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Décisions

CA Toulouse, 3e ch. corr., 29 mai 1997, n° 97-00177

TOULOUSE

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Fédération des familles de France, UFC de Colomiers Ouest 31, Union fédérale des consommateurs de Toulouse Que choisir ?, Union féminine civique et sociale

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Schiex

Conseillers :

MM. Coleno, Treilles

Avocats :

Mes Laraize, Garrigues.

TGI Toulouse, ch. corr., du 3 févr. 1997

3 février 1997

Rappel de la procédure :

Le jugement :

Le tribunal, par jugement en date du 3 février 1997 contradictoire, a déclaré Patrick L coupable de :

Publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, le 28 septembre 1995, à Toulouse,

Infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 alinéa 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 213-1 du Code de la consommation,

Et, en application de ces articles, l'a condamné à 20 000 F d'amende, publication par extraits dans la Dépêche du Midi, édition de Toulouse (coût maximum 3 500 F), affichage aux portes d'entrée et de sortie de la clientèle pendant 1 mois.

Et à verser à :

Fédération des familles de France, 5 000 F à titre de dommages-intérêts, 1 500 F au titre de l'article 475-1 du CPP,

UFC de Colomiers Ouest 31, 5 000 F à titre de dommages-intérêts, 1 500 F au titre de l'article 475-1 du CPP,

Union fédérale des consommateurs de Toulouse Que choisir ?, 5 000 F à titre de dommages-intérêts, 1 500 F au titre de l'article 475-1 du CPP.

Les appels :

Appel a été interjeté par :

M. L Patrick, le 11 février 1997,

M. le Procureur de la République, le 18 février 1997 contre M. L Patrick.

Décision :

Vu l'intitulé qui précède,

Les appels successifs, de Patrick L et du Ministère Public d'un jugement rendu le 3 février 1997 par le Tribunal correctionnel de Toulouse régulier en la forme et interjeté dans le délai légal sont recevables en la forme.

Le 28 septembre 1995 les fonctionnaires de la Direction de Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) ont procédé sur le stand du magasin X au salon du meuble de Toulouse au relevé des prix étiquetés sur la quasi-totalité des salons qui y étaient exposés.

Dans le magasin " X " ils ont trois semaines plus tard, noté sur les bons de commandes établis au cours du salon du meuble que des rabais systématiques de 40 à plus de 60 % avaient été accordés aux acheteurs.

Par ailleurs en comparant les prix affichés aux prix d'achat des salons, ils ont pu constater un coefficient multiplicateur moyen de 4,89 pour le rapport :

Prix de vente affiché TTC/Prix d'achat hors taxes

Les verbalisateurs ont déduit de leur constatations que les prix affichés lors du salon, surévalués et jamais pratiqués relevaient d'un procédé permettant d'accorder aux clients des rabais illusoires et que l'affichage de tels prix était constitutif d'une infraction de publicité mensongère sur la réalité des prix pratiqués et donc sur la valeur vénale des salons exposés à la vente.

Patrick L gérant de l'EURL " Y " a été déclaré coupable par le tribunal qui a considéré que l'abrogation des dispositions de l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973 sur la publicité mensongère en ses dispositions concernant la publicité des prix et le respect par l'EURL " Y " de ses obligations relatives à l'information du consommateur telles qu'elles résultent de l'arrêté du 3 décembre 1987 et du décret du 14 mars 1986 n'excluait pas la possibilité des poursuites dans le cadre des dispositions générales de l'article 44 précité, dès lors qu'aucun des prix affichés n'était pratiqué et que ceux-ci renfermant en eux-mêmes une publicité mensongère quant à la valeur vénale des meubles et tromperie pour les clients avides de rabais.

Patrick L soutient que les prix affichés étaient des prix minimum autorisés par la centrale d'achat que compte tenu de la qualité des meubles ils n'étaient pas supérieurs à ceux pratiqués par la concurrence mais que les achats neufs réalisés par la centrale permettait de consentir de très importants rabais.

Son conseil dépose des conclusions qu'il développe oralement aux termes desquelles aucune publicité au sens du texte d'incrimination n'avait été faite celle-ci ne pouvant s'entendre du simple étiquetage des prix sur les meubles.

