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Décisions

CA Nîmes, ch. corr., 11 septembre 1997, n° 824

NÎMES

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Bouchet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Goedert

Conseillers :

M. Filhouse, Mme Jean

Avocats :

Mes Brun, Buravan.

TGI Nîmes, ch. corr., du 7 janv. 1997

7 janvier 1997

Vu le jugement rendu par le Tribunal correctionnel de Nîmes le 7 janvier 1997, qui statuant contradictoirement déclare le prévenu coupable d'avoir à Bernis, le 16 janvier 1996, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur,

Et, en répression, l'a condamné à la peine de 50 000 F d'amende.

Ordonne la publication du dispositif du présent jugement dans le journal " Midi Libre " dont le coût de l'insertion ne pourra excéder la somme de 5 000 F. L'a condamné au droit fixe de procédure,

Le tout par application des articles :

Articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 alinéa 1 du Code de la consommation, Articles L. 121-6, L. 213-1 du Code de la consommation.

Et des articles 473 et suivants du Code de [procédure pénale] ;

Sur l'action civile :

Reçoit la constitution de partie civile de M. Bouchet.

Lui alloue somme de 15 000 F pour son préjudice relatif à la perte de loyers et celle de 5 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Déboute M. Bouchet de ses autres demandes.

Vu les appels interjetés par la partie civile le 14 janvier 1997, le prévenu le 17 janvier 1997 et le Ministère Public le 20 janvier 1997,

Vu les citations données aux parties les 20 mars et 15 avril 1997 à la requête de M. le Procureur général près la cour de céans, à l'effet de comparaître à l'audience du 12 juin 1997 pour voir statuer sur lesdits appels ;

Sur ce :

En la forme :

Attendu que les appels interjetés dans les forme et délai légaux sont réguliers et recevables ;

Au fond :

Au soutien de son appel, Jean-Paul Bouchet sollicite la réformation du jugement déféré et l'allocation d'une somme de 178 000 F au titre du surcoût supporté lors de l'acquisition des deux studios, outre une somme de 117 789,36 F au titre des intérêts des emprunts et 30 000 F au titre de la perte de loyers. Il demande l'allocation d'une somme de 20 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Il fait valoir pour l'essentiel que la garantie des loyers justifiait à l'époque de l'achat une majoration des prix des studios par rapport au prix du marché ; qu'il produit un rapport d'expertise immobilière établissant que la valeur des studios à la date d'achat était de 187 000 F par studio alors que le prix a été fixé à 276 000 F ; que cette garantie a été la cause déterminante de son engagement contractuel ; qu'il a été trompé par les informations diffusées par la société X sur un profit surévalué et une garantie inexistante ; qu'il a dû assumer le surcoût de prix ; qu'il a contracté un prêt pour financer ces acquisitions assorti d'intérêts qui auraient dû être inférieurs de 117 789,30 F ; que les pertes de loyers indemnisées par le tribunal s'élèvent à une somme supérieure, l'un de ses locataires devant quitter le studio au 31 juillet 1997 ;

Jean-Claude S conclut à sa relaxe et, subsidiairement, au débouté des demandes de la partie civile. Il soutient en substance que :

- la société X n'était pas chargée de la vente mais de la commercialisation des appartements,

- elle n'était pas le vendeur,

- elle est intervenue comme intermédiaire,

- la fixation du prix l'a été par le vendeur et l'acheteur indépendamment de la société X,

- les loyers de 1994 et 1995 ont été indemnisés,

- la garantie de loyers n'était accordée que pour un an avec tacite reconduction,

- il appartenait à M. Bouchet de souscrire une assurance perte de loyers ou non-location,

- s'il y a eu surévaluation du prix de vente, il appartient à l'acheteur d'agir sur le terrain civil par la voie de l'action en révision pour lésion,

- la formulation utilisée par la société X dans les documents publicitaires est la reproduction servile des dispositions figurant dans le dossier élaboré par le promoteur,

- l'élément annoncé n'était pas erroné puisque M. Bouchet a été indemnisé en 1994 et 1995,

- il n'apparaît pas que la garantie ait eu un caractère indéterminé alors que l'appréciation du message et de la qualité du destinataire doit être faite in concreto.

