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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 17 juin 1997, n° 97-00020

PARIS

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Éditions Neressis

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Petit

Conseillers :

MM. Guilbaud, Paris

Avocats :

Mes Charrière Bournazel, Benatar

TGI Paris, 31e ch., du 6 nov. 1996

6 novembre 1996

Rappel de la procédure :

La prévention :

K Jean-Philippe

R Stéphane

Sont poursuivis pour avoir à Paris courant 1992-1993, diffusé une publicité comportant des allégations fausses ou de nature à induire en erreur sur l'existence, la composition, les qualités substantielles, la quantité de biens ou services et la portée des engagements pris par l'annonceur en indiquant faussement que le journal " Y " désormais intitulé " Z " proposait 10 000 ou 8 000 annonces en laissant croire que sa parution était hebdomadaire, la publicité proposant au client une annonce pendant huit semaines, lesdits faits ayant été commis en état de récidive légale (pour R - CA Paris, 13 décembre 1989 et pour K - TGI Paris, 8 juillet 1992),

Le jugement :

Le tribunal a déclaré

K Jean-Philippe

R Stéphane

coupables de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, de 1992 à 1993, à Paris, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 alinéa 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 213-1 du Code de la consommation,

Et, par application des ces articles, a condamné

K Jean-Philippe à 30 000 F d'amende,

R Stéphane à 30 000 F d'amende,

a ordonné la publication de la décision par extraits aux frais des prévenus dans la revue " Z " en page 2 de couverture sans que le coût de l'insertion ne dépasse 15 000 F ;

les a condamnés solidairement à payer à la société SA Editions Neressis, partie civile, la somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts et chacun d'eux 3 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du CPP,

a débouté la partie civile du surplus de ses demandes,

a dit que cette décision est assujettie à un droit fixe de procédure de 600 F dont est redevable chaque condamné.

Les appels :

Appel a été interjeté par :

- M. le Procureur de la République, le 8 novembre 1996 contre M. K Jean-Philippe, M. R Stéphane,

- M. R Stéphane, le 8 novembre 1996 contre Editions Neressis,

- M. K Jean-Philippe, le 8 novembre 1996 contre Editions Neressis,

- les Editions Neressis, le 19 novembre 1996 contre M. K Jean-Philippe, M. R Stéphane.

Décision :

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels relevés par les prévenus, le Ministère public et la partie civile à l'encontre du jugement précité auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits et de la prévention ;

Par voie de conclusions conjointes, Stéphane R et Jean-Philippe K demandent à la cour, par infirmation, de :

- les relaxer des fins de la poursuite,

- déclarer irrecevable la partie civile,

et subsidiairement,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a ordonné la publication de la décision.

Ils font essentiellement valoir que :

- le délit poursuivi n'est constitué ni au regard de l'indication du nombre d'annonces publiées ni au regard de la périodicité de la parution,

- M. K n'était plus, à l'époque des faits, l'un des représentants légaux de la société X même si la notification des inscriptions au Registre du Commerce n'avait pas encore été effectuée en ce sens,

- les éditions Neressis ne peuvent pas avoir souffert personnellement un dommage directement causé par l'infraction,

- la publication de la décision à intervenir est inopportune puisque toutes les mentions litigieuses sont désormais expurgées des numéros actuels du journal " Z " et qu'une telle mesure porterait un préjudice irréparable à la société X ;

M. l'avocat général - qui estime les faits établis à l'encontre des deux prévenus - requiert de la cour la confirmation de la décision entreprise, tout en s'en remettant à son appréciation sur les modalités de la mesure de publication.