Le 28 septembre 1995, la société Y n'a diffusé aucune publicité au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation.

Les prix maximum peuvent librement varier à la baisse.

La valeur vénale ou le prix normal n'a pas de signification en régime de liberté des prix celui-ci n'entrant pas parmi les qualités substantielles d'un produit mais n'en étant que le reflet pécuniaire.

Par ailleurs, il considère qu'il n'est pas démontré que les prix affichés étaient surévalués ni que la pratique habituelle de rabais qui ne sont pas illusoires, ceux-ci qui n'ont fait l'objet d'aucune publicité ne sont pas condamnables si les prix étiquetés n'ont pas été volontairement majorés pour la publicité en cause par rapport aux prix antérieurement étiqueté.

Il conclut à sa relaxe et au débouté des parties civiles.

Subsidiairement il demande de le dispenser de peine et de n'attribuer aux parties civiles qu'une réparation symbolique.

Le Ministère public considère qu'en l'absence de publicité, le seul affichage de prix ne pouvant être considéré comme tel, le délit n'est pas constitué.

Les parties civiles : Fédération des familles de France, Union fédérale des consommateurs de Toulouse, Union féminine civique et sociale concluent par confirmation et demandent la condamnation du prévenu à les indemniser sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Sur quoi,

Attendu que Patrick L est poursuivi pour avoir effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur la réalité des prix pratiqués et donc sur la valeur vénale des salons exposés à la vente.

Attendu que les agents de la DGCCRF qui ont relevé les prix affichés sur les [salons] exposés à la vente n'ont relevé l'existence d'aucune autre annonce et en particulier aucune concernant des rabais qui seraient systématiquement accordés, seul l'examen des bons de commandes révélant cette pratique.

Attendu qu'il résulte à l'évidence que l'affichage de prix de vente incontestablement excessifs sinon majorés suivi de l'octroi de rabais vertigineux constitue une pratique commerciale critiquable parce que manipulatrice de la clientèle forcément ignorante de l'adéquation d'un prix à un meuble dont elle ne peut connaître verbalement la qualité.

Attendu cependant que le seul fait d'afficher un prix a fortiori majoré et alors qu'il ne s'accompagne d'aucune autre circonstance ou mention ne constitue pas une publicité au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation, que celle-ci doit s'entendre d'une communication à autrui par tout mode ou toute forme mais dans le but de promouvoir la fourniture d'un bien ou d'un service; et l'affichage d'un prix élevé s'il est informatif n'est pas spécialement incitatif.

Attendu en définitiveque si les clients ont été trompés sur la réalité des rabais qui leur étaient consentis alors que les bons de commandes portent le report du prix affiché barré, l'autorisation spéciale ou exceptionnelle de la direction, de la mention prix atelier, ils ne l'ont pas été par l'effet d'une opération publicitaire mais par celui d'une habile manipulation psychologique.

Attendu en effet que la liberté des prix et le marchandage ne sont pas prohibés par la loidans le régime économique actuel et que rien n'interdit à un commerçant de vendre une marchandise à un prix inférieur à celui qui était initialement porté sur l'étiquette, même si la différence est importante entre prix affiché et prix pratiqué, différences qui à elles seules ne peuvent constituer allégation, indication ou présentation fausses ou de nature à induire en erreur sur le montant du prix de référence de meubles affichés en magasin et repris, mais en prix barrés, sur les bons de commandes établis au nom du client.

Attendu qu'il convient en conséquence vu l'article 470 du Code de procédure pénale réformant le jugement dont appel de déclarer le délit non constitué et de renvoyer Patrick L des fins de la poursuite.

Attendu que par voie de conséquence les parties civiles seront déboutées de leurs demandes.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, l'arrêt devant être signifié à l'Union fédérale des consommateurs de Colomiers Ouest et en dernier ressort, Reçoit Patrick L et le Ministère Public en leur appel d'un jugement rendu le 3 février 1997 par le Tribunal correctionnel de Toulouse. Réforme cette décision et renvoie Patrick L des fins de la poursuite sans peine ni dépens. Déboute la Fédération des familles de France, l'Union fédérales des consommateurs de Toulouse, l'Union fédérale des consommateurs de Colomiers Ouest, l'Union féminine civique et sociale de leurs demandes.