Sur ce,

Sur l'action publique :

Attendu que les premiers juges ont donné un exposé précis et complet des faits de la cause auquel la cour se reporte expressément ;

Attendu qu'il est constant et non contesté que la société X est à l'origine de la réalisation du document publicitaire rédigé à son entête et remis à M. Bouchet au cours de la séance d'information organisée par le mandataire de cette société ; que cet écrit mentionnait les avantages liés à l'acquisition des appartements proposés à la vente et notamment la garantie de loyer et la défiscalisation ; que le bénéfice de ces mesures a déterminé M. Bouchet à acquérir les deux studios :

Attendu que ce document, accompagné de celui concernant le résumé des garanties, faisant état d'une durée du contrat annuelle avec tacite reconduction sur une durée de 5 ans, même en cas de résiliation par l'assureur, était de nature à induire en erreur l'acheteur potentiel dans la mesure où il mentionnait les prises en charge par l'assureur et que, remis en personne par le représentant de la société X à J-P Bouchet, et paraphé par lui, il accréditait dans l'esprit de celui-ci l'acquisition du bénéfice de ces garanties locatives ; qu'ayant contracté en août 1993, M. Bouchet ne pouvait bénéficier de cette clause jouant seulement en cas d'achèvement avant le 15 septembre 1992, ainsi que l'ont justement relevé les premiers juges ;

Que le prévenu ne peut valablement soutenir qu'il n'y avait pas de risque de confusion tenant [sic] le contenu du message et la personnalité de M. Bouchet, alors qu'en 1994, la publicité a été interprétée dans le sens de l'application des garanties au profit de ce dernier, puisqu'il a été indemnisé des carences locatives pour juillet et août ;

Que J-P Bouchet s'est vu refuser le règlement des loyers à partir de 1995 ; que Y, représentant de la société X, a précisé dans ses déclarations que la garantie de loyer mentionnée sur la documentation remise aux clients était un argument important de vente ;

Que la confusion créée dans l'esprit de J-P Bouchet, simple particulier, non professionnel de la vente ni des transactions immobilières, est d'autant plus établie que jusqu'à la signature de l'acte de vente, la date d'achèvement des travaux n'était pas connue de lui, comme mis en exergue dans le procès-verbal dressé par la Direction de la Concurrence et de la Consommation ;

Attendu que les premiers juges ont encore à juste titre retenu que le document réalisé par la société X avec les mentions expresses " garantie de loyer " et " loyer garanti " en date du 1er janvier 1993, faisait donc état d'une allégation fausse, la garantie de non location n'étant acquise que jusqu'au 15 septembre 1992 ;que cette prestation a été prise en considération essentielle par J-P Bouchet dans sa décision d'achat, persuadé de pouvoir même en cas de carence locative, amortir son investissement ;que contrairement aux assertions du prévenu, la prise en charge des loyers n'a pas eu lieu en 1995 ;que ce fait est précisément à l'origine de la découverte par J-P Bouchet de l'inexistence de la garantie mentionnée dans la publicité ;

Attendu que la mauvaise foi n'est pas un élément constitutif du délit de publicité de nature à induire en erreur ;qu'une faute d'imprudence ou de négligence de l'annonceur peut être retenue ;qu'il appartenait en l'espèce à S Jean-Claude en sa qualité de dirigeant de la société X de vérifier la sincérité et la véracité des messages publicitaires avant d'assurer leur diffusion ;qu'il ne peut donc se retrancher derrière une responsabilité de promoteur alors qu'il a sans précaution ni négligence personnelle fait rédiger et diffuser le document publicitaire annonçant la " garantie des loyers " et " le loyer garanti " ;

Attendu que c'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont retenu S Jean-Claude dans les liens de la prévention, l'infraction prévue par l'article L. 121-1 du Code de la consommation étant caractérisée dans tous ses éléments ;

Attendu que la peine prononcée est adaptée à la gravité des faits et à la personnalité du prévenu ; que la mesure de publication prévue par l'article L. 121-4 du Code de la consommation est opportune ; que le jugement déféré doit donc être confirmé dans toutes ses dispositions pénales ;

Sur l'action civile :