Par voie de conclusions, la partie civile, qui reprend intégralement l'argumentation par elle développée dans ses écritures de première instance et s'estime insuffisamment indemnisée de son préjudice, demande à la cour, par infirmation, de :

- condamner solidairement les prévenus à lui verser la somme de 400 000 F à titre de dommages-intérêts,

- les condamner en outre, au paiement de celle de 30 000 F pour frais irrépétibles ;

Elle fait plus particulièrement observer que les témoignages versés aux débats par les éditions Neressis, démontrent que des annonceurs ont été détournés de sa clientèle et que même si seulement quatre des annonceurs ont pris la peine de lui écrire, la large diffusion de la publicité incriminée auprès de 300 000 destinataires constitue l'élément qui prouve l'important impact nocif dont elle a souffert ;

Sur l'action publique :

Considérant que c'est par des motifs pertinents que la cour fait siens et par une juste appréciation des faits et circonstances particulières de la cause, exactement rapportés dans la décision attaquée, que les premiers juges ont, à bon droit, déclaré Jean-Philippe K et Stéphane R coupables de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, sans toutefois retenir l'état de récidive légale initialement visé à la prévention à l'encontre de ces deux prévenus ;

Que la cour observe pour sa part que Jean-Philippe K ne peut utilement faire plaider sa mise hors de cause dans la mesure où il était, lors des faits incriminés - non seulement gérant de droit de la SARL X mais aussi codirecteur de la publication ;

Que la cour relève par ailleurs que les prévenus reconnaissent dans leurs propres écritures, que " le nombre d'annonces indiqué était effectivement erroné ";

Qu'il leur appartenait, dès lors, en leur qualité de dirigeants de la société X et d'annonceurs, de s'assurer personnellement que la publicité concernée était exempte de tout élément de nature à induire en erreur, ce qu'ils ont manifestement omis de faire;

Considérant que la cour confirmera le jugement entrepris sur les déclarations de culpabilité et sur les peines d'amende prononcées qui constituent une juste application de la loi pénale, parfaitement adaptée à la relative gravité des agissements poursuivis et à la personnalité de chaque prévenu ;

Que la cour en revanche, modifiera, ainsi que précisé au dispositif, les modalités de la mesure de publication ordonnée, afin de mieux tenir compte des circonstances particulières de l'espèce ;

Sur l'action civile :

Sur la recevabilité de la constitution de partie civile de la société Editions Neressis :

Considérant qu'en matière de publicité trompeuse, le droit de se constituer partie civile n'est pas réservé au consommateur mais appartient également au professionnel concurrent qui a subi un préjudice découlant des faits objets de la poursuite ;

Qu'en l'espèce, la société Editions Neressis a nécessairement subi un préjudice résultant directement de l'infraction;

Que la cour confirmera dès lors le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile de la SA Editions Neressis ;

Sur le montant des dommages-intérêts alloués à la partie civile :

Considérant que la cour ne trouve pas motif à modifier la décision critiquée qui a fait une équitable appréciation du préjudice subi par la société Editions Neressis et découlant directement de l'infraction ;

Considérant que le jugement sera confirmé sur les intérêts civils ;

Qu'y ajoutant, la cour condamnera Jean-Philippe K et Stéphane R à verser à la partie civile, chacun la somme supplémentaire de 2 000 F pour frais irrépétibles en cause d'appel ;

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges qu'elle adopte expressément, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement à l'égard des prévenus et de la partie civile, Rejette les conclusions de relaxe des prévenus, Confirme le jugement dont appel sur les déclarations de culpabilité, les peines d'amendes et les intérêts civils, Le modifie sur les modalités de la mesure de publication de la décision, Ordonne à l'encontre de Jean-Philippe K et de Stéphane R la publication, par extraits, du présent arrêt dans le journal " France Soir " sans que le coût de l'insertion ne dépasse 15 000 F, Condamne Jean-Philippe K et Stéphane R à verser à la partie civile, la somme supplémentaire de 2 000 F au titre de l'article 475-1 du CPP, Rejette toutes conclusions plus amples ou contraires, Dit que cette décision est assujettie au droit fixe de procédure de 800 F dont est redevable chaque condamné.