepartie du paiement du prix, il appartiendra à la société PCL de livrer la marchandise stockée ; que le fournisseur sur lequel reposait l'obligation de livrer sera, en effet, débouté de sa demande tendant à mettre à la charge de la société Paraland l'enlèvement des sacs ;
Que le jugement, qui condamnait la société Paraland au paiement de la somme de 61 742,59 F (correspondant à la seule production alors stockée pour un montant de 56 129,63 F, majoré de la pénalité de 10 % soit 5 612,96 F) sera sous réserve de l'actualisation intervenue, confirmé ;
Considérant que l'appel de la société Paraland n'a pas dégénéré en abus ; qu'il ne présente pas un caractère dilatoire puisque le jugement était assorti de l'exécution provisoire ; qu'il ne sera pas fait droit à la demande de dommages et intérêts sollicitée par la société PCL ;
Que la société Paraland succombant en cause d'appel sera condamnée aux dépens de cette instance, déboutée de sa demande formée au titre des frais irrépétibles et condamnée de ce chef à verser à la société PCL la somme complémentaire de 550 euros ;
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Réformant partiellement la décision déférée : Condamne la société Paraland à verser à la société PCL la somme de 8 642,16 euros, outre les intérêts de retard au taux légal à compter de la mise en demeure du 12 avril 2000 ; La confirme pour le surplus ; Condamne la société Paraland à verser à la société PCL la somme de 550 euros à titre d'indemnité complémentaire de procédure en cause d'appel ; La déboute de sa demande formée de ce chef ; déboute la société PCL du surplus de ses demandes ; Condamne la société Paraland aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.