Attendu que les premiers juges ont à bon droit reçu la constitution de partie civile de Jean-Paul Bouchet, victime de l'infraction imputable à Jean-Claude S ;

Attendu que les pertes de loyers pour les années 1995 et 1996 résultent directement des faits ; qu'elles ont justement été évaluées à 15 000 F ; que la perte pour 1997 n'est qu'éventuelle et ne présente pas le caractère de certitude nécessaire à l'indemnisation ; qu'en effet, si le départ du locataire de l'un des deux studios acquis par J.P Bouchet est démontré, rien n'établit que cet appartement ne sera pas loué à nouveau immédiatement ; que ce chef de demande a, à juste titre, été rejeté ;

Attendu que les premiers juges ont débouté la partie civile de ses demandes concernant la surélévation du prix des studios au titre de laquelle il était réclamé la somme de 100 000 F, et le remboursement des intérêts des prêts ;

Attendu que s'agissant du premier chef de ces prétentions, le tribunal correctionnel a retenu que le surcoût n'était pas établi et que ce préjudice ne découlait pas directement de l'infraction reprochée ;

Attendu cependant qu'il ressort des énonciations du procès-verbal du 7 mai 1996 comme des pièces afférentes aux studios acquis et des renseignements contenus dans l'expertise diligentée par M. Auvergne à la demande de J.P Bouchet, qui, bien qu'officieuse, a été soumise au débat contradictoire ; que le prix de vente de chaque studio a été surévalué par rapport au prix du marché à la date de l'opération, en raison des avantages de défiscalisation et de garantie de loyer, principal argument de vente ; qu'en effet, l'investisseur a le souci de sauvegarder la rentabilité d'avantages fiscaux qui, à eux seuls, seraient trop onéreux pour justifier le surcoût du prix d'acquisition ;

Attendu que si J.C S n'est pas le vendeur de J.P Bouchet, l'infraction de publicité mensongère par lui commise a concouru à la réalisation de la vente au prix surévalué dans la mesure où J.P Bouchet, induit en erreur par la publicité incriminée, sur l'existence de la garantie de loyers et l'assurance de rentabiliser en permanence son investissement, a été déterminé à contracter ; que la société X chargée de prospecter les clients est intervenue pour la signature du contrat de réservation remis par son représentant à J.P Bouchet, comme les documents publicitaires mentionnant la garantie inexistante ; que le préjudice subi par J.P Bouchet du chef du surcoût payé pour les deux studios s'avère dès lors, au moins pour partie, résulter directement de l'infraction de publicité mensongère ; que la cour possède dans les pièces de la cause les données suffisantes pour évaluer à 80 000 F l'indemnité réparatrice de ce chef de dommage, tenant compte de la défiscalisation entrée aussi en ligne de compte dans la majoration du prix au regard de ceux du marché et distincte de l'infraction ;

Attendu en revanche que les intérêts des emprunts contractés par J.P Bouchet n'ont pas de lien direct avec l'infraction dont ils ne découlent pas ; que la partie civile sera donc déboutée de ce chef de demande ;

Attendu en définitive que le préjudice global de J.P Bouchet directement causé par l'infraction doit être évalué à la somme de 95 000 F ; que le jugement déféré sera réformé de ce seul chef ; que le surplus des demandes sera rejeté ;

Attendu que l'équité commande d'allouer à la partie civile la somme de 5 000 F au titre des frais irrépétibles par elle exposés en cause d'appel.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant par arrêt contradictoire, En la forme : dit les appels recevables ; Au fond : Sur l'action publique : Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions pénales. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable le prévenu. Dit que la contrainte par corps, s'il échet, s'exercera conformément aux dispositions des articles 749 et 750 du Code de procédure pénale. Sur l'action civile : Confirme la décision entreprise en ce qu'elle a reçu la constitution de partie civile de J.P Bouchet. Le réforme du seul chef du quantum de la réparation. Et, statuant à nouveau sur ce point, Condamne Jean-Claude S à payer à J.P Bouchet la somme de 95 000 F à titre de dommages-intérêts. Rejette le surplus des demandes de la partie civile. Condamne J.C S à payer en sus de la somme allouée de ce chef par les premiers juges une indemnité complémentaire de 5 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale. Condamne le prévenu aux dépens de l'action civile.